CEDH, Commission (deuxième chambre), BIDALOU c. la FRANCE, 4 mars 1998, 36857/97
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 4 mars 1998, n° 36857/97 |
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Numéro(s) : | 36857/97 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 11 avril 1997 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-29401 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1998:0304DEC003685797 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 36857/97
présentée par Jacques BIDALOU
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 4 mars 1998 en présence de
MM. J.-C. GEUS, Président
M.A. NOWICKI
G. JÖRUNDSSON
A. GÖZÜBÜYÜK
J.-C. SOYER
H. DANELIUS
Mme G.H. THUNE
MM. F. MARTINEZ
I. CABRAL BARRETO
J. MUCHA
D. SVÁBY
E. BIELIUNAS
E.A. ALKEMA
A. ARABADJIEV
Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 11 avril 1997 par Jacques BIDALOU
contre la France et enregistrée le 11 juillet 1997 sous le N° de
dossier 36857/97 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, de nationalité française, est né en 1945 et réside
à Maisons-Laffitte. Il est magistrat de profession.
Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant,
peuvent se résumer comme suit.
Le 23 décembre 1992, le requérant fut cité à comparaître devant
le tribunal correctionnel de Brest pour « avoir à Brest, le
17 juillet 1992 et courant juillet 1992, outragé par un écrit non rendu
public tendant à mettre en cause son honneur et sa délicatesse,
Monsieur le procureur [M.], magistrat agissant dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions en écrivant notamment que :
'le chef du ministère public à Brest, le procureur [M.] n'est que le
serviteur des escrocs qui ont ruiné Madame [K.]', infraction prévue et
réprimée par l'article 222 al. 1 du Code pénal » et « d'avoir à Brest,
les 1er juin, 22 octobre et courant octobre 1992, outragé par un écrit
non rendu public tendant à mettre en cause leur honneur et leur
délicatesse, Monsieur [P.], président du tribunal de commerce de Brest,
Mademoiselle [K.] et Monsieur [R.], juges agissant dans l'exercice ou
à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions en écrivant notamment
qu'ils 'avaient trahi leurs devoirs pour leur confort personnel et par
complicité de tous ceux qui ont spolié Madame [K.] et la S.A. [S.]',
infraction prévue et réprimée par l'article 222 al. 1 du Code pénal »,
enfin « d'avoir à Brest, les 1er juin, 22 octobre et courant
octobre 1992, outragé par un écrit non rendu public tendant à mettre
en cause son honneur et sa délicatesse, Monsieur le procureur [M.],
magistrat agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses
fonctions en écrivant notamment que : 'le procureur M. ne représente
plus le ministère public, il est le garde du corps de la haute
truanderie locale', infraction prévue et réprimée par l'article 222
al. 1 du Code pénal ».
Le requérant souleva, avant tout débat au fond, une exception
d'incompétence tenant à sa qualité de magistrat de l'ordre judiciaire.
Par jugement du 9 février 1993, le tribunal correctionnel de
Brest décida de joindre au fond l'exception d'incompétence soulevée par
le requérant.
Par jugement du 23 février 1993, le tribunal correctionnel de
Brest rejeta l'exception en estimant que le requérant n'avait plus la
qualité invoquée suite à un décret de révocation du 24 juillet 1989 et,
le déclarant coupable d'outrages à magistrats, le condamna à 5 000 F
d'amende.
Par arrêt du 18 juin 1993, la cour d'appel de Rennes déclara
irrecevable l'appel du requérant contre le jugement du 9 février 1993,
mais recevable l'appel de celui-ci contre le jugement du
23 février 1993. Elle annula ledit jugement et évoquant l'affaire,
rejeta l'exception d'incompétence en renvoyant l'affaire sur le fond
à une audience ultérieure.
Par arrêt du 19 juillet 1993, la Cour de cassation rejeta la
demande du requérant tendant à l'examen immédiat du pourvoi formé
contre l'arrêt du 18 juin 1993, au motif que ni l'intérêt de l'ordre
public ni celui d'une bonne administration de la justice ne le
commandaient.
A l'audience de la cour d'appel sur le fond du 16 septembre 1993,
le requérant souleva, avant tout débat, une exception de nullité de la
citation du 23 décembre 1992. Par arrêt, la cour d'appel de Rennes
joignit l'incident au fond et ordonna la poursuite immédiate des
débats.
Le requérant sollicita alors l'audition en qualité de témoins de
Mme K., de Mr M. et de Mr P. (visés dans la citation à comparaître du
23 décembre 1992) ainsi que la désignation d'un huissier pour procéder
à leur citation.
