CEDH, Commission (deuxième chambre), BIDALOU c. la FRANCE, 4 mars 1998, 36857/97

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 4 mars 1998, n° 36857/97
Numéro(s) : 36857/97
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 11 avril 1997
Jurisprudence de Strasbourg : Cour Eur. D.H. Arrêt Engel et autres du 6 juin 1976, série A n° 22, pp. 38-39, par. 91
Arrêt Vidal du 22 avril 1992, série A n° 235-B, pp. 32-33, par. 33
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-29401
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1998:0304DEC003685797
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Texte intégral

                         SUR LA RECEVABILITÉ

                      de la requête N° 36857/97

                      présentée par Jacques BIDALOU

                      contre la France

                          __________

     La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 4 mars 1998 en présence de

           MM.  J.-C. GEUS, Président

                M.A. NOWICKI

                G. JÖRUNDSSON

                A. GÖZÜBÜYÜK

                J.-C. SOYER

                H. DANELIUS

           Mme  G.H. THUNE

           MM.  F. MARTINEZ

                I. CABRAL BARRETO

                J. MUCHA

                D. SVÁBY

                E. BIELIUNAS

                E.A. ALKEMA

                A. ARABADJIEV

           Mme  M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;

     Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

     Vu la requête introduite le 11 avril 1997 par Jacques BIDALOU

contre la France et enregistrée le 11 juillet 1997 sous le N° de

dossier 36857/97 ;

     Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

     Après avoir délibéré,

     Rend la décision suivante :

EN FAIT

     Le requérant, de nationalité française, est né en 1945 et réside

à Maisons-Laffitte. Il est magistrat de profession.

     Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant,

peuvent se résumer comme suit.

     Le 23 décembre 1992, le requérant fut cité à comparaître devant

le tribunal correctionnel de Brest pour « avoir à Brest, le

17 juillet 1992 et courant juillet 1992, outragé par un écrit non rendu

public tendant à mettre en cause son honneur et sa délicatesse,

Monsieur le procureur [M.], magistrat agissant dans l'exercice ou à

l'occasion de l'exercice de ses fonctions en écrivant notamment que :

'le chef du ministère public à Brest, le procureur [M.] n'est que le

serviteur des escrocs qui ont ruiné Madame [K.]', infraction prévue et

réprimée par l'article 222 al. 1 du Code pénal » et « d'avoir à Brest,

les 1er juin, 22 octobre et courant octobre 1992, outragé par un écrit

non rendu public tendant à mettre en cause leur honneur et leur

délicatesse, Monsieur [P.], président du tribunal de commerce de Brest,

Mademoiselle [K.] et Monsieur [R.], juges agissant dans l'exercice ou

à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions en écrivant notamment

qu'ils 'avaient trahi leurs devoirs pour leur confort personnel et par

complicité de tous ceux qui ont spolié Madame [K.] et la S.A. [S.]',

infraction prévue et réprimée par l'article 222 al. 1 du Code pénal »,

enfin « d'avoir à Brest, les 1er juin, 22 octobre et courant

octobre 1992, outragé par un écrit non rendu public tendant à mettre

en cause son honneur et sa délicatesse, Monsieur le procureur [M.],

magistrat agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses

fonctions en écrivant notamment que : 'le procureur M. ne représente

plus le ministère public, il est le garde du corps de la haute

truanderie locale', infraction prévue et réprimée par l'article 222

al. 1 du Code pénal ».

     Le requérant souleva, avant tout débat au fond, une exception

d'incompétence tenant à sa qualité de magistrat de l'ordre judiciaire.

     Par jugement du 9 février 1993, le tribunal correctionnel de

Brest décida de joindre au fond l'exception d'incompétence soulevée par

le requérant.

     Par jugement du 23 février 1993, le tribunal correctionnel de

Brest rejeta l'exception en estimant que le requérant n'avait plus la

qualité invoquée suite à un décret de révocation du 24 juillet 1989 et,

le déclarant coupable d'outrages à magistrats, le condamna à 5 000 F

d'amende.

