Chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Grand Est, 8 juillet 2021, n° 08072021 , 07-2020

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Sur la décision

Référence :
CDPI_MK Grand Est, 8 juill. 2021, n° 08072021 , 07-2020
Numéro(s) : 08072021 , 07-2020
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Texte intégral

Dossier : GE 07-2020
Affaire : Conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne c/ M. B.
Audience du 9 juin 2021
Décision rendue publique
Par affichage le 8 juillet 2021
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE DE PREMIERE INSTANCE DE L’ORDRE DES
MASSEURS-KINESITHERAPEUTES DU GRAND EST
Vu la procédure suivante :
Procédure devant la chambre disciplinaire :
Le 16 novembre 2020, le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne a décidé de déposer une plainte auprès de la chambre disciplinaire à l’encontre de M. B., masseur-kinésithérapeute, inscrit au tableau de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes sous le n° (…), exerçant (…).
Par sa plainte et des mémoires enregistrés les 24 novembre 2020, 1er mars 2021 et le 6 mai 2021, le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne, représenté par la Selas Cayol Cahen Tremblay et Associés, demande à la chambre disciplinaire de première instance :
1°) de prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de M. B. ;
2°) de supprimer en application de l’article L. 741-2 du code de justice administrative les passages injurieux énoncés sous l’intitulé « contexte de la plainte » en page 5 du premier mémoire en défense de M. B. et au point 7 de son second mémoire en défense ;
3°) de mettre à la charge de M. B. le versement d’une somme de 3 000 euros au titre des dispositions du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- M. B. ne portait pas de masque au sein de l’espace secrétariat du cabinet médical où il exerce en méconnaissance des directives sanitaires ;
- lors de son altercation verbale avec une patiente concernant le port du masque, les propos de M. B. ont contredit publiquement les directives sanitaires ;
1 – M. B. a ainsi refusé de respecter et de promouvoir la santé dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ;
- il a déclaré lors de ses échanges avec la patiente qu’il se moquait des conséquences disciplinaires de ses propos ;
- il a invité la patiente à quitter le cabinet médical ;
- par ces faits, M. B. a méconnu les règles déontologiques énoncées aux articles
R. 4321-54, R. 4321-63, R. 4321-114, R. 4321-79 et R. 4321-99 du code de la santé publique ;
- la procédure n’a pas méconnu les règles du contradictoire.
Par des mémoires en défense enregistrés les 29 décembre 2020 et 24 mars 2021, M. B. conclut au rejet de la plainte du conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne.
Il soutient que :
- l’espace secrétariat du cabinet où il déjeune tous les midis depuis trente ans n’est accessible à aucun visiteur et est ainsi une sphère privée ;
- le jour des faits, lors de sa pause déjeuner, il se trouvait sans masque derrière le comptoir du secrétariat, lorsqu’une patiente de sa collègue est arrivée ;
- la distanciation physique avec cette patiente respectait les règles sanitaires ;
- il porte le masque et respecte les règles sanitaires pour soigner ses patients dans son cabinet, à l’Ehpad ou au domicile de ses patients ;
- il a mis en œuvre les règles sanitaires et les respecte ;
- il n’a pas manqué de respect à la patiente ;
- lors de ses échanges avec la patiente, ses propos relatifs à la présidente de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne n’ont pas méconnu les règles de confraternité ;
- préalablement au dépôt de sa plainte, le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne n’a pas pris le temps nécessaire pour l’entendre sur les faits reprochés, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ;
- ses écritures en défense concernant la présidente du conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne ne sont pas diffamatoires. M. le Président de la chambre disciplinaire de première instance a désigné le 19 avril 2021 M. Didier Suchetet, masseur-kinésithérapeute, en qualité de rapporteur.
Par une ordonnance du 7 mai 2021, la clôture de l’instruction a été fixée au 21 mai 2021.
Le rapport de M. Suchetet, rapporteur, a été enregistré le 2 juin 2021.

