Cour de cassation, Chambre sociale, 3 mars 2021, 19-20.176, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 3 mars 2021, n° 19-20.176
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-20.176
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Montpellier, 28 mai 2019, N° 18/01099
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043253257
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:SO00293
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

MF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 3 mars 2021

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 293 F-D

Pourvoi n° Y 19-20.176

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021

La société Engie, société anonyme, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° Y 19-20.176 contre l’arrêt rendu le 29 mai 2019 par la cour d’appel de Montpellier (4e A, chambre sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. X… D… , domicilié […] ,

2°/ à M. T… O…, domicilié […] , pris en qualité de délégué du personnel de la société Engie, tant pour son compte personnel que pour le compte de M. X… D… ,

défendeurs à la cassation.

M. D… et M. O…, ès qualités, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l’appui de leur recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Engie, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. D… et de M. O…, ès qualités, après débats en l’audience publique du 13 janvier 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 29 mai 2019), M. D… , agent des industries électriques et gazières engagé par la société Engie en qualité de conseiller commercial affecté sur le site de Toulouse, exerçait par ailleurs divers mandats de représentant du personnel et de représentant syndical du syndicat EeFO. Soutenant ne pas avoir été intégralement payé de diverses sommes au titre des frais engagés lors de ses déplacements en dehors de son site d’affectation pour les besoins de ses mandats, il a saisi le 29 mai 2018 le bureau de jugement d’un conseil de prud’hommes en la forme des référés de diverses demandes en paiement de frais de déplacement et de dommages-intérêts pour violation du statut de représentant du personnel, discrimination et violation de l’article L. 2313-2 du code du travail relatif au droit d’alerte.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

2. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié les frais de déplacement pour les mois de janvier à août 2018 selon les modalités suivantes : pour les frais de repas, conformément aux dispositions de la PERS 793 avec application de l’indemnité de repas du barème dans le cadre d’un forfait de trois jours pour chaque déplacement, alors :

« 1°/ que selon l’article 222 de la circulaire PERS 793 du 11 août 1982, en cas de « déplacements en dehors de la zone habituelle de travail », « un agent de passage dans une localité n’ayant pas toujours la possibilité de prendre son repas à la cantine existante, soit en raison de son emploi du temps, soit par manque de place, il est admis une franchise de trois jours pendant lesquels il reçoit l’indemnité de repas figurant au barème pour sa catégorie dans la localité considérée. A partir du quatrième jour, s’il a normalement la possibilité d’accéder à la cantine, il n’est plus remboursé que sur la base du prix payé par lui à cette cantine (boisson comprise) » ; que cette franchise de trois jours pendant laquelle l’agent peut solliciter le paiement d’une indemnité forfaitaire de repas, aux lieux et place du prix du repas à la cantine, vise à permettre à l’agent qui se déplace en dehors de sa zone habituelle de travail de s’acclimater avec les lieux et, le cas échéant, de régulariser son accès à la cantine du site ; que cette franchise n’a donc plus d’objet lorsque l’agent se déplace régulièrement sur le site pourvu d’une cantine, de sorte que la franchise cesse de s’appliquer à compter du quatrième jour, consécutif ou non, de présence sur un site ; qu’en conséquence, la « Charte des bonnes pratiques en matière de déplacement des représentants du personnel » n’a pas modifié cette circulaire, mais a simplement précisé ses conditions d’application qui résultent de l’objet de cette franchise, en prévoyant que « la franchise de 3 jours avec un repas au barème le midi prévue par la PERS 793 ne peut être utilisée que lors du premier déplacement sur le site et non lorsque la destination devient régulière » ; qu’en affirmant cependant, pour dire que M. D… pouvait réclamer le paiement de l’indemnité forfaitaire de repas lors de chacun de ses déplacements en dehors de sa zone habituelle de travail dans le cadre d’un forfait de trois jours pour chaque déplacement, peu important la régularité de ses déplacements en certains lieux pourvus d’une cantine, que les dispositions du PERS 793 visent clairement chaque déplacement effectué et ne permettent pas de décompter les trois jours à partir de plusieurs déplacements successifs, la cour d’appel a violé l’article 222 de la circulaire PERS 793 du 11 août 1982 ;

2°/ qu’ un représentant du personnel ne peut pas réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu’il n’a pas exposés ; qu’en l’espèce, la société Engie faisait valoir, pour s’opposer à la demande de M. D… , tendant au paiement d’une indemnité forfaitaire de repas pour chaque journée passée en dehors du site de Toulouse, qu’il fréquente régulièrement la cantine du site de La Défense où il se rend plusieurs fois par mois pour l’exercice de ses mandats et n’expose donc pas les frais pour lesquels il sollicite le paiement d’une indemnité forfaitaire ; qu’ainsi, sur la période comprise entre le 1er janvier et fin août 2018, M. D… sollicitait le paiement d’une indemnité de repas de plus de 40 euros au titre de 13 jours au cours desquels il avait déjeuné à la cantine de ce site ; qu’en s’abstenant de rechercher si les indemnités forfaitaires dont M. D… sollicitait le paiement correspondaient réellement à des frais professionnels qu’il avait exposés, afin de limiter le cas échéant le droit du salarié au paiement d’indemnités forfaitaires pour les seuls repas qu’il n’a pas pris à la cantine ou au restaurant d’entreprise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-17, L. 2143-18, L. 2315-3, L. 2325-7 et L. 2325-9 du code du travail ;

