CEDH, Cour (deuxième section), AFFAIRE HOROZ c. TURQUIE, 31 mars 2009, 1639/03

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 31 mars 2009, n° 1639/03
Numéro(s) : 1639/03
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Ahmet Arslan c. Turquie (déc.), no 5114/04, 1er décembre 2005
Balyemez c. Turquie, no 2495/03, 22 décembre 2005
Hafçi c. Turquie, (déc.), no 31292/04, 12 décembre 2006
Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, §§ 209 et 210, série A no 25
Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, §§ 29 et 30, série A no 269
Kuruçay c. Turquie, no 24040/04, § 49, 10 novembre 2005
Matencio c. France, no 58749/00, § 78, 15 janvier 2004
Naddaf c. République Fédérale d'Allemagne, décision de la Commission du 10 octobre 1986, DR 50
Paksoy c. Turquie, no 33901/04, 17 octobre 2006
Reggiani Martinelli c. Italie (déc.), no 22682/02
Rüzgar c. Turquie (déc.), no 28489/04, 21 novembre 2006
Sakkopoulos c. Grèce, no 61828/00, 15 janvier 2004, § 44, et
Sinan Eren c. Turquie, no 8062/04, § 50, 10 novembre 2005
Tekin Yildiz c. Turquie, no 22913/04, §§ 42-52, 10 novembre 2005
William Grice c. Royaume-Uni, no 22564/93, décision de la Commission du 14 avril 1994, DR 77-B
W.M. c. Allemagne, no 35638/97, décision de la Commission du 2 juillet 1997
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Oui
Conclusions : Partiellement irrecevable ; Non-violation de l'art. 2
Identifiant HUDOC : 001-91988
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2009:0331JUD000163903
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Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE HOROZ c. TURQUIE

(Requête no 1639/03)

ARRÊT

STRASBOURG

31 mars 2009

DÉFINITIF

30/06/2009

Cet arrêt peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Horoz c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Françoise Tulkens, présidente,
Ireneu Cabral Barreto,
Vladimiro Zagrebelsky,
Danutė Jočienė,
Dragoljub Popović,
Nona Tsotsoria,
Işıl Karakaş, juges,
et de Sally Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 mars 2009,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 1639/03) dirigée contre la République de Turquie et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Elif Horoz (« la requérante »), a saisi la Cour le 3 décembre 2002 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  La requérante est représentée par Me G. Altay, avocate à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent.

3.  La requérante tient les autorités pour responsables du décès de son fils, qui avait entamé une grève de la faim prolongée en prison.

4.  Le 14 septembre 2007, la présidente de la deuxième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement.

5.  Comme le permet l’article 29 § 3 de la Convention, elle a en outre décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le fond de l’affaire.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6.  La requérante est née en 1937 et réside à Istanbul.

7.  Le 3 août 1999, le fils de la requérante, Muharrem Horoz, né en 1966, fut arrêté à Istanbul, à la suite d’une opération policière.

8.  A une date non précisée, il fut mis en détention provisoire. Le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat d’Ankara requit sa condamnation pour attentat contre l’ordre constitutionnel de l’Etat et différents actes terroristes commis au nom d’une organisation illégale, entre autres, un attentat à la bombe contre le gouverneur de Çankırı et trois homicides.

9.  En 2001, alors qu’il se trouvait à la prison de Kandıra de type F, M. Horoz participa à un mouvement de grève de la faim pour protester contre l’instauration des prisons dites de type F, prévoyant des unités de vies d’une à trois personnes au lieu de dortoirs. Ce mouvement se transforma par la suite en un « jeûne de la mort ». Les protagonistes de ces mouvements n’ingurgitaient que de l’eau sucrée et des vitamines.

10.  Du 30 avril au 25 juillet 2001, M. Horoz fut examiné onze fois par le médecin du pénitencier. Des vitamines lui furent administrées à plusieurs reprises.

