Cour de discipline budgétaire et financière, Institut national polytechnique de Grenoble (INPG) - Université Joseph Fourier (UJF), Grenoble I, 16 décembre 2003

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Résumé de la juridiction

Dans cette affaire, la Cour a sanctionné le versement par un directeur d’administration centrale de deux subventions d’études à un établissement public national pour financer des dépenses en partie étrangères à l’objet de l’établissement et régler des frais de déplacements, de réception ou de restauration dudit directeur. Ces versements avaient continué lorsque ce directeur avait été affecté ultérieurement à l’établissement en question. Enfin, le reliquat de l’une des subventions avait été transféré à un second établissement public national dont, entretemps, l’intéressé avait pris la présidence. La Cour a jugé que le montage par lequel ce directeur d’administration centrale avait gardé la libre disposition de subventions versées à un établissement public, support utilisé pour financer des dépenses étrangères à l’objet des subventions et sans lien avec les activités de l’établissement, constituait une infraction à l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ; que le paiement de certaines des dépenses, sans visa préalable du contrôleur financier, violait les dispositions de l’article L. 313-1 du code précité ; qu’enfin le transfert du reliquat de la subvention, décidé par les présidents des deux établissements concernés qui n’étaient pas compétents pour le faire, contrevenait à l’article L. 313-4 du même code.Le directeur d’administration centrale, concepteur et principal bénéficiaire du montage irrégulier, a été condamné à une amende de 3000 €. Son successeur, qui avait maintenu et utilisé à son tour le système a été condamné à une amende de 1500 €, sa bonne foi ayant été considérée comme une circonstance atténuante. Le président de l’établissement public qui avait permis le fonctionnement du montage irrégulier a été condamné à une amende de 1000 €, la préexistence de la décision de mise en place du dispositif à son entrée en fonctions étant considérée comme une circonstance atténuante. Enfin, la Cour a relaxé le secrétaire général de l’établissement public qui, bien qu’ayant visé en l’absence d’ordre écrit du président les pièces de dépenses irrégulières, avait pu, compte tenu de sa situation hiérarchique, ne pas se sentir en mesure de s’opposer aux opérations irrégulières.

Les agissements en cause dans cette affaire pouvaient donner lieu à l’ouverture d’une procédure de gestion de fait mais la troisième chambre de la Cour des comptes qui les avait découverts a privilégié la voie du déféré en CDBF, sur le fondement de l’article L. 313-4, 2e alinéa du code des juridictions financières.Sur la méconnaissance des règles en matière de contrôle financier, cf. Recueil 1991, p. 145, Recueil 1992, p. 137, Recueil 1996, p. 179, Recueil 1997, p. 203 et Recueil 1999, p. 105.Sur l’exécution de dépenses par une autorité incompétente, cf. Recueil 1992, p. 133, et Recueil 2002, p. 112.Sur la relaxe d’un subordonné, cf. Recueil 2002, p. 99.Cette affaire a été examinée lors de l’audience du 7 novembre 2003 ; l’arrêt a été lu le 16 décembre 2003 et publié au Journal officiel du 21 janvier 2004.

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Sur la décision

Référence :
CDBF, 16 déc. 2003, n° 0441/0497
Numéro(s) : 0441/0497
Publication : Journal officiel du 21 janvier 2004, p. 1586 à 1589Actualité juridique de droit administratif ( AJDA ) 2004, n° 23, p. 1233.Arrêts, jugements et communications des juridictions financières, 2003. - Journal officiel, 2005, p. 153.
Date d’introduction : 16 décembre 2003
Date(s) de séances : 16 décembre 2003
Textes appliqués :
Infraction : article L. 313-1, L. 313-4 du code des juridictions financières
Identifiant Cour des comptes : JF00077693

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FranCais,

La Cour de discipline budgEtaire et financiEre, siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l’arrêt suivant :

La Cour,

Vu le titre 1er du livre III du code des juridictions financières, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la communication en date du 5 septembre 1997, enregistrée au parquet le 11 septembre 1997, par laquelle le Président de la troisième chambre de la Cour des comptes a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, de faits laissant supposer l’existence d’irrégularités affectant la gestion financière et comptable de l’Institut national polytechnique de Grenoble (INPG) ;

Vu le réquisitoire en date du 29 octobre 1998 par lequel le procureur général a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d’irrégularités affectant l’utilisation par l’INPG de deux subventions attribuées à cet établissement par le ministère chargé de l’enseignement supérieur ;