2 Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi du 29 juillet 1881 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 9 juin 2021 :
- le rapport de M. Suchetet ;
- les observations de Me Cayol, représentant le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne ;
- et les observations de M. B..
Après en avoir délibéré :
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne, saisi d’un signalement relatif à l’absence de respect par M. B. au mois d’octobre 2020 des règles sanitaires à mettre en œuvre en période de covid 19, a décidé sur le fondement des dispositions de l’article R. 4126-1 du code de la santé publique de saisir la chambre disciplinaire d’une plainte par laquelle il demande le prononcé d’une sanction disciplinaire à l’encontre de ce dernier.
Sur le respect de la procédure contradictoire :
2. Si M. B. soutient que préalablement au dépôt de la plainte, il n’a pas été suffisamment entendu par le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne quant aux faits qui lui étaient reprochés, cette seule circonstance n’est pas de nature à avoir porté, par avance, une atteinte irrémédiable au respect des droits de la défense pendant la procédure juridictionnelle au cours de laquelle M. B. a été mis à même de présenter ses observations.
Sur les griefs reprochés à M. B. :
3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 4321-63 du code de la santé publique :
« Le masseur-kinésithérapeute apporte son concours à l’action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l’éducation sanitaire (…) ». Selon les dispositions de l’article R. 4321-114 de ce code : « (…) Il veille au respect des règles d’hygiène et de propreté. Il ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins ou la sécurité des personnes prises en charge ». Aux 3 termes de l’article R. 4321-54 du même code : « Le masseur-kinésithérapeute respecte, en toutes circonstances, les principes de moralité, de probité et de responsabilité indispensables à l’exercice de la masso-kinésithérapie ». Aux termes de l’article R. 4321-79 de ce code :
« Le masseur-kinésithérapeute s’abstient, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci ».
4. Il est constant que le jour des faits en litige, M. B. ne portait pas de masque de protection alors qu’il se trouvait dans l’espace secrétariat du cabinet médical, au motif allégué qu’il y prenait son déjeuner comme tous les jours. Si M. B. expose qu’il se trouvait dans la zone du secrétariat réservée aux praticiens du cabinet, derrière le comptoir, et qu’il était à une distance suffisante de la patiente lorsque celle-ci s’est présentée au secrétariat, il résulte des pièces versées à l’instance que l’espace secrétariat du cabinet médical est ouvert et accueille du public.
5. Par suite, M. B., en ne portant pas de masque de protection au sein de l’espace secrétariat du cabinet médical, a méconnu, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire lié à l’épidémie de covid-19, les règles déontologiques prescrites par les dispositions précitées des articles R. 4321-63, R. 4321-54, R. 4321-79 et R. 4321-114 du code de la santé publique.
6. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 4321-54 du code de la santé publique : « Le masseur-kinésithérapeute respecte, en toutes circonstances, les principes de moralité, de probité et de responsabilité indispensables à l’exercice de la masso-kinésithérapie ». Aux termes de l’article R. 4321-79 de ce code : « Le masseur-kinésithérapeute s’abstient, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci ». Aux termes de l’article R. 4321-99 du même code : « Les masseurs-kinésithérapeutes entretiennent entre eux des rapports de bonne confraternité. Il est interdit à un masseur-kinésithérapeute d’en calomnier un autre, de médire de lui ou de se faire l’écho de propos capables de lui nuire dans l’exercice de sa profession. Il est interdit de s’attribuer abusivement, notamment dans une publication, le mérite d’une découverte scientifique ainsi que de plagier, y compris dans le cadre d’une formation initiale et continue. / Le masseur-kinésithérapeute qui a un différend avec un confrère recherche une conciliation, au besoin par l’intermédiaire du conseil départemental de l’ordre ».
7. Il résulte de l’instruction que si les échanges verbaux entre M. B. et la patiente ont été tendus, il n’est pas établi que ce dernier aurait tenu des propos ou adopté un comportement lui manquant de respect, ni qu’il aurait déclaré être « contre le port du masque ».
8. En revanche, en invitant la patiente à quitter les lieux si l’absence de port de masque de protection lui faisait craindre d’être contaminée, M. B. a, ce faisant, méconnu les obligations déontologiques énoncées par les dispositions précitées des articles R. 4321-54 et
R. 4321-79 du code de la santé publique.