Le 12 juin 2001, il fut transféré au service de neurologie de l’hôpital civil de Kocaeli pour y être examiné.

Le 14 juin 2001 ainsi que les 13 et 19 juillet 2001, il fut transféré au service des urgences du même hôpital. Quand il fut réanimé, il refusa toute intervention ; il fut ensuite transféré dans sa cellule.

Les 29 juin et 25 juillet 2001, il fut transféré au service de neurologie et des maladies internes du même hôpital.

Le 27 juillet 2001, ayant perdu totalement connaissance, il fut encore une fois hospitalisé.

11.  Dans un rapport du 30 juillet 2001, l’Institut médicolégal diagnostiqua « une défaillance terminale due à une insuffisance nutritionnelle » et considéra l’état de santé du fils de la requérante incompatible avec les conditions carcérales. Il recommanda sa libération pour six mois.

12.  L’avocate de M. Horoz introduisit une demande de libération, à laquelle elle joignit des décisions rendues par des cours de sûreté de l’Etat, dans lesquelles l’article 399 du code de procédure pénale (CPP), qui prévoyait la libération provisoire pour raison de santé, avait été appliqué par analogie aux personnes en « détention provisoire ».

13.  Le 1er août 2001, la cour de sûreté de l’Etat à Ankara rejeta la demande de libération au motif que l’article 399 du CPP était prévu pour les « condamnés », alors que l’intéressé se trouvait en « détention provisoire », et que son traitement pouvait être assuré dans l’unité carcérale d’un hôpital civil.

14.  Le 3 août 2001, M. Horoz décéda à l’unité carcérale de l’hôpital civil de Kocaeli, où il se trouvait depuis le 27 juillet 2001.

15.  Le 3 janvier 2002, son avocate demanda des poursuites disciplinaires et une autorisation de poursuites pénales à l’encontre du procureur et des juges qui étaient intervenus dans cette affaire. Elle allégua que les intéressés avaient réagi ou pris leurs décisions arbitrairement et avaient causé le décès de M. Horoz en refusant de le libérer.

16.  Le ministre de la Justice entama une enquête par le biais du procureur de la République en chef à Ankara. Le 31 mai 2002, considérant que les actes juridiques litigieux étaient conformes à la loi et à la pratique judiciaire, il rendit un non-lieu.

17.  Par une lettre du 6 juin 2002, le ministre de la Justice informa l’avocate de sa décision de non-lieu.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

18.  La structure et les fonctions de l’Institut médicolégal, la grâce présidentielle accordée aux condamnés atteints d’une maladie irréversible (article 104 de la Constitution), le sursis à l’exécution de la peine pour motifs de santé au sens du code de procédure pénale (articles 399 et 402 du CPP), ainsi que les travaux du Conseil de l’Europe en la matière sont décrits dans l’arrêt Tekin Yıldız c. Turquie (no 22913/04, §§ 42-52, 10 novembre 2005).

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION

19.  La requérante tient les autorités judiciaires pour responsables du décès de son fils, dans la mesure où le refus de libérer celui-ci est manifestement contraire au rapport médical de l’Institut. Elle invoque l’article 2 de la Convention, qui se lit comme suit, en ses parties pertinentes :

« 1.  Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ».

20.  Le Gouvernement fait valoir les conditions favorables qui règnent dans les prisons et indique que les soins médicaux nécessaires sont administrés à tous les détenus. Si besoin est, les intéressés sont transférés à l’hôpital ou libérés provisoirement. Il invite par conséquent la Cour à dire qu’aucune disposition de la Convention n’a été violée.

A.  Sur la recevabilité

21.  La Cour considère que ce grief soulève des questions de droit suffisamment sérieuses pour nécessiter un examen sur le fond. Aucun motif de déclarer le grief irrecevable n’ayant par ailleurs été établi, celui-ci doit être retenu.

