CEDH, Commission (plénière), BRUMARESCU c. la ROUMANIE, 22 mai 1997, 28342/95
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Plénière), 22 mai 1997, n° 28342/95 |
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Numéro(s) : | 28342/95 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 9 mai 1995 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Recevable |
Identifiant HUDOC : | 001-28668 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1997:0522DEC002834295 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 28342/95
par Dan BRUMARESCU
contre la Roumanie
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en
chambre du conseil le 22 mai 1997 en présence de
M. S. TRECHSEL, Président
Mme G.H. THUNE
Mme J. LIDDY
MM. E. BUSUTTIL
G. JÖRUNDSSON
A.S. GÖZÜBÜYÜK
F. MARTINEZ
J.-C. GEUS
M.P. PELLONPÄÄ
B. MARXER
M.A. NOWICKI
I. CABRAL BARRETO
I. BÉKÉS
J. MUCHA
D. SVÁBY
C. BÎRSAN
E. BIELIUNAS
E.A. ALKEMA
M. VILA AMIGÓ
Mme M. HION
MM. R. NICOLINI
A. ARABADJIEV
M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 9 mai 1995 par Dan Brumarescu contre
la Roumanie et enregistrée le 28 août 1995 sous le N° de dossier
28342/95 ;
Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de
la Commission ;
Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le
10 juillet 1996 et les observations en réponse présentées par le
requérant le 14 octobre 1996;
Vu les observations développées par les parties à l'audience du
22 mai 1997 ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est né en 1926 à Ploiesti (Roumanie). Il est
actuellement à la retraite et habite à Bucarest. Devant la Commission,
le requérant est représenté par Maître Cornel Dinu, avocat au barreau
de Bucarest.
Les faits de la cause, tels que présentés par les parties,
peuvent se résumer comme suit.
1. Circonstances particulières de l'affaire
En 1950, la maison des parents du requérant, sise à Bucarest, fut
nationalisée sans dédommagements. La décision de nationalisation fut
fondée sur le décret no. 92/1950.
En 1993, en tant qu'héritier, le requérant introduisit une action
devant le tribunal de première instance de Bucarest. Il demanda à ce
que le tribunal constate la nullité de la décision de nationalisation
en ce qui concernait ses parents, en raison de la non-application des
dispositions du décret no. 92/1950 à leur cas. En effet, le requérant
fit valoir que le décret no. 92/1950 exemptait de la nationalisation
les salariés, ce qui était le cas de ses parents.
Par jugement du 9 décembre 1993, le tribunal de première instance
releva que c'était par erreur que les parents du requérant avaient fait
l'objet de la nationalisation, car ils faisaient partie d'une catégorie
de personnes exemptées de la nationalisation prévue par le décret no.
92/1950. Le tribunal constata ensuite que la possession exercée par
l'Etat était fondée sur la violence et par conséquent, jugea que l'Etat
ne pouvait pas invoquer l'usucapion. Les juges décidèrent également que
la maison n'aurait pas pu entrer non plus dans le patrimoine de l'Etat
en application des décrets nos. 218/1960 et 712/1966, car ces textes
normatifs étaient contraires aux constitutions de respectivement 1952
et 1965.
Le tribunal ordonna dès lors aux autorités administratives, à
savoir la mairie de la ville de Bucarest et la société d'Etat C.SA, de
restituer au requérant la maison.
En absence de recours, le jugement passa en force de chose jugée.
Le 31 mars 1994, le maire de la ville de Bucarest ordonna la
restitution de la maison au requérant et le 27 mai 1994 la société C.
administrant les logements d'Etat procéda à l'envoi en possession du
requérant.
Le requérant a payé des taxes de propriété sur la maison depuis
le 14 avril 1994.
A une date qui n'a pas été précisée, le Procureur Général de la
Roumanie forma recours en annulation contre le jugement du 9 décembre
1993, au motif que les juges avaient outrepassé leurs compétences en
examinant la légalité de l'application du décret no. 92/1950.
