CEDH, Cour (première section), MAESTRI c. l'ITALIE, 4 juillet 2002, 39748/98

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 4 juill. 2002, n° 39748/98
Numéro(s) : 39748/98
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 14 juin 1997
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt N.F. c. Italie, n° 37119/97, §§ 14-19, CEDH 2001-IX - (2.8.01)
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Recevable
Identifiant HUDOC : 001-43641
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2002:0704DEC003974898
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 39748/98
présentée par Angelo Massimo MAESTRI
contre l’Italie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 4 juillet 2002 en une chambre composée de

MM.C.L. Rozakis, président,
G. Bonello,
P. Lorenzen,
MmesN. Vajić,
S. Botoucharova,
E. Steiner, juges,

MmeM. Del Tufo, juge ad hoc,
et de M. E. Fribergh, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 14 juin 1997,

Vu l’article 5 § 2 du Protocole n° 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

Le requérant, Angelo Massimo Maestri, est un ressortissant italien, né en 1944 et résidant à Viareggio (Lucques). Il est représenté devant la Cour par Mes Antonio et Alessandro Fusillo, avocats au barreau de Naples.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant est un magistrat qui exerce les fonctions de président par intérim du tribunal de La Spezia. A la suite d’une enquête de l’Inspection générale du ministère de la Justice, le 23 novembre 1993 le Ministre de la Justice ouvrit une procédure disciplinaire contre le requérant à cause de son affiliation à la maçonnerie du Grande Oriente d’Italia di Palazzo Giustiniani. Il lui reprochait d’avoir appartenu à la maçonnerie, de 1981 jusqu’à mars 1993, et alléguait la méconnaissance de l’article 18 du décret législatif royal n° 511, du 31 mai 1946.

Par un jugement du 10 octobre 1995, la Section disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature estima que le requérant était responsable des faits qui lui étaient reprochés et prononça la sanction de l’avertissement (censura). Il était indiqué que depuis 1994, il aurait été possible de « percevoir d’une manière claire la perte de valeur d’une participation à la maçonnerie » surtout à partir de 1982 «  à cause de la dégradation qui a rassemblé un certain nombre de personnes dans la loge (P2) avec des programmes de prise de contrôle des pouvoirs publics et de subversion des institutions démocratiques, ainsi qu’à cause des collusions de loges maçonniques avec la mafia et la criminalité organisée ». Elle ajouta que les directives du Conseil Supérieur de la Magistrature des 22 mars 1990 et 14 juillet 1993 (voir droit interne ci-dessous), qui affirmaient (surtout la seconde) le grand contraste existant entre l’adhésion à la franc‑maçonnerie et l’appartenance à la magistrature, se situaient dans le contexte de cette évolution. D’autre part, selon le jugement, l’adhésion d’un magistrat à la maçonnerie serait illicite du point de vue disciplinaire à cause du conflit entre le serment des maçons et celui de magistrat, de l’existence d’un lien de subordination entre les maçons, du « rejet » de la justice de l’Etat au profit de la justice maçonnique et, enfin, de l’indissolubilité du lien maçonnique, même dans l’hypothèse d’un adhérent qui veut se dissocier de la maçonnerie.

Le 5 janvier 1996, le requérant se pourvut en cassation. Par trois moyens, il alléguait la violation de l’article 18 de la Constitution, contestait les arguments utilisés pour conclure à l’incompatibilité pour un magistrat avec l’adhésion à la maçonnerie, et se plaignait d’un défaut de motivation au sujet de la perte de valeur pour un magistrat à cause de son appartenance à la maçonnerie.

Le 2 février 1996, le ministère de la Justice déposa un pourvoi incident. La Cour de cassation examina l’affaire en chambres réunies le 19 septembre 1996 et, par un arrêt du 20 décembre 1996, rejeta le pourvoi.

Le requérant indique que, depuis le jugement de la Section disciplinaire, sa carrière a été bloquée : il n’a pas été déclaré apte à exercer les fonctions de conseiller à la Cour de cassation ; d’autre part, le Conseil judiciaire de son ressort a indiqué qu’à cause de l’avertissement, il ne pouvait s’exprimer sur l’aptitude du requérant à exercer les fonctions de président de tribunal.

B.  Le droit interne pertinent

Dans son arrêt du 2 août 2001 dans l’affaire N.F. c. Italie (n° 37119/97, §§ 14-19, CEDH 2001-IX), la Cour a ainsi résumé le droit interne pertinent.

