Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 mai 2021, 20-83.223, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 19 mai 2021, n° 20-83.223
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-83.223
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Pau, 5 février 2020
Textes appliqués :
Article 313-1 du code pénal.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043565925
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CR00596
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Sur les parties

Texte intégral

N° Y 20-83.223 F-D

N° 00596

GM

19 MAI 2021

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 19 MAI 2021

M. [N] [E] et Mme [G] [T] épouse [E] ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 6 février 2020, qui, pour escroquerie, abus de biens sociaux, abus de confiance, a condamné le premier à un an d’emprisonnement avec sursis et 3 000 euros d’amende et, pour abus de biens sociaux et recel d’abus de confiance, a condamné la seconde à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire, commun aux demandeurs, et des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [N] [E], Mme [G] [E], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 avril 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [E] a été poursuivi du chef d’escroquerie pour avoir, en sa qualité de président de la société SEETPC, d’une part, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l’espèce en produisant de la fausse facturation, trompé l’établissement public Oseo pour le déterminer à remettre des fonds à ladite société dans le cadre de financements, et, d’autre part, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l’espèce en dissimulant le véritable état financier de ladite société notamment par la production d’une comptabilité non sincère au titre des années 2009 et 2010, trompé la société EBTT aux fins de la déterminer à remettre des fonds d’un montant de 750 000 euros correspondant au prix d’acquisition des titres de la société SEETPC.

3. Il a également été poursuivi du chef d’abus de biens sociaux, pour avoir

fait usage de mauvaise foi des biens ou du crédit de la société SEETPC à des fins personnelles, en l’espèce en lui faisant supporter des frais d’honoraires payés au cabinet [A] en vue de rechercher un acquéreur pour ses actions au sein de ladite société, des travaux d’entretien dans sa résidence principale, des frais de déplacement, et des frais divers sans lien avec son objet social, et du chef d’abus de confiance, pour avoir utilisé les moyens de paiement mis à sa disposition par la société pour financer des dépenses personnelles.

4. Mme [G] [T], a été poursuivie du chef d’escroquerie pour avoir, en sa qualité de directrice générale déléguée de la société SEETPC, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l’espèce en dissimulant le véritable état financier de ladite société notamment par la production d’une comptabilité non sincère au titre des années 2009 et 2010, trompé la société EBTT, aux fins de la déterminer à remettre des fonds d’un montant de 750 000 euros correspondant au prix d’acquisition des titres de la société SEETPC.

5. Elle a également été poursuivie du chef d’abus de biens sociaux, pour avoir fait usage de mauvaise foi des biens ou du crédit de la société SEETPC à des fins personnelles, en l’espèce en lui faisant supporter des frais d’honoraires payés au cabinet [A] en vue de rechercher un acquéreur pour ses actions au sein de ladite société, des travaux d’entretien dans sa résidence principale, des frais de déplacement, et des frais divers sans lien avec son objet social, et du chef de recel d’abus de confiance, pour avoir sciemment recelé des biens divers qu’elle savait provenir d’un délit d’abus de confiance commis par son époux M. [E] au préjudice de la société SEETPC.

6. Par jugement du 10 janvier 2017, les prévenus ont été relaxés du chef d’escroquerie, relaxés partiellement du chef d’abus de biens sociaux concernant les frais d’honoraires et de déplacement, et déclarés coupables du chef d’abus de biens sociaux pour les autres frais.

7. Les juges du premier degré ont déclaré M. [E] coupable d’abus de confiance et Mme [T] coupable de recel d’abus de confiance, les ont condamnés chacun à deux mois d’emprisonnement avec sursis et 1 000 euros d’amende, et ont prononcé sur les intérêts civils.

8. Le ministère public a interjeté appel principal de cette décision, et les prévenus ainsi que la société EBTT, partie civile, ont formé appel incident.

Examen des moyens

Sur le deuxième, le troisième, le quatrième et le cinquième moyens

9. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission des pourvois au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [N] [E] coupable d’escroquerie commise au préjudice d’Oseo et statué sur la peine et sur les intérêts civils, alors ;

« 1°/ que les manoeuvres de l’escroquerie ne peuvent consister en un simple mensonge écrit sauf à être corroborées par un élément extérieur ; qu’en réprimant de ce chef le fait d’adresser à une personne morale, chargée d’avancer à un maître d’oeuvre des créances de prix de travaux non encore réglées par ses maîtres d’ouvrages, des bordereaux se prévalant de créances réelles, mais non encore facturées par le maître d’oeuvre, la cour d’appel a violé l’article 313-1 du code pénal ;

2°/ que si le préjudice de l’escroquerie n’est pas nécessairement pécuniaire, il doit néanmoins résulter de ce que l’acte opérant obligation n’a pas été librement consenti ; que la cour d’appel relève que l’établissement Oseo, qui ne s’est pas constitué partie civile, a été intégralement payé des avances qu’il a consenties à la société SEETPC par les clients de cette société ; qu’en retenant que le fait d’avoir versé ces avances à un moment où ces créances n’avaient pas encore été facturées lui avait causé un préjudice moral, sans mieux s’expliquer sur le caractère déterminant pour Oseo de l’existence d’une facturation préalable à ces versements, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 313-1 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 313-1 du code pénal :

11. Il résulte de ce texte qu’un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse susceptible de caractériser le délit d’escroquerie, s’il ne s’y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d’un tiers destinés à donner force et crédit à l’allégation mensongère du prévenu.

12. Pour déclarer M. [E] coupable d’escroquerie au préjudice de la société Oseo, l’arrêt attaqué énonce qu’il lui a transmis des bordereaux portant sur des montants qui ne correspondaient pas à des factures adressées aux clients de la société EETPC, M. [E] utilisant pour augmenter ainsi la trésorerie de l’entreprise la confiance installée avec l’organisme de financement depuis de longues années.

13. Les juges relèvent que cet organisme public avance les sommes correspondant à des travaux réalisés, facturés aux clients mais non encore réglés par ceux-ci, et n’a en l’espèce procédé à la remise des sommes qu’en raison du fait que les bordereaux adressés lui étaient présentés comme correspondant à des factures, et que ledit organisme ayant opéré sans difficultés des financements pour la société EETPC pendant de longues années, la réalité de la facturation était supposée.

14. Ils ajoutent que le nombre de ces discordances, et leur montant, établissent la volonté du prévenu de s’assurer une trésorerie par le biais des avances effectuées, et que la remise de sommes s’élevant à presque 500 000 euros a donc été obtenue de la société Oseo par un moyen frauduleux.

15. Ils en concluent que le délit d’escroquerie, constitué indépendamment de tout préjudice pécuniaire subi par la victime, lorsque celle-ci n’a consenti la remise de fonds qu’à la suite de manoeuvres frauduleuses, est caractérisé.

16. En se déterminant ainsi, sans relever l’existence d’éléments extérieurs de nature à donner force et crédit aux bordereaux adressés par M. [E] à la société Oseo pour obtenir l’avance de sommes qui n’avaient pas été facturées aux clients de la société EETPC, et en particulier de la fausse facturation visée dans l’acte de poursuite, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation sera limitée à la déclaration de culpabilité de M. [E] du chef d’escroquerie au préjudice de la société Oseo et aux peines prononcées à son égard, dès lors que les autres dispositions n’encourent pas la censure.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Pau, en date du 6 février 2020, mais en ses seules dispositions ayant déclaré M. [E] coupable d’escroquerie au préjudice de la société Oseo et aux peines prononcées à son encontre, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Pau autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Pau, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf mai deux mille vingt et un.

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Textes cités dans la décision

  1. Code pénal
  2. Code de procédure pénale
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