Cour de discipline budgétaire et financière, Mission de coopération et d'action culturelle de Castries (MCAC) - Petites Antilles, 14 novembre 2001

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le chef d’une mission de coopération et d’action culturelle avait ouvert un compte bancaire, alimenté par une partie des crédits de suivi et de contrôle des projets du Fonds d’aide et de coopération (FAC) sous couvert d’une subvention accordée à la mission. 180 000 F ont ainsi été versés sur ce compte sur décision des deux chefs de mission successifs. Ces fonds irrégulièrement extraits et détenus ont ensuite servi à financer des dépenses de fonctionnement courant de la mission.Par ailleurs ce compte a permis l’encaissement, par l’un des chefs de mission, d’une indemnité d’assurance consécutive à un accident survenu au véhicule du chef de mission. Il a ensuite retiré le montant correspondant en liquide et l’a conservé jusqu’à la veille de son départ de la mission.La Cour a considéré que l’ouverture d’un compte bancaire particulier pour percevoir des sommes inscrites au budget de l’Etat, puis l’utilisation de ces fonds pour régler des dépenses étrangères à la destination initiale des crédits constituaient des violations des règles de la comptabilité publique et des textes applicables à la gestion du FAC. De même, elle a considéré que la perception sur ce compte d’une indemnité d’assurance puis la détention de ces fonds par un agent n’ayant pas la qualité de comptable public constituaient des violations des règles de la comptabilité publique. Les deux chefs de mission ont été considérés comme responsables de ces infractions tombant sous le coup de l’article L. 313-4 du CJF.La CDBF a également relevé diverses infractions aux règles relatives à l’exécution des dépenses de l’Etat sanctionnées par l’article L. 313-4 du code :- une pratique d’avances consenties sur leurs deniers personnels par les agents du poste qui faisait obstacle au contrôle préalable du comptable public et qui a pris de l’ampleur avec l’arrivée du médecin chargé du secteur de la santé : la Cour a considéré que les deux chefs de mission successifs étaient responsables de cette pratique, pour l’avoir tolérée, tout en leur reconnaissant une circonstance atténuante du fait que la règle a été violée avec l’accord tacite du régisseur ; elle a également reconnu au médecin une circonstance atténuante du fait qu’il a recouru à cette procédure avec l’accord du chef de mission.- une subdélégation du pouvoir d’engager des crédits, décidée par le premier chef de la mission, puis généralisée par le second : la Cour a considéré que la responsabilité du subdélégataire n’était pas engagée car il n’avait pas à juger de la légalité de cette subdélégation (cf. Recueil 1993, p. 141).- des dépenses irrégulières du fait de certifications inexactes de service fait produites afin d’engager, en fin d’année, des crédits non utilisés. La CDBF a enfin constaté des imputations irrégulières de dépenses. Des crédits du FAC avaient été employés pour financer des dépenses de fonctionnement de la mission ou des dépenses d’intervention pour un montant total de l’ordre de 440 860 F. La Cour a considéré que la responsabilité du second chef de mission qui avait signé les ordres de paiement était engagée, tout en tenant compte du désordre important dans le fonctionnement de la mission auquel ce dernier avait été confronté.Par ailleurs, ce dernier avait couvert l’imputation de dépenses de fonctionnement courant de la mission relevant du titre III sur des crédits du titre IV, en certifiant faussement le service fait, engageant ainsi sa responsabilité au titre des articles L. 313-2 et L. 313-4 du code (cf. Recueil 1994, p. 142). Les deux chefs de mission ont été condamnés à des amendes de 10 000 F (1 524,49 €) et le médecin à une amende de 1 000 F (152,45 €).