Les dispositions particulières de la Constitution citées par le Gouvernement, son les suivantes :

« Article 54

Tous les citoyens ont le devoir d’être fidèles à la République et de respecter la Constitution et les lois.

Les citoyens titulaires de charges publiques ont le devoir de s’en acquitter avec discipline et honneur, en prêtant serment dans les cas établis par la loi.

Article 98

Les fonctionnaires sont au service exclusif de la nation.

S’ils sont membres du Parlement, ils ne peuvent obtenir de promotions que par ancienneté.

Des limitations au droit de s’inscrire aux partis politiques peuvent être établies par la loi pour les magistrats, les militaires de carrière en service actif, les fonctionnaires et agents de police, les représentants diplomatiques et consulaires à l’étranger.

Article 111

Toutes les décisions juridictionnelles doivent être motivées.

Le recours en cassation pour violation de la loi est toujours admis contre les jugements et les décisions sur la liberté personnelle, prononcés par les organes juridictionnels ordinaires ou spéciaux. On ne peut déroger à cette norme que pour les jugements des tribunaux militaires en temps de guerre.

Contre les décisions du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes, le recours en cassation n’est admis que pour les seuls motifs inhérents à la compétence juridictionnelle. »

Aux termes de l’article 18 du décret législatif royal n° 511 du 31 mai 1946 (« le décret de 1946 »), le magistrat qui « manque à ses devoirs ou a, au bureau ou en dehors, un comportement qui ne mérite pas la confiance et la considération dont il doit jouir » est soumis à une sanction disciplinaire.

Appelée à se prononcer sur la constitutionnalité de l’article 18 du décret de 1946 par rapport à l’article 25 § 2 de la Constitution, la Cour constitutionnelle a statué qu’en matière de procédure disciplinaire contre les magistrats, le principe de légalité trouve application comme exigence fondamentale de l’état de droit et constitue une conséquence nécessaire du rôle attribué à la magistrature par la Constitution (arrêt n° 100 du 8 juin 1981, § 4).

Toutefois, en ce qui concerne le fait que l’article 18 n’énumère pas les comportements qui peuvent être considérés comme illicites, la Cour constitutionnelle a remarqué qu’il n’est pas possible d’indiquer tous les comportements qui peuvent porter préjudice aux valeurs – la confiance et la considération dont un magistrat doit jouir ainsi que le prestige de l’ordre judiciaire – garanties par ladite disposition. En effet, selon elle, ces valeurs constituent des principes déontologiques qui ne peuvent pas être inclus dans des « schémas préparés à l’avance, car il n’est pas possible d’identifier et classer tous les comportements contraires qui pourraient causer une réaction négative de la société » (ibidem, § 5). La Cour constitutionnelle a par la suite rappelé que, dans les lois antérieures régissant la même matière, il y avait une disposition ayant un contenu général à côté des dispositions sanctionnant des comportements spécifiques, que les projets de réforme dans ce domaine maintenaient toujours des formules ayant un contenu général et, enfin, qu’il en allait de même pour d’autres catégories professionnelles. La Cour constitutionnelle a conclu que « les dispositions en la matière ne peuvent pas ne pas avoir un contenu général parce qu’une indication ponctuelle aurait pour conséquence de donner de la légitimité à des comportements non prévus qui étaient cependant critiqués par la conscience sociale. Elle a ajouté que ces considérations justifiaient la latitude de la norme et la large marge d’appréciation accordée à un organe qui, agissant avec les garanties propres d’une procédure judiciaire, était en raison de sa structuration particulièrement qualifié pour apprécier si le comportement considéré dans chaque cas portait ou non préjudice aux valeurs protégées (ibidem, § 5).

La Cour constitutionnelle a enfin indiqué que pareille interprétation était conforme à sa jurisprudence en matière de légalité (ibidem, § 6).

La loi n° 17 du 25 janvier 1982 portant sur des dispositions d’application de l’article 18 (droit d’association) de la Constitution en matière d’associations secrètes et de dissolution de l’association nommée P2, a prévu que la participation à une association secrète constitue une infraction pénale (article 2). En ce qui concerne les fonctionnaires, l’article 4 prévoit qu’une procédure disciplinaire doit être également ouverte à leur encontre devant une commission spéciale composée selon des règles bien précises. Toutefois, au sujet des magistrats des juridictions judiciaire, administrative et militaire, la compétence reste aux organes disciplinaires respectifs.