Vu la lettre du 10 février 2000, enregistrée au parquet le 11 février 2000, par laquelle le Président de la troisième chambre de la Cour des comptes a porté à la connaissance du procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, les conditions dans lesquelles a été transféré à l’université Joseph Fourier-Grenoble I le reliquat inutilisé de l’une des deux subventions précitées, ainsi que son utilisation par le président de ladite université ;

Vu le réquisitoire du 11 août 2000 par lequel le procureur général a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d’irrégularités affectant ces opérations ;

Vu les décisions des 11 mai 1999, 20 septembre 2000 et 25 juillet 2003 du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière désignant successivement comme rapporteurs de ces deux affaires M. Hervé Drouet, alors auditeur à la Cour des comptes, et Mlle Loguivy Roche, auditrice à la Cour des comptes ;

Vu les lettres recommandées en date du 11 décembre 2001 par lesquelles le procureur général a informé MM. Daniel Bloch, directeur des enseignements supérieurs jusqu’au 19 juillet 1993 puis professeur à l’INPG et, à compter du 9 mars 1994, président de l’université Joseph Fourier (UJF), Jean-Pierre Bardet, successeur de M. Bloch à la tête de la direction des enseignements supérieurs devenue direction générale des enseignements supérieurs, Maurice Renaud, président de l’INPG à dater du 13 avril 1992, et Pierre Balme, secrétaire général de l’INPG à l’époque des faits, de leur mise en cause dans les conditions prévues à l’article L. 314-4 du code précité, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 3 octobre 2002 transmettant au procureur général le dossier de l’affaire après dépôt du rapport d’instruction, conformément à l’article L. 314-4 du code précité ;

Vu la lettre du procureur général au président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 15 janvier 2003 l’informant de sa décision de poursuivre la procédure, en application de l’article L. 314-4 du code précité ;

Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 10 février 2003 saisissant pour avis le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, en application de l’article L. 314-5 du code précité ;

Vu l’avis formulé par le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire le 10 avril 2003 ;

Vu la décision du procureur général en date du 12 mai 2003 renvoyant MM. Bloch, Bardet, Renaud et Balme devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l’article L. 314-6 du code précité ;

Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 16 mai 2003 transmettant le dossier au ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche pour avis de la commission administrative paritaire compétente, en application de l’article L. 314-8 du code précité ;

Vu les lettres en date du 18 août 2003 de la secrétaire générale de la Cour de discipline budgétaire et financière avisant MM. Bloch, Bardet, Renaud et Balme qu’ils pouvaient prendre connaissance du dossier suivant les modalités prévues par l’article L. 314-8 du code précité, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu les lettres recommandées en date du 22 septembre 2003 par lesquelles le procureur général a cité MM. Bloch, Bardet, Renaud et Balme à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu les mémoires en défense déposés et enregistrés au greffe de la Cour de discipline budgétaire et financière les 7 octobre 2003 par M. Bardet et 13 octobre 2003 par M. Bloch et par Me Deruy pour MM. Renaud et Balme ;

Vu l’ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment les procès-verbaux d’audition de MM. Bloch, Renaud, Bardet et Balme, les témoignages recueillis ainsi que le rapport d’instruction de M. Drouet ;

Entendu Mlle Roche en son rapport ;

Entendu le procureur général en ses conclusions et réquisitions ;

Entendu en sa plaidoirie Me Deruy pour MM. Renaud et Balme et, en leurs explications et observations, MM. Renaud, Bloch et Bardet, les intéressés et le conseil ayant eu la possibilité de prendre la parole en dernier ;

Sur la compétence de la Cour :

Considérant que les faits concernent une direction de l’administration centrale de l’Etat et deux établissements publics nationaux ; que toutes les personnes mises en cause étaient, au moment des faits, des fonctionnaires de l’Etat et sont en conséquence justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l’article L. 312-1-I-b du code des juridictions financières ;

Sur la procédure :

Considérant que l’absence de réponse du ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, dans le délai de deux mois qui lui avait été imparti par la demande d’avis formulée le 10 février 2003, ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure, en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières ;

Considérant que l’absence d’avis de la commission administrative paritaire compétente, dans le délai d’un mois qui avait été imparti par la demande formulée le 16 mai 2003, ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure, en application du premier alinéa de l’article L. 314-8 du code précité ;