     Par arrêt du 18 juin 1993, la cour d'appel de Rennes déclara

irrecevable l'appel du requérant contre le jugement du 9 février 1993,

mais recevable l'appel de celui-ci contre le jugement du

23 février 1993. Elle annula ledit jugement et évoquant l'affaire,

rejeta l'exception d'incompétence en renvoyant l'affaire sur le fond

à une audience ultérieure.

     Par arrêt du 19 juillet 1993, la Cour de cassation rejeta la

demande du requérant tendant à l'examen immédiat du pourvoi formé

contre l'arrêt du 18 juin 1993, au motif que ni l'intérêt de l'ordre

public ni celui d'une bonne administration de la justice ne le

commandaient.

     A l'audience de la cour d'appel sur le fond du 16 septembre 1993,

le requérant souleva, avant tout débat, une exception de nullité de la

citation du 23 décembre 1992. Par arrêt, la cour d'appel de Rennes

joignit l'incident au fond et ordonna la poursuite immédiate des

débats.

     Le requérant sollicita alors l'audition en qualité de témoins de

Mme K., de Mr M. et de Mr P. (visés dans la citation à comparaître du

23 décembre 1992) ainsi que la désignation d'un huissier pour procéder

à leur citation.

     Par arrêt du 16 septembre 1993, la cour d'appel de Rennes rejeta

la demande de citation des témoins en s'exprimant comme suit :

     « (...) Considérant sur la violation de l'article 6 de la

     Convention européenne des Droits de l'Homme que si Mr Bidalou

     produit une lettre du 26 janvier 1993 aux termes de laquelle

     l'huissier qu'il avait requis pour faire citer comme témoins

     (...) Mr le Procureur de la République, refusait son concours en

     raison de ses liens avec lesdits témoins, il n'est pas justifié

     qu'il ait été dans l'impossibilité absolue de les faire citer par

     un autre huissier ;

     Considérant par ailleurs que l'audition des témoins dénoncés par

     le prévenu devant la Cour (dont la liste diffère de ceux dont il

     souhaitait l'audition devant les premiers juges) n'apparaît pas

     utile à la manifestation de la vérité (...). »

     La cour renvoya l'affaire à une audience ultérieure.

     Par arrêts des 23 novembre 1993 et 26 mai 1994, la Cour de

cassation rejeta les demandes du requérant tendant à l'examen immédiat

des pourvois contre les arrêts du 16 septembre 1993 au motif que ni

l'intérêt de l'ordre public, ni celui d'une bonne administration de la

justice ne le commandaient.

     Par arrêt du 29 septembre 1994, la cour d'appel de Rennes joignit

au fond une exception de nullité soulevée par le requérant, ordonna la

poursuite des débats et mit l'affaire en délibéré.

     Par arrêt du 24 octobre 1994, la Cour de cassation rejeta la

demande du requérant tendant à l'examen immédiat du pourvoi contre

l'arrêt du 29 septembre 1994, au motif que ni l'intérêt de l'ordre

public, ni celui d'une bonne administration de la justice ne le

commandaient.

     Par arrêt du 10 novembre 1994, la cour d'appel de Rennes rejeta

les exceptions soulevées par le requérant, le déclara coupable des

infractions reprochées et le condamna à 5 000 F d'amende. La cour

s'exprima notamment comme suit :

     « (...) Considérant que Monsieur Bidalou demande qu'il soit

     sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur la

     prise à partie qu'il a formée à l'encontre des juges du tribunal

     de commerce ;

     Considérant toutefois qu'aucun élément sur cette procédure n'est

     produit par le prévenu ; qu'il n'apparaît donc en l'état du

     dossier aucun élément de nature à justifier la demande de sursis

     à statuer ;

     Considérant que Monsieur Bidalou fait valoir par ailleurs qu'il

     n'a pas été avisé des nouvelles dispositions du Code pénal

     concernant le délit d'outrage à magistrat et n'a pas été en

     mesure de préparer sa défense ; qu'il aurait dû faire l'objet

     d'une nouvelle citation énonçant les textes du Code pénal

     applicables après le 1er mars 1994 ;

