Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 31 mars 2017, 393155

  • Actes constituant des décisions susceptibles de recours·
  • Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours·
  • Décision susceptible de recours·
  • Introduction de l'instance·
  • Consentement présumé·
  • 1) régime juridique·
  • Autopsie médicale·
  • Santé publique·
  • Bioéthique·
  • Existence

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Médecin chef du service du centre hospitalier dans lequel est décédée l’intéressée ayant estimé utile de faire procéder à une autopsie et porté la mention prélèvement en vue de rechercher la cause du décès sur le certificat de décès qu’il a établi. L’acte par lequel le directeur du centre hospitalier a indiqué au veuf que l’autopsie médicale du corps de son épouse ne serait pas réalisée doit être regardé comme une décision faisant grief qui est, par suite, susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir. ) Il découle des dispositions des articles L. 1211-2, L. 1232-1 et L. 1232-4 du code de la santé publique, éclairées par les travaux parlementaires de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique dont elles sont issues, que, d’une part, l’autopsie médicale constitue un acte médical soumis à la règle du consentement présumé, sur lequel les proches de la personne décédée sont interrogés si le défunt n’avait pas fait explicitement part de sa volonté, et que, d’autre part, le médecin responsable n’est pas tenu de faire droit à la demande des proches de pratiquer une telle autopsie, même lorsque la cause du décès est incertaine.,,,2) Médecin chef du service du centre hospitalier dans lequel est décédée l’intéressée ayant estimé utile de faire procéder à une autopsie et porté la mention prélèvement en vue de rechercher la cause du décès sur le certificat de décès qu’il a établi. L’acte par lequel le directeur du centre hospitalier a indiqué au veuf que l’autopsie médicale du corps de son épouse ne serait pas réalisée doit être regardé comme une décision faisant grief qui est, par suite, susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir.,,,3) Hôpital disposant de locaux conformes à l’arrêté du 7 mai 2001 relatif aux prescriptions techniques applicables aux chambres mortuaires des établissements de santé, permettant de réaliser une autopsie médicale. Dès lors qu’aucune disposition, et notamment pas l’article L. 6211-1 du code la santé publique, ne subordonne la réalisation d’une telle autopsie à l’existence, au sein de l’établissement, d’un service d’anatomopathologie ou même à la présence de praticiens possédant des compétences particulières, le directeur du centre hospitalier, auquel il incombait de déterminer si l’autopsie médicale prescrite pouvait ou non être réalisée au sein de l’établissement, ne pouvait rejeter la demande de l’intéressé au motif que le transport du corps vers un autre établissement de santé en vue d’y faire pratiquer une autopsie médicale n’était plus légalement possible.

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Philippe Graveleau · Gazette du Palais · 25 avril 2017

Lexis Veille · 14 avril 2017
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Sur la décision

Référence :
CE, 1re - 6e ch. réunies, 31 mars 2017, n° 393155, Lebon T.
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 393155
Importance : Mentionné aux tables du recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Marseille, 1er juillet 2015, N° 13MA03083
Identifiant Légifrance : CETATEXT000034330341
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2017:393155.20170331

Sur les parties

Texte intégral

Conseil d’État

N° 393155
ECLI:FR:CECHR:2017:393155.20170331
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1re – 6e chambres réunies
Mme Florence Marguerite, rapporteur
M. Jean Lessi, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER, avocats

Lecture du vendredi 31 mars 2017REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B… C… a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 janvier 2013 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Grasse a refusé d’accéder à sa demande tendant à la réalisation de l’autopsie du corps de Mme A… C…, son épouse, décédée le 26 janvier 2013, et d’enjoindre à cette autorité de faire procéder à l’autopsie demandée. Par un jugement n° 1300352 du 14 juin 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13MA03083 du 2 juillet 2015, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par M. C… contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 2 septembre 2015, 2 décembre 2015, 21 avril 2016, 12 mai 2016, 10 janvier 2017 et 8 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. C… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code de la santé publique ;