L'audience devant la Cour Suprême de Justice fut fixée pour 22
février 1995.
Le 22 février 1995, le requérant fit valoir devant la Cour
Suprême de Justice que son avocat était absent, car malade, et demanda
le report de l'audience. Sa demande fut rejetée.
Le prononcé de l'arrêt fut toutefois ajourné pour le 1er mars
1995, la cour enjoignant au requérant de déposer avant cette date ses
conclusions écrites.
Dans son mémoire, le requérant demanda le rejet du recours en
annulation. Il fit valoir, d'une part, que le décret no. 92/1950 était
contraire à la Constitution de 1948 du fait de sa publication partielle
et du non-respect des principes selon lesquels toute expropriation
devait être faite dans un but d'utilité publique et après le paiement
d'une juste indemnisation. D'autre part, le requérant précisa que
l'acte de nationalisation de la maison était illégal par rapport aux
dispositions du décret-même, car ce dernier exemptait les salariés, ce
qui était le cas de ses parents, respectivement professeur et
ingénieur. Enfin, le requérant se prévalut de l'article 21 de la
Constitution roumaine de 1991 garantissant le libre accès à la justice,
sans aucune limite.
Par arrêt du 1er mars 1995, la Cour Suprême de Justice admit le
recours en annulation du Procureur Général, annula le jugement du 9 mai
1993 et rejeta l'action du requérant. La cour constata que la maison
en litige était devenue propriété d'Etat en application d'un texte
normatif dont l'application ne pouvait pas être contrôlée par les
instances judiciaires, car au cas contraire ces dernières
s'immisceraient dans les attributions du pouvoir législatif. La cour
conclut que de toute manière de nouvelles lois devraient prévoir des
mesures réparatrices pour les biens que l'Etat s'était appropriés
abusivement.
2. Droit et pratiques internes pertinents
a) Article 21 de la Constitution du 8 décembre 1991 :
< traduction >
"(1) Toute personne peut s'adresser à la justice pour la
protection de ses droits, de ses libertés et de ses intérêts
légitimes.
(2) Aucune loi ne peut restreindre l'exercice de ce droit."
b) Article 330 du Code de procédure civile :
< traduction >
" Le Procureur Général, d'office ou à la demande du Ministre de
la Justice, peut attaquer par la voie du recours en annulation
introduit devant la Cour Suprême de Justice, les décisions
judiciaires irrévocables, pour les raisons suivantes :
1. Lorsque l'instance judiciaire a outrepassé les attributions
du pouvoir judiciaire;
2. [...]"
Article 330¹ du Code de procédure civile :
< traduction >
"Le recours en annulation peut être introduit à tout moment."
Article 330² du Code de procédure civile :
< traduction >
" Le Procureur Général peut ordonner, pour une période limitée,
la suspension de l'exécution des arrêts avant l'introduction du
recours en annulation.
Après l'introduction du recours en annulation, l'instance
judiciaire peut ordonner la suspension de l'exécution des arrêts
ou révoquer la suspension déjà ordonnée."
c) Article 22 de la loi 26/1993 d'organisation de la Cour Suprême
de Justice
< traduction >
"Les sections de la Cour Suprême de Justice, en rapport de la
compétence de chacune d'entre elles, jugent les recours en
annulation interjetés à l'encontre des arrêts rendus par les
tribunaux de première instance, par les tribunaux départementaux
et par les cours d'appel."
d) Article II du décret no. 92/1950 concernant la nationalisation
de certains immeubles
< traduction >
"Le présent décret ne régit pas et ne sont pas nationalisés les
immeubles appartenant aux ouvriers, fonctionnaires, petits
artisans, intellectuels par profession et retraités."
e) Article XI du décret no. 524 du 24 novembre 1955 portant
modification du décret no. 92/1950
"En application des critères fixés [...] par l'article II, le
Conseil des Ministres pourra opérer des modifications dans les
annexes au décret [contenant la liste des immeubles
nationalisés].
