Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 16 décembre 2013, 356972, Inédit au recueil Lebon

  • Chambres de commerce·
  • Industrie·
  • Voirie·
  • Domaine public·
  • Justice administrative·
  • Port·
  • Contravention·
  • Tribunaux administratifs·
  • Erreur de droit·
  • Navire

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CE, 8e ss-sect. jugeant seule, 16 déc. 2013, n° 356972
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 356972
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Douai, 12 décembre 2011, N° 10DA00895-10DA00910
Identifiant Légifrance : CETATEXT000028334157
Identifiant européen : ECLI:FR:CESJS:2013:356972.20131216

Sur les parties

Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 21 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société SeaFrance, représentée par son liquidateur judiciaire, la SCP BTSG prise en la personne de Me B…, dont le siège est 1 place Boieldieu à Paris (75002), et pour M. A… C…, domicilié… ; la société SeaFrance et M. C… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 10DA00895-10DA00910 du 13 décembre 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Douai, statuant sur leurs requêtes tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 0703927 du 12 mai 2010 du tribunal administratif de Lille les condamnant à verser à la chambre de commerce et d’industrie de Calais une indemnité de 130 000 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2007 en réparation des dommages causés aux installations portuaires, d’autre part, à l’annulation du jugement n° 0802116 du 12 mai 2010 du même tribunal administratif rejetant leur demande tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d’industrie de Calais à leur payer la totalité des sommes qu’ils ont versées en application d’une contravention de grande voirie et, enfin, à la condamnation de l’Etat et de la chambre de commerce et d’industrie de Calais à leur verser la somme de 130 000 euros et, subsidiairement, à verser une somme à déterminer par la cour et à remettre en état le domaine public, en premier lieu, a ramené à la somme de 82 539,96 euros l’indemnité qu’ils ont été condamnés à verser à la chambre de commerce et d’industrie de Calais et a rejeté le surplus des conclusions de leurs requêtes ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leurs appels ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Opale et de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code des ports maritimes ;

Vu le code des transports ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu l’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Jean-Marc Vié, Maître des Requêtes,

— les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Blanc, Rousseau, avocat de la Société Seafrance et de M. C… et à Me Le Prado, avocat de la chambre de commerce et d’industrie territoriale de la Côte d’Opale  ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 16 juin 2006, le navire Renoir, commandé par M. A… C…, a accroché un bouclier du poste à quai n° 9 du port de Calais et l’a endommagé ; que le 18 juin 2007, le préfet du Pas-de-Calais a saisi le tribunal administratif de Lille d’un procès-verbal de contravention de grande voirie à l’encontre de la société SeaFrance et de M. C… qui, par un premier jugement du 12 mai 2010, ont été condamnés à verser à la chambre du commerce et de l’industrie de Calais une indemnité de 130 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2007, en réparation des dommages causés aux installations portuaires ; que, par un second jugement du 12 mai 2010, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à ce que soit mise à la charge de la chambre de commerce et de l’industrie de Calais la totalité des sommes versées par eux au titre de la contravention de grande voirie ; qu’ils se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 13 décembre 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Douai, statuant sur leur appel formé contre ces deux jugements, a ramené à la somme de 82 539,96 euros le montant de l’indemnité au versement de laquelle ils ont été condamnés en tant qu’elle a rejeté le surplus de leurs conclusions ;

Sur la régularité de l’arrêt :

2. Considérant, en premier lieu, que la cour, qui s’est prononcée sur l’action en réparation des dommages causés au domaine public, a écarté comme non fondé le moyen tiré de ce que les poursuites étaient irrégulières au motif que les faits avaient été constatés par un représentant de la chambre de commerce et d’industrie, en jugeant qu’un procès-verbal dont l’agent verbalisateur n’a pas été personnellement témoin peut servir de base à une condamnation si ses énonciations sont confirmées par l’instruction et que tel avait été le cas ; qu’elle a ainsi jugé implicitement mais nécessairement que la circonstance que ces faits avaient été constatés par un représentant de la chambre de commerce et d’industrie était sans influence sur le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la cour n’a pas entaché son arrêt d’une insuffisance de motivation sur ce point ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la cour, qui s’est prononcée sur la régularité du jugement attaqué en relevant notamment que le tribunal administratif avait exposé le principe régissant la condamnation des contrevenants et les éléments pris en compte pour déterminer leur condamnation, doit être regardée comme ayant répondu au moyen tiré de ce que leur droit à un procès équitable aurait été méconnu au motif que les premiers juges n’auraient retenu que les éléments défavorables du rapport d’expertise du 16 juin 2006 ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la cour, qui n’était pas tenue de répondre à tous les arguments des parties, s’est prononcée sur les moyens soulevés devant elle relatifs au défaut allégué d’entretien normal de l’ouvrage et à l’existence de la force majeure ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que, dès lors que la cour avait estimé que les dommages causés ne résultaient pas de faits imputables à la chambre de commerce et d’industrie, elle n’était pas tenue de se prononcer sur le moyen des requérants tiré de ce que le refus d’admettre les demandes reconventionnelles dans le contentieux de la contravention de grande voirie méconnaîtrait les stipulations des articles 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1 paragraphe 1 du premier protocole additionnel à cette convention ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que la cour a répondu au moyen tiré de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit « en excluant du droit à indemnité du contrevenant le préjudice résultant de sa condamnation à la remise en état du domaine public » ;

