Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 novembre 2020, 20-82.114, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 4 nov. 2020, n° 20-82.114
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-82.114
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 9 mars 2020
Textes appliqués :
Article 113-2 du code pénal.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042524847
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:CR02193
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Sur les parties

Texte intégral

N° T 20-82.114 FS-D

N° 2193

CK

4 NOVEMBRE 2020

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 4 NOVEMBRE 2020

M. H… F… a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 7e section, en date du 10 mars 2020, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés, a dit n’y avoir lieu à annulation d’actes ou de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 22 juin 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l’examen immédiat du pourvoi.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. H… F…, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de E… F…, O… F… et les conclusions de M. Valat, avocat général,après débats en l’audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, M. Guéry, Mmes Sudre, Issenjou, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Valat, avocat général, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. En novembre 2018, une enquête préliminaire a été ouverte après les révélations faites par l’un des enfants de M. H… F…, dénonçant des viols commis par ce dernier sur ses deux filles aînées.

3. O… F…, née le […] , a confirmé que son père lui avait fait subir des relations sexuelles dès l’âge de neuf ans, en Angleterre. Les faits s’étaient poursuivis en France et en Allemagne.

4. E… F…, née le […] , a indiqué qu’elle avait huit ans lorsque, en Angleterre, son père avait essayé de la pénétrer pour la première fois. De 2009 à 2015, il avait continué de la violer, puis, après sa sortie de prison, en 2015 et jusqu’au 11 janvier 2017, en France, où la famille s’était installée en décembre 2015.

5. Les profils génétiques de M. H… F…, de sa fille E… et de M… F…, fils de E…, né en […], ont été prélevés. Le rapport d’identification génétique a conclu que M… était le fils de M. H… F….

6. Le 14 mars 2019, une information a été ouverte contre M. F…, mis en examen pour des faits de viols et d’agressions sexuelles commis sur E… et O… F… entre le 1er janvier 2009 et le 10 septembre 2018, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne.

7. L’avocat de M. F… a saisi la chambre de l’instruction d’une demande d’annulation d’actes et pièces de la procédure.

Examen de la recevabilité du mémoire personnel

8. Le mémoire déposé après expiration du délai de dix jours prévu par l’article 584 du code de procédure pénale est déclaré irrecevable.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté la requête en nullité de procédure présentée par M. F… et a dit n’y avoir lieu à annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure et constaté la régularité de la procédure pour le surplus et ce jusqu’à la cote D121 incluse, alors :

« 1°/ que tout acte d’enquête susceptible de causer grief doit faire l’objet d’un procès-verbal pour permettre au juge d’en contrôler la légalité ; qu’il en va ainsi des opérations de prélèvements corporels préalables à la réalisation d’examens techniques et scientifiques ; qu’en retenant le contraire, pour rejeter le moyen de nullité soulevé par M. H… F… tiré de l’absence, au dossier de la procédure, de procès-verbal relatant les conditions dans lesquelles le prélèvement du matériel génétique de M… F… aurait été effectué et ensuite conservé, la chambre de l’instruction a méconnu les articles D. 10, D. 11, D. 15-5-1, 429, 55-1, 76-2, 706-54 et 802 du code de procédure pénale ;

2°/ en toute hypothèse, que la réalisation d’un prélèvement corporel sur une personne mineure, en vue de la réalisation d’examens techniques et scientifiques, doit être précédé de son consentement et de celui de ses représentants légaux ; que la preuve de ce consentement ne peut être présumée et doit être établie par procès-verbal ; qu’en refusant d’annuler les tests génétiques pratiqués sur les prélèvements sanguins attribués à M. H… F…, après avoir constaté que ces prélèvements n’avaient fait l’objet d’aucun procès-verbal de sorte que son consentement et celui de ses représentants légaux pour cette opération n’était pas établi, la chambre de l’instruction a méconnu les articles D. 10, D. 11, D. 15-5-1, 429, 55-1, 76-2, 706-54 et 802 du code de procédure pénale, ensemble l’article 3 de la convention internationale sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989. »

Réponse de la Cour

10. Pour écarter le moyen de nullité pris de l’irrégularité du prélèvement biologique effectué sur M… F…, l’arrêt attaqué énonce qu’il résulte de la procédure que seuls les procès-verbaux en date des 28 janvier 2019 et 14 février 2019 indiquent en substance qu’un fonctionnaire de police chargé de l’enquête a procédé aux prélèvements, d’abord sur les six enfants F…, puis sur M. H… F…, sans qu’il soit fait état des conditions dans lesquelles a été effectué celui réalisé sur M… F….