Le Conseil des Ministres pourra également décider de ne pas
appliquer les dispositions de nationalisation, quelque soit
l'appartement ou l'immeuble."
f) La position de la Cour Suprême de Justice
i) Jurisprudence jusqu'au 2 février 1995
La section civile de la Cour Suprême de Justice a confirmé à
plusieurs reprises la jurisprudence des tribunaux inférieurs dans le
sens de l'existence d'une compétence des tribunaux pour examiner les
litiges portant sur la nationalisation des biens immeubles, en
particulier en application du décret no. 92/1950. Par exemple, dans son
arrêt no. 518 du 9 mars 1993, la Cour s'est exprimée dans les termes
suivants sur la compétence des tribunaux pour examiner des litiges
portant sur l'application du décret no. 92/1950 :
< traduction >
"...en jugeant l'action en revendication introduite par la
requérante et en faisant droit à sa demande, les instances
judiciaires - auxquelles la loi confère la compétence générale
pour trancher les litiges civils - ont appliqué le décret-même,
plus précisément, d'une part, les dispositions interdisant la
nationalisation de certains biens immeubles et d'autre part,
celles exigeant la restitution de ces biens dans le cas
d'application mauvaise ou abusive du décret."
ii) Le revirement de jurisprudence du 2 février 1995
Le 2 février 1995, la Cour Suprême de Justice, statuant en
collège de juges réunissant les chambres civile, administrative, pénale
et militaire, décida avec une majorité de 25 voix (contre 20 voix), le
changement de la jurisprudence de la Chambre civile de la même cour.
Elle jugea donc que "les instances judiciaires n'ont pas l'attribution
de censurer et ordonner la restitution des immeubles nationalisés en
application du décret no. 92/1950". La Cour conclut que "la mise en
accord des nationalisations effectuées en application du décret no.
92/1950 avec les dispositions de la présente Constitution concernant
le droit de propriété ne pourrait se faire que par voie législative
[...]."
g) La position de la Cour Constitutionnelle
Le 19 juillet 1995, la Cour Constitutionnelle se prononça sur la
constitutionnalité du projet de loi concernant la réglementation de la
situation juridique des immeubles à usage d'habitation devenus
propriété d'Etat. La Cour Constitutionnelle statua ainsi sur la
possibilité, pour les propriétaires des immeubles devenus propriété
d'Etat abusivement ou en l'absence de tout titre, d'obtenir soit la
restitution de ces biens ou bien des dédommagements :
< traduction >
"[...] La situation est différente dans le cas des logements qui
sont devenus propriété d'Etat par acte administratif illégal, ou
purement et simplement de facto, donc en l'absence de titre, sans
que la constitution du droit de propriété de l'Etat ait un
fondement juridique. Dans ces cas, le droit de propriété de la
personne physique ne s'est pas éteint légalement, de sorte que,
l'Etat n'étant pas propriétaire, de tels biens ne peuvent pas
être inclus dans la catégorie des biens visés par une loi dont
l'objet est de réglementer la situation juridique des logements
devenus propriété d'Etat. En d'autres termes, [...] les mesures
prévues dans la présente loi ne sont pas applicables aux
logements pour lesquels le droit de propriété de l'Etat ne s'est
pas constitué légalement.
Si la loi considérait que le droit de propriété de l'Etat portait
sur les immeubles qu'il s'est appropriés en l'absence de tout
titre, cela signifierait que cette loi a un effet constitutif du
droit de propriété de l'Etat, donc rétroactif, ou qu'elle
mettrait en oeuvre une modalité non prévue par la Constitution
de 1991 portant transformation du droit de propriété des
personnes physiques en propriété d'Etat, ce qui ne peut pas être
accepté.
Il s'ensuit qu'il convient d'accueillir l'exception
d'inconstitutionnalité de cette partie de la loi, concernant les
immeubles que l'Etat ou d'autres personnes morales se sont
appropriés en l'absence de tout titre [...]
