Conseil d'État, Juge des référés, 28 mai 2021, 452299, Inédit au recueil Lebon

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Sur la décision

Référence :
CE, juge des réf., 28 mai 2021, n° 452299
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 452299
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043574608
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2021:452299.20210528

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 5, le 17 et le 25 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B… A… demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du 9 mars 2021 du garde des sceaux, ministre de la justice mettant fin à ses fonctions d’auditeur de justice de l’Ecole nationale de la magistrature ;

2°) d’enjoindre à l’Etat de poursuivre le paiement d’un demi-traitement jusqu’à ce qu’une décision administrative soit prise quant à sa situation d’auditeur de justice dans le respect des exigences légales en la matière et régulièrement notifiée ;

3°) à titre subsidiaire, d’enjoindre à l’Etat de lui remettre une attestation Pôle-emploi rectifiée ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – le Conseil d’Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de sa requête ;

 – la condition d’urgence est satisfaite dès lors que l’arrêté contesté a pour effet de le priver, à compter du 19 mars 2021, d’une part, de toute rémunération et, d’autre part, de sa couverture mutualiste pourtant indispensable au regard des frais de santé importants auxquels il doit faire face ;

 – il existe un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté ;

 – l’arrêté contesté est entaché d’un vice de procédure dès lors qu’il a été adopté en méconnaissance de la procédure de licenciement prévue au 3° de l’article 24 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994, auquel renvoie l’article 53 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972, et qui impose que la commission de réforme compétente soit consultée, que l’intéressé soit mis à même de demander la communication de son dossier et que l’agent licencié pour inaptitude physique bénéficie du versement d’une rente.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés le 12 et le 24 mai 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas satisfaite, et que le moyen soulevé n’est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

 – le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 ;

 – le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, M. A… et, d’autre part, les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;

Ont été entendus lors de l’audience publique du 25 mai à 11 heures :

— Me Célice, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A… ;

— les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;

à l’issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l’instruction au mardi 25 mai à 18 heures.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du même code : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

2. Aux termes de l’article 53 du décret du 4 mai 1972 relatif à l’Ecole nationale de la magistrature : « Les dispositions des articles 6,19,21,22,23,24 et 25 du décret du 7 octobre 1994 susvisé fixant les dispositions communes aux stagiaires de l’Etat et de ses établissements publics sont applicables aux auditeurs de justice ». Aux termes de l’article 24 du décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l’Etat et de ses établissements publics : « (…) le fonctionnaire stagiaire a droit au congé de maladie, au congé de longue maladie et au congé de longue durée mentionnés à l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ainsi qu’au congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné à l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans les conditions qui sont fixées par la législation et la réglementation applicables aux fonctionnaires titulaires en activité sous réserve des dispositions ci-après : (…) 3° Lorsque, à l’expiration des droits à congé avec traitement ou d’une période de congé sans traitement accordés pour raison de santé, le fonctionnaire stagiaire est reconnu par la commission de réforme dans l’impossibilité définitive et absolue de reprendre ses fonctions, il est licencié ou, s’il a la qualité de fonctionnaire titulaire, remis à la disposition de son administration d’origine ».

3. Il résulte de l’instruction que M. A… a été nommé auditeur de justice par un arrêté du 21 janvier 2015 du garde des sceaux, ministre de la justice. Il a été placé en congé de longue durée à compter du mois de mars 2015. Par un avis du 3 septembre 2020, la commission de réforme a conclu à son inaptitude définitive et absolue à reprendre ses fonctions en retenant une incapacité permanente de 25 %. Par un arrêté du 9 mars 2021, notifié le 24 mars 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice a mis fin à ses fonctions en procédant à son licenciement en application des dispositions citées au point précédent. M. A… demande la suspension de l’exécution de cet arrêté.

Sur l’urgence :

4. Eu égard aux effets de la décision dont la suspension est demandée, qui, notamment, prive M. A… du versement de toute rémunération, l’exécution de cette décision porte un préjudice grave et immédiat à sa situation. La circonstance qu’une décision de licenciement ouvre droit au bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi n’est, dans les circonstances de l’espèce, pas de nature à retirer à cette situation son caractère d’urgence, eu égard à la condition d’aptitude physique à l’exercice d’un emploi à laquelle est subordonné le versement de cette allocation et au motif du licenciement dont il a fait l’objet. Il en est de même du délai de quelques semaines mis par M. A… à saisir le juge des référés. M. A… est dès lors fondé à invoquer l’urgence qui s’attache à sa requête.

Sur l’existence d’un doute sérieux :

5. Si, en application des dispositions citées au point 2, un auditeur de justice qui, à l’expiration des droits à congé avec traitement ou d’une période de congé sans traitement accordés pour raison de santé est reconnu par la commission de réforme dans l’impossibilité définitive et absolue de reprendre ses fonctions, est licencié, une telle décision constitue une mesure prise en considération de la personne à laquelle s’applique la garantie prévue par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905. Le moyen tiré de l’irrégularité entachant la procédure au motif que M. A… n’a pas été mis à même de demander la communication de l’ensemble de son dossier individuel avant son licenciement pour inaptitude physique est dès lors, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

6. Les conditions fixées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative étant réunies, M. A… est fondé à demander la suspension de l’exécution de l’arrêté du 9 mars 2021 mettant fin à ses fonctions.

Sur la demande d’injonction :

7. Il y a lieu d’enjoindre à l’administration de rétablir, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, M. A… dans le statut d’auditeur de justice et le versement du demi traitement correspondant au congé de longue durée dans lequel il se trouvait avant la décision contestée jusqu’à ce qu’il soit régulièrement statué sur sa situation.

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de ces dispositions.

O R D O N N E :

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Article 1er : Jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête de M. A…, l’exécution de la décision du 9 mars 2021 de licenciement de ses fonctions d’auditeur de justice à l’Ecole nationale de la magistrature est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance et jusqu’à ce qu’il ait été régulièrement statué sur la situation de M. A…, de le rétablir dans le statut d’auditeur de justice et de lui verser le demi traitement correspondant au congé de longue durée dans lequel il se trouvait avant la décision du 9 mars 2021.

Article 3 : L’Etat versera à M. A… la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B… A… et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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