B.  Sur le fond

22.  La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle si la Convention n’implique aucune obligation de libérer un détenu pour raison de santé (voir, parmi d’autres, Matencio c. France, no 58749/00, § 78, 15 janvier 2004), le tableau clinique constitue cependant l’une des situations pour lesquelles la capacité à la détention est aujourd’hui posée au regard de l’article 3 de la Convention. Cet élément fait désormais partie de ceux à prendre en compte dans les modalités de l’exécution d’une peine privative de liberté (Balyemez c. Turquie, no 2495/03, §§ 84-87, 22 décembre 2005).

23.  S’agissant de la jurisprudence sur la santé en milieu pénitentiaire et les mouvements de grèves de la faim dans les prisons turques en 1996 et dans les années 2000 ainsi que de la mission d’enquête effectuée par la Cour en septembre 2004 dans le cadre de ce groupe d’affaires, la Cour renvoie à ses arrêts Tekin Yıldız et Balyemez, (précités), ainsi qu’à ses décisions Mutlu c. Turquie (no 37652/04), et Paksoy c. Turquie (no 33901/04) du 17 octobre 2006.

Il convient de préciser que dans le contexte d’affaires similaires – et malgré l’absence de griefs quant aux soins médicaux dispensés lors de la détention – la question de la compatibilité de la réincarcération avec l’article 3 de la Convention s’était posée pour des personnes ayant bénéficié d’une libération provisoire afin de leur permettre de se faire soigner ou assister à l’extérieur (voir, par exemple, Kuruçay c. Turquie, no 24040/04, § 49, 10 novembre 2005).

24.  En l’occurrence, la requérante ne se plaint ni des conditions de détention de son fils, ni du fait qu’il aurait manqué des soins appropriés qui auraient pu lui être administrés s’il avait été libre. Elle limite son grief au fait que son fils aurait dû être libéré, sans ajouter d’arguments complémentaires. Or, le décès résulte manifestement de la grève de la faim. La requérante ne se plaint pas non plus d’une insuffisance quelconque des soins médicaux (voir Hafçı c. Turquie, (déc.), no 31292/04, 12 décembre 2006, et Rüzgar c. Turquie, (déc.), no 28489/04, 21 novembre 2006).

25.  La Cour ne peut accorder une importance décisive en l’espèce, aux conclusions de la mission d’enquête effectuée pour le premier groupe de ces requêtes, même si ces conclusions l’avaient amenée à dire qu’au vu des circonstances qui régnaient à l’époque, l’Institut médicolégal, face à plus de deux mille grévistes de la faim, avait préféré – pour des raisons éventuellement humanitaires, ou pour des raisons qui échappaient à la Cour – recommander la libération des intéressés sur la base de symptômes peu fiables (voir par exemple, Balyemez, précité, § 95). Ces conclusions ne peuvent en effet lui permettre d’affirmer qu’il aurait dû en être de même pour le fils de la requérante.

Cela dit, rappelant qu’en matière d’administration de la preuve, il lui est loisible, pour forger sa conviction, de se fonder sur des données de toute sorte, pour autant qu’elle les juge pertinentes (Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, §§ 209 et 210, série A no 25), la Cour tiendra compte de ces conclusions.

26.  Elle observe ainsi qu’en l’espèce, le 30 juillet 2001, l’Institut médicolégal recommanda la libération du fils de la requérante pour six mois, ce que les instances judiciaires refusèrent. Quatre jours plus tard celui-ci décéda.

27.  S’il aurait été souhaitable de libérer l’intéressé à la suite de ce rapport, la Cour ne dispose toutefois d’aucun élément qui lui permette de critiquer l’appréciation par les autorités judiciaires des données figurant dans celui-ci (voir parmi beaucoup d’autres, Rüzgar, précité). Elle ne relève par ailleurs dans cette procédure aucun acte d’arbitraire ou élément quelconque permettant de contester le non-lieu quant à l’enquête menée sur le procureur et les juges ayant pris part à cette affaire (mutatis mutandis, Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, §§ 29 et 30, série A no 269).