Sur la prescription :

Considérant que la décision ministérielle accordant la subvention « études, formation et emploi » a été prise le 20 mars 1992 ; qu’elle est de ce fait couverte par la prescription instituée par l’article L. 314-2 du code des juridictions financières, le premier déféré ayant été enregistré au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière le 11 septembre 1997 ; qu’en revanche, les faits postérieurs au 11 septembre 1992 ne sont pas prescrits ;

Considérant qu’en ce qui concerne l’utilisation du reliquat de la subvention « impact des politiques régionales de formation », les faits antérieurs au 12 février 1995 sont couverts par la prescription, le second déféré portant sur ces opérations ayant été enregistré au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière le 11 février 2000 ; que, néanmoins, outre le transfert du reliquat lui-même qui était déjà évoqué par le réquisitoire du procureur général susvisé du 28 octobre 1998 et échappe donc à la prescription, toutes les dépenses réalisées au moyen dudit reliquat et payées postérieurement au 11 février 1995 ne sont pas affectées par cette prescription ;

Sur les faits :

Le montage irrégulier mis en place.

Considérant que l’INPG a bénéficié en 1992 et 1993 de deux subventions imputées, au budget de l’éducation nationale – enseignement supérieur, sur les crédits du chapitre 36-11, article 10 « Enseignements supérieurs – subventions de fonctionnement aux établissements d’enseignement supérieur » ; que la première subvention, d’un montant initial de 68 602,06 € (450 000 F), a été attribuée par une décision ministérielle du 20 mars 1992 signée, par délégation du ministre, par M. Bloch, directeur des enseignements supérieurs ; que la seconde subvention, d’un montant de 45 734,71 € (300 000 F), a été attribuée dans les mêmes conditions par décision du 17 février 1993 ; que la première subvention a été abondée d’un montant de 10 671,43 € (70 000 F) par une décision ministérielle du 10 mai 1994 signée, par délégation du ministre, par M. Bardet, directeur général des enseignements supérieurs ;

Considérant qu’il ressort des termes de l’article 2 du décret n° 89-289 du 26 avril 1989 et des témoignages recueillis au cours de l’instruction auprès de M. Peylet, directeur de la programmation et du développement universitaire (DPDU), de novembre 1991 à décembre 1992, et Mme Darnaudguilhem, alors chef du bureau de la gestion financière et comptable des établissements d’enseignement supérieur à la DPDU, que si cette direction était juridiquement compétente pour répartir les moyens financiers de l’Etat entre les établissements, elle le faisait en liaison étroite avec la direction des enseignements supérieurs (DESUP), laquelle jouait un rôle déterminant dans l’attribution des subventions destinées au financement d’actions spécifiques à finalité pédagogique, contrairement à ce qu’a soutenu M. Bloch ;

Considérant que si M. Bloch a constamment soutenu que les deux subventions ont été accordées à la demande de l’INPG et que leur objet a fait l’objet d’une concertation entre cet établissement et le ministère, les deux présidents successifs de l’INPG en fonction à l’époque des faits, MM. Lespinard et Renaud, ont l’un et l’autre nettement affirmé, le premier dans une réponse écrite rédigée au moment du contrôle de la Cour des comptes, le second lors de son audition le 14 mai 2002 et dans sa réponse complémentaire du 2 juillet 2002, que l’initiative des subventions est venue de l’administration centrale et que l’INPG, qui n’avait formulé aucune demande en ce sens, a été utilisé comme « établissement support » pour des actions dont il ignorait le détail ;

Considérant que si M. Bloch a précisé l’objet des deux subventions intitulées la première « études, formation et emploi », la seconde « études sur l’impact des politiques régionales de formation », les présidents successifs de l’INPG n’ont pas corroboré ces indications, qu’aucun document contemporain de l’octroi des subventions ne permet au demeurant d’attester ;

Considérant qu’à la différence de M. Bloch, M. Bardet, son successeur, a admis, lors de son audition le 15 mai 2002, et confirmé devant la Cour que l’abondement de la subvention « études, formation et emploi » décidé en mai 1994 répondait à des motifs intéressant la seule direction générale des enseignements supérieurs et n’avait pas été sollicité par l’INPG ;