     Considérant que s'il n'y a pas lieu à nouvelle citation par le

     Ministère Public (la cour étant déjà saisie), il est par ailleurs

     certain que tout prévenu doit être en mesure de s'expliquer sur

     l'application des nouveaux textes des faits qui lui sont

     reprochés et ses éventuelles conséquences ; qu'en l'espèce le

     prévenu a déposé des conclusions où il analyse les articles 433-5

     et 434-24 du Code pénal [222 al. 1 du Code pénal abrogé depuis

     la commission des faits] ; qu'il a par ailleurs pu fournir toutes

     explications orales sur ce point, à l'audience ; qu'il n'y a pas

     lieu de faire droit à la demande de renvoi à une audience

     ultérieure ;

     Considérant qu'au fond Monsieur Bidalou fait valoir qu'il lui est

     reproché une infraction en juillet 1992 alors qu'aucun de ses

     courriers ne correspond à cette date ; que par ailleurs il estime

     qu'il était de son devoir d'écrire les propos qui lui sont

     reprochés à tort comme outrageants ;

     Considérant que contrairement à ce que soutient Monsieur Bidalou,

     figure à la cote D 13 un courrier daté du 17 juillet 1992 qu'il

     a adressé à 'Monsieur le Président et Messieurs les Juges du

     Tribunal correctionnel de Brest' aux termes duquel il indique 'le

     Procureur [M.] n'est que le serviteur des escrocs qui ont ruiné

     Madame [K.]' ; que ce courrier a été enregistré par le greffe du

     Tribunal le 21 juillet 1992 ;

     Considérant que l'existence des deux autres écrits visés à la

     prévention n'est pas contestée par le prévenu ; (...). »

     Au soutien de ses pourvois en cassation contre les arrêts de la

cour d'appel de Rennes des 18 juin, 16 septembre 1993, 29 septembre et

10 novembre 1994, le requérant formula divers moyens tirés de la

violation de la Convention.

     Par arrêt du 22 octobre 1996, la Cour de cassation rejeta les

pourvois, après les avoir joints. Elle s'exprima notamment comme suit :

     « (...) Sur le pourvoi contre l'arrêt du 18 juin 1993 ;

     (...) Attendu que pour rejeter l'exception d'incompétence

     présentée par Jacques Bidalou qui revendiquait le bénéfice du

     privilège de juridiction institué par les articles 679 et

     suivants du Code de procédure pénale, les juges retiennent à bon

     droit que ces textes ont été abrogés par l'article 102 de la loi

     du 4 janvier 1993, avec effet immédiat en application de

     l'article 225 de ladite loi ; (...)

     Sur le pourvoi contre l'arrêt du 16 septembre 1993 ;

     (...) Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation

     de l'article 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des

     Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;

     Attendu que pour refuser d'ordonner l'audition des témoins dont

     le prévenu avait demandé qu'ils soient cités devant elle, la cour

     d'appel retient notamment que cette mesure n'apparaît pas utile

     à la manifestation de la vérité ;

     Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'intéressé n'avait pas

     fait usage devant les premiers juges du droit que confèrent aux

     parties les articles 435 et suivants du Code de procédure pénale

     [qui prévoit, par renvoi à l'article 550 du Code de procédure

     pénale, que les témoins doivent être cités par voie d'exploit

     d'huissier de justice] de faire citer et entendre un témoin,

     aucune atteinte n'a été portée aux droits de la défense ; (...)

     Sur le pourvoi contre l'arrêt du 10 novembre 1994 ;

     Sur le premier moyen pris de la violation de l'article 6.1 de la

     Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des

     Libertés fondamentales ;

     Attendu que faute pour le demandeur d'articuler en quoi l'arrêt

     attaqué aurait violé les dispositions du texte précité, le moyen

     est irrecevable ; (...)

     Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation de la

     loi du 29 juillet 1881 ;

     Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que

     les juges n'aient pas relevé à son profit l'immunité tirée de

     l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, dès lors, que les

     termes outrageants pour lesquels il a été poursuivi n'ont pas été

     tenus dans un discours prononcé ou un écrit produit devant les

     tribunaux ; (...)

