Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 juin 2021, 19-13.733, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 30 juin 2021, n° 19-13.733
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-13.733
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 14 janvier 2019, N° 17/05597
Textes appliqués :
Article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043759800
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CO00581
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

DB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 30 juin 2021

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 581 F-D

Pourvoi n° V 19-13.733

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 JUIN 2021

1°/ la société MMA IARD, société anonyme,

2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1] et venant aux droits de la société Covea Risks,

3°/ la société B2F, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° V 19-13.733 contre l’arrêt rendu le 15 janvier 2019 par la cour d’appel de Versailles (12e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [L] [R], domicilié [Adresse 3],

2°/ à M. [W] [S], domicilié [Adresse 4],

3°/ à M. [X] [E], domicilié [Adresse 5],

4°/ à M. [I] [A], domicilié [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat des sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et B2F, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de MM. [R], [S], [E] et [A], après débats en l’audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 15 janvier 2019), entre avril et août 2009, MM. [R], [S], [E] et [A] (les investisseurs) ont apporté à des sociétés en participation, dans le cadre d’un programme de défiscalisation conçu par la société DOM-TOM défiscalisation qui leur avait été présenté par la société B2F, des fonds destinés à l’acquisition de centrales photovoltaïques, leur installation et leur location à des sociétés d’exploitation, puis ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu, sur le fondement des dispositions de l’article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d’impôt du fait de ces investissements.

2. L’administration fiscale ayant remis en cause ces réductions d’impôt, M. [R], estimant que la société B2F avait manqué à ses obligations d’information et de conseil, l’a assignée, ainsi que son assureur, la société Covéa Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), en réparation de préjudices correspondant aux suppléments d’impôt sur le revenu et aux intérêts de retard et majorations mis à sa charge. MM. [S], [E] et [A] sont intervenus volontairement à l’instance, aux mêmes fins.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Les sociétés MMA et la société B2F font grief à l’arrêt de les condamner solidairement à payer 41 454 euros à M. [R], 22 702 euros à M. [S], 21 370 euros à M. [E] et 18 162 euros à M. [A], alors « que le paiement de l’impôt mis à la charge d’un contribuable à la suite d’une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf lorsqu’il est établi que, dûment informé, il n’aurait pas été exposé au paiement de l’impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre ; que, pour condamner la société B2F et ses assureurs de responsabilité à indemniser les investisseurs à hauteur du montant des rectifications fiscales dont ils ont fait l’objet, la cour d’appel a retenu l’existence d’un lien direct entre les manquements de la société B2F à son obligation d’information et de conseil et les rectifications fiscales, pour énoncer qu’en application du principe de la réparation intégrale les investisseurs sont bien fondés à réclamer la contrepartie des sommes redressées par l’administration fiscale ; qu’en statuant ainsi, quand le paiement de l’impôt mis à la charge des contribuables ne constituait pas à lui seul un préjudice indemnisable, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 :

4. Il résulte de ce texte que le paiement de l’impôt mis à la charge d’un contribuable à la suite d’une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf s’il est établi que, dûment informé ou dûment conseillé, il n’aurait pas été exposé au paiement de l’impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.

5. Pour condamner la société B2F et les sociétés MMA à payer aux investisseurs des sommes correspondant aux suppléments d’impôt sur le revenu et aux intérêts et majorations de retard mis à leur charge, après avoir retenu que la société B2F avait manqué à ses obligations d’information et de conseil, l’arrêt retient qu’il se déduit de ces manquements que, dès l’origine du contrat, les investisseurs ne pouvaient espérer aucune exécution de celui-ci, ce dont il résulte un lien direct entre ces manquements et les rectifications fiscales qui en sont résultées, et qu’en application du principe de la réparation intégrale, les investisseurs sont bien fondés à réclamer la contrepartie des sommes redressées par l’administration fiscale.

6. En statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions, les investisseurs se bornaient à soutenir que, si la société B2F avait satisfait à ses obligations, ils n’auraient pas réalisé les investissements litigieux, sans alléguer qu’ils auraient disposé d’une solution alternative leur permettant d’échapper au paiement de l’impôt supplémentaire mis à leur charge à la suite de la rectification fiscale, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne solidairement la société B2F et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer 41 454 euros à M. [R], 22 702 euros à M. [S], 21 370 euros à M. [E] et 18 162 euros à M. « [A] » et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 15 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne MM. [R], [S], [E] et [A] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [R], [S], [E] et [A] et les condamne à payer aux sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et B2F la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour les sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et B2F.

