Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 7 mars 2018, 403455, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Philippe Graveleau · Gazette du Palais · 27 mars 2018

Conclusions du rapporteur public · 7 mars 2018

N°403455 SOCIETE AEROPORT DE TOULOUSE- BLAGNAC 2ème et 7ème chambres réunies Séance du 14 février 2018 Lecture du 7 mars 2018 CONCLUSIONS M. Xavier DOMINO, rapporteur public Le risque aviaire, qui désigne les risques d'accidents ou de dommages causés par des collisions ente des oiseaux et des avions, est loin d'être anecdotique. Tous les ans il y cinq à six mille incidents avec des volatiles dans l'aviation civile dont près de huit cents en France. C'est l'un de ces accidents qui est à l'origine du présent litige. Le 5 décembre 2008, à 9 heures, la société en charge …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 2e - 7e ch. réunies, 7 mars 2018, n° 403455
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 403455
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Bordeaux, 11 juillet 2016, N° 15BX00661, 15BX00716
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036682835
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2018:403455.20180307

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société Air France et la société AXA Corporate Solutions Assurances ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l’Etat et la société Aéroport Toulouse-Blagnac à verser à la société Air France la somme de 44 477,87 euros ainsi que la contre-valeur en euros de la somme de 750 000 dollars américains et à la société AXA Corporate Solutions Assurances la contre-valeur en euros de la somme de 940 733,48 dollars américains, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2010 et les intérêts étant eux-mêmes capitalisés, en réparation des préjudices subis du fait de l’accident d’un appareil de la société Air France le 5 décembre 2008 lors de son décollage de l’aéroport de Toulouse-Blagnac.

Par un jugement n° 1003078 du 30 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné 1'Etat et la société Aéroport Toulouse-Blagnac à verser, chacun, à la société Air France la somme de 234 520,63 euros et à la société AXA Corporate Solutions Assurances la somme de 257 204,13 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2010 et capitalisation au 27 janvier 2011 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Par un arrêt n° 15BX00661, 15BX00716 du 12 juillet 2016, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel de la société Générale Industrielle de Protection Midi-Pyrénées Aquitaine (GIP-MPA), réformé ce jugement pour, d’une part, porter les sommes dues par l’Etat à la société Air France et à la société AXA Corporate Solutions Assurances à, respectivement, 293 150,79 euros et 321 505,16 euros et, d’autre part, condamner la société Aéroport Toulouse-Blagnac à verser à la SA Air France une somme de 293 150,79 euros et à la société AXA Corporate Solutions Assurances une somme de 321 505,16 euros et juger que la société GIP-MPA ne garantirait la société Aéroport Toulouse-Blagnac que de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 septembre, 12 décembre 2016 et 8 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Aéroport Toulouse-Blagnac demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge des sociétés GIP-MPA, Air France et Axa corporate solutions la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code civil ;

 – le code de l’aviation civile ;

 – le code des transports ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Clément Malverti, auditeur,

— les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Aéroport Toulouse-Blagnac, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Air France et autres et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société GIP-MPA ;

1. Considérant que le 5 décembre 2008 un des réacteurs d’un Airbus A 321 de la société Air France a été endommagé du fait d’une collision aviaire survenue peu après son décollage de l’aérodrome de Toulouse-Blagnac ; que la société Air France et son assureur, la société AXA Corporate Solutions Assurances, ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l’Etat et la société Aéroport Toulouse-Blagnac à les indemniser des préjudices subis du fait de cet accident ; que, par un jugement du 9 janvier 2014, le tribunal administratif a, d’une part, mis la réparation du dommage à la charge de l’Etat et de la société Aéroport Toulouse-Blagnac, à concurrence de 40 % chacun, et laissé le restant à la charge de la société Air France, d’autre part, jugé que la société Générale Industrielle de Protection Midi-Pyrénées Aquitaine (société GIP-MPA), titulaire du marché de service de prévention du risque aviaire conclu par la chambre de commerce et d’industrie de Toulouse, concessionnaire originaire de l’aéroport de Toulouse, à laquelle a succédé la société Aéroport Toulouse-Blagnac, devait garantir cette dernière de l’intégralité de sa condamnation ; que, par un second jugement du 30 décembre 2014, le tribunal administratif, après expertise, a condamné l’Etat et la société Aéroport Toulouse-Blagnac à verser chacun à la société Air France la somme de 234 520,63 euros et à la société AXA Corporate Solutions Assurances la somme de 257 204,13 euros ; que, par un arrêt du 12 juillet 2016, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel de la société GIP-MPA, réformé ces jugements pour juger, d’une part, que la société Air France n’avait pas commis de faute de nature à exonérer partiellement l’Etat et la société Aéroport Toulouse-Blagnac de leur responsabilité, d’autre part, que la société Aéroport Toulouse-Blagnac avait fait preuve d’un défaut de surveillance de son cocontractant, la société GIP-MPA, et, par suite, qu’il ne pouvait être fait que partiellement droit à son appel en garantie ; que la société Aéroport Toulouse-Blagnac se pourvoit en cassation contre cet arrêt ; que, par la voie du pourvoi incident, la société GIP-MPA demande l’annulation de cet arrêt en tant qu’il a retenu la responsabilité de la société Aéroport Toulouse-Blagnac à l’égard de la société Air France et son assureur et en ce qu’il a fait droit à l’appel en garantie de cette société ;