     Sur le septième moyen pris de la violation de l'article 7 de la

     Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des

     Libertés fondamentales (...) ;

     Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué [du

     10 novembre 1994] mettent la Cour de cassation en mesure de

     s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts

     d'insuffisance et de contradiction, a caractérisé en tous ses

     éléments, tant matériels qu'intentionnels, l'infraction dont elle

     a déclaré le prévenu coupable ;

     D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en

     question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des

     faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus,

     ne sauraient être accueillis ; (...). »

GRIEFS

1.   Le requérant conteste le bien-fondé des décisions notamment quant

aux rejets des exceptions d'incompétence et de nullité qu'il avait

soulevées ; il estime que les juridictions n'ont pas appliqué le droit

interne de façon raisonnable et ont commis des « grossièretés

juridiques » en dénaturant les faits ; il ajoute que les juridictions

n'ont pas examiné correctement ses moyens de défense et n'y ont pas non

plus répondu de manière pertinente ; qu'enfin, celles-ci devaient se

déclarer incompétentes et annuler sa citation à comparaître.

     Pour ces raisons, le requérant considère qu'il n'a pas bénéficié

d'un procès équitable par un tribunal impartial, en méconnaissance de

l'article 6 par. 1 de la Convention.

2.   Le requérant estime que sa citation du 23 décembre 1992 était

incomplète et que la qualification aurait été modifiée au cours du

procès. Il invoque le droit à être informé de la nature de

l'accusation, au sens de l'article 6 par. 3 a) et b) de la Convention.

3.   Le requérant se plaint, en substance, d'une violation de

l'article 6 par. 3 d) de la Convention.

4.   Le requérant estime que l'article 10 de la Convention a été

méconnu car les juridictions auraient dû le faire bénéficier de

l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 pour sa lettre du

17 juillet 1992, qui, selon lui, devait être regardée comme un « écrit

produit devant un tribunal », couvert d'une immunité légale selon le

texte de loi.

EN DROIT

1.   Le requérant considère qu'il n'a pas bénéficié d'un procès

équitable par un tribunal impartial, en méconnaissance de l'article 6

(art. 6) de la Convention, qui dispose notamment que :

     « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

     équitablement, (...) par un tribunal indépendant et impartial

     (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en

     matière pénale dirigée contre elle. (...). »

     En ce qui concerne les décisions judiciaires litigieuses, la

Commission rappelle qu'elle n'a pas compétence pour examiner une

requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument

commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces

erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux

droits et libertés garantis par la Convention (par exemple,

N° 17722/91, déc. 8.4.91, D.R. 69, pp. 345, 354 ; N° 21283/93,

déc. 5.4.94, D.R. 77-B, pp. 81, 88). Par ailleurs, l'application et

l'interprétation du droit interne sont en principe réservées à la

compétence des juridictions nationales (voir N° 10153/82,

déc. 13.10.86, D.R. 49, p. 67). En outre, il n'entre pas dans les

attributions de la Commission de substituer sa propre appréciation des

faits et des preuves à celles des juridictions internes, sa tâche étant

de s'assurer que les moyens de preuve ont été présentés de manière à

garantir un procès équitable (Cour eur. D.H., arrêt Vidal c. Belgique

du 22 avril 1992, série A n° 235-B, pp. 32-33, par. 33 et N° 9000/80,

déc. 11.3.82, D.R. 28, pp. 128, 129).

     En l'espèce, la Commission relève que la condamnation prononcée

contre le requérant est intervenue à l'issue d'une procédure

contradictoire au cours de laquelle le requérant a pu faire valoir tous

les arguments et observations qu'il a estimés nécessaires. Par

ailleurs, les juridictions ont apprécié la crédibilité des divers

moyens de preuve présentés à la lumière des circonstances de l'affaire

et ont dûment motivé leur décision à cet égard sans méconnaître un

moyen de défense essentiel. Il n'apparaît pas que ces juridictions

auraient tiré des conclusions arbitraires des faits qui leur étaient

soumis ou auraient dépassé les limites d'une interprétation raisonnable

des textes applicables au cas d'espèce.