3°/ que tout droit est susceptible de dégénérer en abus ; qu’en l’espèce, la société Engie soutenait que, sur le fondement d’une interprétation extensive des dispositions de la circulaire PERS 793, certains représentants du personnel appartenant au syndicat EeFO sollicitaient systématiquement le paiement d’une indemnité forfaitaire de repas à chaque fois qu’ils passaient la journée en dehors de leur zone habituelle de travail, même s’ils avaient en réalité déjeuné à la cantine d’entreprise pour un prix inférieur au montant de cette indemnité forfaitaire ; qu’elle justifiait ainsi qu’en 2017, tandis que le montant des demandes de remboursement de frais de repas étaient inférieures à 1 000 euros en moyenne pour 94,6 % des salariés, M. D… avait réclamé le paiement d’indemnités forfaitaires de repas pour un montant de plus de 12 200 euros ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les demandes de paiement d’indemnités forfaitaires de repas présentées par M. D… pour chacun des jours passés en dehors de son site habituel de travail en raison d’une réunion organisée par l’employeur ne présentaient pas un caractère abusif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-17, L. 2143-18, L. 2315-3, L. 2325-7 et L. 2325-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

3. Si un délégué du personnel ou un représentant du personnel ne peut être privé, du fait de l’exercice de ses mandats, du paiement d’une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire, il ne peut, en revanche, réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu’il n’a pas exposés.

4. Selon l’article 222 de la circulaire PERS n° 793 du 11 août 1982 applicable en cas de déplacement d’un agent en dehors de sa zone habituelle de travail, l’agent de passage dans une localité n’ayant pas toujours la possibilité de prendre son repas à la cantine existante, soit en raison de son emploi du temps, soit par manque de place, il est admis une franchise de trois jours pendant lesquels il reçoit l’indemnité de repas figurant au barème pour sa catégorie dans la localité considérée. A partir du quatrième jour, s’il a normalement la possibilité d’accéder à la cantine, il n’est plus remboursé que sur la base du prix payé par lui à cette cantine (boisson comprise). Il est ainsi traité à égalité avec l’agent déplacé en un lieu où il n’existe pas de cantine et qui est remboursé de la totalité de ses frais de repas par le versement de l’indemnité prévue aux barèmes.

5. Ces dispositions qui ont pour objet, nonobstant le caractère forfaitaire de l’indemnité prévue, de compenser le surcoût du repas consécutif à un déplacement effectif, visent chaque déplacement effectué.

6. C’est à bon droit que la cour d’appel, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a retenu que l’employeur n’était pas fondé à limiter l’application de la franchise de trois jours au seul premier déplacement, à décompter les trois jours à partir de plusieurs déplacements ou à exclure la franchise en cas de déplacements réguliers en un même lieu.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du statut de représentant du personnel et discrimination, alors « que dès lors que la « Charte des bonnes pratiques en matière de déplacement des représentants du personnel » se borne à préciser les conditions de prise en charge des frais liés aux déplacements définis par les circulaires PERS 285 et 793, qui résultent notamment de l’objectif de la franchise de trois jours applicable en cas de déplacement en dehors de la zone habituelle d’emploi, son édiction ne crée aucune discrimination à l’encontre des représentants du personnel ; que la cassation, qui ne manquera pas d’intervenir sur le premier moyen de cassation, entraînera la cassation du chef de l’arrêt ayant retenu l’existence d’une discrimination en application de l’article 624 du code de procédure civile.

Réponse de la Cour

9. Ce moyen est privé d’objet par le rejet du premier moyen du pourvoi principal.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

10. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’article L. 2313-2 du code du travail pour non-respect des règles régissant le fonctionnement des institutions représentatives du personnel et 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la cassation, qui ne manquera pas d’intervenir sur les premier et deuxième moyens de cassation, entraînera la cassation, par voie de dépendance nécessaire, du chef de l’arrêt ayant condamné la société Engie à payer à M. O…, délégué du personnel EeFO, la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles régissant le fonctionnement des institutions représentatives du personnel, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que si l’article L. 2313-2 du code du travail prévoit qu’en cas de dénonciation, par un délégué du personnel, d’une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale et aux libertés dans l’entreprise, l’employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué, il permet au délégué du personnel, « en cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte », de saisir aux lieu et place du salarié, si ce dernier ne s’y oppose pas, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue en la forme des référés ; que lorsque le délégué du personnel dénonce une discrimination résultant d’une mesure prise par l’employeur, ce dernier, s’il estime que cette mesure ne présente pas de caractère discriminatoire, peut, sans diligenter une enquête, s’en expliquer auprès du délégué du personnel, lequel a alors la faculté de saisir le juge prud’homal dans le cadre d’une procédure accélérée pour trancher le litige ; qu’en l’espèce, la société Engie justifiait qu’elle avait apporté au délégué du personnel qui l’avait saisie toutes les explications nécessaires sur l’édiction de la « charte des bonnes pratiques en matière de déplacement des représentants du personnel » en expliquant que cette charte ne présentait pas de caractère discriminatoire ; qu’en retenant, pour accorder 500 euros à titre de dommages-intérêts au délégué du personnel ayant saisi la juridiction prud’homale pour le compte du salarié, que la société Engie avait manqué à son obligation en ne procédant pas à une enquête et ainsi privé d’effet dans l’entreprise l’alerte mise en oeuvre par le délégué du personnel, la cour d’appel a donné au droit d’alerte une portée qu’il n’a pas et violé l’article L. 2313-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

11.Il résulte de l’article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 alors applicable que, saisi par un délégué du personnel d’une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, telle une mesure discriminatoire, l’employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la forme des référés. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.

12. Ayant retenu que les conditions de la procédure d’alerte étaient réunies en raison de la discrimination syndicale subie par le salarié, la cour d’appel a constaté que l’employeur n’avait pas procédé à l’enquête légalement prévue, privant ainsi d’effet l’alerte mise en oeuvre et empêchant toute discussion dans l’entreprise. Elle en a exactement déduit l’existence d’une carence de l’employeur et a en conséquence fait usage des pouvoirs conférés par l‘article L. 2313-2 précité.