28.  Aussi, s’agissant de l’opportunité de maintenir une personne en détention provisoire, la Cour ne peut substituer son point de vue à celui des juridictions internes, encore moins quand, comme en l’occurrence, les autorités nationales ont largement satisfait à leur obligation de protéger l’intégrité physique de l’intéressé, notamment par l’administration de soins médicaux appropriés (Sakkopoulos c. Grèce, no 61828/00, 15 janvier 2004, § 44, et Reggiani Martinelli c. Italie (déc.), no 22682/02, Rüzgar, précité, Kocatürk, précité). Dans ce contexte, la Cour estime que les autorités ne peuvent pas être critiquées non plus d’avoir accepté le refus clair de toute intervention de M. Horoz, alors que son état de santé menaçait sa vie.

29.  D’autre part, la requérante ne se plaint pas de la nature ou de l’insuffisance des soins médicaux en question mais se limite à alléguer, sans toutefois étayer ses arguments, que son fils aurait dû être mis en liberté (voir Ahmet Arslan c. Turquie (déc.), no 5114/04, 1er décembre 2005).

Enfin, aucun élément ne permet à la Cour de dire que l’intéressé a été privé en milieu carcéral de certains soins médicaux qu’il aurait pu recevoir en liberté (Rüzgar, précité, et Kocatürk, précité). A cet égard, il est impossible pour la Cour d’établir un lien de causalité entre le refus de libération et le décès. Dans ce contexte, elle souligne que le fils de la requérante était sans connaissance depuis le 27 juillet 2001 jusqu’à son décès qui eut lieu le 3 août 2001 et, de plus, qu’il se trouvait à l’hôpital pendant cette période, lieu où toute intervention aurait pu être effectuée immédiatement.

30.  La Commission européenne des droits de l’homme a déjà eu l’occasion de dire que des faits suscités par des actes de pression de cette sorte envers les autorités ne pouvaient entraîner une violation de la Convention, dans la mesure où ces autorités auraient dûment examiné et géré la situation. Ainsi, le 2 juillet 1997, dans une affaire où il y avait un risque sérieux que le requérant se suicide au cas où il ne serait pas sursis encore une fois à l’exécution de la décision de l’expulser de son domicile, la Commission a considéré qu’il n’y avait pas violation de l’article 2 de la Convention car les autorités avaient relevé que celui-ci n’avait entrepris aucune démarche pour se faire soigner et qu’il n’avait pour but que d’empêcher l’exécution (W.M. c. Allemagne, no 35638/97, décision de la Commission du 2 juillet 1997 ; voir aussi no 5207/71, décision de la Commission du 1er juin 1972 ; Naddaf c. République Fédérale d’Allemagne, décision de la Commission du 10 octobre 1986, DR 50 ; et William Grice c. Royaume-Uni, no 22564/93, décision de la Commission du 14 avril 1994, DR 77-B).

31.  Ainsi, en se livrant à une appréciation globale des faits pertinents et gardant à l’esprit l’assurance donnée par le Gouvernement quant à l’administration des soins médicaux nécessaires dans les prisons ainsi que les constats de la délégation de la Cour qui a visité les établissements carcéraux dans le cadre de la mission effectuée pour le premier groupe d’affaires, la Cour conclut à l’absence de motifs sérieux et avérés de croire que les conditions de détention du requérant ont constitué en soi un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention (Balyemez, précité, § 96, et Sinan Eren c. Turquie, no 8062/04, § 50, 10 novembre 2005). Pour les mêmes motifs ainsi que pour ceux évoqués plus haut, elle ne peut dire que le refus de libérer le fils de la requérante a emporté violation de l’article 2 de la Convention.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 5 et 14 DE LA CONVENTION

32.  Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, la requérante estime que son fils a fait l’objet d’une détention illégale, compte tenu du rapport médical recommandant sa libération.