L’intérêt de cette affaire réside dans son exemplarité au fond : les montants en cause ne sont pas considérables, mais la Cour a sanctionné le détournement des crédits de la coopération et une accumulation d’irrégularités.La Cour a reconnu aux auteurs des infractions des circonstances atténuantes tenant, en ce qui concerne les avances consenties par des agents du poste, à l’accord tacite du régisseur qui n’a pas arrêté les dépenses, à celui du payeur général du Trésor qui ne les a pas rejetées, ainsi qu’à celui de l’administration centrale qui, dans un autre cas a semblé approuver cette pratique. S’agissant des imputations irrégulières de dépenses, elle a considéré que le désordre régnant dans le fonctionnement de la mission à l’entrée en fonction du chef de la mission constituait une circonstance atténuante.Cette affaire a été examinée lors de l’audience du 12 septembre 2001 ; l’arrêt a été lu le 14 novembre et publié au Journal officiel du 11 décembre 2001.

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Sur la décision

Référence :
CDBF, 14 nov. 2001, n° 369
Numéro(s) : 369
Publication : Arrêts, jugements et communications des juridictions financières, 2001. - Journal officiel, 2003, p. 117.Revue du trésor, janvier 2004, n°1, p. 38 ; note Lascombe et Vandendriessche.
Date d’introduction : 14 novembre 2001
Date(s) de séances : 14 novembre 2001
Textes appliqués :
Infraction : articles L.313-2, L.313-4
Identifiant Cour des comptes : JF00080030

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS,

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE,
siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l’arrêt suivant :

LA COUR,

Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la lettre du 13 juin 1995 adressée au procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, enregistrée au parquet général le 14 juin 1995, par laquelle le président de la deuxième Chambre de la Cour des comptes a déféré à la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités concernant diverses opérations menées par la Mission de coopération et d’action culturelle de Castries (Sainte Lucie), pour la zone dite des « Petites Antilles » ;

Vu le réquisitoire du 28 novembre 1995 par lequel le procureur général a saisi la Cour des faits susmentionnés, conformément à l’article L. 314-1 du code des juridictions financières ;

Vu les décisions du président de la Cour de discipline budgétaire et financière des 29 janvier 1996, 13 novembre 1997, 30 janvier 2001 et 14 juin 2001 nommant successivement en qualité de rapporteur MM. Nicolas Revel, auditeur à la Cour des comptes, Bertrand Schwerer, conseiller référendaire à la Cour des comptes, Mme Marie-Ange Mattéi, auditrice à la Cour des comptes, et M. Yvan Aulin, conseiller référendaire à la Cour des comptes ;

Vu les lettres du 6 novembre 1996 par lesquelles le procureur général a informé MM. D, agent contractuel, M. T, professeur certifié, M. J, médecin inspecteur de la santé publique, M. G, agent contractuel et Mme L, professeur certifié, de leur mise en cause en qualité respective, à l’époque des faits, de chef de mission du 23 septembre 1988 au 15 juillet 1992, de chef de mission du 22 septembre 1992 au 15 octobre 1993, de conseiller santé de la mission et des chefs de mission par intérim, de l’ouverture d’une instruction dans les conditions prévues à l’article L. 314-4 du code susvisé, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du procureur général au président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 26 octobre 1998 l’informant de sa décision de poursuivre la procédure, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;

Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 12 janvier 1999 saisissant pour avis le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, dans les conditions prévues à l’article L. 314-5 du code des juridictions financières ;

Vu la décision du procureur général, en date du 19 novembre 1999, renvoyant MM. D, T et J devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l’article L. 314-6 du code susvisé, et ne retenant pas la responsabilité de M. G et de Mme L ;

Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 17 décembre 1999, transmettant le dossier au ministre des affaires étrangères, en application des dispositions de l’article L. 314-8 du code susvisé ;

Vu l’avis rendu par la commission consultative paritaire compétente à l’égard des agents contractuels à durée indéterminée du ministère chargé de la coopération, dans sa séance du 25 mai 2000, adressé le 7 juin 2000 au président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu les lettres recommandées, datées du 20 septembre 2000, du secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière, avisant MM. D, T et J qu’ils pouvaient prendre connaissance du dossier suivant les modalités prévues par l’article L. 314-8 du code susvisé, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu les mémoires en défense transmis au greffe de la Cour le 30 octobre 2000 par M. D, le 14 novembre 2000 par M. T et le 2 janvier 2001 par M. J ;