13. Le moyen privé d’objet en sa première branche par le rejet des premier et deuxième moyens du pourvoi principal n’est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le premier moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

14.Le salarié fait grief à l’arrêt de condamner l’employeur à payer les frais de déplacement pour les mois de janvier à août 2018 selon les modalités suivantes : – pour les frais de transport : dans la limite du coût du transport en commun si celui-ci est moins onéreux, sauf circonstance exceptionnelle justifiée, alors « que le juge ne doit pas dénaturer les termes d’un accord collectif ni l’interpréter dans un sens restrictif ; qu’en jugeant que la circulaire Pers. 285 étendue en vigueur dans les industries électriques et gazières disposant que « Lorsque le voyage est effectué par des moyens de locomotion autres que le fer, le montant du remboursement sera fait sur la base du transport emprunté, sur justification de la nécessité d’utilisation de ce mode de transport » devait s’entendre dans la limite du transport en commun si celui-ci est moins onéreux, sauf circonstance exceptionnelle justifiée, la cour d’appel a violé, ensemble, les principes et la circulaire susvisés. »

Réponse de la Cour

15. Selon la circulaire PERS n° 285 du 30 juillet 1956, lorsque le voyage est effectué par des moyens de locomotion autres que le fer, le montant du remboursement sera fait sur la base du transport emprunté, sur justification de la nécessité d’utilisation de ce mode de transport.

16. C’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que l’employeur était fondé en application de ces dispositions à faire de l’utilisation du train un principe et à exiger des salariés la justification de circonstances exceptionnelles pour le remboursement des frais de transport selon un autre moyen tel que le taxi.

Sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

17. Le salarié fait grief à l’arrêt de condamner l’employeur à payer les frais de déplacement pour les mois de janvier à août 2018 selon les modalités suivantes : – pour les frais de repas : conformément aux dispositions de la PERS 793 avec application de l’indemnité de repas du barème dans le cadre d’un forfait de trois jours pour chaque déplacement ; – pour les frais de transport : dans la limite du coût du transport en commun si celui-ci est moins onéreux, sauf circonstance exceptionnelle justifiée, alors « que la cassation du chef de dispositif condamnant la société Engie à payer les frais de transport dans la limite du coût du transport en commun si celui-ci est moins onéreux, sauf circonstance exceptionnelle justifiée d’une part, et le rejet du pourvoi principal d’autre part, rendront sans objet la condamnation de l’employeur à rembourser les frais de déplacement selon les dispositions des circulaires, dès lors que cette condamnation a été prononcée en première instance ; que la Cour de cassation, constatant qu’il n’y a plus rien à juger, mettra fin à l’instance en prononçant sur ce seul point une cassation sans renvoi, en application de l’article 627 du code de procédure civile et de l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire. »