 – l’arrêté 7 mai 2001 relatif aux prescriptions techniques applicables aux chambres mortuaires des établissements de santé ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. C… et à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat du centre hospitalier de Grasse.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A… C…, épouse de M. B… C…, est décédée le samedi 26 janvier 2013 à 5h30 au centre hospitalier de Grasse. Le 28 janvier, des échanges entre M. C… et des médecins du service dans lequel son épouse était hospitalisée ont montré l’utilité d’une autopsie pour déterminer les causes du décès et, le 29 janvier, le médecin chef de ce service a signé le certificat de décès de Mme C… en cochant la case « prélèvements en vue de rechercher la cause du décès ». Le lendemain, M. C… a demandé au directeur du centre hospitalier de Grasse que l’autopsie sollicitée puisse être réalisée. Toutefois, par courrier du 31 janvier 2013, le directeur l’a informé de l’impossibilité d’y procéder, aux motifs que l’autopsie ne pouvait légalement être pratiquée au centre hospitalier de Grasse et que le délai réglementaire pour transporter le corps d’un défunt avant mise en bière était expiré. M. C… a alors demandé l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision au tribunal administratif de Nice, qui a rejeté sa demande par un jugement du 14 juin 2013. Par un arrêt du 2 juillet 2015, contre lequel il se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel qu’il a formé contre ce jugement.

Sur l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille :

2. Il ressort des pièces de la procédure devant la cour administrative d’appel de Marseille que M. C… soutenait dans ses écritures d’appel, d’une part, que le refus de procéder à l’autopsie médicale du corps de son épouse devait être motivé et, d’autre part, que le délai de quarante-huit heures prévu par l’article R. 2213-11 du code général des collectivités territoriales ne pouvait lui être opposé. Dès lors, en jugeant que, pour obtenir l’annulation du refus litigieux, M. C… faisait seulement valoir que l’hôpital avait commis une faute en s’abstenant de l’informer de l’existence de ce délai et en ne le mettant pas à même de demander l’autopsie de son épouse avant son terme, ce dont elle a déduit que ses moyens seraient seulement de nature, s’ils étaient fondés, à démontrer que la responsabilité du centre hospitalier était engagée à son égard, la cour administrative d’appel s’est méprise sur la portée de ses écritures. Par suite, M. C… est fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque. Le moyen ainsi retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n’est pas nécessaire d’examiner l’autre moyen de son pourvoi.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le cadre juridique du litige et la recevabilité de la demande de M. C… :

4. Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 1211-2 du code de la santé publique : « Les autopsies sont dites médicales lorsqu’elles sont pratiquées, en dehors du cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire, dans le but d’obtenir un diagnostic sur les causes du décès. Elles doivent être pratiquées conformément aux exigences de recherche du consentement ainsi qu’aux autres conditions prévues au chapitre II du titre III du présent livre (…) ». Aux termes de l’article L. 1232-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « Le prélèvement d’organes sur une personne dont la mort a été dûment constatée ne peut être effectué qu’à des fins thérapeutiques ou scientifiques. / Ce prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement. (…) / Si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir auprès des proches l’opposition au don d’organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt, par tout moyen, et il les informe de la finalité des prélèvements envisagés. / Les proches sont informés de leur droit à connaître les prélèvements effectués. / L’Agence de la biomédecine est avisée, préalablement à sa réalisation, de tout prélèvement à fins thérapeutiques ou à fins scientifiques ». Aux termes de l’article L. 1232-4 du même code : « Les médecins qui établissent le constat de la mort, d’une part, et ceux qui effectuent le prélèvement ou la greffe, d’autre part, doivent faire partie d’unités fonctionnelles ou de services distincts ».

5. Il découle de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique dont elles sont issues, que, d’une part, l’autopsie médicale constitue un acte médical soumis à la règle du consentement présumé, sur lequel les proches de la personne décédée sont interrogés si le défunt n’avait pas fait explicitement part de sa volonté, et que, d’autre part, le médecin responsable n’est pas tenu de faire droit à la demande des proches de pratiquer une telle autopsie, même lorsque la cause du décès est incertaine.

6. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le médecin chef du service du centre hospitalier de Grasse dans lequel Mme C… est décédée a estimé utile de faire procéder à une autopsie du corps de cette dernière et a porté la mention « prélèvement en vue de rechercher la cause du décès » sur le certificat de décès qu’il a établi. L’acte par lequel le directeur du centre hospitalier de Grasse a indiqué à M. C… que l’autopsie médicale du corps de son épouse ne serait pas réalisée, faute d’être légalement possible, doit être regardé comme une décision faisant grief qui est, par suite, susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir.

