Conseil d'État, 5ème chambre, 8 février 2018, 402711, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CE, 5e ch., 8 févr. 2018, n° 402711
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 402711
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Paris, 19 juin 2016, N° 14PA05275
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036586681
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2018:402711.20180208

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La Fondation Jérôme Lejeune a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision en date du 12 mars 2010 par laquelle la directrice de l’Agence de la biomédecine a autorisé l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 846) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires ayant pour finalité l’identification des gènes impliqués dans le contrôle de l’autorenouvellement des cellules souches embryonnaires humaines et la différenciation de ces cellules en neurones dopaminergiques. Par un jugement n° 1013289/6-3 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14PA05275 du 20 juin 2016, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par la Fondation Jérôme Lejeune contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 22 août et 21 novembre 2016 et le 1er décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Fondation Jérôme Lejeune demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Agence de la biomédecine la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code de la santé publique ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Cédric Zolezzi, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la Fondation Jérôme Lejeune et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l’Agence de la biomédecine.

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 12 mars 2010, la directrice de l’Agence de la biomédecine a autorisé l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 846) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires ayant pour finalité l’identification des gènes impliqués dans le contrôle de l’autorenouvellement des cellules souches embryonnaires humaines et la différenciation de ces cellules en neurones dopaminergiques ; que ce protocole recourait à des lignées de cellules souches embryonnaires dont l’importation avait été autorisée par arrêté du ministre des solidarités, de la santé et de la famille et du ministre délégué à la recherche du 22 mars 2005 ; que, par un jugement du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la Fondation Jérôme Lejeune tendant à l’annulation de la décision du 12 mars 2010 ; que la Fondation Jérôme Lejeune se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 20 juin 2016 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel formé contre ce jugement ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « La recherche sur l’embryon humain est interdite./ A titre exceptionnel, lorsque l’homme et la femme qui forment le couple y consentent, des études ne portant pas atteinte à l’embryon peuvent être autorisées sous réserve du respect des conditions posées aux quatrième, cinquième, sixième et septième alinéas./ Par dérogation au premier alinéa, et pour une période limitée à cinq ans à compter de la publication du décret en Conseil d’Etat prévu à l’article L. 2151-8, les recherches peuvent être autorisées sur l’embryon et les cellules embryonnaires lorsqu’elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable, en l’état des connaissances scientifiques. Les recherches dont les protocoles ont été autorisés dans ce délai de cinq ans et qui n’ont pu être menées à leur terme dans le cadre dudit protocole peuvent néanmoins être poursuivies dans le respect des conditions du présent article, notamment en ce qui concerne leur régime d’autorisation./ Une recherche ne peut être conduite que sur les embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l’objet d’un projet parental. Elle ne peut être effectuée qu’avec le consentement écrit préalable du couple dont ils sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d’accueil des embryons par un autre couple ou d’arrêt de leur conservation. A l’exception des situations mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l’article L. 2141-3, le consentement doit être confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois. Dans tous les cas, le consentement des deux membres du couple est révocable à tout moment et sans motif… » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 2151-6 du même code : « L’importation de tissus ou de cellules embryonnaires ou foetaux aux fins de recherche est soumise à l’autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine. Cette autorisation ne peut être accordée que si ces tissus ou cellules ont été obtenus dans le respect des principes fondamentaux prévus par les articles 16 à 16-8 du code civil » ; qu’aux termes du dernier alinéa de l’article R. 2151-13 du même code : « Tout organisme qui importe ou exporte des tissus ou cellules embryonnaires ou foetaux mentionnés au présent article doit être en mesure de justifier qu’ils ont été obtenus dans le respect des principes fixés par les articles 16 à 16-8 du code civil, avec le consentement préalable de la femme ayant subi une interruption de grossesse ou du couple géniteur dans le cas d’une assistance médicale à la procréation, et sans qu’aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, ne leur ait été alloué » ;