Réponse de la Cour

18. Ce moyen relatif à la portée de la cassation demandée par le pourvoi incident est privé d’objet par le rejet de celui-ci.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Engie.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société Engie à payer à M. D… les frais de déplacement pour les mois de janvier à août 2018 selon les modalités suivantes : – pour les frai²s de repas : conformément aux dispositions de la PERS 793 avec application de l’indemnité de repas du barème dans le cadre d’un forfait de trois jours pour chaque déplacement ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les dispositions applicables en matière de remboursement de frais. Le personnel des Industries Electriques et Gazières ne dépend pas d’une convention collective, mais relève du statut national du personnel des Industries Electriques et Gazières, aux termes du décret nº46-1541 du 22 juin 1946. Le statut collectif des Industries Electriques et Gazières dépend de circulaires dénommées PERS, ayant fait 1'objet d’arrêtés d’extension. La PERS nº 285 du 30 juillet 1956 est relative aux frais de transports et a été étendue par arrêté du 10 septembre 1956. La PERS nº 793 du 11 août 1982 est relative aux indemnités de déplacements et son arrêté d’extension est du 3 septembre 1982. Les notes de frais de l’année 2017 de M. D… ont été validées par l’employeur. Depuis le 1º* janvier 2018, la société ENGIE demande à M. D… , l’application d’une « Charte des bonnes pratiques en matière de déplacement des représentants du personnel. » Cette charte mentionne : « En cas de non respect des règles définies par cette charte, la demande de remboursement de frais engagés par le collaborateur pourra être refusée … » M. D… fait valoir que cette charte a été établie unilatéralement par l’employeur, sans faire l’objet d’aucune discussion ou de négociation préalable avec les institutions représentatives du personnel. Il ajoute qu’elle ne constitue pas un document relevant du statut collectif du personnel des Industries Electriques et Gazières et ne saurait donc avoir force obligatoire. La PERS 793 prévoit concernant les modalités de remboursement. « 211 -Nature des déplacements. Les modalités de remboursements distinguent les trois catégories de déplacement ci-après : – déplacement en dehors de la zone habituelle de travail, – déplacement dans la zone habituelle de travail, – déplacement des agents mutés en instance de logement ou assimilés. (- . .) 22 -Déplacement en dehors de la zone habituelle de travail. Les agents appelés à se déplacer hors de leur zone habituelle de travail reçoivent å titre de remboursement des frais engagés, les indemnités de repas et de chambre figurant aux barèmes et relatives à leur catégorie pour la localité ou est effectué le déplacement. (…) 222 – Cantines. Un agent de passage dans une localité n’ayant pas toujours la possibilité de prendre son repas à la cantine existante, soit en raison de son emploi du temps, soit par manque de place, il est admis une franchise de trois jours pendant lesquels il reçoit l’indemnité de repas figurant au barème pour sa catégorie dans la localité considérée. A partir du quatrième jour, s’il a normalement la possibilité d’accéder à la cantine, il n’est plus remboursé que sur la base du prix payé par lui à cette cantine (boisson comprise). Il est ainsi traité à égalité avec l’agent déplacé en un lieu où il n’existe pas de cantine et qui est remboursé de la totalité de ses frais de repas par le versement de l’indemnité prévue aux barèmes ». La PERS 285 régit la prise en charge des frais de déplacement d’un agent par voie de chemin de fer. Elle envisage toutefois l’hypothèse dans laquelle un transport par voie de fer n’est pas possible : « Lorsque le voyage est effectué par des moyens de locomotion autres que le fer, le montant du remboursement sera fait sur la base du transport emprunté, sur justification de la nécessité d’utilisation de ce mode de transport ». M. D… fait valoir que la « Charte des bonnes pratiques en matière de déplacement des représentants du personnel », (la charte) prévoit des conditions de remboursement plus restrictives que celles prévues par les PERS. 793 et 285, les restrictions portant sur plusieurs points : – la notion de déplacement y est réduite à une seule nuitée, ce qui ne serait pas conforme aux dispositions de la PERS. 793 ; – le repas de midi doit être pris à la cantine sur site ; – le recours au taxi n’est autorisé pour les déplacements que dans des circonstances exceptionnelles après validation du référant, ce qui n’est absolument pas prévu par la PERS. 793 et la PERS. 285 ; – la charte prévoit un remboursement selon les frais réels, alors que la PERS 793 prévoit un remboursement des frais au forfait. M. D… se prévaut du « livret relatif aux moyens alloués par mandat et aux modalités de prise en charge des frais » établi par la société ENGIE au mois de décembre 2016 qui prévoit : « Condition de remboursement : sur les frais engagés et selon les « barèmes frais de déplacement » de la branche des IEG révisés chaque année. Forfait : 90% du barème 100 % du barème Groupe fonction- Groupe fonctionnel. Restauration : – Zone de travail : 11/13h et 18h/21h (sauf pour les salariés qui ont la latitude d’organiser leur travail à leur gré) ; Cantine obligatoire quand présence sur le site. – Hors zone de travail : Franchise de 3 jours acceptée. Au-delà, si une cantine existe, remboursement uniquement sur la base de ce prix ». Il fait valoir que ces dispositions sont conformes à celles prévues par les PERS 793 et 285, mais non à celles de la charte. L’employeur indique que ces dispositions des PERS ont été « complétées et actualisées par des dispositions unilatérales détaillées dans la « Politique Voyage » du Groupe. Il ajoute avoir constaté des dérives dans les modalités de remboursement de frais appliquées par certains représentants du personnel, tendant à multiplier l’utilisation de franchises de prise en charge des frais de repas en cas de déplacements réguliers (voire, hebdomadaires) hors zone habituelle de travail, et à utiliser systématiquement des taxis pour effectuer leurs déplacements sans qu’aucune circonstance particulière ne le justifie. Il fait valoir le montant des frais remboursés aux représentants concernés et notamment pour M. D… la somme totale de plus de 12.000 €. Ainsi que l’analysent les parties, la PERS 793 concernant les frais de repas en dehors de la zone habituelle de travail, établit un délai de franchise de trois jours. Par contre, l’employeur dénature ce texte lorsqu’il soutient que « si le nombre de jours passés par un salarié sur le site excède 3 jours, en un seul ou plusieurs déplacements, ou prend un caractère régulier, la franchise cesse alors de s’appliquer, puisque le salarié a alors acquis une connaissance suffisante du site pour utiliser notamment la cantine qui n’a vocation à s’appliquer que de façon temporaire ». En effet, le texte de la PERS 793 part d’un postulat : « Un agent de passage dans une localité n’ayant pas toujours la possibilité de prendre son repas à la cantine existante, soit en raison de son emploi du temps, soit par manque de place ». De ce postulat, il tire le droit pour l’agent à « une franchise de trois jours pendant lesquels il reçoit l’indemnité de repas figurant au barème pour sa catégorie dans la localité considérée. » Ce texte parfaitement clair et explicite ne permet pas de déduire, comme le fait l’employeur, que lorsque les déplacements de l’agent sur un même site prennent un « caractère régulier, la franchise cesse alors de s’appliquer ». Il ne permet pas davantage de décompter les trois jours à partir de plusieurs déplacements successifs, les dispositions du PERS visant clairement chaque déplacement effectué. Ainsi, l’employeur ne pouvait prévoir, comme il le fait page 6 article 2.2.2 de la charte : « la franchise de 3 jours avec un repas au barème le midi prévue par la PERS 793 ne peut être utilisée que lors du premier déplacement sur le site et non lorsque la destination devient régulière ». L’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, avait le pouvoir de définir les modalités de remboursement des déplacements, dès lors que ces modalités ne sont pas contraires aux dispositions du PERS qui s’imposent aux deux parties. Si constatant des dérives, l’employeur pouvait rechercher à limiter les frais exposés, il ne pouvait remettre en cause les dispositions résultant des PERS qu’en dénonçant celles-ci et en négociant de nouvelles dispositions : il ne pouvait unilatéralement remettre en cause ces dispositions pour les représentants du personnel. Le fait que d’autres représentants du personnel auraient acquiescé à ces dispositions, ne permettait pas à l’employeur de déroger unilatéralement aux dispositions de la PERS 793. L’employeur fait valoir concernant les déplacements en taxi, que la « Politique Voyage » rappelle qu’ils ne sont autorisés que dans des circonstances exceptionnelles, qu’elle détaille : « Les déplacements en taxi sont réservés aux situations exceptionnelles suivantes : – Urgences, – Grève ou dysfonctionnement des transports en commun, – Raisons de sécurité, – Absence de transports en commun, – Dans le cas exceptionnel où les collaborateurs doivent rester tardivement sur leur lieu de travail à la demande de leur responsable ». En matière de frais de taxi, la « politique voyage » et la Charte rappellent que les déplacements en taxi doivent être exceptionnels et justifiés par des circonstances particulières : il n’est pas établi que ces rappels seraient contraires à la PERS 285. Il en résulte que si M. D… était fondé en ses demandes relatives aux frais de repas, l’employeur était par contre fondé concernant les frais de transport en taxi en ses demandes figurant dans sa politique voyage que l’article 2.1.5 de la charte ne fait que reprendre, suivant lesquelles « la priorité doit être donnée aux transports en commun (train, métro, bus, tramway) …. Les déplacements en taxi sont réservés aux circonstances exceptionnelles suivantes : -Urgences ; -Grève ou dysfonctionnement des transports en commun ; -Raisons de sécurité ; -Absence de transports en commun ; -Dans le cas exceptionnel où les collaborateurs doivent rester tardivement sur leur lieu de travail à la demande de leur responsable ». Aucun élément n’établit que ces dispositions relatives aux frais de remboursement de taxi, antérieures à la charte, n’étaient pas applicables à l’ensemble des salariés. Sur les frais de déplacement dus à M. D… . En l’absence de tout décompte de la part de l’une ou l’autre des parties distinguant entre les frais de repas et les frais de transport, il sera ordonné le paiement par l’employeur des frais de repas conformément aux dispositions de la PERS 793 avec application de l’indemnité de repas du barème dans le cadre d’un forfait de trois jours pour chaque déplacement. Par contre, il sera ordonné le remboursement des frais de transport dans la limite du transport en commun si celui-ci est moins onéreux, sauf circonstance exceptionnelle justifiée » ;