En ce qui concerne la responsabilité de la société Aéroport de Toulouse-Blagnac :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 231-2 du code de l’aviation civile, en vigueur à l’époque des faits : « La police des aérodromes et des installations aéronautiques (…) est assurée (…) par le préfet qui exerce, à cet effet dans leur emprise, les pouvoirs impartis au maire par l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales » ; que le I de l’article L. 213-3 de ce code, dans sa version applicable au litige, précise que : « Les exploitants d’aérodromes civils (…) sont tenus d’assurer, sous l’autorité du titulaire des pouvoirs de police mentionné à l’article L. 213-2, le sauvetage et la lutte contre les incendies d’aéronefs, ainsi que la prévention du péril aviaire. Ils peuvent, en tout ou partie, confier l’exécution de ces missions, par voie de convention, au service départemental d’incendie et de secours, à l’autorité militaire ou à un organisme agréé dans des conditions fixées par décret » ; que l’article D. 231-1-14 du même code dispose que : " La prévention du péril animalier concourt à la sécurité des vols. Elle vise à réduire les risques de collision entre les aéronefs et les animaux, lors des opérations de décollage et d’atterrissage. / La prévention du péril animalier s’exerce dans l’emprise de l’aérodrome et comprend : / a) L’ensemble des actions préventives qui visent à rendre le milieu inhospitalier aux animaux par une gestion appropriée de l’environnement naturel et la pose de clôtures adaptées aux risques et à l’environnement, y compris à la configuration du terrain ; / b) La mise en oeuvre, de façon occasionnelle ou permanente, d’une ou plusieurs mesures appropriées d’effarouchement ou de prélèvement des animaux » ; que l’article D. 213-1-19 de ce code, dans sa version applicable au litige, prévoit que : " L’exploitant d’aérodrome : / a) Organise l’exécution des mesures de prévention du péril animalier, qu’il peut confier, par voie de convention, au service départemental d’incendie et de secours, à l’autorité militaire ou à un organisme agréé ; / b) Etablit les consignes d’intervention relatives à la prévention du péril animalier applicables sur l’aérodrome et en garantit le respect ; (…) d) Informe l’organisme de la circulation aérienne, s’il en existe un sur l’aérodrome, de la présence d’animaux, des mesures d’effarouchement et de prélèvement d’animaux mis en oeuvre et de leurs résultats et veille à la qualité de ces informations (…) » ; que l’article D. 213-1-20 du même code dispose que : « L’organisme chargé du contrôle de la circulation aérienne sur l’aérodrome informe l’exploitant de la présence d’animaux à proximité des aires de manoeuvre ainsi que des impacts sur les aéronefs, dès qu’il en a connaissance. Il permet la conduite de l’action des agents chargés du péril animalier » ; que l’article 8 de l’arrêté du 10 avril 2007 relatif à la prévention du péril animalier sur les aérodromes, dans sa version applicable au litige, dispose que : « Les mesures d’effarouchement et de prélèvement doivent être mises en oeuvre chaque fois que la présence d’animaux, connue ou signalée dans l’emprise de l’aérodrome, présente un risque de collision. / En cas de rassemblements d’animaux sur une piste en service, les mesures d’effarouchement sont mises en oeuvre dans les plus brefs délais. Elles peuvent être différées lorsque la localisation et le comportement des animaux ne présentent pas de risque immédiat » ;

3. Considérant, d’une part, qu’il ne résulte pas de ces dispositions que c’est à la seule initiative du service de contrôle de la circulation aérienne que les mesures d’effarouchement doivent ou peuvent être mises en oeuvre ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’aient été prises, lors de la collision aviaire du 5 décembre 2008 citée au point 1, les mesures incombant à l’exploitant de l’aérodrome et nécessaires à l’effarouchement des oiseaux dont la présence avait été signalée sur les pistes de l’aérodrome ; que dès lors, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n’a pas inexactement qualifié les faits de l’espèce en jugeant que l’absence d’intervention rapide du service de prévention du risque aviaire constituait une faute de nature à engager la responsabilité des personnes en charge de ce service ;