4 9. Par ailleurs, s’il est constant que lors de cette discussion M. B. a indiqué à la patiente qu’elle pouvait déposer une plainte à son encontre auprès du conseil départemental de l’ordre, de tels propos ne sont pas constitutifs d’un manquement de M. B. aux règles déontologiques de l’article R. 4321-79 du code de la santé publique.
10. Enfin, les propos de M. B. relatifs au comportement de la présidente du conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne, figurant dans ses mémoires en défense produits dans le cadre de l’instruction de la plainte devant la chambre disciplinaire, ne sauraient être regardés comme relevant des dispositions de l’article R. 432199 du code de la santé publique.
11. Les manquements aux règles déontologiques retenus aux points 5 et 8 du présent jugement justifient le prononcé d’une sanction disciplinaire à l’encontre de M. B..
Sur le quantum de la sanction :
12. Aux termes des dispositions de l’article L. 4124-6 du code de la santé publique, applicables aux masseurs-kinésithérapeutes en vertu des dispositions de l’article L 4321-19 de ce code : « Les peines disciplinaires que la chambre disciplinaire de première instance peut appliquer sont les suivantes : / 1° L’avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L’interdiction temporaire avec ou sans sursis ou l’interdiction permanente d’exercer une, plusieurs ou la totalité des fonctions de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme, conférées ou rétribuées par l’Etat, les départements, les communes, les établissements publics, les établissements reconnus d’utilité publique ou des mêmes fonctions accomplies en application des lois sociales ; / 4° L’interdiction temporaire d’exercer avec ou sans sursis ; cette interdiction ne pouvant excéder trois années ; / 5° La radiation du tableau de l’ordre. / Les deux premières de ces peines comportent, en outre, la privation du droit de faire partie d’un conseil, d’une section des assurances sociales de la chambre de première instance ou de la section des assurances sociales du Conseil national, d’une chambre disciplinaire de première instance ou de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre pendant une durée de trois ans ;
les suivantes, la privation de ce droit à titre définitif. Le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme radié ne peut se faire inscrire à un autre tableau de l’ordre. La décision qui l’a frappé est portée à la connaissance des autres conseils départementaux et de la chambre disciplinaire nationale dès qu’elle est devenue définitive. / Les peines et interdictions prévues au présent article s’appliquent sur l’ensemble du territoire de la République. / Si, pour des faits commis dans un délai de cinq ans à compter de la notification d’une sanction assortie d’un sursis, dès lors que cette sanction est devenue définitive, la juridiction prononce l’une des sanctions prévues aux 3° et 4°, elle peut décider que la sanction, pour la partie assortie du sursis, devient exécutoire sans préjudice de l’application de la nouvelle sanction ».
13. Eu égard à la gravité des faits commis par M. B., il y a lieu de prononcer à son encontre une interdiction temporaire d’exercer d’un mois avec sursis du 1er octobre au 31 octobre 2021 inclus.

5 Sur les conclusions du conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne tendant à l’application de l’article L. 741-2 du code de justice administrative :
14. Les quatrième à sixième alinéas de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse disposent que : « Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. / Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. / Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers ».
15. Le passage du premier mémoire en défense de M. B., enregistré le 29 décembre 2020, qui, en sa page 5, commence par les mots « Ce comportement » et se terminant par les mots « en guerre » excède le droit à la libre discussion et présente un caractère diffamatoire.
16. En revanche les autres passages de ce premier mémoire en sa page 5 concernant la présidente du conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeute de la Marne ainsi que ceux du second mémoire en défense de M. B., au point 7 de sa page 2, s’ils présentent un caractère polémique regrettable, n’excèdent pas le droit à la libre discussion et ne présentent pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire au sens des dispositions précitées.
Sur les frais liés à l’instance :
17. Aux termes du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».
18. Il y a lieu de mettre à la charge de M. B., partie perdante à l’instance, le versement au conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne d’une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions précitées du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE:
Article 1er : Une interdiction temporaire d’exercer d’un mois avec sursis, du 1er octobre au 31 octobre 2021 inclus, est prononcée à l’encontre de M. B..
Article 2 : Le passage du premier mémoire en défense de M. B., enregistré le 29 décembre 2020, qui, en sa page 5, commence par les mots « Ce comportement » et se terminant par les mots « en guerre » est supprimé.

6 Article 3 : M. B. versera au conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne une somme de 1 500 euros au titre du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B., au conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la Marne, au Conseil national de l’ordre des masseurskinésithérapeutes, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Reims, au directeur général de l’agence régionale de santé du Grand Est et au ministre chargé de la santé.
Copie en sera adressée à Me Cayol.
Affaire examinée à l’audience du 9 juin 2021 où siégeaient : M. Alexis Michel, président ; M. Patrick Boisseau, assesseur ; Mme Frédérique Lesage, assesseur ; M. Jacques Mugnier, assesseur ; M. Didier Suchetet, assesseur.
Décision rendue publique par affichage dans les locaux du conseil régional de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Grand Est le 8 juillet 2021.
Le président,
A. Michel
La greffière
A.-C. Guillot
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
A.-C. Guillot 7

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Chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Grand Est, 8 juillet 2021, n° 08072021 , 07-2020