1. ALORS QUE selon l’article 222 de la circulaire PERS 793 du 11 août 1982, en cas de « déplacements en dehors de la zone habituelle de travail », « un agent de passage dans une localité n’ayant pas toujours la possibilité de prendre son repas à la cantine existante, soit en raison de son emploi du temps, soit par manque de place, il est admis une franchise de trois jours pendant lesquels il reçoit l’indemnité de repas figurant au barème pour sa catégorie dans la localité considérée. A partir du quatrième jour, s’il a normalement la possibilité d’accéder à la cantine, il n’est plus remboursé que sur la base du prix payé par lui à cette cantine (boisson comprise) » ; que cette franchise de trois jours pendant laquelle l’agent peut solliciter le paiement d’une indemnité forfaitaire de repas, aux lieux et place du prix du repas à la cantine, vise à permettre à l’agent qui se déplace en dehors de sa zone habituelle de travail de s’acclimater avec les lieux et, le cas échéant, de régulariser son accès à la cantine du site ; que cette franchise n’a donc plus d’objet lorsque l’agent se déplace régulièrement sur le site pourvu d’une cantine, de sorte que la franchise cesse de s’appliquer à compter du quatrième jour, consécutif ou non, de présence sur un site ; qu’en conséquence, la « Charte des bonnes pratiques en matière de déplacement des représentants du personnel » n’a pas modifié cette circulaire, mais a simplement précisé ses conditions d’application qui résultent de l’objet de cette franchise, en prévoyant que « la franchise de 3 jours avec un repas au barème le midi prévue par la PERS 793 ne peut être utilisée que lors du premier déplacement sur le site et non lorsque la destination devient régulière » ; qu’en affirmant cependant, pour dire que M. D… pouvait réclamer le paiement de l’indemnité forfaitaire de repas lors de chacun de ses déplacements en dehors de sa zone habituelle de travail dans le cadre d’un forfait de trois jours pour chaque déplacement, peu important la régularité de ses déplacements en certains lieux pourvus d’une cantine, que les dispositions du PERS 793 visent clairement chaque déplacement effectué et ne permettent pas de décompter les trois jours à partir de plusieurs déplacements successifs, la cour d’appel a violé l’article 222 de la circulaire PERS 793 du 11 août 1982 ;

2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU’ un représentant du personnel ne peut pas réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu’il n’a pas exposés ; qu’en l’espèce, la société Engie faisait valoir, pour s’opposer à la demande de M. D… , tendant au paiement d’une indemnité forfaitaire de repas pour chaque journée passée en dehors du site de Toulouse, qu’il fréquente régulièrement la cantine du site de La Défense où il se rend plusieurs fois par mois pour l’exercice de ses mandats et n’expose donc pas les frais pour lesquels il sollicite le paiement d’une indemnité forfaitaire ; qu’ainsi, sur la période comprise entre le 1er janvier et fin août 2018, M. D… sollicitait le paiement d’une indemnité de repas de plus de 40 euros au titre de 13 jours au cours desquels il avait déjeuné à la cantine de ce site ; qu’en s’abstenant de rechercher si les indemnités forfaitaires dont M. D… sollicitait le paiement correspondaient réellement à des frais professionnels qu’il avait exposés, afin de limiter le cas échéant le droit du salarié au paiement d’indemnités forfaitaires pour les seuls repas qu’il n’a pas pris à la cantine ou au restaurant d’entreprise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-17, L. 2143-18, L. 2315-3, L. 2325-7 et L. 2325-9 du code du travail;