Le 22 mars 1990, lors d’une discussion concernant l’incompatibilité entre l’exercice de fonctions judiciaires et l’inscription de magistrats à la franc-maçonnerie à la suite d’un message du chef de l’Etat – qui le préside – au Conseil Supérieur de la Magistrature, celui-ci a adopté une directive. Le procès-verbal (discussion et texte de la directive) de la réunion y relative a été publié dans « Verbali consiliari » (pp. 89-129) et communiqué aux présidents de la République, du Sénat et de la chambre des députés.

Selon cette directive, « la participation de magistrats à des associations ayant un lien hiérarchique et solidaire particulièrement fort par le biais de l’établissement, par des voies solennelles, de liens comme ceux qui sont demandés par les loges maçonniques, pose des problèmes délicats de respect des valeurs de la Constitution italienne ».

Le Conseil Supérieur de la Magistrature a ajouté qu’il rentrait « sûrement [dans ses] compétences de contrôler le respect du principe basilaire de l’article 101 de la Constitution selon lequel ‘les juges sont assujettis seulement à la loi’ ». Selon lui, « cette tutelle comporte (...) la surveillance attentive de ce que chaque magistrat respecte – et apparaît comme respectant ‑ le principe d’assujettissement à la loi seule dans l’exercice de ses fonctions ».

Le Conseil Supérieur de la Magistrature a par la suite rappelé un arrêt du 7 mai 1981 de la Cour constitutionnelle dans lequel celle-ci fait une pondération entre la liberté de pensée des magistrats et leur obligation d’être impartiaux et indépendants.

Il a ajouté qu’« il faut souligner que parmi les comportements du magistrat à prendre en considération, avec d’autres, pour les besoins de l’exercice de l’activité administrative propre au Conseil, il y a aussi, au-delà de la limite fixée par la loi n° 17 de 1982, l’acceptation de liens qui A) se superposent à l’obligation de fidélité à la Constitution, d’exercice impartial et indépendant de l’activité juridictionnelle, B) portent préjudice à la confiance des citoyens envers la fonction judiciaire en lui faisant perdre sa crédibilité ».

Enfin, le Conseil Supérieur de la Magistrature a estimé « devoir signaler au ministre de Grâce et Justice de considérer l’opportunité de proposer que des limitations éventuelles au droit d’association des magistrats fassent référence à toutes les associations qui – pour leurs organisation et fins – comportent pour les membres des liens de hiérarchie et de solidarité particulièrement contraignants ».

Le 14 juillet 1993, le Conseil Supérieur de la Magistrature a adopté une autre directive par laquelle il a affirmé l’incompatibilité de l’exercice des fonctions de magistrat avec l’appartenance à la maçonnerie.

GRIEFS

Invoquant les articles 9, 10 et 11 de la Convention, le requérant allègue la violation des droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion, à la liberté d’expression, et à la liberté de réunion pacifique et d’association.

EN DROIT

Le requérant se plaint de la décision du Conseil Supérieur de la Magistrature, confirmée par la Cour de cassation, de prononcer la sanction disciplinaire de l’avertissement en raison de son appartenance à la maçonnerie.

Il affirme que la sanction disciplinaire constitue une atteinte aux droits qui lui sont garantis par les articles 9, 10 et 11 de la Convention, ainsi libellés :

« Article 9

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

Article 10

1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.

Article 11

1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat. »

Le requérant souligne d’abord qu’il y a un élément commun aux trois articles invoqués : les restrictions aux libertés y relatives sont exceptionnelles et peuvent être introduites uniquement par une loi et lorsqu’elles sont nécessaires dans une société démocratique.

En outre, il fait remarquer qu’il a été sanctionné uniquement à cause de son appartenance à la maçonnerie et cela en raison, entre autres, des liens indissolubles entre les associés et du fait que pareille appartenance ne garantirait pas l’impartialité et l’indépendance du magistrat. Le requérant relève que les organes disciplinaires ne se sont jamais posé la question de la participation des magistrats à d’autres associations qui peuvent imposer pour un magistrat des liens et devoirs bien plus importants que ceux imposés par l’appartenance à la maçonnerie qui crée un rapprochement initiatique. Il cite, à titre d’exemple, l’Eglise catholique, l’Opus Dei, les partis politiques et les syndicats.

