Conseil d'État, 6ème chambre, 30 décembre 2021, 453393, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 19 janvier 2022

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Sur la décision

Référence :
CE, 6e chs, 30 déc. 2021, n° 453393
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 453393
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Guadeloupe, 5 mai 2021, N° 2100203
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 21 avril 2022
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044806253
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2021:453393.20211230

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe, en application de l’article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 15 février 2021 rejetant le compte de campagne de Mme D C, candidate tête de liste aux élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020 à Sainte-Rose (Guadeloupe).

Par un jugement n° 2100203 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a déclaré Mme C inéligible à tout mandat pour une durée de trente mois et démissionnaire d’office de ses mandats de maire, de conseillère municipale et de conseillère communautaire de la communauté d’agglomération du Nord Basse-Terre.

Par une requête enregistrée le 7 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme C demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

3°) d’ordonner le remboursement des frais engagés pour sa campagne à hauteur de 15 250 euros ;

4°) à titre subsidiaire, de réduire la durée de son inéligibilité ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 600 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code électoral ;

— la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme C ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l’instruction que, par une décision du 15 février 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme C, tête de liste élue aux élections municipales et communautaires des 15 mars et 28 juin 2020 à Sainte-Rose (Guadeloupe), au motif que l’examen de ce compte faisait apparaitre d’importantes dépenses et recettes non comptabilisées. Saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en application de l’article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de la Guadeloupe a déclaré Mme C inéligible pour une durée de trente mois et démissionnaire d’office de ses mandats de maire, de conseiller municipal de Sainte Rose et de conseiller communautaire de la communauté d’agglomération du Nord Basse-Terre. Mme C relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces de la procédure que, contrairement à ce qui est allégué à l’appui de la requête, la minute du jugement attaqué porte les signatures requises par l’article R. 741-7 du code de justice administrative.

Sur la procédure suivie devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :

3. Il résulte de l’instruction et notamment des courriers adressés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à Mme C les 16 novembre 2020, 21 décembre 2020 et 11 février 2021, ainsi que des courriers électroniques datés des 9 et 10 février 2021, que celle-ci a été mise en mesure de présenter ses observations en temps utile, y compris sur le courrier du 11 février dont le contenu lui avait précédemment été communiqué par courrier électronique. Le moyen tiré du caractère non contradictoire de la procédure suivie par la Commission doit donc, en tout état de cause, être écarté.

Sur le bien-fondé du rejet du compte de campagne :

4. Aux termes de l’article L. 52-12 du code électoral : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l’article L. 52-4 (). Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. / Dans les deux mois qui suivent le tour de scrutin où l’élection a été acquise, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la préfecture son compte de campagne et ses annexes, présentés par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés et accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte () ».

5. En premier lieu, il résulte de l’instruction que des dons effectués par des personnes physiques et des frais d’impression de documents de propagande électorale directement pris en charge par la candidate ne figurent pas dans son compte de campagne, en méconnaissance des prescriptions de l’article L. 52-12 du code électoral.

6. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 52-4 du code électoral : « () Le mandataire recueille, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne ». Il résulte de l’instruction que le déjeuner du 14 décembre 2019, organisé durant la période des six mois précédant l’élection par l’association « les Amis de Didine » qui s’était donnée pour objet de soutenir la campagne électorale de Mme C, s’est déroulé en présence d’électeurs de la commune de Sainte-Rose et présentait, au moins pour partie, un caractère électoral. Par suite, c’est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que les dépenses correspondantes auraient dû figurer dans le compte de campagne de la candidate.

7. En troisième lieu, il résulte de l’instruction qu’aucun frais de sonorisation des dix-sept réunions électorales qui se sont déroulées entre les deux tours n’a été comptabilisé dans les dépenses de campagne. Si Mme C soutient qu’elle a eu recours à des particuliers ayant gracieusement mis leur matériel à disposition, elle ne conteste pas avoir recouru à une entreprise professionnelle pour toutes les manifestations ayant précédé le premier tour et n’explique pas un tel changement de pratique, qui aurait en tout état de cause dû donner lieu à une valorisation dans le compte de campagne en application des dispositions de l’article L. 52-12 du code électoral.

8. En quatrième lieu, il résulte de l’instruction que les réunions électorales organisées chez un particulier à ses frais, la mise à disposition à titre gracieux d’une salle pour servir de local de campagne et le prêt à titre gracieux de plusieurs véhicules pour les besoins de la campagne devaient également, dans les circonstances de l’espèce, être valorisés dans le compte de campagne, en application des dispositions de l’article L. 52-12 du code électoral.

9. En cinquième lieu, il résulte de l’instruction que quarante-cinq « pots de l’amitié » ont été organisés dans le cadre de la campagne électorale de Mme C. Si, comme le soutient la requérante, des militants ont fourni gratuitement des denrées alimentaires de confection domestique et des boissons pour la plupart de ces manifestations, ces concours bénévoles avaient le caractère de dons en nature dont la valeur aurait dû être estimée et réintégrée dans le compte de campagne, dès lors qu’ils sont intervenus à de nombreuses reprises, en remplacement de prestations de traiteurs professionnels.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s’est fondé sur le constat de l’ensemble de ces manquements à l’article L. 52-12 du code électoral pour juger, d’une part, que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait rejeté à bon droit son compte de campagne et, d’autre part, qu’elle n’avait pas droit au remboursement de ses frais de campagne.

Sur l’inéligibilité :

11. Aux termes de l’article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral : « Lorsqu’il relève une volonté de fraude ou un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l’élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : () 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. L’inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s’applique à toutes les élections. Toutefois, elle n’a pas d’effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. Si le juge de l’élection a prononcé l’inéligibilité d’un candidat ou des membres d’un binôme proclamé élu, il annule son élection ou, si l’élection n’a pas été contestée, déclare le candidat ou les membres du binôme démissionnaires d’office ». Pour déterminer si un manquement est d’une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l’élection d’apprécier, d’une part, s’il s’agit d’un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et, d’autre part, s’il présente un caractère délibéré.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 9 que Mme C a omis de retranscrire dans son compte de campagne des dépenses engagées en vue de son élection et de nombreux dons et avantages en nature, commettant un manquement caractérisé à l’obligation de sincérité des comptes de campagne, qui constitue une règle substantielle du financement des campagnes électorales. Si ce manquement à une règle qu’elle ne pouvait ignorer en tant que candidate expérimentée présente une particulière gravité, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de ramener la période d’inéligibilité, fixée à trente mois par le tribunal de la Guadeloupe, à vingt-quatre mois. Cette période commencera à courir à compter de la date de la présente décision. Par suite, Mme C est fondée à demander que le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe soit réformé sur ce point.

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : Mme D C est déclarée inéligible à toutes les élections pour une durée de vingt-quatre mois, à compter de la date de la présente décision.

Article 2 : Le jugement du 6 mai 2021 du tribunal administratif de la Guadeloupe est modifié en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus de la requête de Mme C est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme D C, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée au ministre des outre-mer.

Délibéré à l’issue de la séance du 20 décembre 2021 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, président de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d’Etat et M. Bruno Bachini, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 30 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Fabien Raynaud

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme B A453393

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