Enfin, la requérante considère que l’absence de voies de recours contre la décision du Haut Conseil de la magistrature, qui aurait, selon elle, rendu la décision de non-lieu du 31 mai 2002, constitue une violation de l’article 14 de la Convention.

33.  La Cour rappelle que des griefs similaires, selon lesquels les autorités judiciaires ne s’étaient pas conformées au rapport médical recommandant la libération de l’intéressé, ont déjà été examinés à plusieurs reprises dans des affaires comparables. Elle avait dit ainsi que s’agissant de l’opportunité de maintenir une personne en détention provisoire, elle ne pouvait substituer son point de vue à celui des juridictions internes (Rüzgar, précité, et Kocatürk, précité). La Cour déclare donc ce grief irrecevable pour défaut manifeste de fondement selon l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

34.  Quant au grief tiré de l’article 14, la Cour relève d’emblée que contrairement à l’allégation de la requérante, l’autorité qui a statué sur la demande de poursuite à l’encontre du procureur et des magistrats qui auraient jugé arbitrairement la demande de libération n’est pas le Haut Conseil de la magistrature mais le ministre de la Justice. Même si un recours en annulation semble, au demeurant, être envisageable contre cet acte administratif, la Cour n’examinera pas l’existence de voies de recours contre cette décision ou leur effectivité car le grief n’est aucunement étayé. Dans ses réponses aux observations du Gouvernement, la requérante dénonce une discrimination dans l’application de l’article 399 du CPP entre les « condamnés » et les personnes en « détention provisoire ». Or, pareil grief avait aussi été déclaré irrecevable par la Cour dans des affaires semblables (voir parmi d’autres, Kocatürk, précité). La Cour déclare donc cette partie de la requête irrecevable, selon l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention, pour défaut manifeste de fondement.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1.  Déclare, à l’unanimité, la requête recevable quant au grief tiré de l’article 2 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit, par 5 voix contre 2, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 2 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 31 mars 2009, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Sally DolléFrançoise Tulkens
GreffièrePrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion dissidente commune suivante des juges Françoise Tulkens et Dragoljub Popović.

F.T.
S.D.


OPINION DISSIDENTE COMMUNE DES JUGES TULKENS ET POPOVIĆ

Nous ne partageons pas l’avis de la majorité selon lequel le refus de libérer le fils de la requérante, gréviste de la faim en phase terminale, n’a pas emporté violation de l’article 2 de la Convention. Deux éléments nous paraissent décisifs.

Tout d’abord, il faut rappeler que le fils de la requérante était en détention provisoire, ce qui est une situation en principe exceptionnelle et différente de celle où la question de l’éventuelle libération pour des raisons de santé se pose pour des détenus qui exécutent une peine privative de liberté suite à une condamnation (arrêt Matencio c. France du 15 janvier 2004 ; arrêt Balyemez c. Turquie du 22 décembre 2005). A cet égard, il nous semble paradoxal, sinon extrêmement formaliste, de soutenir, comme l’a fait la cour de sûreté d’Ankara, que la demande de libération provisoire pour raison de santé était prévue pour les « condamnés » et non pour les personnes en détention provisoire (paragraphe 13).

Ensuite, dans un rapport du 30 juillet 2001, l’Institut médicolégal diagnostiqua une « défaillance terminale due à une insuffisance nutritionnelle » et considéra l’état de santé du fils de la requérante comme incompatible avec les conditions carcérales. Il recommanda sa libération (cf. paragraphes 11 et 26). Devant un tel rapport provenant du corps médical, les assurances données quant à l’administration des soins médicaux nécessaires en prison nous semblent sans pertinence. Nous pensons qu’il était non seulement « souhaitable », comme le reconnaît la majorité, de libérer le fils de la requérante (paragraphe 27), mais impératif de le faire au regard de l’exigence absolue du droit de protéger la vie garanti par l’article 2 de la Convention.

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