CEDH, Communiqué de presse sur l'affaire 36533/97, 19 juin 2001

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 19 juin 2001
Type de document : Communiqués de presse
Organisation mentionnée :
  • ECHR
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 003-68695-69163
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Sur les parties

Texte intégral

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

437

19.6.2001

Communiqué du Greffier

ARRÊT DANS L’AFFAIRE ATLAN c. ROYAUME-UNI

Par un arrêt[1] (qui n’existe qu’en anglais) communiqué aujourd’hui par écrit dans l’affaire Atlan c. Royaume-Uni (requête n° 36533/97), la Cour européenne des Droits de l’Homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des Droits de l’Homme et que le constat de violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour tout préjudice matériel ou moral éventuellement subi par les requérants. La Cour octroie aux intéressés 15 000 livres sterling (GBP) pour frais et dépens.

1.  Principaux faits

Les requérants, Armand Atlan et son fils Thierry, ressortissants français, sont nés en 1932 et 1970 respectivement. Avant les événements en question, ils vivaient à Sao Paolo, au Brésil. Le second requérant est décédé en juin 1998 et le premier vit désormais en France.

Le 5 juin 1991, la Crown Court d’Isleworth, Middlesex, reconnut les requérants coupables d’avoir introduit illégalement 18 kg de cocaïne (d’une valeur de 2 à 3 millions GBP à la revente) à l’aéroport de Heathrow, Londres, le 3 novembre 1990. Elle infligea au premier requérant une peine de 18 ans d’emprisonnement et rendit une ordonnance de confiscation d’un montant de 1 918 489,60 GBP, à convertir en une peine de dix ans d’emprisonnement à défaut de paiement. Elle condamna le second requérant à une peine de treize ans d’emprisonnement et prononça à son encontre une ordonnance de confiscation de 6 140,66 GBP, convertible en une peine de six mois  supplémentaires d’emprisonnement.

Au procès, à l’appui de leur défense, les requérants déclarèrent qu’ils étaient négociants en diamants et qu’ils avaient été abusivement impliqués dans l’importation de stupéfiants par un certain Rudi Steiner. Toutefois, ils ne disposaient d’aucun élément de preuve permettant de lier M. Steiner à la valise pleine de drogue qui, prétendirent-ils, leur avait été remise, à leur insu, à Heathrow, ou d’étayer leur allégation selon laquelle ce dernier était un informateur des services des douanes et des accises.

Lors de leur contre-interrogatoire, les agents des douanes concernés refusèrent de confirmer ou de démentir qu’ils avaient eu recours à un informateur. Aucun élément relatif à un informateur ou à M. Steiner ne fut communiqué à la défense ou soumis au juge et, tout au long de la procédure, l’accusation nia à maintes reprises détenir un quelconque élément pertinent qui n’avait pas été divulgué.

Au printemps 1994, alors que leur appel était pendant, les requérants apprirent par la presse française (Libération) qu’un policier infiltré suisse, le commissaire Cattaneo, avait rédigé un rapport – le « rapport Mato Grosso » – concernant l’enquête qu’il avait menée en 1991 sur le trafic de stupéfiants entre le Brésil et l’Europe. Début 1995, le solicitor des requérants obtint une copie du rapport. Ce document mentionnait Rudi Steiner, le décrivant comme l’un des trois informateurs réguliers des services de police brésiliens, danois et français. D’après le rapport, cet individu s’intéressait aux bijoux volés et était depuis longtemps impliqué dans le trafic de grandes quantités de cocaïne entre le Brésil et l’Europe, drogue qu’il obtenait sans difficulté de la police brésilienne. Les requérants fournirent copie de ce rapport à l’accusation, qui refusa de confirmer ou de contester son authenticité ou la véracité de son contenu, et réitéra qu’elle ne détenait aucun élément non divulgué présentant un intérêt pour les questions jugées.

Les requérants soulevèrent un autre moyen d’appel et demandèrent l’autorisation de proposer de nouveaux éléments de preuve. Ils affirmèrent que le rapport Mato Grosso étayait l’idée qu’ils avaient émise au procès, à savoir que M. Steiner avait eu accès à des bijoux volés et à de la cocaïne et que l’on savait qu’il entretenait des rapports avec des services de police en Europe. A ce stade, ou vers le 19 octobre 1995, l’accusation, contrairement à ses déclarations antérieures, informa la défense qu’il existait en fait des éléments qui n’avaient été ni utilisés ni communiqués qu’elle souhaitait soumettre à la Cour d’appel en l’absence des requérants et de leurs avocats. L’accusation saisit alors la Cour d’appel d’une requête unilatérale tendant à obtenir une décision sur le point de savoir si elle était autorisée, pour des motifs d’intérêt public, à ne pas divulguer ces éléments. Le 16 février 1997, la Cour d’appel décida que la justice n’exigeait pas la divulgation des éléments couverts par une immunité d’intérêt public et, le 20 février 1997, refusa aux intéressés l’autorisation de déposer un pourvoi.

2.  Procédure et composition de la Cour

La requête a été introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 28 février 1997. Elle a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998 et attribuée à la troisième section de la Cour. Par une décision du 10 octobre 2000, la chambre l’a déclarée recevable.