Considérant que les crédits résultant des deux subventions ont donné lieu, au sein du budget des services centraux de l’INPG, à l’ouverture de deux unités de compte spéciales : l’UC B599A pour la subvention « études, formation et emploi» et l’UC B598A pour la subvention « études sur l’impact des politiques régionales de formation » ; que, dès leur encaissement, ces crédits ont subi, au profit du budget de fonctionnement de l’INPG, un prélèvement forfaitaire de 15 % pour frais de gestion ; que leur consommation a fait l’objet d’un suivi spécifique, ce qu’atteste la présence au dossier d’un état de consommation des crédits au 3 septembre 1993 intitulé « situation des crédits M. Bloch » et d’une copie du journal utilisateur de l’UC B599A datant de septembre 1994, où cette unité de consommation est dénommée « ministère » ;

Considérant que les réponses et déclarations concordantes de MM. Lespinard, Renaud et Balme, ainsi que celles de M. Aubert, agent comptable et chef des services financiers de l’INPG à l’époque des faits, figurant au dossier, confirment que l’utilisation des crédits s’effectuait à l’initiative du directeur des enseignements supérieurs ; que dans une lettre du 17 octobre 1996 établie dans le cadre du contrôle de la Cour des comptes, M. Aubert a notamment écrit : « J’ai été informé début 1992 qu’une subvention du ministère (…) était attribuée à l’INPG pour une étude et que son utilisation serait à l’initiative de M. Bloch, directeur des enseignements supérieurs. Le président Lespinard m’a, d’une part, informé que cette subvention serait consommée à l’initiative de M. Bloch, d’autre part demandé de mettre en place une procédure permettant de suivre la consommation des crédits » ;

Considérant que le montage irrégulier n’a pas été contesté par M. Bardet ; qu’il a été confirmé par le témoignage, enregistré au greffe le 2 juillet 2002, de M. Diallo, alors en poste au bureau des affaires générales de la DESUP, qui a affirmé que des pratiques similaires avaient existé, par le truchement d’autres établissements supports, avant l’arrivée de M. Bloch mais que ce dernier avait été à l’origine de l’ouverture d’un « nouveau compte » à l’INPG, afin de s’affranchir de la lourdeur bureaucratique des circuits financiers de l’administration centrale ;

Considérant que seul M. Bloch a dénié toute réalité au montage décrit ci-dessus en faisant valoir, en outre, que les subventions accordées à l’INPG n’avaient pas, en raison de leur nature, à être suivies en ressources affectées ; que cette affirmation est exacte mais ne contredit en rien la manière dont les crédits ont été consommés et suivis ;

Considérant enfin que l’instruction a fait apparaître, pour la subvention « études, formation et emploi », que les dépenses mandatées et payées par l’INPG ont en fait été engagées à l’initiative de l’administration centrale pour un montant total de 58 725,35 € (385 213,02 F) ; qu’elles recouvrent des frais de déplacement relatifs à une mission au Vietnam décidée et dirigée par M. Bloch, à l’achat d’un « modulopass SNCF » et à des missions de M. Bloch alors qu’il était directeur des enseignements supérieurs ; qu’elles se rapportent aussi à des frais de réception liés à l’organisation de réceptions à l’administration centrale à l’initiative de M. Bloch, au remboursement de frais de restauration engagés directement par MM. Bloch puis Bardet et payés au moyen de leur carte bancaire personnelle ; qu’elles comprennent enfin des achats de biens et de services, principalement des équipements informatiques et des photocopieurs destinés à l’administration centrale et commandés sous la responsabilité de M. Bardet ;

L’absence de lien entre les dépenses effectives, l’objet des subventions et les activités de l’INPG

Considérant, en ce qui concerne la première subvention, « études, formation et emploi », que non seulement l’essentiel des dépenses ainsi financées a été engagé à l’initiative de MM. Bloch et Bardet, mais que, de surcroît, ces dépenses ne correspondaient pas à l’objet de la subvention et aux activités de l’INPG rattachables à cet objet ;

Qu’ainsi la mission au Vietnam d’un coût total de 15 668,72 € (102 775,72 F), a été conduite par M. Bloch agissant, ainsi qu’il l’a déclaré « à la fois comme DESUP mais aussi et d’abord comme ancien président de l’INPG et fondateur du programme » ; que, bien qu’elle présentât un intérêt pour l’INPG, cette mission ne pouvait se rattacher aux objectifs visés par la subvention « études, formation et emploi » ; que M. Renaud, alors président de l’INPG, a d’ailleurs déclaré que « c’était une décision du ministère » et qu’il n’était « pas au courant de l’ensemble des objectifs visés par cette mission » ;