Enfin, il fait remarquer qu’aucune loi n’interdit au magistrat d’appartenir à la maçonnerie, ou à un parti politique, à un syndicat ou à une Eglise. Quant à l’article 18 du décret législatif royal n° 511 de 1946, cette disposition est obsolète et joue un rôle uniquement formel parce qu’elle n’indique pas exactement les comportements et les actions interdits aux magistrat mais se limite à donner au Conseil Supérieur de la Magistrature le pouvoir de déterminer ces comportements et actions.

En ce qui concerne la liberté d’association, il souligne plus particulièrement que  la constitution italienne interdit les associations secrètes et les associations qui poursuivent un but politique par le biais d’organisations militaires. Il affirme que la maçonnerie n’est pas une association secrète, mais plutôt une association réservée, comme d’autres associations italiennes telles que les partis politiques et les syndicats ; cependant, à la différence de ce qui se passe avec la maçonnerie, la liste des membres de ces dernières associations n’est pas rendue publique. En outre, la maçonnerie n’est pas une organisation paramilitaire et ne poursuit que des finalités culturelles, humanitaires et philanthropiques.

Selon le Gouvernement, les arguments du requérant sont viciés par toute une série de contradictions et omissions qui faussent les termes de la question quant à la recevabilité et au bien-fondé des griefs soulevés. Après avoir renvoyé aux arguments développés dans une requête similaire (N.F. c. Italie, n° 37119/97, CEDH 2001-IX ), le Gouvernement fait remarquer la longue appartenance du requérant à la maçonnerie et développe des arguments propres à la présente requête.

D’abord, en ce qui concerne plus particulièrement le grief visant l’article 11 de la Convention, le Gouvernement met en exergue que, comme rappelé par le requérant, selon les termes mêmes de cette disposition, des restrictions légitimes peuvent être imposées à l’exercice – par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat – des droits y garantis. Or, au sujet des magistrats, ces limites se justifient plus particulièrement par le souci d’assurer le respect de leur indépendance et de leur impartialité. Par conséquent, il serait erroné de considérer que les magistrats ont le même droit d’association que les autres personnes. Cela dit, les caractéristiques de la maçonnerie sont de nature à poser des problèmes par rapport aux obligations des magistrats. Le Gouvernement se réfère en particulier au fait que les associés de la maçonnerie doivent prêter serment, à la structure hiérarchique de l’organisation et  à l’indissolubilité de l’appartenance – ce ne serait qu’au niveau « spirituel » – à la maçonnerie.

Ensuite, selon le Gouvernement, le requérant omet de fournir un certain nombre de renseignements d’ordre historique qui permettent d’apprécier les faits de la présente requête. Il rappelle qu’au début des années quatre-vingt, des enquêtes judiciaires ont permis d’établir l’existence de secteurs déviationnistes et secrets de la maçonnerie, qui souvent ne pouvaient être distingués de l’organisation officielle. Or ce contexte doit être pris en compte afin d’évaluer les caractéristiques de la maçonnerie et l’incompatibilité éventuelle entre l’adhésion à celle-ci et l’exercice des fonctions de magistrat.

Enfin, le Gouvernement estime que le requérant ne fait pas preuve de cohérence dans la mesure où, après avoir indiqué que l’adhésion à la maçonnerie était légitime, il tire argument de ce qu’il avait demandé sa mise en sommeil après l’ouverture d’une enquête par le parquet de Palmi. D’après le Gouvernement, le requérant reconnaîtrait ainsi l’inopportunité de son adhésion à la maçonnerie.

De ce fait, et contrairement à ce qu’il indique, le requérant ne se plaindrait pas devant la Cour européenne d’une méconnaissance des droits garantis par la Convention mais, plutôt, du contenu de la décision disciplinaire en elle-même. En effet, il reprocherait au Conseil Supérieur de la Magistrature le fait de ne pas avoir pris en compte sa bonne foi ainsi que l’impossibilité de prévoir que ledit Conseil aurait adopté une attitude hostile quant à l’adhésion des magistrats à la maçonnerie. Toutefois, il y aurait lieu de tenir compte du fait que, lors de l’inscription du requérant à la maçonnerie, des enquêtes judiciaires de très grand retentissement étaient en cours depuis des années et que le requérant aurait pu arriver plus tôt à la conclusion d’inopportunité à laquelle il était arrivé par la suite.

En conclusion, le Gouvernement considère que le recours n’est pas fondé.

La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que les griefs posent de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que les griefs ne sauraient être déclarés manifestement mal fondés, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête recevable, tous moyens de fond réservés.

Erik FriberghChristos Rozakis
GreffierPrésident

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  1. Constitution du 4 octobre 1958
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