Par arrêt du 16 septembre 1993, la cour d'appel de Rennes rejeta
la demande de citation des témoins en s'exprimant comme suit :
« (...) Considérant sur la violation de l'article 6 de la
Convention européenne des Droits de l'Homme que si Mr Bidalou
produit une lettre du 26 janvier 1993 aux termes de laquelle
l'huissier qu'il avait requis pour faire citer comme témoins
(...) Mr le Procureur de la République, refusait son concours en
raison de ses liens avec lesdits témoins, il n'est pas justifié
qu'il ait été dans l'impossibilité absolue de les faire citer par
un autre huissier ;
Considérant par ailleurs que l'audition des témoins dénoncés par
le prévenu devant la Cour (dont la liste diffère de ceux dont il
souhaitait l'audition devant les premiers juges) n'apparaît pas
utile à la manifestation de la vérité (...). »
La cour renvoya l'affaire à une audience ultérieure.
Par arrêts des 23 novembre 1993 et 26 mai 1994, la Cour de
cassation rejeta les demandes du requérant tendant à l'examen immédiat
des pourvois contre les arrêts du 16 septembre 1993 au motif que ni
l'intérêt de l'ordre public, ni celui d'une bonne administration de la
justice ne le commandaient.
Par arrêt du 29 septembre 1994, la cour d'appel de Rennes joignit
au fond une exception de nullité soulevée par le requérant, ordonna la
poursuite des débats et mit l'affaire en délibéré.
Par arrêt du 24 octobre 1994, la Cour de cassation rejeta la
demande du requérant tendant à l'examen immédiat du pourvoi contre
l'arrêt du 29 septembre 1994, au motif que ni l'intérêt de l'ordre
public, ni celui d'une bonne administration de la justice ne le
commandaient.
Par arrêt du 10 novembre 1994, la cour d'appel de Rennes rejeta
les exceptions soulevées par le requérant, le déclara coupable des
infractions reprochées et le condamna à 5 000 F d'amende. La cour
s'exprima notamment comme suit :
« (...) Considérant que Monsieur Bidalou demande qu'il soit
sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur la
prise à partie qu'il a formée à l'encontre des juges du tribunal
de commerce ;
Considérant toutefois qu'aucun élément sur cette procédure n'est
produit par le prévenu ; qu'il n'apparaît donc en l'état du
dossier aucun élément de nature à justifier la demande de sursis
à statuer ;
Considérant que Monsieur Bidalou fait valoir par ailleurs qu'il
n'a pas été avisé des nouvelles dispositions du Code pénal
concernant le délit d'outrage à magistrat et n'a pas été en
mesure de préparer sa défense ; qu'il aurait dû faire l'objet
d'une nouvelle citation énonçant les textes du Code pénal
applicables après le 1er mars 1994 ;
Considérant que s'il n'y a pas lieu à nouvelle citation par le
Ministère Public (la cour étant déjà saisie), il est par ailleurs
certain que tout prévenu doit être en mesure de s'expliquer sur
l'application des nouveaux textes des faits qui lui sont
reprochés et ses éventuelles conséquences ; qu'en l'espèce le
prévenu a déposé des conclusions où il analyse les articles 433-5
et 434-24 du Code pénal [222 al. 1 du Code pénal abrogé depuis
la commission des faits] ; qu'il a par ailleurs pu fournir toutes
explications orales sur ce point, à l'audience ; qu'il n'y a pas
lieu de faire droit à la demande de renvoi à une audience
ultérieure ;
Considérant qu'au fond Monsieur Bidalou fait valoir qu'il lui est
reproché une infraction en juillet 1992 alors qu'aucun de ses
courriers ne correspond à cette date ; que par ailleurs il estime
qu'il était de son devoir d'écrire les propos qui lui sont
reprochés à tort comme outrageants ;
Considérant que contrairement à ce que soutient Monsieur Bidalou,
figure à la cote D 13 un courrier daté du 17 juillet 1992 qu'il
a adressé à 'Monsieur le Président et Messieurs les Juges du
Tribunal correctionnel de Brest' aux termes duquel il indique 'le
Procureur [M.] n'est que le serviteur des escrocs qui ont ruiné
Madame [K.]' ; que ce courrier a été enregistré par le greffe du
Tribunal le 21 juillet 1992 ;
Considérant que l'existence des deux autres écrits visés à la
prévention n'est pas contestée par le prévenu ; (...). »
Au soutien de ses pourvois en cassation contre les arrêts de la
cour d'appel de Rennes des 18 juin, 16 septembre 1993, 29 septembre et
10 novembre 1994, le requérant formula divers moyens tirés de la
violation de la Convention.