      Dès lors, la Commission estime que la lecture des décisions

critiquées n'a révélé aucune apparence de violation des droits invoqués

par le requérant au regard de l'article 6 (art. 6) de la Convention.

Il s'ensuit que le grief doit être rejeté pour défaut manifeste de

fondement, en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la

Convention.

2.   Le requérant estime que sa citation à comparaître était

incomplète et que la qualification aurait été modifiée au cours du

procès, en violation de l'article 6 par. 3 a) et b) (art. 6-3-a, 6-3-b)

de la Convention, qui dispose notamment que :

     « 3.  Tout accusé a droit notamment à :

     a.    être informé, dans le plus court délai, dans une langue

     qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la

     cause de l'accusation portée contre lui ;

     b.    disposer du temps et des facilités nécessaires à la

     préparation de sa défense ; (...). »

     La Commission rappelle que, selon sa jurisprudence constante,

l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) de la Convention reconnaît à

l'accusé le droit d'être informé non seulement de la cause de

l'accusation, c'est-à-dire des faits matériels qui sont mis à sa charge

et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi de la nature de

celle-ci, c'est-à-dire de la qualification juridique des faits

matériels (N° 8490/79, déc. 12.3.81, D.R. 22, p. 143 ). Par ailleurs,

l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) n'impose aucune forme particulière

quant à la manière dont l'accusé doit être informé de la nature et de

la cause de l'accusation portée contre lui (N° 8361/78, déc. 17.12.81,

D.R. 27, p. 48). Enfin, elle rappelle qu'il existe un lien entre les

paragraphes a) et b) de l'article 6 (art. 6-3-a, 6-3-b) et que le droit

à être informé sur la nature et la cause de l'accusation doit être

envisagé à la lumière du droit pour l'accusé de préparer sa défense (N°

8490/79, déc. 12.3.81, D.R. 22, p. 140).

     En l'espèce, la Commission relève que le requérant a été cité,

de manière explicite et précise, à comparaître pour des faits détaillés

d'outrages à magistrats en violation de l'article 222 al. 1 du Code

pénal ancien. Au terme de la procédure, il a été condamné pour ces

faits et sous cette même qualification d'outrage à magistrat, sur la

base de l'article 434-24 du Code pénal qui était entré en vigueur

entre-temps, le 1er mars 1994, et qui avait abrogé l'article précité.

     La Commission note qu'il ressort des termes de l'arrêt de la cour

d'appel, confirmé par la Cour de cassation, que l'entrée en vigueur de

cette nouvelle disposition n'a pas opéré un changement de qualification

des faits, n'a pas empêché le requérant de connaître la nature de

l'accusation portée contre lui et de préparer sa défense en

conséquence, la cour d'appel ayant dûment précisé que le prévenu avait

déposé des conclusions où il analysait l'article 434-24 du Code pénal

(222 al. 1 du Code pénal abrogé depuis la commission des faits) et

qu'il avait par ailleurs pu fournir toutes les explications orales

voulues sur ce point à l'audience de plaidoirie.

     Dans ces conditions, la Commission n'a décelé aucune apparence

de violation de l'article 6 par. 3 a) et b) (art. 6-3-a, 6-3-b) de la

Convention. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté pour défaut

manifeste de fondement, en application de l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

3.   Le requérant se plaint, en substance, d'une violation de

l'article 6 par. 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention, qui dispose

que :

     « 3.  Tout accusé a droit notamment à :

     (...)

     d.    interroger ou faire interroger les témoins à charge et

     obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge

     dans les mêmes conditions que les témoins à charge. »