3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que dans le cas où des recherches sont envisagées sur des cellules souches embryonnaires humaines ayant fait l’objet d’une autorisation d’importation, il est exigé que le couple donneur dont est issu l’embryon ait consenti au don de cet embryon, dans le pays où le don a eu lieu, dans les conditions définies à l’article R. 2151-13 cité ci-dessus ; ; que le recueil préalable du consentement écrit du couple donneur prévu par l’article L. 2151-5 en cas de don d’embryon consenti sur le territoire français à des fins de recherche n’est, dans ce cas, pas exigé ; qu’ainsi, c’est sans commettre d’erreur de droit que la cour administrative d’appel a jugé que, s’agissant des cellules souches embryonnaires importées, l’existence du consentement préalable du couple géniteur était vérifiée dans le cadre de l’autorisation d’importation et non dans le cadre de l’autorisation de recherche portant sur ces cellules ;

4. Considérant que l’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s’il en constitue la base légale ; que les autorisations de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ne sont pas des actes pris pour l’application des autorisations d’importation de ces mêmes cellules, lesquelles ne constituent pas davantage leur base légale ; qu’ainsi, en jugeant que la fondation requérante ne pouvait utilement soutenir que le consentement libre et éclairé de chacun des membres du couple ou du membre survivant du couple dont sont issues les cellules souches embryonnaires humaines n’aurait pas été recueilli préalablement à l’édiction de la décision attaquée, la cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit ; que la fondation requérante n’est, par suite, pas davantage fondée à soutenir que la cour aurait dénaturé les pièces du dossier en retenant que le consentement du couple donneur avait été recueilli préalablement à l’autorisation d’importation, ni qu’elle aurait insuffisamment motivé son arrêt en s’abstenant de rechercher si ce consentement avait été donné ;

5. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique dans leur rédaction applicable à la date de la décision attaquée qu’il appartient à l’Agence de la biomédecine, lorsqu’elle autorise un protocole de recherche sur l’embryon ou sur les cellules souches embryonnaires humaines, de s’assurer que cette recherche ne peut être poursuivie par une méthode alternative d’efficacité comparable, en l’état des connaissances scientifiques ; qu’en posant cette condition, le législateur a entendu éviter le recours aux cellules souches embryonnaires humaines lorsqu’une recherche permettant d’espérer l’obtention des mêmes résultats peut être poursuivie, notamment, sur des cellules souches adultes ou des cellules souches embryonnaires animales ; qu’il appartient à celui qui sollicite une autorisation d’apporter, à l’appui de sa demande, tous éléments de nature à démontrer que la recherche envisagée ne peut être poursuivie par une méthode alternative d’efficacité comparable et à l’Agence de la biomédecine, qui doit porter son appréciation « en l’état des connaissances scientifiques », de prendre en considération l’ensemble des travaux scientifiques existant à la date de sa décision pour vérifier que l’absence de méthode alternative d’efficacité comparable et, par suite, la nécessité du recours aux cellules souches embryonnaires humaines peuvent être regardées, à cette date, comme suffisamment établies au vu des connaissances disponibles ;

6. Considérant qu’en jugeant qu’il ne ressortait pas de ces pièces que l’utilisation, à des fins de recherche identique à celle autorisée par l’autorisation litigieuse, de cellules souches pluripotentes induites (iPS), ou de cellules souches adultes (cellules souches mésenchymateuses, dites CSM) auraient donné des résultats comparables ou supérieurs à ceux des recherches autorisées portant sur des cellules souches embryonnaires humaines, ni qu’il aurait ainsi existé, en l’état des connaissances scientifiques à la date de la décision attaquée, une méthode alternative d’efficacité comparable, la cour, qui n’a pas commis d’erreur de droit, a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la fondation Jérôme Lejeune doit être rejeté, ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Fondation Jérôme Lejeune une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Agence de la biomédecine, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;


D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la Fondation Jérôme Lejeune est rejeté.


Article 2 : La Fondation Jérôme Lejeune versera à l’Agence de la biomédecine la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fondation Jérôme Lejeune et à l’Agence de la biomédecine.

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