Vu les lettres du 13 juin 2001 par lesquelles le procureur général a cité MM. D, T et J à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu l’ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment les procès verbaux d’audition de MM. D, T, M. J, G et Mme L, les témoignages de Mme Z, M. C, Mme U, MM. N et Maître, Mme S et M. I, ainsi que le rapport d’instruction de M. H ;

M. D ayant été autorisé par le président de la Cour à ne pas comparaître personnellement, en application des dispositions de l’article L. 314-10 du code susvisé ;

Vu la lettre en date du 5 septembre 2001 par laquelle M. T, cité à comparaître, ne s’est pas présenté à l’audience et a déclaré s’en remettre au jugement de la Cour ;

M. J, régulièrement convoqué, ne s’étant pas présenté à l’audience ;

Entendu M. Aulin, conseiller référendaire, en son rapport ;

Entendu Mme le procureur général en ses conclusions et réquisitions ;

Sur la compétence de la Cour :

Considérant que les personnes renvoyées devant la Cour étaient, au moment des faits, fonctionnaires de l’Etat ou agent contractuel en poste à la mission de coopération et d’action culturelle de Castries ; qu’elles sont en conséquence justiciables de la Cour en application de l’article L. 312-1-I du code des juridictions financières ;

Sur la prescription :

Considérant que les faits qui se sont produits ou poursuivis après le 14 juin 1990 ne sont pas couverts par la prescription édictée par l’article L. 314-2 du code des juridictions financières ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant que M. J soutient que les dispositions des articles L. 314-5 et L. 314-8 du code des juridictions financières n’ont pas été respectées ; que, notamment, le dossier n’a pas été transmis par la Cour au ministère chargé du corps dont il fait partie, pour saisine de l’organe disciplinaire compétent à son encontre ; qu’en conséquence, il n’aurait pu être entendu par la commission paritaire des médecins inspecteurs de santé publique ;

Considérant, s’agissant de l’article L. 314-5, que le président de la Cour a saisi pour avis, le 12 janvier 1999, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; que ceux-ci n’ont pas répondu mais que cette absence de réponse ne fait pas obstacle à ce que la procédure puisse être poursuivie ;

Considérant, s’agissant de l’article L. 314-8, que le dossier a été transmis au ministre délégué à la coopération et de la francophonie, le 17 décembre 1999, afin que la commission administrative compétente soit saisie ; que le ministre l’a transmis à la ministre de l’emploi et de la solidarité le 7 avril 2000, après avoir obtenu du président de la Cour un délai supplémentaire d’un mois ; qu’il a été rappelé à cette occasion que l’ensemble du dossier pouvait être consulté au greffe de la Cour ; que ce dossier comportait l’ensemble des documents réunis au cours de l’instruction ;

Considérant dès lors que la procédure d’instruction devant la Cour n’est entachée d’aucune irrégularité, et que le moyen doit être écarté ;

Sur l’extraction et la détention irrégulière de fonds :

Sur les faits :

Considérant que le compte ouvert par M. D, au nom du chef de mission, auprès de la Barclays Bank, à une date couverte par la prescription édictée par l’article L. 314-2 du code, a été utilisé également postérieurement au 14 juin 1990, soit en période non prescrite ;

Considérant que ce compte a été alimenté en recettes par une partie des crédits de suivi et de contrôle des projets du fonds d’aide et de coopération (FAC) financés sur les crédits déconcentrés d’intervention (CDI) ; que la procédure utilisée était celle qui est prévue pour l’octroi d’une subvention à un tiers « opérateur » qui n’est pas le bénéficiaire final des crédits en provenance du fonds d’aide et de coopération ; que le chef de mission a décidé de verser à la mission elle-même, considérée abusivement comme un tiers « opérateur », des subventions d’un montant total de 180 000 F effectivement payé depuis le 15 juin 1990 ; que les décisions de versement ont été prises l’une par M. D, l’autre par M. T ;