3. ALORS QUE tout droit est susceptible de dégénérer en abus ; qu’en l’espèce, la société Engie soutenait que, sur le fondement d’une interprétation extensive des dispositions de la circulaire PERS 793, certains représentants du personnel appartenant au syndicat EeFO sollicitaient systématiquement le paiement d’une indemnité forfaitaire de repas à chaque fois qu’ils passaient la journée en dehors de leur zone habituelle de travail, même s’ils avaient en réalité déjeuné à la cantine d’entreprise pour un prix inférieur au montant de cette indemnité forfaitaire ; qu’elle justifiait ainsi qu’en 2017, tandis que le montant des demandes de remboursement de frais de repas étaient inférieures à 1.000 euros en moyenne pour 94,6% des salariés, M. D… avait réclamé le paiement d’indemnités forfaitaires de repas pour un montant de plus de 12.200 euros ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les demandes de paiement d’indemnités forfaitaires de repas présentées par M. D… pour chacun des jours passés en dehors de son site habituel de travail en raison d’une réunion organisée par l’employeur ne présentaient pas un caractère abusif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-17, L. 2143-18, L. 2315-3, L. 2325-7 et L. 2325-9 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société Engie à payer à M. D… la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut de représentant du personnel et discrimination ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la violation du statut de représentant du personnel et la discrimination. Le salarié invoque une violation du statut des représentants du personnel dans la mesure où la charte est censée s’appliquer uniquement aux déplacements des représentants du personnel. Il rappelle que les frais de déplacement en cause sont rattachables aux heures de délégation, étant exposés à cette occasion. Il affirme que la modification des modalités de remboursement des frais constitue une modification des conditions de travail des élus et que cette modification unilatérale des modalités de remboursement des frais de déplacement porte atteinte au statut collectif des Industries Electrique et Gazière. La définition de modalités de remboursement de frais ne constitue pas une modification des conditions de travail. Le salarié soutient qu’il a y eu discrimination dans la mesure où la charte n’a vocation à s’appliquer qu’aux représentants du personnel, entrainant des modalités de remboursement des frais de déplacements différentes entre les salariés et les représentants du personnel. Il rappelle les termes de la lettre du 22 février 2018 de la DIRECCTE OCCITANIE. Il se prévaut des termes d’une lettre du 9 avril 2018 de la DIRECCTE PAYS de LA LOIRE adressée à la société ENGIE : « A la lecture des deux textes, force est de constater que vous introduisez une nouvelle condition qui n’est pas posée dans le PERS 793, à savoir que la franchise de 3 jours ne pourrait être utilisée que lors du premier déplacement. La modification unilatérale des modalités de remboursement des frais de déplacements place, vous n’êtes pas sans l’ignorer, Madame N… dans une situation financière extrêmement difficile puisque ses frais de déplacements ne lui sont pas remboursés depuis le 1er janvier 2018. A destination des seuls représentants du personnel, elle interroge, également sur le caractère discriminatoire de la mesure. Je vous demande par conséquent : – de procéder aux régularisations des frais de déplacements Madame N… conformément au texte de la PERS 793, – en outre, de m’indiquer si une procédure de dénonciation est en cours concernant les PERS susvisées. » Le salarié invoque une inégalité de traitement, reprochant à la société ENGIE de ne pas traiter de façon égalitaire les salariés, s’agissant du remboursement de frais, dans la mesure où : – les trois salariés en cause ne sont pas traités de la même façon entre eux, dès lors que depuis la saisine du Conseil de prud’hommes, M. D… et M. D… n’ont vu aucune de leurs notes de frais remboursée, alors que M. D… a perçu des remboursements de frais au mois de mai 2018, dont le règlement de frais de repas au forfait le midi. – les trois salariés permanents syndicaux du syndicat EeFO, ne sont pas traités de la même façon que les autres permanents syndicaux du même syndicat, dès lors que le syndicat EeFo compte 9 permanents syndicaux exerçant hors de la région parisienne et amenés à effectuer des déplacements et que ces permanents syndicaux n’ont pas été traités de façon identique s’agissant du remboursement de frais : Mmes N… et M… n’ont eu aucun remboursement depuis janvier 2018, M. B… et M. G… se sont vus rembourser leurs seuls frais de mai 2018, M. F… ceux de mai et juillet 2018, Mme Y… s’est vue rembourser ses frais de janvier à mai 2018, – les trois salariés ne sont pas traités de la même façon que les autres membres du syndicat EeFO qui n’ont pas le statut de permanents syndicaux qui eux ont vu leurs notes de frais remboursées depuis le 1º’ janvier 2018 (MM. U…, K…, I…, G… et Mme P…) – les trois salariés ne sont pas traités de la même façon que les permanents syndicaux rattachés à d’autres organisations syndicales qui eux, bénéficient du remboursement de leur frais (MM. V… et Q…, permanents CFDT). L’article L1132-1 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire notamment en matière de rémunération, d’affectation, de promotion professionnelle, de mutation. L’article L2141-5 du code du travail interdit à tout employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions concernant un salarié. L’article L1134-1 prévoit qu’en cas de litige, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et qu’au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La mise en oeuvre d’une « Charte des bonnes pratiques en matière de déplacement des représentants du personnel » laisse supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’exercice d’une activité syndicale, tout comme les distorsions ci-dessus relevées en matière de remboursement de frais de déplacement entre salariés. L’employeur ne justifie pas de sa décision de mettre en place une charte spécifique aux représentants du personnel. Il ne justifie pas davantage que les « dérives » dont il fait état seraient le fait exclusif de ces représentants. Le fait que contrairement à M. D… et à deux autres salariés, les autres représentants du personnel ou syndicaux ont accepté ou accepteraient de justifier de circonstances pour obtenir des remboursements forfaitaires ne légitime pas l’édiction d’une charte spécifique mettant en oeuvre des conditions dérogatoires à la PERS 793 et la non prise en charge de frais de repas selon les dispositions de celle-ci. L’employeur justifie de la prise en charge ponctuelle de certains frais de repas de MM. D… , B…, F…, U…, K…, I…, G…, Q…, V…, de Mmes P…, Y…, en l’absence d’autorisation d’accès à la cantine, d’absence de cantine, de non référencement au restaurant d’entreprise ou en raison de circonstances particulières. L’employeur ne justifie pas que sa décision de mise en place d’une charte de remboursement de frais spécifique aux représentants du personnel, était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il apparaît en outre que partie de ses décisions accordant des remboursements de frais de repas à des représentants du personnel suivant le barème, ont été subordonnées à l’application de cette charte. Ainsi, les faits de discrimination syndicale sont établis. M. D… , en tant que représentant du personnel, avait un droit au remboursement de ses frais de délégation liés à l’exercice de ses mandats. Le non-remboursement de ces frais, conformément aux dispositions de la PERS 793, constitue une violation de son statut. Il convient d’allouer dans les limites de la demande, à M. D… une indemnité de 500 € à ce titre et pour discrimination syndicale » ;