Sur le bien-fondé de l’arrêt :

7. Considérant, en premier lieu, qu’il n’était pas contesté que le bouclier du poste à quai n° 9 du port de Calais constituait un bien appartenant au domaine public à la date des faits constatés par le procès-verbal ; que si la cour a fait référence aux articles L. 2111-2, L. 2111-6 puis L. 2132-1 du code de la propriété des personnes publiques, alors même qu’ils n’étaient pas entrés en vigueur à la date des faits, elle n’a tiré aucune conséquence de la mention de ces dispositions  ; qu’elle n’a, dès lors, commis aucune erreur de droit ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la cour, qui était tenue de vérifier si les poursuites avaient un fondement légal au moment où a été dressé le procès-verbal de contravention de grande voirie, n’a pas commis d’erreur de droit en se fondant sur l’article L. 331-1 du code des ports maritimes, selon lequel « sans préjudice des sanctions pénales encourues, tout manquement aux dispositions du chapitre V du présent titre, à celles du présent chapitre et aux dispositions réglementant l’utilisation du domaine public, notamment celles relatives aux occupations sans titre, constitue une contravention de grande voirie réprimée dans les conditions prévues par les dispositions du présent chapitre » ; que ces dispositions, qui ont été abrogées par l’article 7 de l’ordonnance du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, ont été reprises dans une rédaction identique par l’article L. 5337-1 de ce code en vigueur à la date à laquelle la cour a statué ;

9. Considérant, en troisième lieu, que pour se prononcer sur l’existence d’une faute de l’administration, assimilable à un cas de force majeure, la cour a relevé qu’il résultait de l’instruction, et notamment de la lettre du service maritime des ports de Boulogne-sur-Mer et Calais adressée en réponse à la lettre de la société SeaFrance du 13 juillet 2006, que ce navire avait effectué des tests de compatibilité le 7 mars 2006 et environ trois cent cinquante accostages-appareillages entre cette date et le 16 juin 2006, sans rencontrer de difficulté majeure ; qu’elle en a déduit que les requérants n’étaient pas fondés à soutenir qu’ils n’auraient pas été informés d’une inadaptation du quai n° 9 à la taille du navire et que l’ordre donné par le service du port d’accoster à ce quai aurait eu pour effet de placer M. C… dans l’impossibilité de prendre des mesures propres à éviter tout dommage, situation qui aurait été assimilable à un cas de force majeure ; que, par suite, la cour a suffisamment motivé son arrêt sur ce point et a exactement qualifié les faits ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la cour n’a pas mis à leur charge la preuve de l’absence de nécessité de la reprise de la réparation provisoire des tôles ; qu’elle n’a pas dénaturé les faits en estimant que ces travaux étaient nécessaires dès lors qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la tôle d’origine avait une épaisseur supérieure à celle qui avait été placée à titre provisoire ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que la cour n’a pas dénaturé les faits en estimant que les requérants n’établissaient pas que la pose d’un échafaudage ou une autre technique moins coûteuse aurait été aussi efficace que l’emploi d’un ponton élévateur, dès lors que la chambre de commerce et de l’industrie faisait valoir que l’usage du ponton permettait de limiter la durée de fermeture du poste et de réaliser les travaux plus rapidement ;

12. Considérant, en dernier lieu, que la cour n’a ni commis d’erreur de droit ni omis de tirer les conséquences de ses propres constatations en laissant à la charge des requérants la totalité des frais liés à l’utilisation du ponton élévateur, alors même que cet équipement aurait aussi été utilisé pour le remplacement d’amortisseurs non endommagés par le navire ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société SeaFrance et de M. C… doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il y a lieu de mettre à la charge de la société SeaFrance et de M. C… le versement d’une somme de 3 000 euros à la chambre de commerce et d’industrie de la Côte-d’Opale ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société SeaFrance et de M. C… est rejeté.

Article 2 : La société SeaFrance et M. C… verseront chacun à la chambre de commerce et d’industrie de la Côte-d’Opale une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 3 : La présente décision sera notifiée au liquidateur judiciaire de la société SeaFrance, la SCP BTSG prise en la personne de Me B…, à Monsieur A… C…, à la chambre de commerce et d’industrie de la Côte-d’Opale et au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 16 décembre 2013, 356972, Inédit au recueil Lebon