Considérant que de nombreuses dépenses effectuées à partir de ce compte ne peuvent être rattachées à l’objet initial des crédits de suivi et de contrôle ; qu’elles concernent des dépenses de fonctionnement courant de la mission, relevant du titre III ; que tel est le cas de l’achat de deux machines à écrire portables pour 2 310 F, de l’entretien d’un plafond pour 1 430 F, de l’achat d’un réfrigérateur pour 2 849 F, de travaux de traduction et de dactylographie pour 9 350 F, de remboursement de frais de mission à la Martinique pour 712,80 F, le tout réglé par M. D ; que tel est également le cas de remboursement de frais de mission à la Martinique et à la Guadeloupe pour 2 318,18 F, de la rémunération d’un agent pour 26 400 F, des frais d’entretien d’un véhicule pour 11 200,20 F, de l’acheminement du courrier des assistants techniques par messagerie pour 9 831,80 F, le tout réglé par M. T ;

Considérant qu’à la suite d’un accident survenu au véhicule du chef de mission, une indemnité d’assurances a été payée par l’assureur le 4 février 1993, par un chèque libellé à l’ordre de la mission ; qu’elle a été encaissée par M. T, successeur de M. D, sur le compte bancaire de la Barclays Bank puis, le même jour, retirée en argent liquide ; que le 15 octobre 1993, veille de son départ de la mission, M. T a remis le montant de l’indemnité, à savoir 13 118,60 F, au chef de mission intérimaire qui, dès le lendemain, a remis cette somme en numéraire au régisseur de l’ambassade de France ; que M. T a ainsi conservé des fonds pendant huit mois par-devers lui ;

Sur les irrégularités :

Considérant qu’aux termes du décret n° 59-887 du 25 juillet 1959 modifié relatif aux conditions d’organisation et de fonctionnement des missions permanentes d’aide et de coopération, les opérations financières relatives au fonds d’aide et de coopération doivent être effectuées, en recette et en dépenses, par la caisse centrale de coopération économique, devenue la caisse française de développement puis l’agence française de développement après la période considérée, ou prises en charge par un comptable du trésor, en l’espèce le régisseur de l’ambassade de France ;

Que l’ouverture d’un compte bancaire particulier dans une banque privée pour percevoir des sommes provenant de crédits inscrits au budget de l’Etat et destinés à réaliser des projets du fonds d’aide et de coopération, puis l’utilisation de ces fonds à partir de ce compte bancaire pour régler des dépenses dont la nature est étrangère à la destination initiale des crédits constituent des violations des règles de la comptabilité publique et des textes applicables à la gestion du fonds d’aide et de coopération ;

Considérant que la perception puis la détention de fonds publics ne peuvent être effectuées que par un comptable public qui seul a mandat légal pour le faire ;

Que la perception sur un compte bancaire particulier d’une indemnité d’assurance consécutive à un accident survenu à un véhicule de la mission, puis la détention de ces fonds par un agent qui n’avait pas la qualité de comptable public, constituent des violations des règles de la comptabilité publique ;

Considérant que l’ensemble de ces faits constitue une série de violations des règles d’exécution des recettes et des dépenses de l’Etat sanctionnées par l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Sur les responsabilités :

Considérant que M. D, chef de mission en fonction du 23 septembre 1988 au 15 juillet 1992, a pris une décision d’attribution de subvention destinée à alimenter le compte qu’il avait ouvert au moyen de crédits du fonds d’aide et de coopération et qu’il a utilisé ce compte pour régler plusieurs des dépenses susmentionnées ;

Qu’il a été ainsi l’initiateur d’une procédure irrégulière ; qu’il a reçu en février 1992, de l’administration centrale dont il dépendait, une information claire sur le caractère irrégulier de la procédure mise en place et qu’il n’en a pas tenu compte ; qu’il ne peut de ce fait soutenir que l’accord de la caisse centrale de coopération économique aurait conféré un caractère légal à ladite procédure ;