ALORS QUE dès lors que la « Charte des bonnes pratiques en matière de déplacement des représentants du personnel » se borne à préciser les conditions de prise en charge des frais liés aux déplacements définis par les circulaires PERS 285 et 793, qui résultent notamment de l’objectif de la franchise de trois jours applicable en cas de déplacement en dehors de la zone habituelle d’emploi, son édiction ne crée aucune discrimination à l’encontre des représentants du personnel ; que la cassation, qui ne manquera pas d’intervenir sur le premier moyen de cassation, entraînera la cassation du chef de l’arrêt ayant retenu l’existence d’une discrimination en application de l’article 624 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société Engie à payer à M. O… la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’article L. 2313-2 du code de procédure civile pour non-respect des règles régissant le fonctionnement des institutions représentatives du personnel et 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le droit d’alerte. L’article L2313-2 du Code du travail impose à l’employeur de procéder sans délai à une enquête lorsqu’un délégué du personnel le saisit dans le cadre d’un droit d’alerte pour assurer dans l’entreprise la protection des droits des personnes et des libertés individuelles ou collectives. L’employeur a manqué à cette obligation en ne procédant pas à une enquête. Il a ainsi privé d’effet dans l’entreprise l’alerte mise en oeuvre par le délégué du personnel, empêchant toute discussion en interne notamment par la mise en oeuvre d’une consultation des institutions représentatives du personnel. En réparation du préjudice subi, il sera alloué à M. O… une indemnité de 500 € » ;

1. ALORS QUE la cassation, qui ne manquera pas d’intervenir, sur les premier et deuxième moyens de cassation, entraînera la cassation, par voie de dépendance nécessaire, du chef de l’arrêt ayant condamné la société Engie à payer à M. O…, délégué du personnel EeFO la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles régissant le fonctionnement des institutions représentatives du personnel, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2. ALORS, AU SURPLUS, QUE si l’article L. 2313-2 du code du travail prévoit qu’en cas de dénonciation, par un délégué du personnel, d’une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale et aux libertés dans l’entreprise, l’employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué, il permet au délégué du personnel, « en cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte », de saisir aux lieu et place du salarié, si ce dernier ne s’y oppose pas, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue en la forme des référés ; que lorsque le délégué du personnel dénonce une discrimination résultant d’une mesure prise par l’employeur, ce dernier, s’il estime que cette mesure ne présente pas de caractère discriminatoire, peut, sans diligenter une enquête, s’en expliquer auprès du délégué du personnel, lequel a alors la faculté de saisir le juge prud’homal dans le cadre d’une procédure accélérée pour trancher le litige ; qu’en l’espèce, la société Engie justifiait qu’elle avait apporté aux délégués du personnel qui l’avaient saisie toutes les explications nécessaires sur l’édiction de la « charte des bonnes pratiques en matière de déplacement des représentants du personnel » en expliquant que cette charte ne présentait pas de caractère discriminatoire ; qu’en retenant, pour accorder 500 euros à titre de dommages et intérêts au délégué du personnel ayant saisi la juridiction prud’homale pour le compte du salarié, que la société Engie avait manqué à son obligation en ne procédant pas à une enquête et ainsi privé d’effet dans l’entreprise l’alerte mise en oeuvre par le délégué du personnel, la cour d’appel a donné au droit d’alerte une portée qu’il n’a pas et violé l’article L. 2313-2 du code du travail. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. D… et M. O…, ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Engie à payer à M. D… les frais de déplacement pour les mois de janvier à août 2018 selon les modalités suivantes : – pour les frais de transport : dans la limite du coût du transport en commun si celui-ci est moins onéreux, sauf circonstance exceptionnelle justifiée ;