Que, s’agissant des frais de réception à l’administration centrale, d’un montant total de 5 917,12 € (38 813,75 F), M. Bloch a admis, lors de son audition du 1er juillet 2002, qu’ils n’avaient pas de lien avec le programme « études, formation et emploi » ; que, pour la faible fraction de ces dépenses relevant de sa responsabilité, M. Bardet n’a pas davantage contesté cette absence de lien ;

Que, s’agissant des frais de déplacement hors mission au Vietnam et des frais de restauration remboursés à M. Bloch, d’un montant total de 6 151,25 € (40 349,54 F), l’explication avancée par ce dernier qui consiste à rattacher ces dépenses à une « activité maintenue », qu’il aurait conservée au sein de l’INPG pendant la période où il dirigeait la DESUP, se heurte, d’une part, aux déclarations du président de l’INPG, M. Renaud, qui a affirmé qu’il n’a jamais eu connaissance d’une telle activité, d’autre part à l’absence de toute pièce probante au soutien de cette thèse, l’ordre de mission permanent pour Grenoble accordé à M. Bloch par le ministère pour l’année 1991 visant les fonctions confiées à celui-ci, en tant que DESUP, dans ses rapports avec les universités de Grenoble, et non une « activité maintenue » à l’INPG, qui aurait, au demeurant, justifié un ordre de mission émanant du président de cet établissement ;

Que M. Bardet a reconnu que les frais de restauration qui lui ont été remboursés, 1 121,64 € (7 357,50 F), n’avaient aucun lien avec l’INPG ;

Que, s’agissant des dépenses liées à l’achat et à l’entretien de matériels informatiques et de photocopieuses destinés à l’administration centrale, réalisées sous la responsabilité de M. Bardet, soit 29 283,39 € (192 086,47 F), l’absence de lien avec l’objet de la subvention et avec l’INPG est patente ;

Que pour les deux achats réalisés sous la responsabilité de M. Bloch, d’un montant total de 586,93 € (3 850 F), ce lien est également douteux, le premier se rattachant à la mission au Vietnam et le second, l’achat d’un « Who’s who », à la prétendue « activité maintenue » au sein de l’INPG ;

Considérant, en ce qui concerne la seconde subvention, « études sur l’impact des politiques régionales de formation », qu’elle a certes été consommée à l’initiative de M. Bloch, mais postérieurement à son départ de la DESUP, c’est-à-dire pendant une période au cours de laquelle il a été successivement affecté à l’INPG puis à l’UJF, dont il est devenu le président ;

Que s’agissant des frais de déplacement et de restauration engagés par M. Bloch pour un montant de 3 515,49 € (23 060,10 F) avant son affectation à l’UJF, l’intéressé a reconnu ne pas avoir travaillé sur le thème de la subvention « impact des politiques régionales de formation » ; que M. Renaud a déclaré, lors de son audition le 14 mai 2002, que l’utilisation de ces crédits était restée à la discrétion de M. Bloch même après son retour à l’INPG et que rien ne permettait d’établir un lien entre les dépenses en cause et l’objet de la subvention, ou même avec l’activité d’enseignant-chercheur de M. Bloch à l’INPG ;

Considérant qu’une « convention de transfert de crédits » signée entre le président de l’INPG et M. Bloch, nouveau président de l’UJF élu le 9 mars 1994, et visée pour paiement le 9 juin 1994 par les services de l’INPG, stipule, au sujet de la dotation 45 734,71 € (300 000 F) attribuée à l’INPG pour la mise en place d’études sur l’impact des politiques régionales de formation, que « la suite de cette étude en cours est désormais assurée par l’Université Joseph Fourier à qui doit être confiée la gestion des crédits disponibles » ; que le reliquat de cette subvention, soit 32 698,56 € (214 488,50 F), a été transféré à l’UJF ;

Que ce transfert apparaît contraire à la décision ministérielle attribuant la subvention à l’INPG dans le but de renforcer les moyens financiers de cet établissement pour l’inciter à apprécier correctement les conséquences des implantations géographiques de ses formations dans le cadre de son partenariat avec les collectivités locales ; que les présidents des deux établissements n’étaient pas compétents pour modifier la destination et le bénéficiaire d’une subvention de fonctionnement accordée par l’Etat ; que, de surcroît, les deux signataires de la convention ont admis que le ministère chargé de l’enseignement supérieur n’a pas été informé de ce transfert, et donc encore moins consulté ;