Considérant que M. D conteste avoir eu connaissance de la lettre du 24 février 1992 de l’administration centrale, faisant état du caractère irrégulier de la procédure, mais que la lettre a bien été enregistrée sur le registre du courrier « arrivée » de la mission le 4 mars 1992 ;

Considérant que M. T, chef de mission du 22 septembre 1992 au 15 octobre 1993 et successeur de M. D, a continué à utiliser cette procédure irrégulière, qu’il a décidé une subvention de 250 000 F destinée à alimenter le compte bancaire, au titre de laquelle 110 000 F ont été versés ; qu’il a réglé sur ce compte plusieurs des dépenses irrégulières susvisées ;

Considérant que, s’agissant des petites dépenses, était pourtant en vigueur une procédure dite des « provisions pour menues dépenses » (PPMD) ;

Considérant que si M. T n’a pas été l’initiateur de cette procédure, il ne pouvait en ignorer le caractère irrégulier ; qu’il est en outre l’auteur de la perception et de la détention irrégulières des fonds provenant de l’indemnité d’assurance ;

Considérant en conséquence que les responsabilités de MM. D et T sont engagées de ce chef ;

Sur les infractions aux règles relatives à l’engagement des dépenses :

Sur la pratique des avances consenties par des agents du poste :

Considérant que le préfinancement de dépenses de l’Etat par des agents du poste, qui avancent les sommes nécessaires pour faire face à ces dépenses à partir de leurs deniers personnels puis se font rembourser, fait échec au contrôle préalable du comptable public que le règlement général sur la comptabilité publique charge de s’assurer de la validité et du caractère libératoire du paiement ; que cette pratique était proscrite par une lettre du 21 mai 1986 du ministre des affaires étrangères aux chefs de mission diplomatique et consulaire, note toujours en vigueur au moment des faits ;

Que cette pratique irrégulière a cependant été utilisée à de nombreuses reprises à la mission de Castries, alors que le ministre des affaires étrangères avait précisé à l’ambassadeur à Sainte Lucie, par lettre du 27 novembre 1986, qu’elle devait conserver un caractère occasionnel ; qu’elle a pris de l’ampleur avec l’arrivée de M. J, médecin chargé du secteur de la santé entré en fonctions le 22 octobre 1991 ; que les dépenses ainsi couvertes par des avances de M. J ne répondaient pas à un impératif d’urgence ;

Qu’elle constitue une infraction aux règles d’exécution des dépenses de l’Etat sanctionnée par l’article L. 313-4 du code ;

Considérant que MM. D et T ne pouvaient ignorer le caractère irrégulier d’une pratique qu’ils ont tolérée ; qu’une circonstance atténuante doit cependant leur être reconnue dans la mesure où la règle a été violée avec l’accord au moins tacite du régisseur qui n’a pas arrêté les dépenses, de la paierie générale pour l’étranger qui ne les a pas rejetées, enfin de l’administration centrale qui, dans un autre cas, a semblé approuver cette pratique ;

Considérant que M. J a recouru à ladite procédure avec l’accord du chef de mission ; qu’une circonstance atténuante doit lui être reconnue de ce fait ;

Sur la subdélégation du pouvoir d’engager des crédits :

Considérant qu’en vertu de l’article 96 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, le pouvoir d’engager des crédits est réservé à l’ordonnateur ou à un ordonnateur secondaire délégué ; que l’ambassadeur de France est l’ordonnateur secondaire de droit commun des dépenses de l’Etat à l’étranger ; qu’il peut déléguer sa compétence mais que ses délégataires n’ont pas compétence pour subdéléguer cette compétence en matière d’engagement ;

Que les ambassadeurs successifs ont consenti de telles délégations aux chefs de mission successifs de Castries, MM. D et T ;

Considérant que la gestion de la mission de coopération et d’action culturelle de Castries a donné lieu à de nombreux engagements de crédits par des personnes qui avaient reçu délégation non pas de l’ambassadeur, ordonnateur secondaire, mais du chef de mission ;