AUX MOTIFS QUE le personnel des Industries Électriques et Gazières ne dépend pas d’une convention collective, mais relève du statut national du personnel des Industries Électriques et Gazières, aux termes du décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 ; que le statut collectif des Industries Électriques et Gazières dépend de circulaires dénommées PERS, ayant fait 1'objet d’arrêtés d’extension ; que la PERS n° 285 du 30 juillet 1956 est relative aux frais de transports et a été étendue par arrêté du 10 septembre 1956 ; que les notes de frais de l’année 2017 de M. D… ont été validées par l’employeur ; que depuis le 1er janvier 2018, la société ENGIE demande à M. D… , l’application d’une « Charte des bonnes pratiques en matière de déplacement des représentants du personnel » ; que cette charte mentionne : « En cas de non-respect des règles définies par cette, charte, la demande de remboursement de frais engagés par le collaborateur pourra être refusée… » ; que M. D… fait valoir que cette charte a été établie unilatéralement par l’employeur, sans faire l’objet d’aucune discussion ou de négociation préalable avec les institutions représentatives du personnel ; qu’il ajoute qu’elle ne constitue pas un document relevant du statut collectif du personnel des Industries Électriques et Gazières et ne saurait donc avoir force obligatoire ; que la PERS 285 régit la prise en charge des frais de déplacement d’un agent par voie de chemin de fer ; qu’elle envisage toutefois l’hypothèse dans laquelle un transport par voie de fer n’est pas possible : « Lorsque le voyage est effectué par des moyens de locomotion autres que le fer, le montant du remboursement sera fait sur la base du transport emprunté, sur justification de la nécessité d’utilisation de ce mode de transport » ; que M. D… fait valoir que la « Charte des bonnes pratiques en matière de déplacement des représentants du personnel », (la charte) prévoit des conditions de remboursement plus restrictives que celles prévues par les PERS. 793 et 285 ; que les restrictions portant sur plusieurs points — le recours au taxi n’est autorisé pour les déplacements que dans des circonstances exceptionnelles après validation du référent, ce qui n’est absolument pas prévu par la PERS. 793 et la PERS. 285 ; que M. D… se prévaut du « livret relatif aux moyens alloués par mandat et aux modalités de prise en charge des frais » établi par la société ENGIE au mois de décembre 2016 ; que l’employeur indique que ces dispositions des PERS ont été « complétées et actualisées par des dispositions unilatérales détaillées dans la « Politique Voyage » du Groupe ; qu’il ajoute avoir constaté des dérives dans les modalités de remboursement de frais appliquées par certains représentants du personnel, tendant à multiplier l’utilisation de franchises de prise en charge des frais de repas en cas de déplacements réguliers (voire, hebdomadaires) hors zone habituelle de travail, et à utiliser systématiquement des taxis pour effectuer leurs déplacements sans qu’aucune circonstance particulière ne le justifie ; qu’il fait valoir le montant des frais remboursés aux représentants concernés et notamment pour M. D… la somme totale de plus de 38 000 € ; que l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction avait le pouvoir de définir les modalités de remboursement des déplacements dès lors que ces modalités ne sont pas contraires aux dispositions du PERS qui s’imposent aux deux parties ; que l’employeur fait valoir concernant les déplacements en taxi que la « Politique Voyage » rappelle qu’ils ne sont autorisés que dans des circonstances exceptionnelles qu’elle détaille : « Les déplacements en taxi sont réservés aux situations exceptionnelles suivantes : — Urgences, — Grève ou dysfonctionnement des transports en commun, — Raisons de sécurité, — Absence de transports en commun, — Dans le cas exceptionnel où les collaborateurs doivent rester tardivement sur leur lieu de travail à la demande de leur responsable » ; qu’en matière de frais de taxi, la « politique voyage » et la Charte rappellent que les déplacements en taxi doivent être exceptionnels et justifiés par des circonstances particulières ; qu’il n’est pas établi que ces rappels seraient contraires à la PERS 285 ; qu’il en résulte que si M. D… était fondé en ses demandes relatives aux frais de repas, l’employeur était par contre fondé concernant les frais de transport en taxi en ses demandes figurant dans sa politique voyage que l’article 2.1.5 de la charte ne fait que reprendre, suivant lesquelles « la priorité doit être donnée aux transports en commun (train, métro, bus, tramway)… Les déplacements en taxi sont réservés aux circonstances exceptionnelles suivantes : — Urgences ; — Grève ou dysfonctionnement des transports en commun ; — Raisons de sécurité ; — Absence de transports en commun ; — Dans le cas exceptionnel où les collaborateurs doivent rester tardivement sur leur lieu de travail à la demande de leur responsable » ; qu’aucun élément n’établit que ces dispositions relatives aux frais de remboursement de taxi, antérieures à la charte, n’étaient pas applicables à l’ensemble des salariés ; que sur les frais de déplacement dus à M. D… , en l’absence de tout décompte de la part de l’une ou l’autre des parties distinguant entre les frais de repas et les frais de transport, il sera ordonné le paiement par l’employeur des frais de repas conformément aux dispositions de la PERS 793 avec application de l’indemnité de repas du barème dans le cadre d’un forfait de trois jours pour chaque déplacement ; que par contre, il sera ordonné le remboursement des frais de transport dans la limite du transport en commun si celui-ci est moins onéreux, sauf circonstance exceptionnelle justifiée ;

ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les termes d’un accord collectif ni l’interpréter dans un sens restrictif ; qu’en jugeant que la circulaire Pers. 285 étendue en vigueur dans les industries électriques et gazières disposant que « Lorsque le voyage est effectué par des moyens de locomotion autres que le fer, le montant du remboursement sera fait sur la base du transport emprunté, sur justification de la nécessité d’utilisation de ce mode de transport » devait s’entendre dans la limite du transport en commun si celui-ci est moins onéreux, sauf circonstance exceptionnelle justifiée, la cour d’appel a violé, ensemble, les principes et la circulaire susvisés.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Engie à payer à M. de La Purification les frais de déplacement pour les mois de janvier à août 2018 selon les modalités suivantes : – pour les frais de repas :

conformément aux dispositions de la PERS 793 avec application de l’indemnité de repas du barème dans le cadre d’un forfait de trois jours pour chaque déplacement ; – pour les frais de transport : dans la limite du coût du transport en commun si celui-ci est moins onéreux, sauf circonstance exceptionnelle justifiée ;

AUX MOTIFS QU’en l’absence de tout décompte de la part de l’une ou l’autre des parties distinguant entre les frais de repas et les frais de transport, il sera ordonné le paiement par l’employeur des frais de repas conformément aux dispositions de la PERS 793 avec application des l’indemnité de repas du barème dans le cadre d’un forfait de trois jours pour chaque déplacement ; que par contre, il sera ordonné le remboursement des frais de transport dans la limite du transport en commun si celui-ci est moins onéreux, sauf circonstance exceptionnelle justifiée ;

ALORS QUE la cassation du chef de dispositif condamnant la société Engie à payer les frais de transport dans la limite du coût du transport en commun si celui-ci est moins onéreux, sauf circonstance exceptionnelle justifiée d’une part, et le rejet du pourvoi principal d’autre part, rendront sans objet la condamnation de l’employeur à rembourser les frais de déplacement selon les dispositions des circulaires, dès lors que cette condamnation a été prononcée en première instance ; que la Cour de cassation, constatant qu’il n’y a plus rien à juger, mettra fin à l’instance en prononçant sur ce seul point une cassation sans renvoi, en application de l’article 627 du code de procédure civile et de l’article L 411-3 du code de l’organisation judiciaire.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 3 mars 2021, 19-20.176, Inédit