Conseil d'État, Juge des référés, 15 avril 2019, 428934, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CE, juge des réf., 15 avr. 2019, n° 428934
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 428934
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 13 mars 2019, N° 1900448, 1900449
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000038393414
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2019:428934.20190415

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. E… D… et M. C… B… ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice de prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal du centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-Sur-Sarthe, en particulier pour assurer la collecte des poubelles des couloirs et des cellules, les promenades quotidiennes, la distribution des cantines et des repas, l’exercice des activités sportives, l’accès au travail, à la formation et aux activités socio-éducatives, l’accès aux services médicaux, l’accès aux parloirs, l’expédition des correspondances écrites, l’accès au téléphone, la cessation des coupures d’électricité, d’eau et de chauffage et l’accès hebdomadaire à un aumônier, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par une ordonnance n°s 1900448, 1900449 du 14 mars 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes.

1° Sous le n° 428934, par une requête enregistrée le 18 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. D… demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’annuler cette ordonnance ;

3°) de faire droit à sa demande de première instance ;

4°) de mettre à la charge de l’administration pénitentiaire le versement à Me A… son avocat, de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

 – la condition d’urgence est remplie dès lors qu’il subit des traitements dégradants en raison du blocage de l’établissement par les agents pénitentiaires à la suite de l’attaque terroriste du 5 mars 2019 ;

 – une atteinte grave et manifestement illégale est portée au droit au respect de sa vie privée dès lors que les détenus ont été privés de contact avec leur famille alors qu’aucune décision n’a été prise leur refusant un droit de visite ou leur notifiant le retrait, le refus ou la suspension de leur autorisation à téléphoner ;

 – une atteinte grave et manifestement illégale est portée à son droit de ne pas subir des traitements inhumains et dégradants dès lors que l’administration n’a pris aucune mesure de nature à garantir aux détenus des conditions de détention décentes lorsque des mouvements de contestation des personnels pénitentiaires ont lieu et que par voie de conséquence, depuis plusieurs jours, il vit dans des conditions de détention dégradées : absence de ramassages des ordures ménagères, absence de repas chauds quotidiens, fréquentes coupures d’eau et d’électricité, aucune sortie en promenade, ce qui rend les conditions d’incarcération insupportables et entraîne stress et angoisses, aucune activité telle qu’un travail ou une formation, impossibilité de rencontrer un aumônier ou de consulter un médecin ;

 – les prisonniers sont encadrés pour tous les actes de la vie quotidienne par les Equipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) qui portent une tenue spéciale masquant leur visage ;

 – il appartiendrait, enfin, au juge des référés de faire usage de ses pouvoirs d’instruction s’il devait estimer qu’en l’état, les éléments portés à sa connaissance ne sont pas suffisamment étayés.

2° Sous le n° 428935, par une requête enregistrée le 18 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B… demande au juge des référés du Conseil d’Etat statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’annuler cette ordonnance ;

3°) de faire droit à sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l’administration pénitentiaire le versement à Me A… son avocat, de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il développe les mêmes moyens que ceux développés par M. D… au soutien de la requête n° 428934.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer sur les requêtes et, à titre subsidiaire, au rejet de celles-ci.

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, M. D… et M. B… et, d’autre part, la garde des sceaux, ministre de la justice ;

Vu le procès-verbal de l’audience publique du 3 avril 2019 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

 – Me Poulet, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. D… et de M. B…;

— le représentant de M. D… et de M. B…;

- les représentantes de la garde des sceaux, ministre de la justice ;

et à l’issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l’instruction au 5 avril à 16 heures puis au 9 avril à 12 heures ;

Vu les nouveaux mémoires, enregistrés le 5 avril 2018, présentés par la garde des sceaux, ministre de la justice ;

Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 4 et 8 avril 2019, avant la clôture de l’instruction, présentés par M. D… et M. B… qui soutiennent que la situation dans le centre pénitentiaire n’est nullement revenue à la normale ;

Vu l’ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – le code de procédure pénale ;

 – la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

 – le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 428934 et n° 428935, présentées respectivement par M. E… D… et M. C… B…, sont dirigées contre la même ordonnance, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

3. M. D… et M. B…, détenus au centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-Sur-Sarthe, ont fait valoir que du fait du blocage de l’établissement par un mouvement social déclenché à la suite de l’agression terroriste de deux surveillants survenue le 5 mars 2019, ils subissent des conditions de détention qui portent une atteinte grave et manifestement illégale à leurs libertés fondamentales. Ils ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, de prendre dans un délai de 24 heures les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal du centre pénitentiaire. Pour rejeter les demandes dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a notamment estimé dans l’ordonnance dont M. D… et M. B… relèvent appel que l’autorité ministérielle avait, depuis le début du conflit, utilisé chaque jour la force publique pour permettre un accès au site et fournir aux détenus les services de base et qu’elle poursuivait les négociations avec les participants au mouvement social pour obtenir la levée du blocage de l’établissement pacifiquement et en rétablir le fonctionnement normal.

4. Il résulte de l’instruction qui s’est poursuivie devant le Conseil d’Etat et en particulier des éléments apportés par la garde des sceaux, ministre de la justice, après l’audience, que, d’une part, le 20 mars 2019, les surveillants pénitentiaires ont voté la fin du blocage et ont progressivement repris leurs missions au sein de l’établissement et que, d’autre part, les cantines, les parloirs et les activités en détention sont à nouveau assurés. Si, dans leurs dernières écritures, les requérants critiquent le fait que des membres des équipes régionales d’intervention et de sécurité sont encore présents dans le centre pénitentiaire, ces équipes sont composées de personnels de l’administration pénitentiaire, dont la présence, au sein du centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe pour contribuer à en assurer la sécurité intérieure, ne saurait, par elle-même, être constitutive d’une illégalité.

5. Dans ces circonstances, et alors même que les conditions de détention dans l’établissement ne seraient pas identiques à celles qui étaient assurées avant l’attaque du 5 mars dernier, il n’existe aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale susceptible de justifier l’intervention du juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Par suite, M. D… et M. B… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes. Il y a lieu, par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les demande d’admission provisoire à l’aide juridictionnelle, de rejeter les requêtes, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


O R D O N N E :

------------------

Article 1er : Les requêtes de M. D… et de M. B… sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. E… D…, à M. C… B… et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

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