Par arrêt du 22 octobre 1996, la Cour de cassation rejeta les
pourvois, après les avoir joints. Elle s'exprima notamment comme suit :
« (...) Sur le pourvoi contre l'arrêt du 18 juin 1993 ;
(...) Attendu que pour rejeter l'exception d'incompétence
présentée par Jacques Bidalou qui revendiquait le bénéfice du
privilège de juridiction institué par les articles 679 et
suivants du Code de procédure pénale, les juges retiennent à bon
droit que ces textes ont été abrogés par l'article 102 de la loi
du 4 janvier 1993, avec effet immédiat en application de
l'article 225 de ladite loi ; (...)
Sur le pourvoi contre l'arrêt du 16 septembre 1993 ;
(...) Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation
de l'article 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des
Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Attendu que pour refuser d'ordonner l'audition des témoins dont
le prévenu avait demandé qu'ils soient cités devant elle, la cour
d'appel retient notamment que cette mesure n'apparaît pas utile
à la manifestation de la vérité ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'intéressé n'avait pas
fait usage devant les premiers juges du droit que confèrent aux
parties les articles 435 et suivants du Code de procédure pénale
[qui prévoit, par renvoi à l'article 550 du Code de procédure
pénale, que les témoins doivent être cités par voie d'exploit
d'huissier de justice] de faire citer et entendre un témoin,
aucune atteinte n'a été portée aux droits de la défense ; (...)
Sur le pourvoi contre l'arrêt du 10 novembre 1994 ;
Sur le premier moyen pris de la violation de l'article 6.1 de la
Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des
Libertés fondamentales ;
Attendu que faute pour le demandeur d'articuler en quoi l'arrêt
attaqué aurait violé les dispositions du texte précité, le moyen
est irrecevable ; (...)
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation de la
loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que
les juges n'aient pas relevé à son profit l'immunité tirée de
l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, dès lors, que les
termes outrageants pour lesquels il a été poursuivi n'ont pas été
tenus dans un discours prononcé ou un écrit produit devant les
tribunaux ; (...)
Sur le septième moyen pris de la violation de l'article 7 de la
Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des
Libertés fondamentales (...) ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué [du
10 novembre 1994] mettent la Cour de cassation en mesure de
s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts
d'insuffisance et de contradiction, a caractérisé en tous ses
éléments, tant matériels qu'intentionnels, l'infraction dont elle
a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en
question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des
faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus,
ne sauraient être accueillis ; (...). »
GRIEFS
1. Le requérant conteste le bien-fondé des décisions notamment quant
aux rejets des exceptions d'incompétence et de nullité qu'il avait
soulevées ; il estime que les juridictions n'ont pas appliqué le droit
interne de façon raisonnable et ont commis des « grossièretés
juridiques » en dénaturant les faits ; il ajoute que les juridictions
n'ont pas examiné correctement ses moyens de défense et n'y ont pas non
plus répondu de manière pertinente ; qu'enfin, celles-ci devaient se
déclarer incompétentes et annuler sa citation à comparaître.
Pour ces raisons, le requérant considère qu'il n'a pas bénéficié
d'un procès équitable par un tribunal impartial, en méconnaissance de
l'article 6 par. 1 de la Convention.
2. Le requérant estime que sa citation du 23 décembre 1992 était
incomplète et que la qualification aurait été modifiée au cours du
procès. Il invoque le droit à être informé de la nature de
l'accusation, au sens de l'article 6 par. 3 a) et b) de la Convention.
3. Le requérant se plaint, en substance, d'une violation de
l'article 6 par. 3 d) de la Convention.
4. Le requérant estime que l'article 10 de la Convention a été
méconnu car les juridictions auraient dû le faire bénéficier de
l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 pour sa lettre du
17 juillet 1992, qui, selon lui, devait être regardée comme un « écrit
produit devant un tribunal », couvert d'une immunité légale selon le
texte de loi.