Que la circonstance invoquée par M. Bloch selon laquelle, au cours de l’été 1994, la conférence académique des présidents d’université qu’il présidait se serait intéressée au thème associé à la subvention ne saurait justifier ni même expliquer un transfert, opéré en juin 1994 à l’UJF qui n’est pas une structure interuniversitaire ; que la motivation véritable du transfert paraît ainsi résider, comme M. Renaud l’a indiqué lors de son audition du 14 mai 2002, dans le changement d’établissement de M. Bloch en mars 1994 ;

Que la possibilité même d’isoler et de transférer le reliquat de la subvention démontre que ces crédits n’ont jamais été fondus dans le budget de fonctionnement de l’INPG, contrairement à certaines affirmations de M. Bloch, mais qu’ils ont au contraire toujours fait l’objet d’un suivi spécifique ;

Que, dans le dispositif budgétaire et comptable de l’UJF, le reliquat de subvention a été imputé successivement à une unité de compte spéciale B036 intitulée « politiques régionales de formation » placée sous la responsabilité du président Bloch, puis viré à une unité de compte B018 E1 intitulée « action de la présidence » et enfin, en mars 1996, à une unité de compte B018 A également dénommée « action de la présidence » où, ne s’élevant plus qu’à 516 € (3 384,74 F), il a été fondu avec des crédits d’autres origines ;

Considérant qu’avant cet ultime virement, les dépenses réglées au moyen de ce reliquat ont été très diverses : dépenses de réception et de représentation, achat d’un autoradio, d’une cafetière, d’un téléphone portable, abonnement à des revues, achat de 400 polos siglés « UJF », règlement d’une étude relative à l’extension d’un bâtiment de l’université, paiement des frais d’un chargé de mission ; que la nature de ces dépenses est sans rapport avec l’objet d’une subvention accordée pour « la mise en place d’études sur l’impact des politiques régionales de formation » ;

Que, sans contester ce point, M. Bloch a exposé qu’à la suite d’un « nettoyage » des unités de compte, le reliquat de la subvention a cessé d’être affecté à la réalisation de l’objet de celle-ci, mais qu’en contrepartie, les unités de formation et de recherche (UFR) contribuant au thème « politique régionale de formation » ont reçu des compensations financières ; que cependant, aucun document budgétaire ou comptable et aucun procès-verbal des instances délibératives de l’université ne vient à l’appui de cette explication, et qu’il n’est d’ailleurs pas davantage établi que les UFR aient effectivement mené des actions en rapport avec l’objet de la subvention ;

Qu’enfin, la référence aux travaux menés dans le cadre de la conférence académique des présidents d’université ne suffit pas, sans méconnaître l’intérêt desdits travaux, à démontrer que l’UJF a réalisé des études correspondant à l’objet de la subvention dont elle a reçu le reliquat ;

Considérant qu’ainsi les deux subventions initialement attribuées à l’INPG ont, pour l’essentiel de leur montant, été détournées de leur objet alors qu’en vertu de l’article 162 du décret n° 62-1587du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, « les produits attribués à l’établissement avec une destination déterminée, les subventions des organismes publics ou privés, les dons et legs doivent conserver leur affectation » ;

Sur la qualification juridique :

Considérant que la mise en place et l’utilisation d’un montage grâce auquel des directeurs de l’administration centrale de l’Etat ont conservé la libre disposition de subventions versées à un établissement public pour un objet déterminé, et ont financé par ce biais des dépenses étrangères à l’objet desdites subventions et le plus souvent sans lien avec les activités de l’établissement public, constituent des infractions aux règles d’exécution des dépenses applicables à l’Etat et aux établissements publics relevant de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Qu’en ce qui concerne la mission au Vietnam de M. Bloch et de plusieurs autres fonctionnaires du ministère, ce montage irrégulier a, en outre, permis d’engager une dépense relative à une mission à l’étranger sans visa préalable du contrôleur financier du ministère, infraction prévue par l’article L. 313-1 du code des juridictions financières ;

Qu’en ce qui concerne le transfert du reliquat de la subvention « impact des politiques régionales de formation », les présidents de l’INPG et de l’UJF ont excédé leurs compétences en modifiant la destination d’une subvention accordée par le ministère chargé de l’enseignement supérieur à l’insu de celui-ci, alors que le reliquat inutilisé avait vocation à réintégrer la caisse de l’Etat, et ont ainsi commis une autre infraction aux règles d’exécution des dépenses de l’Etat relevant de l’article L. 313-4 ;