4. Considérant, d’autre part, que, contrairement à ce qui est soutenu, la cour n’a pas entaché son arrêt d’erreurs de droit en jugeant qu’une telle faute présentait un lien direct et certain avec le dommage subi par l’Airbus A 321 de la société Air France, alors même qu’il n’est pas établi que le bon fonctionnement du service de prévention du risque aviaire aurait écarté tout risque d’accident ;

En ce qui concerne la responsabilité de l’équipage de l’avion de la société Air France :

5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’équipage de l’avion de la société Air France a eu connaissance, quelques minutes avant son décollage, de la présence d’oiseaux, signalée par l’équipage d’un autre avion ; qu’environ une minute après ce signalement, la tour de contrôle a autorisé le décollage de l’avion de la société Air France, dont l’équipage pouvait donc raisonnablement penser que les oiseaux avaient été dispersés  ; que, dès lors, la société Aéroport de Toulouse-Blagnac et la société GIP-MPA ne sont pas fondées à soutenir que la cour aurait entaché son arrêt d’erreur de qualification juridique et de dénaturation des faits de l’espèce en jugeant qu’aucune faute ne pouvait être reprochée à l’équipage de l’Airbus endommagé ;

En ce qui concerne l’appel en garantie présenté par la société Aéroport de Toulouse-Blagnac contre la société GIP-MPA :

6. Considérant que, pour ne faire que partiellement droit à l’appel en garantie présenté par la société Aéroport de Toulouse-Blagnac contre la société GIP-MPA, la cour administrative de Bordeaux s’est bornée à relever que l’absence d’intervention rapide de l’agent de la société GIP-MPA participait de conditions d’organisation et de fonctionnement insuffisamment rigoureuses du service de prévention du risque aviaire, lesquelles ne pouvaient que résulter d’une surveillance insuffisante de l’activité de son cocontractant par la société Aéroport Toulouse-Blagnac ; qu’en statuant de la sorte, alors même qu’il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Aéroport Toulouse-Blagnac ait fait preuve d’un tel défaut de surveillance, la cour a inexactement qualifié les faits de l’espèce ; que, par suite, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens des pourvois dirigés contre cette partie de l’arrêt, la société Aéroport Toulouse-Blagnac est fondée à en demander l’annulation en tant qu’elle n’a fait que partiellement droit à son appel en garantie ; que l’annulation de l’arrêt dans cette mesure rend sans objet le pourvoi incident de la société GIP-MPA ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que seuls l’article 4 de l’arrêt attaqué et son article 5, en tant qu’il réforme l’article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 janvier 2014, doivent être annulés ; que le surplus des conclusions du pourvoi doit être rejeté ; qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le pourvoi incident de la société GIP-MPA ;

8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure, l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

9. Considérant qu’il ressort des stipulations du contrat conclu entre la chambre de commerce et d’industrie de Toulouse, à laquelle a succédé la société Aéroport de Toulouse-Blagnac pour l’exploitation de la concession de cet aéroport, et la société GIP-MPA que cette dernière s’était vue confier dans son intégralité la mission de prévention du péril aviaire sur l’aérodrome de Toulouse-Blagnac, soit l’obligation de diligenter à tout moment les actions visant à écarter les oiseaux des pistes et de leurs abords ; que ce contrat prévoyait également que la société GIP-MPA s’engageait sans réserve à garantir la société Aéroport de Toulouse-Blagnac « contre tout recours de quiconque, au cas où sa responsabilité serait engagée du fait de l’inobservation » de l’une de ses obligations ; que, dès lors que, comme il a été dit plus haut, la société Aéroport de Toulouse-Blagnac a été condamnée à réparer le préjudice subi par la société Air France en raison d’un dysfonctionnement du service de prévention du risque aviaire dû à l’absence d’intervention rapide de ce service, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a jugé que la société GIP-MPA devait garantir la société Aéroport de Toulouse-Blagnac de l’intégralité de la condamnation prononcée à son encontre ; que, par suite, la société GIP-MPA n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions sur ce point ;

10. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L’article 4 et l’article 5, en tant qu’il réforme l’article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 janvier 2014, de l’arrêt du 12 juillet 2016 de la cour administrative d’appel de Bordeaux sont annulés.


Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Aéroport de Toulouse-Blagnac est rejeté.


Article 3 : Il n’y a plus lieu de statuer sur le pourvoi incident de la société GIP-MPA.

Article 4 : Le recours de la société GIP-MPA devant la cour administrative d’appel de Bordeaux est rejeté.

Article 5 : Les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Aéroport de Toulouse-Blagnac, à la société Générale Industrielle de Protection Midi-Pyrénées Aquitaine, à la société Air France et à la société AXA Corporate Solutions Assurances.

Copie en sera adressée au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

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Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 7 mars 2018, 403455, Inédit au recueil Lebon