EN DROIT
1. Le requérant considère qu'il n'a pas bénéficié d'un procès
équitable par un tribunal impartial, en méconnaissance de l'article 6
(art. 6) de la Convention, qui dispose notamment que :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, (...) par un tribunal indépendant et impartial
(...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle. (...). »
En ce qui concerne les décisions judiciaires litigieuses, la
Commission rappelle qu'elle n'a pas compétence pour examiner une
requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument
commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces
erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux
droits et libertés garantis par la Convention (par exemple,
N° 17722/91, déc. 8.4.91, D.R. 69, pp. 345, 354 ; N° 21283/93,
déc. 5.4.94, D.R. 77-B, pp. 81, 88). Par ailleurs, l'application et
l'interprétation du droit interne sont en principe réservées à la
compétence des juridictions nationales (voir N° 10153/82,
déc. 13.10.86, D.R. 49, p. 67). En outre, il n'entre pas dans les
attributions de la Commission de substituer sa propre appréciation des
faits et des preuves à celles des juridictions internes, sa tâche étant
de s'assurer que les moyens de preuve ont été présentés de manière à
garantir un procès équitable (Cour eur. D.H., arrêt Vidal c. Belgique
du 22 avril 1992, série A n° 235-B, pp. 32-33, par. 33 et N° 9000/80,
déc. 11.3.82, D.R. 28, pp. 128, 129).
En l'espèce, la Commission relève que la condamnation prononcée
contre le requérant est intervenue à l'issue d'une procédure
contradictoire au cours de laquelle le requérant a pu faire valoir tous
les arguments et observations qu'il a estimés nécessaires. Par
ailleurs, les juridictions ont apprécié la crédibilité des divers
moyens de preuve présentés à la lumière des circonstances de l'affaire
et ont dûment motivé leur décision à cet égard sans méconnaître un
moyen de défense essentiel. Il n'apparaît pas que ces juridictions
auraient tiré des conclusions arbitraires des faits qui leur étaient
soumis ou auraient dépassé les limites d'une interprétation raisonnable
des textes applicables au cas d'espèce.
Dès lors, la Commission estime que la lecture des décisions
critiquées n'a révélé aucune apparence de violation des droits invoqués
par le requérant au regard de l'article 6 (art. 6) de la Convention.
Il s'ensuit que le grief doit être rejeté pour défaut manifeste de
fondement, en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la
Convention.
2. Le requérant estime que sa citation à comparaître était
incomplète et que la qualification aurait été modifiée au cours du
procès, en violation de l'article 6 par. 3 a) et b) (art. 6-3-a, 6-3-b)
de la Convention, qui dispose notamment que :
« 3. Tout accusé a droit notamment à :
a. être informé, dans le plus court délai, dans une langue
qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la
cause de l'accusation portée contre lui ;
b. disposer du temps et des facilités nécessaires à la
préparation de sa défense ; (...). »
La Commission rappelle que, selon sa jurisprudence constante,
l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) de la Convention reconnaît à
l'accusé le droit d'être informé non seulement de la cause de
l'accusation, c'est-à-dire des faits matériels qui sont mis à sa charge
et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi de la nature de
celle-ci, c'est-à-dire de la qualification juridique des faits
matériels (N° 8490/79, déc. 12.3.81, D.R. 22, p. 143 ). Par ailleurs,
l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) n'impose aucune forme particulière
quant à la manière dont l'accusé doit être informé de la nature et de
la cause de l'accusation portée contre lui (N° 8361/78, déc. 17.12.81,
D.R. 27, p. 48). Enfin, elle rappelle qu'il existe un lien entre les
paragraphes a) et b) de l'article 6 (art. 6-3-a, 6-3-b) et que le droit
à être informé sur la nature et la cause de l'accusation doit être
envisagé à la lumière du droit pour l'accusé de préparer sa défense (N°
8490/79, déc. 12.3.81, D.R. 22, p. 140).
En l'espèce, la Commission relève que le requérant a été cité,
de manière explicite et précise, à comparaître pour des faits détaillés
d'outrages à magistrats en violation de l'article 222 al. 1 du Code
pénal ancien. Au terme de la procédure, il a été condamné pour ces
faits et sous cette même qualification d'outrage à magistrat, sur la
base de l'article 434-24 du Code pénal qui était entré en vigueur
entre-temps, le 1er mars 1994, et qui avait abrogé l'article précité.
La Commission note qu'il ressort des termes de l'arrêt de la cour
d'appel, confirmé par la Cour de cassation, que l'entrée en vigueur de
cette nouvelle disposition n'a pas opéré un changement de qualification
des faits, n'a pas empêché le requérant de connaître la nature de
l'accusation portée contre lui et de préparer sa défense en
conséquence, la cour d'appel ayant dûment précisé que le prévenu avait
déposé des conclusions où il analysait l'article 434-24 du Code pénal
(222 al. 1 du Code pénal abrogé depuis la commission des faits) et
qu'il avait par ailleurs pu fournir toutes les explications orales
voulues sur ce point à l'audience de plaidoirie.