Il appartient au Parlement de décider, lors de la révision du
projet de loi, d'adopter des mesures relatives au droit des
personnes -ou de leurs héritiers- qui se sont vu priver de leurs
logements par l'Etat en l'absence de tout titre, de choisir de
bénéficier de cette loi, dans l'hypothèse où elles souhaiteraient
renoncer à la voie lente, incertaine et coûteuse d'une action en
revendication [...]"
h) Loi no. 112 du 23 novembre 1995 pour la réglementation de la
situation juridique de certains biens immeubles destinés au
logement, devenus propriété de l'Etat :
< traduction >
"Article 1 : Les anciens propriétaires - personnes physiques -
des biens immeubles à usage d'habitation qui sont devenus, en
vertu de titre, propriété de l'Etat ou d'autres personnes
morales, après le 6 mars 1945, et qui se trouvaient dans la
possession de l'Etat ou d'autres personnes morales le 22 décembre
1989, bénéficient à titre de réparation des mesures prévues par
la présente loi.
Les dispositions de la présente loi sont applicables également
aux héritiers des anciens propriétaires, conformément à la loi.
Article 2 : Les personnes mentionnées à l'article 1 bénéficient
d'une restitution en nature, par leur rétablissement dans le
droit de propriété sur les appartements dans lesquels elles
habitent en tant que locataires ou ceux qui sont libres ; pour
les autres appartements, elles seront indemnisées dans les
conditions prévues dans l'article 12 [...]"
GRIEFS
1. Le requérant allègue en substance une violation de l'article 6
de la Convention garantissant l'accès à la justice, en raison du refus
de la Cour Suprême de Justice de reconnaître aux tribunaux la
compétence d'examiner les actions en constatation de la nullité des
actes de nationalisation effectués en application du décret no.
92/1950.
2. Le requérant se plaint de l'annulation par la Cour Suprême de
Justice du jugement du 9 mai 1993 constatant la nullité de la
nationalisation de la maison. Il invoque l'article 1 du Protocole N°
1 à la Convention.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
La requête a été introduite le 9 mai 1995 et enregistrée le 28
août 1995.
Le 9 avril 1996, la Commission a décidé de porter la requête à
la connaissance du Gouvernement défendeur, en l'invitant à présenter
par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la
requête.
Le Gouvernement a présenté ses observations le 10 juillet 1996,
et le requérant y a répondu le 14 octobre 1996.
Le 6 mars 1997, la Commission a décidé de tenir une audience sur
la recevabilité et le bien-fondé de la requête.
L'audience a eu lieu le 22 mai 1997. Les parties y étaient
représentées comme suit :
Pour le Gouvernement
Adrian Telu Agent
Claudiu Popescu Conseiller
Pour le requérant
Cornel Dinu Avocat
Dan Brumarescu Requérant
EN DROIT
1. Le requérant allègue en substance une violation de l'article 6
par. 1 de la Convention, en raison du refus de la Cour Suprême de
Justice de reconnaître au tribunal de première instance de Bucarest la
compétence d'examiner la légalité de la décision de nationalisation de
la maison qu'il revendique.
L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dispose, dans sa
partie pertinente :
"1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera [...] des contestations sur ses droits et obligations
de caractère civil [...]."
Le Gouvernement estime que le requérant n'a nullement été empêché
par la Cour Suprême de Justice de s'adresser à un tribunal pour faire
trancher sa contestation, mais a été dirigé vers une autre voie de
recours. Selon le Gouvernement, la question des abus commis lors de
nationalisations des biens par le régime communiste ne pouvait recevoir
qu'une solution législative, de sorte que les tribunaux n'étaient pas
compétents pour trancher des litiges de ce genre.
La Cour Suprême de Justice a donc fait une application correcte
de l'article 330 du Code de procédure civile lorsqu'elle a considéré
que le tribunal de première instance de Bucarest avait outrepassé ses
attributions judiciaires en statuant que la nationalisation de la
maison du requérant était illégale. Le Gouvernement fait valoir que la
loi no. 112 du 23 novembre 1995 est destinée précisément à réparer les
abus commis par l'ancien régime communiste.