7. En outre, si, dans le cadre d’une procédure pénale diligentée à la suite de la plainte d’un membre de la famille d’une personne décédée, le procureur de la République peut ordonner qu’une autopsie judiciaire soit pratiquée sur la victime, cette possibilité ne fait pas obstacle à ce que des proches de la personne décédée dans un établissement de santé, lorsque le médecin ayant établi le certificat de décès a demandé la réalisation d’une autopsie médicale, puissent contester devant le juge de l’excès de pouvoir la décision du directeur de l’établissement de ne pas faire réaliser cette autopsie.

8. Par suite, le centre hospitalier de Grasse n’est pas fondé à soutenir que la demande de M. C… serait irrecevable.

Sur la légalité de la décision attaquée :

9. Aux termes de l’article R. 2213-11 du code général des collectivités territoriales : « Sauf dispositions dérogatoires, les opérations de transport de corps avant mise en bière du corps d’une personne décédée sont achevées dans un délai maximum de quarante-huit heures à compter du décès ». Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l’article R. 2213-14 du même code : « Le transport du corps d’une personne décédée vers un établissement de santé, pour réaliser une autopsie médicale, est déclaré préalablement, par tout moyen écrit, auprès du maire de la commune du lieu de décès ou de dépôt, à la demande de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles. La déclaration est subordonnée à la détention de l’extrait du certificat de décès prévu à l’article L. 2223-42, attestant que le décès ne pose pas de problème médico-légal. / Lorsque l’autopsie médicale est réalisée en vue de diagnostiquer l’une des infections transmissibles dont la liste est fixée au c de l’article R. 2213-2-1, le délai mentionné à l’article R. 2213-11 est porté à 72 heures ». Il résulte de ces dispositions qu’à la date de la décision attaquée, comme d’ailleurs au moment où le médecin ayant établi le certificat de décès a prescrit l’autopsie médicale, le transport du corps de Mme C… vers un autre établissement de santé en vue d’y faire pratiquer une autopsie médicale n’était plus légalement possible.

10. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et n’est d’ailleurs pas contesté que le centre hospitalier de Grasse disposait de locaux conformes à l’arrêté du 7 mai 2001 relatif aux prescriptions techniques applicables aux chambres mortuaires des établissements de santé, permettant de réaliser une autopsie médicale. Dès lors qu’aucune disposition, et notamment pas l’article L. 6211-1 du code la santé publique, ne subordonne la réalisation d’une telle autopsie à l’existence, au sein de l’établissement, d’un service d’anatomopathologie ou même à la présence de praticiens possédant des compétences particulières, le directeur du centre hospitalier de Grasse, auquel il incombait de déterminer si l’autopsie médicale prescrite pouvait ou non être réalisée au sein de l’établissement, ne pouvait, sans erreur de droit, rejeter la demande de M. C… au motif que l’autopsie médicale n’était plus légalement possible.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. C… est fondé a soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la décision du directeur du centre hospitalier de Grasse du 31 janvier 2013.

Sur les autres conclusions de la demande :

12. Contrairement à ce que soutient M. C…, l’inhumation de Mme C… le 12 février 2013 s’oppose à ce que l’autopsie demandée puisse être désormais pratiquée. Dans ces conditions, les conclusions du requérant à fin d’injonction ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion du litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Grasse, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 000 euros à verser à M. C… au titre des frais exposés par lui en première instance et en appel. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C…, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le centre hospitalier de Grasse demande à ce titre.

D E C I D E :

--------------


Article 1er : L’arrêt de la cour administrative de Marseille du 2 juillet 2015 et le jugement du tribunal administratif de Nice du 14 juin 2013 sont annulés.

Article 2 : La décision du directeur du centre hospitalier de Grasse du 31 janvier 2013 est annulée.

Article 3 : Le centre hospitalier de Grasse versera à M. C… une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C… est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier de Grasse présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B… C… et au centre hospitalier de Grasse.

Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.


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