LE MOYEN reproche à l’arrêt attaqué condamné solidairement la société B2F et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles à payer 41 454 euros à M. [L] [R], 22 702 euros à M. [W] [S], 21 370 euros à M. [X] [E] et 18 162 euros à M. [I] [A],

AUX MOTIFS QUE « la demande des investisseurs a pour objet la réduction de l’impôt correspondant aux investissements dont ils ont été privés en raison des manquements de la société B2F, et non la base de leur revenus soumis à l’impôt ; que, d’autre part, la reconnaissance de la responsabilité de société B2F ainsi que sa garantie par ses assureurs est indépendante de celle, personnelle, du monteur de l’instrument de défiscalisation, de sorte qu’aucun obstacle de droit ne s’oppose pour les investisseurs à voir les deux condamnés, à charge pour eux de dénoncer loyalement à chacune des parties les sommes qu’ils ont pu recevoir d’elles, tout litige sur ce point relevant de la compétence du juge de l’exécution ; qu’enfin, il se déduit des manquements à l’information et au conseil retenus dans les motifs adoptés ci-dessus que, dès l’origine du contrat, les investisseurs ne pouvaient espérer aucune exécution de celui-ci, ce dont il résulte un lien direct et de la perte certaine entre les manquements et les rectifications fiscales qui en sont résultées, et qu’en application du principe de la réparation intégrale, les investisseurs sont bien fondés à réclamer la contrepartie des sommes redressées par l’administration fiscale, soit 41 454 euros pour M. [L] [R], 22 702 euros pour M. [W] [S], 21 370 euros pour M. [X] [E] et 18 162 euros pour M. [I] [A] ; que, par ailleurs, les premiers juges seront infirmés en ce qu’ils ont écarté la réparation du préjudice moral, alors que la légèreté blâmable de la société B2F a entraîné celui-ci ; qu’elle sera condamnée à verser la somme de 1 euro à chacun des investisseurs » ;

1°/ ALORS QUE le paiement de l’impôt mis à la charge d’un contribuable à la suite d’une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf lorsqu’il est établi que, dûment informé, il n’aurait pas été exposé au paiement de l’impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre ; que, pour condamner la société B2F et ses assureurs de responsabilité à indemniser les investisseurs à hauteur du montant des rectifications fiscales dont ils ont fait l’objet, la cour d’appel a retenu l’existence d’un lien direct entre les manquements de la société B2F à son obligation d’information et de conseil et les rectifications fiscales, pour énoncer qu’en application du principe de la réparation intégrale les investisseurs sont bien fondés à réclamer la contrepartie des sommes redressées par l’administration fiscale ; qu’en statuant ainsi, quand le paiement de l’impôt mis à la charge des contribuables ne constituait pas à lui seul un préjudice indemnisable, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE le caractère certain du préjudice allégué par le client d’un conseiller en investissement ne se déduit pas du manquement de ce dernier à son obligation d’information ou de conseil ; que, dans leurs écritures d’appel (concl., p. 33), la société B2F et ses assureurs ont fait valoir que les investisseurs ont reçu, en contrepartie de leur investissement, des parts dans les sociétés en participation gérées par la société DTD, dont ils sont devenus associés, et qu’ils ne peuvent invoquer un quelconque préjudice dès lors qu’ils sont titulaires de ces parts sociales et bénéficient d’une contrepartie à leur investissement ; qu’en s’abstenant de se prononcer sur ces éléments, propres à établir l’absence de préjudice subi par les investisseurs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE le caractère certain du préjudice allégué par le client d’un conseiller en investissement ne se déduit pas du manquement de ce dernier à son obligation d’information ou de conseil ; que, dans leurs écritures d’appel (concl., p. 34), la société B2F et ses assureurs ont fait valoir que les intérêts de retard acquittés par les contribuables ne constituent pas un préjudice indemnisable, de telles sommes ayant pour objet la compensation de l’érosion monétaire subie par l’administration fiscale du fait de l’absence de versement de la somme correspondant à la réduction fiscale ; qu’en s’abstenant de se prononcer sur ce point, de nature à établir l’absence de préjudice subi à ce titre par les investisseurs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE le préjudice né du manquement du conseiller en investissement à son obligation d’information et de conseil, ainsi qu’à son obligation de mise en garde, s’analyse en la perte d’une chance de ne pas contracter ; qu’en condamnant la société B2F et ses assureurs à indemniser les investisseurs à hauteur des sommes redressées par l’administration fiscale, après avoir imputé à la société B2F un manquement à son obligation d’information et de conseil, lequel était seulement à l’origine d’une perte de chance de ne pas souscrire l’investissement, dont la réparation devait être mesurée à la chance perdue et ne pouvait être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée, la cour d’appel a encore violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.

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