Selon le requérant, le refus de la Cour Suprême de Justice de
reconnaître aux tribunaux la compétence de trancher des litiges portant
sur la légalité des nationalisation effectuées par le régime communiste
est contraire tant à l'article 21 de la Constitution roumaine, qu'à
l'article 6 (art. 6) de la Convention. Le requérant fait valoir que
l'article 21 de la Constitution roumaine garantit l'accès à un tribunal
sans aucune restriction. Dès lors, le tribunal de première instance de
Bucarest était compétent pour examiner sa contestation, d'autant plus
qu'aucune loi "réparatrice" n'avait encore été votée.
Le requérant fait valoir en outre que la loi no. 112 du 23
novembre 1995 prévoit des mesures réparatrices seulement pour les
nationalisations "sur titre", de sorte qu'il ne peut pas en bénéficier.
Ainsi, la Cour Suprême de Justice l'a privé de tout recours pour faire
trancher son litige, puisqu'il ne dispose plus ni de la voie
judiciaire, ni de la voie administrative prévue par la loi no. 112 de
1995.
La Commission estime, à la lumière d'un examen préliminaire des
l'argumentation des parties, que le grief soulevé par le requérant pose
des problèmes de fait et de droit suffisamment complexes pour que leur
solution doive relever d'un examen du bien-fondé de l'affaire et,
partant, que le grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé,
au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par
ailleurs, le grief ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité.
2. Le requérant se plaint de l'annulation par la Cour Suprême de
Justice du jugement du 9 mai 1993 constatant la nullité de la
nationalisation de la maison. Il invoque l'article 1 du Protocole N°
1 (P1-1) à la Convention, qui se lit comme suit :
"Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses
biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause
d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et
les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que
possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent
nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à
l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou
d'autres contributions ou des amendes."
Selon le Gouvernement, le grief du requérant est incompatible
ratione materiae avec les dispositions de l'article 1 du Protocole N° 1
(P1-1) à la Convention. Le Gouvernement soutient que le requérant n'a
jamais été propriétaire de la maison en question, car celle-ci a été
nationalisée en 1950, avant que le requérant l'ait héritée. L'action
du requérant devant le tribunal de première instance de Bucarest visait
en réalité l'acquisition de la maison, de sorte que l'arrêt de la Cour
Suprême de Justice n'a pu priver le requérant d'un bien qui ne lui
appartenait pas.
Le requérant combat cette thèse. Il fait valoir qu'en 1950,
l'Etat s'est approprié la maison en violation des dispositions du
décret de nationalisation no. 92/1950. La nationalisation étant
illégale, le père du requérant n'a jamais cessé d'être le propriétaire
légitime. Le requérant a donc hérité cette maison de son père. Le
requérant fait valoir que le tribunal de première instance de Bucarest
a d'ailleurs confirmé son droit de propriété.
De surcroît, ce jugement n'a été attaqué selon les voies de
recours ordinaires ni par les défenderesses représentant l'Etat, ni par
le parquet, mais est devenu définitif et a été exécuté par les soins
de la mairie de la ville de Bucarest. Les autorités étatiques ont donc
considéré le requérant comme propriétaire légitime.
Le requérant considère que le recours en annulation par le biais
duquel le jugement du 9 décembre 1993 a été annulé a porté atteinte à
la sécurité des rapports juridiques résultant de ce jugement et par
conséquent, à son droit de propriété. Le requérant estime que cette
atteinte est contraire à l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1) à la
Convention.
Ayant procédé à un examen préliminaire des thèses développées par
les parties, la Commission estime que ces questions ne sauraient être
résolues à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un
examen au fond.
Il s'ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement
mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
En outre, la Commission constate que la requête ne se heurte à aucun
autre motif d'irrecevabilité.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés.
H.C. KRÜGER S. TRECHSEL
Secrétaire Président
de la Commission de la Commission
Textes cités dans la décision