L’arrêt a été rendu par une chambre de sept juges ainsi composé :

Jean-Paul Costa (Français), président,
Willi Fuhrmann (Autrichien),
Loukis Loucaides (Chypriote),
Nicolas Bratza (Britannique),
Hanne Sophie Greve (Norvégienne),
Kristaq Traja (Albanais),
Mindia Ugrekhelidze (Géorgien), juges,
 

ainsi que Sally Dollé, greffière de section.

3.  Résumé de l’arrêt[2]

Griefs

Les requérants allèguent ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable, au mépris de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Décision de la Cour

Article 6

Renvoyant à son arrêt dans l’affaire Rowe et Dawis c. Royaume-Uni, la Cour relève que l’article 6 § 1 exige en principe que les autorités de poursuite communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge. Toutefois, dans certains cas, il peut être nécessaire de dissimuler certaines preuves, de façon à préserver les droits fondamentaux d’un autre individu (par exemple un informateur dont la vie est en danger) ou à sauvegarder un intérêt public important (par exemple garder secrètes des méthodes policières d’enquête). Pareille non-divulgation est admissible au regard de l’article 6 seulement si elle est absolument nécessaire et si toutes difficultés causées à la défense sont suffisamment compensées par la procédure suivie devant les autorités judiciaires.

Au procès, les requérants ont soutenu à l’appui de leur défense qu’ils avaient été abusivement impliqués dans l’importation de cocaïne par un homme qu’ils connaissaient sous le nom de Rudi Steiner et qu’ils pensaient être un informateur des services des douanes et des accises. Aucun élément relatif à un informateur ou à M. Steiner n’a été communiqué à la défense ou présenté au juge, et lors de leur contre-interrogatoire, les agents des douanes concernés ont refusé de confirmer ou de démentir qu’ils avaient eu recours à un informateur ou entendu parler de M. Steiner. Avant et pendant le procès, l’accusation a affirmé qu’elle n’avait en sa possession aucun autre élément pertinent qui n’aurait pas été utilisé ni communiqué à la défense.

Toutefois, plus de quatre ans après la condamnation des requérants et avant l’audience en appel, à la suite de la découverte de nouveaux éléments concernant les activités de M. Steiner, l’accusation, contrairement à ses déclarations antérieures, a informé les intéressés qu’il existait en fait des éléments qui n’avaient été ni utilisés ni communiqués. A la suite d’une audience non contradictoire, la Cour d’appel a décidé qu’il n’était pas nécessaire de divulguer ces éléments aux requérants.

Bien que la nature des éléments non divulgués n’ait jamais été révélée, la chronologie des événements laisse fortement présumer qu’ils concernaient M. Steiner, ses relations avec les services britanniques des douanes et des accises, et son rôle dans l’enquête et l’arrestation des requérants, c’est-à-dire des informations essentielles pour la défense des intéressés. Comme elle l’a expliqué dans l’arrêt Rowe et Davis susmentionné, la Cour estime que le juge de première instance est le mieux à même de décider si la non-divulgation d’éléments couverts par une immunité d’intérêt public porterait préjudice de façon déloyale à la défense. L’omission par l’accusation de produire les éléments litigieux devant le juge de première instance, l’empêchant ainsi de statuer sur la question de la divulgation, a privé les requérants d’un procès équitable et il y a donc eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

Article 41 de la Convention

La Cour ne peut spéculer sur le point de savoir si les requérants auraient été condamnés en l’absence de violation de la Convention. Elle estime que le constat d’une violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour tout préjudice matériel ou moral éventuellement subi par les requérants. Elle octroie aux intéressés la somme de 15 000 GBP pour frais et dépens.

Les arrêts de la Cour sont disponibles sur son site Internet (http://www.echr.coe.int).

Greffe de la Cour européenne des Droits de l’Homme
F – 67075 Strasbourg Cedex
Contacts :Roderick Liddell (téléphone : (0)3 88 41 24 92)
Emma Hellyer (téléphone : (0)3 90 21 42 15)
Télécopieur : (0)3 88 41 27 91

La Cour européenne des Droits de l’Homme a été créée en 1959 à Strasbourg pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950. Le 1er novembre 1998 elle est devenue permanente, mettant fin au système initial où deux organes fonctionnant à temps partiel, la Commission et la Cour européennes des Droits de l’Homme, examinaient successivement les affaires.


[1] L’article 43 de la Convention européenne des Droits de l’Homme prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’arrêt d’une chambre, toute partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre (17 membres) de la Cour. En pareille hypothèse, un collège de cinq juges examine si l’affaire soulève une question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses Protocoles ou encore une question grave de caractère général. Si tel est le cas, la Grande Chambre statue par un arrêt définitif. Si tel n’est pas le cas, le collège rejette la demande et l’arrêt devient définitif. Pour le reste, les arrêts de chambre deviennent définitifs à l’expiration dudit délai de trois mois ou si les parties déclarent qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.

[2].  Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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CEDH, Communiqué de presse sur l'affaire 36533/97, 19 juin 2001