     La Commission a examiné le grief sous l'angle du paragraphe 3 d)

combiné avec les principes inhérents au paragraphe 1. Elle rappelle

qu'il est admis que l'article 6 par. 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention

ne reconnait pas à l'accusé un droit illimité d'obtenir la convocation

ni d'interroger tous les témoins qu'il propose (Cour eur. D.H., arrêt

Engel et autres c. Pays-Bas du 6 juin 1976, série A n° 22, p. 38-39,

par. 91). De même, les autorités judiciaires internes jouissent d'une

marge d'appréciation leur permettant, sous réserve du respect de la

Convention, de s'assurer que l'audition d'un témoin sollicitée par la

défense est susceptible de contribuer à la manifestation de la vérité

et dans la négative, de refuser son audition (N° 8231/78, déc. 6.3.82,

D.R. 28, p. 5 ; N° 9000/80, déc. 11.3.82, D.R. 28, p. 127).

     Pour ce qui est en particulier de l'administration des preuves,

la Commission rappelle qu'elle relève au premier chef des règles du

droit interne et qu'il revient en principe aux juridictions nationales

d'apprécier les éléments recueillis par elles. Dès lors, il n'incombe

pas aux organes de la Convention de décider si les tribunaux internes

ont correctement apprécié les preuves, mais d'examiner si les

témoignages à charge ou à décharge ont été présentés de manière à

garantir un procès équitable dans le déroulement général de la

procédure (notamment, Edwards c. Royaume-Uni, rapport Comm. 10.7.91,

par. 52, Cour eur. D.H., série A n° 247-B, p. 44). En particulier, il

importe que les juges, au moment de prendre leur décision, n'arrivent

à une condamnation que sur la base de preuves suffisamment fortes, aux

yeux de la loi, pour établir la culpabilité de l'intéressé

(N° 12013/86, déc. 10.3.89, D.R. 59, p. 100).

     Dans le cas d'espèce, la Commission souligne qu'il s'agissait

d'établir si certains termes de trois lettres écrites et envoyées par

le requérant lui-même et qui figuraient au dossier, étaient

constitutifs de l'infraction d'outrage à magistrat. Elle observe que

les termes reprochés étaient bien établis et que la cour d'appel, pour

asseoir sa condamnation, s'est fondée sur le texte de ces lettres pour

estimer que certains passages réunissaient manifestement, aux yeux du

droit applicable, les éléments constitutifs de l'infraction d'outrage

à magistrat. La Commission est ainsi d'avis que la condamnation du

requérant, aux termes de décisions amplement motivées, était fondée sur

des éléments suffisamment pertinents pour établir la culpabilité du

requérant et que la cour d'appel a pu légitimement estimer, sans

arbitraire ou iniquité, que les auditions demandées par le requérant

ne seraient pas utiles à la manifestation de la vérité.

     Il s'ensuit que le grief doit être rejeté pour défaut manifeste

de fondement, en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la

Convention.

4.   Le requérant estime que l'article 10 (art. 10) de la Convention

a été méconnu car les juridictions auraient dû le faire bénéficier de

l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 pour sa lettre du

17 juillet 1992, qui, selon lui, devait être regardée comme un « écrit

produit devant un tribunal », couvert d'une immunité légale selon ce

texte de loi.

     La Commission a examiné le grief, tel qu'il a été présenté par

le requérant. Toutefois, dans la mesure où le grief est étayé et pour

autant qu'elle est compétente pour en connaître, elle n'a relevé aucune

apparence de violation de l'article 10 (art. 10) de la Convention. En

particulier, elle rappelle que, selon le paragraphe 2 de l'article 10

(art. 10-2) précité, l'exercice du droit à la liberté d'expression peut

être soumis à certaines sanctions prévues par la loi, qui constituent

des mesures nécessaires à la « protection de la réputation et des

droits d'autrui » ainsi qu'à « l'impartialité du pouvoir judiciaire ».

     Il s'ensuit que le grief doit également être rejeté pour défaut

manifeste de fondement, en application de l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

     Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

     DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

       M.-T. SCHOEPFER                            J.-C. GEUS

         Secrétaire                                Président

    de la Deuxième Chambre                    de la Deuxième Chambre

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CEDH, Commission (deuxième chambre), BIDALOU c. la FRANCE, 4 mars 1998, 36857/97