Cour de cassation, Chambre criminelle, 6 janvier 2021, n° 20-80.483

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 6 janv. 2021, n° 20-80.483
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-80.483

Texte intégral

No V 20-80.483 F-D No 00054

SM12 6 JANVIER 2021

CASSATION

M. SOULARD président,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 JANVIER 2021

M. A Z, partie civile, a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 6e section, en date du 12 décembre 2019, qui a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction refusant d’informer sur sa plainte des chefs de faux, usage de faux, escroquerie et abus de confiance.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. A Z, et les conclusions de M. X, avocat général, après débats en l’audience publique du 25 novembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. A Z a déposé plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée auprès du doyen des juges d’instruction des chefs de contrefaçon de chèque, usage de chèque falsifié, escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux.

3. Il a exposé avoir signé un contrat de collaborateur chirurgien-dentiste avec la société R.Y, le 1er février 2012, stipulant qu’en contrepartie de la mise à disposition des locaux et des moyens matériels lui permettant l’exercice de sa profession, il verserait mensuellement une quotité fixée à 60 % des honoraires perçus.

4. Il a indiqué avoir émis, en paiement de cette rétrocession d’honoraires, plusieurs chèques dont le bénéficiaire avait été laissé en blanc, à la demande expresse du docteur Y ou de son assistante.

5. M. Z a par la suite fait l’objet d’un redressement fondé sur le fait que quarante-deux chèques établis entre avril 2012 et décembre 2013, n’avaient pas été encaissés par la société Y.

6. Il a produit une expertise privée concluant que la mention des bénéficiaires de ces chèques n’était pas de sa main.

7. Par ordonnance du 3 août 2018, le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de refus d’informer, estimant, conformément aux réquisitions du procureur de la République, les faits prescrits et non constitués.

8. M. Z a formé appel de cette décision.

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé l’ordonnance de refus d’informer sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. A Z, alors :

« 1o/ qu’en retenant, pour juger que les faits relatés dans la plainte déposée par l’exposant ne pouvaient revêtir aucune qualification pénale, que « l’action consistant à porter un ordre sur un chèque « en blanc », c’est-à-dire volontairement laissé sans ordre et remis en paiement, ne constitue pas une falsification ou une contrefaçon de chèque, de telle sorte que l’usage du chèque après que l’ordre [a] été porté n’est pas en soi une infraction »,

quand elle constatait pourtant que l’ordre des chèques litigieux, qui devaient bénéficier à la Selarl R. Y, avait « été rempli au nom d’autres personnes », ce dont il résultait que les faits étaient susceptibles d’admettre la qualification de falsification intellectuelle, la chambre de l’instruction a violé l’article L. 163-3 1o du code monétaire et financier, ensemble l’article 86 alinéa 4 du code de procédure pénale ;

2o/ qu’en retenant, pour juger que les faits relatés dans la plainte déposée par l’exposant ne pouvaient revêtir aucune qualification pénale, que « le délit d’abus de confiance suppose que l’objet du détournement ait été remis à titre précaire et ne peut être constitué en l’espèce, dès lors que les chèques litigieux ont été remis à la Selarl Y à titre de paiement, et non à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé », bien qu’elle ait elle-même constaté que les chèques avaient précisément fait l’objet d’un autre usage que le paiement de la Selarl R. Y auquel ils étaient destinés, la chambre de l’instruction, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 314-1 du code pénal et 86 alinéa 4 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 163-3, 1odu code monétaire et financier, 314-1 du code pénal, 85, 86 et 593 du code de procédure pénale :

10. Il se déduit du premier de ces textes que constitue une contrefaçon ou une falsification de chèque toute altération de la vérité dans ce titre.

11. Aux termes du deuxième, l’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.

12. Selon les troisième et quatrième, la juridiction d’instruction régulièrement saisie d’une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d’instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public, cette obligation ne cessant, que si, pour des causes affectant l’action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale.

13. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

14. Pour confirmer l’ordonnance de refus d’informer, l’arrêt attaqué énonce qu’à supposer démontré que les chèques dont l’ordre avait été laissé en blanc aient été remplis et encaissés par des tiers, ces faits ne constitueraient pas une infraction pénale, dès lors que l’action consistant à porter un ordre sur un chèque « en blanc », c’est-à-dire volontairement laissé sans ordre et remis en paiement, ne constitue pas une falsification ou une contrefaçon de chèque, de telle sorte que l’usage du chèque après que l’ordre a été porté n’est pas en soi une infraction.

15. Il retient que cette action ne constitue pas non plus un faux en écriture privée, ni l’encaissement un usage de faux, l’auteur du chèque, en le laissant volontairement sans ordre, ayant accepté que l’ordre soit porté ultérieurement et le chèque encaissé par n’importe quel bénéficiaire.

16. Les juges ajoutent que le délit d’abus de confiance supposant que l’objet du détournement ait été remis à titre précaire, ne peut être constitué en l’espèce dès lors que les chèques litigieux ont été remis à la société Y à titre de paiement, et non à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.

17. En prononçant ainsi, sans avoir vérifié par une information préalable la réalité des faits allégués, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

18. En effet, d’une part l’apposition par le porteur de chèques sans mention d’ordre d’un nom autre que celui de la personne à laquelle le tireur destinait le chèque est susceptible de caractériser le délit de falsification de chèque prévu par l’article L. 163-3, 1o du code monétaire et financier.

19. D’autre part, l’encaissement au profit d’autres bénéficiaires de chèques remis en vu de réaliser un paiement déterminé est susceptible de caractériser le délit d’abus de confiance prévu par l’article 314-1 du code pénal.

20. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, en date du 12 décembre 2019, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six janvier deux mille vingt et un.

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