Dans ces conditions, la Commission n'a décelé aucune apparence
de violation de l'article 6 par. 3 a) et b) (art. 6-3-a, 6-3-b) de la
Convention. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté pour défaut
manifeste de fondement, en application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
3. Le requérant se plaint, en substance, d'une violation de
l'article 6 par. 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention, qui dispose
que :
« 3. Tout accusé a droit notamment à :
(...)
d. interroger ou faire interroger les témoins à charge et
obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge
dans les mêmes conditions que les témoins à charge. »
La Commission a examiné le grief sous l'angle du paragraphe 3 d)
combiné avec les principes inhérents au paragraphe 1. Elle rappelle
qu'il est admis que l'article 6 par. 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention
ne reconnait pas à l'accusé un droit illimité d'obtenir la convocation
ni d'interroger tous les témoins qu'il propose (Cour eur. D.H., arrêt
Engel et autres c. Pays-Bas du 6 juin 1976, série A n° 22, p. 38-39,
par. 91). De même, les autorités judiciaires internes jouissent d'une
marge d'appréciation leur permettant, sous réserve du respect de la
Convention, de s'assurer que l'audition d'un témoin sollicitée par la
défense est susceptible de contribuer à la manifestation de la vérité
et dans la négative, de refuser son audition (N° 8231/78, déc. 6.3.82,
D.R. 28, p. 5 ; N° 9000/80, déc. 11.3.82, D.R. 28, p. 127).
Pour ce qui est en particulier de l'administration des preuves,
la Commission rappelle qu'elle relève au premier chef des règles du
droit interne et qu'il revient en principe aux juridictions nationales
d'apprécier les éléments recueillis par elles. Dès lors, il n'incombe
pas aux organes de la Convention de décider si les tribunaux internes
ont correctement apprécié les preuves, mais d'examiner si les
témoignages à charge ou à décharge ont été présentés de manière à
garantir un procès équitable dans le déroulement général de la
procédure (notamment, Edwards c. Royaume-Uni, rapport Comm. 10.7.91,
par. 52, Cour eur. D.H., série A n° 247-B, p. 44). En particulier, il
importe que les juges, au moment de prendre leur décision, n'arrivent
à une condamnation que sur la base de preuves suffisamment fortes, aux
yeux de la loi, pour établir la culpabilité de l'intéressé
(N° 12013/86, déc. 10.3.89, D.R. 59, p. 100).
Dans le cas d'espèce, la Commission souligne qu'il s'agissait
d'établir si certains termes de trois lettres écrites et envoyées par
le requérant lui-même et qui figuraient au dossier, étaient
constitutifs de l'infraction d'outrage à magistrat. Elle observe que
les termes reprochés étaient bien établis et que la cour d'appel, pour
asseoir sa condamnation, s'est fondée sur le texte de ces lettres pour
estimer que certains passages réunissaient manifestement, aux yeux du
droit applicable, les éléments constitutifs de l'infraction d'outrage
à magistrat. La Commission est ainsi d'avis que la condamnation du
requérant, aux termes de décisions amplement motivées, était fondée sur
des éléments suffisamment pertinents pour établir la culpabilité du
requérant et que la cour d'appel a pu légitimement estimer, sans
arbitraire ou iniquité, que les auditions demandées par le requérant
ne seraient pas utiles à la manifestation de la vérité.
Il s'ensuit que le grief doit être rejeté pour défaut manifeste
de fondement, en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la
Convention.
4. Le requérant estime que l'article 10 (art. 10) de la Convention
a été méconnu car les juridictions auraient dû le faire bénéficier de
l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 pour sa lettre du
17 juillet 1992, qui, selon lui, devait être regardée comme un « écrit
produit devant un tribunal », couvert d'une immunité légale selon ce
texte de loi.
La Commission a examiné le grief, tel qu'il a été présenté par
le requérant. Toutefois, dans la mesure où le grief est étayé et pour
autant qu'elle est compétente pour en connaître, elle n'a relevé aucune
apparence de violation de l'article 10 (art. 10) de la Convention. En
particulier, elle rappelle que, selon le paragraphe 2 de l'article 10
(art. 10-2) précité, l'exercice du droit à la liberté d'expression peut
être soumis à certaines sanctions prévues par la loi, qui constituent
des mesures nécessaires à la « protection de la réputation et des
droits d'autrui » ainsi qu'à « l'impartialité du pouvoir judiciaire ».
Il s'ensuit que le grief doit également être rejeté pour défaut
manifeste de fondement, en application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
M.-T. SCHOEPFER J.-C. GEUS
Secrétaire Président
de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre
Textes cités dans la décision