Que M. D a établi ce système par une note du 25 octobre 1991 qui en limitait l’application aux sommes inférieures à 5 000 F ; que M. T l’a généralisé, par une note du 6 avril 1993, aux crédits de fonctionnement du titre III, aux crédits d’intervention du titre IV et aux crédits de suivi et de contrôle des projets « crédits déconcentrés d’intervention » du titre VI ;

Considérant que la procédure réglementaire des « provisions pour menues dépenses » autorisait les assistants techniques à engager et à payer des dépenses de faible importance, qu’elle permettait ainsi de faire face aux difficultés nées de l’éloignement des postes et de leur dispersion ; qu’au demeurant le successeur de M. T a mis fin à ces pratiques, qui sont constitutives de l’infraction sanctionnée par l’article L. 313-4 du code ;

Considérant que la responsabilité de MM. D et T est engagée de ce chef ;

Que M. J, subdélégataire, n’avait pas à juger de la légalité de cette subdélégation ; que sa responsabilité n’est dès lors pas engagée de ce chef ;

Sur les dépenses irrégulières :

Considérant que M. D a certifié le service fait, le 27 décembre 1991, sur deux factures de la société « Cuisines Bellevue », d’un montant total de 43 700 F ; que la première de ces factures, datée du 12 novembre 1990 et adressée à la mission de coopération-mission médicale, concernait l’achat d’un écran de projection d’un montant de 13 715 F et la seconde, datée du 22 décembre 1990, concernait l’acquisition de matériel vidéo et d’un carrousel pour diapositives d’un montant de 29 985 F ; que ces matériels n’ont jamais été livrés, ni portés à l’inventaire ;

Que, le 2 octobre 1992, le régisseur d’avances et de recettes de l’ambassade a émis un chèque de 43 700 F au profit de « Cuisines Bellevue » au titre de la gestion précédente ; que M. T a commandé, le 16 octobre 1992, pour 43 700 F d’appareils électro-ménagers et de matériels de haute fidélité aux « Cuisines Bellevue », qui ont été livrés à sa résidence et portés à l’inventaire ;

Considérant que ce montage avait pour objet d’engager en fin d’année des crédits non utilisés ;

Que la certification inexacte du service fait et la liquidation inexacte des sommes dues par l’Etat sont constitutives de l’infraction sanctionnée par l’article L. 313-4 du code ; considérant que la responsabilité de M. D est engagée de ce chef ;

Sur les imputations irrégulières de dépenses :

Sur les crédits du fonds d’aide et de coopération :

Considérant que des dépenses de fonctionnement ou d’intervention, relevant par leur nature du titre III ou du titre IV, ainsi que des dépenses étrangères aux objets des projets en cause, ont été imputées sur des crédits affectés à des projets de développement financés sur le titre VI du budget de la coopération au chapitre 68-91 – Fonds d’aide et de coopération – FAC ;

Considérant qu’il en a été ainsi des crédits non utilisés pour le projet 89/211, « collecte et gestion des déchets à Castries », qui ont été employés pour couvrir des dépenses relevant des titres III ou V du budget de la mission ; tels l’achat d’un minibus de 15 places d’une valeur de 105 600 F, affecté ensuite à l’Alliance française, l’achat de mobilier pour divers conseillers pour 129 020 F, l’achat et le dédouanement de matériels informatiques destinés à l’Alliance française et au conseiller de la mission chargé de l’infrastructure pour 1 306,80 F et 111 450 F, l’aménagement du bureau du conseiller de la mission chargé du projet sur la collecte et la gestion des déchets à Castries pour 66 000 F, l’acquisition d’un coffre-fort pour le chef de mission d’un montant de 14 828 F, l’achat de matériels informatiques destinés à l’équipement d’un centre médicosocial dépendant de la mission pour 78 655 F ;

Considérant que ces paiements auraient dû être imputés sur le titre III, aux chapitres 34 -95, article 20, « équipement informatique », et 34-98, article 28, « moyens de fonctionnement des MCAC », ou sur le titre V au chapitre 57-20, « équipement administratif », mais non sur le titre VI concernant le FAC, encore moins sur les crédits affectés au projet « gestion des déchets » ;