11. Les juges ajoutent que ni les articles 55-1 et 76-2 ni l’article 706-54 du code de procédure pénale n’imposent à l’officier de police judiciaire qui procède ou fait procéder sous son contrôle à un prélèvement ADN, l’établissement d’un tel procès-verbal relatant les conditions dans lesquelles les prélèvements ont été opérés.

12. C’est à tort que l’arrêt statue par référence aux articles susvisés, qui ne trouvent pas à s’appliquer dans le cas du prélèvement effectué sur un enfant de vingt-huit mois, tiers à la procédure.

13. L’arrêt n’encourt cependant pas la censure.

14. En l’espèce, en premier lieu, le procès-verbal de synthèse fait état du prélèvement réalisé sur M… F… sur instructions du procureur de la République par un officier de police judiciaire qui a établi la réquisition aux fins d’examen de comparaison et de prélèvement.

15. En second lieu le demandeur, qui n’est pas titulaire de l’autorité parentale sur le jeune M…, ne peut se prévaloir de l’absence de pièce constatant le consentement du représentant légal du mineur.

16. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

17. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté la requête en nullité de procédure présentée par M. F… et a dit n’y avoir lieu à annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure et constaté la régularité de la procédure pour le surplus et ce jusqu’à la cote D121 incluse, alors « que la juridiction française n’est compétente pour connaître des faits commis à l’étranger par un étranger sur une victime étrangère que s’ils forment un tout indivisible avec des infractions qui lui sont imputées en France ; que l’indivisibilité entre les éléments d’une prévention suppose qu’ils soient dans un rapport mutuel de dépendance et rattachés entre eux par un lien tellement intime que l’existence des uns ne se comprendrait pas sans l’existence des autres ; que les infractions sexuelles répétées au sein d’une même cellule familiale ne sont pas, malgré leurs caractères habituel ou non discontinu, unies par un lien d’indivisibilité mais par un lien de connexité qui ne suffit pas à fonder la compétence de la loi pénale française ; qu’en retenant le contraire, pour dire que les infractions sexuelles reprochées à M. F… à l’étranger relevaient de la loi pénale française, la chambre de l’instruction a méconnu les articles 113-2, 113-6 et 113-7 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 113-2 du code pénal :

18. Selon ce texte, la loi pénale française est applicable à une infraction commise par une personne de nationalité étrangère à l’encontre d’une victime de nationalité étrangère lorsque cette infraction ou l’un de ses faits constitutifs est commis sur le territoire de la République. Il en est de même lorsque l’infraction est commise à l’étranger, dans le seul cas où il existe un lien d’indivisibilité entre cette infraction et une autre commise sur le territoire de la République, les faits étant indivisibles lorsqu’ils sont rattachés entre eux par un lien tel que l’existence des uns ne se comprendrait pas sans l’existence des autres.

19. Pour écarter le moyen de nullité tiré de l’incompétence des juridictions françaises, s’agissant de faits qu’aurait commis à l’étranger un ressortissant étranger sur des victimes de nationalité étrangère, l’arrêt attaqué retient en substance qu’ils impliquent exclusivement le demandeur et deux de ses filles.

20. Les juges ajoutent que ces actes ont été commis de manière répétée et continue, au gré des déplacements de la cellule familiale en Angleterre, en France et en Allemagne.

21. Ils en concluent que les faits sont révélateurs d’une action unique consistant à abuser sexuellement, de manière répétée, habituelle et sans discontinuité, des mêmes enfants, là où ils se trouvent, et sont rattachés entre eux, non par un lien de connexité, mais bien par un lien d’indivisibilité et qu’ils ne peuvent être appréhendés isolément tels qu’ils ont été dénoncés, apparaissant ainsi constituer un tout indivisible.

22. En se déterminant ainsi, d’une part, au visa d’un motif erroné et inopérant tiré de ce que les faits poursuivis relèveraient d’une action unique, d’autre part, à l’égard de faits qui présentent entre eux des caractères analogues à ceux que revêt la connexité, mais peuvent être envisagés indépendamment, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

23. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris susvisé, en date du 10 mars 2020, mais en ses seules dispositions ayant trait au moyen soulevé de l’incompétence de la juridiction française pour connaître des faits commis en Angleterre et en Allemagne, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente septembre deux mille vingt.

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Textes cités dans la décision

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