Sur les responsabilités :

Considérant que la responsabilité des infractions énumérées ci-dessus incombe au premier chef à M. Bloch qui doit être regardé comme le concepteur et le principal bénéficiaire d’un montage irrégulier qui lui a permis, dans ses fonctions successives de directeur des enseignements supérieurs, de professeur à l’INPG et de président de l’UJF, de disposer du produit de subventions accordées à l’INPG et de l’utiliser à des fins étrangères à leur objet ; que le fait que des montages similaires aient, aux dires d’un de ses anciens collaborateurs, existé au sein de l’administration centrale de l’éducation nationale, ne saurait constituer une circonstance atténuante pour M. Bloch, qui ne s’en est d’ailleurs pas prévalu ;

Considérant que la responsabilité de M. Bardet est engagée pour avoir non seulement maintenu et utilisé le montage irrégulier mis en place par son prédécesseur, mais abondé aux mêmes fins de 10 671,43 € (70 000 F) la subvention « études, formation et emploi » ; que peut néanmoins être retenue à la décharge de M. Bardet sa bonne foi, qui s’est traduite par la reconnaissance de l’utilisation des subventions au profit de l’administration centrale ; que M. Bardet pourrait ainsi bénéficier de circonstances atténuantes ;

Considérant que MM. Renaud, président de l’INPG, et Balme, secrétaire général de l’institut, ont permis le fonctionnement du montage irrégulier tout d’abord en ne s’y opposant pas, ensuite en établissant ou en avalisant l’ensemble des pièces qui ont rendu possible la prise en charge par l’établissement de dépenses engagées par l’administration centrale ou par M. Bloch après son retour à l’INPG, que dès lors l’INPG ne saurait être considéré comme réduit au rôle de « simple caissier » ainsi qu’ils le font valoir ; que la circonstance que des montages similaires auraient existé au sein du ministère de l’éducation nationale ne saurait, du fait de leur évidente irrégularité, les exonérer de leur responsabilité ;

Que M. Renaud porte également, avec M. Bloch, la responsabilité de la décision irrégulière de transfert du reliquat de la subvention « études sur l’impact des politiques régionales de formation » ; qu’en revanche, il peut faire valoir à sa décharge que le dispositif auquel il s’est prêté avait été convenu, antérieurement à son arrivée à la présidence, entre son prédécesseur, M. Lespinard, et M. Bloch ; que M. Renaud peut ainsi bénéficier de circonstances atténuantes ;

Qu’il peut être retenu à la décharge de M. Balme le fait que s’il a visé sans ordre écrit du président des pièces de dépenses dont il n’ignorait pas le caractère fallacieux, il a pu, compte tenu de sa situation hiérarchique, estimer ne pas être en mesure de s’opposer à un dispositif convenu entre son président et le directeur des enseignements supérieurs ; que M. Balme est exonéré de sa responsabilité du fait de sa position hiérarchique ;

Sur le montant des amendes :

Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’affaire en infligeant une amende de trois mille euros à M. Bloch, une amende de mille cinq cents euros à M. Bardet, une amende de mille euros à M. Renaud et en relaxant M. Balme des fins de la poursuite ;

Sur la publication :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française.

ARRETE :

Article 1er : M. Bloch est condamné à une amende de trois mille euros (3 000 €).

Article 2: M. Bardet est condamné à une amende de mille cinq cents euros (1 500 €).

Article 3 : M. Renaud est condamné à une amende de mille euros (1 000 €).

Article 4: M. Balme est relaxé des fins de la poursuite.

Article 5 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, le sept novembre deux mil trois, par M. Logerot, Premier président de la Cour des comptes, président, M. Massot, président de section au Conseil d’État, M. Martin, conseiller d’Etat, MM. Capdeboscq et Lefoulon, conseillers maîtres à la Cour des comptes ;

Lu en séance publique le seize décembre deux mil trois.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de la Cour et le greffier.



Le président,

François Logerot

La greffière,

Maryse Le Gall

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Cour de discipline budgétaire et financière, Institut national polytechnique de Grenoble (INPG) - Université Joseph Fourier (UJF), Grenoble I, 16 décembre 2003