Que ces faits constituent des infractions aux règles relatives au financement des opérations du FAC, fixées par les décrets n° 59-462 du 27 mars 1959 et n° 59-887 du 25 juillet 1959 ; qu’elles sont sanctionnées par l’article L. 313-4 du code ;

Que M. T a signé tous les ordres de paiement, sauf un qui a été signé par un de ses subordonnés sur ses instructions ; que sa responsabilité est engagée au titre de l’article L. 313 4 du code ;

Considérant qu’il en a été ainsi également de crédits du projet 89/375, « renforcement de la maîtrise d’ouvrage en matière de planification et de gestion urbaine », sur lesquels ont été imputées des dépenses relatives à des vacations effectuées par la secrétaire du chef de mission pour un montant total de 6 600 F ;

Considérant que la responsabilité de M. T, qui a signé les deux ordres de paiement correspondants, est engagée au titre de l’article L. 313-4 du code ;

Considérant qu’un loyer afférent aux mois de novembre 1992, décembre 1992 et janvier 1993, pour un local où devait être ouvert un centre médical pour les ressortissants français, a été imputé sur les crédits du projet 91/176 « appui à la mise en place d’une politique régionale de santé dans la région Caraïbe » ;

Que M. T a signé un ordre de paiement, les deux autres l’ayant été par M. G, chef de mission par intérim ; que toutefois la création de ce centre avait été encouragée par le ministère et l’ambassadeur sans que des crédits aient été prévus pour son fonctionnement ; que la responsabilité de M. T est engagée au titre de l’article L. 313-4 du code mais qu’une circonstance atténuante doit lui être reconnue de ce fait ;

Que des achats divers préfinancés par M. J ont été également imputés sur les crédits du projet 91/176 ; que leur imputation a été réalisée sous le contrôle du chef de mission ; que la responsabilité de M. J se trouve dès lors écartée ;

Considérant que lors de son entrée en fonction, M. T a été confronté à un désordre important dans le fonctionnement de la mission, non dépourvu de lien avec le contexte local, et qu’il doit en être tenu compte pour l’appréciation de sa responsabilité dans les faits constitutifs des infractions ci-dessus exposées ;

Sur les crédits de la mission :

Considérant qu’une réunion des assistants techniques des Petites Antilles, les 10 et 11 octobre 1992, relevant du fonctionnement courant de la mission, a été financée par imputation sur les crédits du titre IV alloués pour le financement d’accords entre établissements universitaires et scolaires ;

Que cette imputation, destinée à parer à une insuffisance de crédits sur le titre III, a été justifiée auprès du comptable public par l’établissement d’une liste de participants à une réunion régionale dans le cadre d’échanges scolaires ;

Considérant que M. T a couvert l’opération en certifiant faussement le service fait ; que sa responsabilité est engagée au titre des articles L. 313-2 et L. 313-4 du code ;

Sur le montant des amendes :

Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’affaire en infligeant une amende de 10 000 F (1 524,49 €) à M. D, de 10 000 F (1 524,49 €) à M. T et de 1 000 F (152,45 €) à M. J ;

Sur la publication :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française ;

ARRETE :

Article 1er: M. D est condamné à une amende de dix mille francs (10 000 F, soit 1 524,49 €).

Article 2 : M. T est condamné à une amende de dix mille francs (10 000 F, soit 1 524,49 €).

Article 3 : M. J est condamné à une amende de mille francs (1 000 F, soit 1 52,45 €).

Article 4 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, le 12 septembre 2001, par M. Logerot, Premier président de la Cour des comptes, président, M. Massot, président de section au Conseil d’Etat maintenu en activité, M. Martin, conseiller d’État, MM. Gastinel et Capdeboscq, conseillers maîtres.

Lu en séance publique le 14 novembre 2001 par M. Logerot, président, en présence du ministère public.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de la Cour et le greffier.

Le Président, Le greffier,

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Cour de discipline budgétaire et financière, Mission de coopération et d'action culturelle de Castries (MCAC) - Petites Antilles, 14 novembre 2001