CEDH, Commission (plénière), BENDENOUN c. la FRANCE, 10 décembre 1992, 12547/86
Chronologie de l’affaire
Commentaire • 0
Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Plénière), 10 déc. 1992, n° 12547/86 |
---|---|
Numéro(s) : | 12547/86 |
Type de document : | Rapport |
Date d’introduction : | 9 septembre 1986 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusions : | Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner P1-1 |
Identifiant HUDOC : | 001-46441 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1992:1210REP001254786 |
Texte intégral
COMMISSION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME
Requête No 12547/86
Michel BENDENOUN
contre
FRANCE
RAPPORT DE LA COMMISSION
(adopté le 10 décembre 1992)
TABLE DES MATIERES
Page
I. INTRODUCTION
(par. 1 - 24) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
A. La requête
(par. 2 - 6). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
B. La procédure
(par. 7 - 19) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
C. Le présent rapport
(par. 20 - 24). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
II. ETABLISSEMENT DES FAITS
(par. 25 - 44). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
A. Circonstances particulières de l'affaire
(par. 25 - 44 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
B. Droit national pertinent
(par. 45) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
III. AVIS DE LA COMMISSION
(par. 46 - 99). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
A. Griefs déclarés recevables
(par. 46) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
B. Points en litige
(par. 47) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
C. Sur la violation de l'article 6 de la Convention
(par. 48 - 93). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
a) Applicabilité de l'article 6 de la Convention
(par. 50 - 70). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
b) Observation de l'article 6 de la Convention
(par. 71 - 92). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12
Conclusion
(par. 93) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14
D. Sur la violation de l'article 1 du Protocole N° 1
(par. 94 -96). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
Conclusion
(par. 97) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
Récapitulation
(par. 98 - 99). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
Partially dissenting opinion of Sir BASIL HALL. . . . . . . .16
Annexe I : Historique de la procédure . . . . . . . . . . . . . .17
Annexe II : Décision sur la recevabilité . . . . . . . . . . . . .18
I. INTRODUCTION
1 On trouvera ci-après un résumé de l'affaire, telle qu'elle a été
soumise par les parties à la Commission européenne des Droits de
l'Homme, ainsi qu'une description de la procédure.
A. La requête
2 Le requérant, ressortissant français né en 1949, est numismate
et domicilié à Zurich. Il est représenté dans la procédure devant la
Commission par Maîtres Jean Bornert et Eric Vuylsteke, avocats au
barreau de Bruxelles.
3 Le Gouvernement est représenté par son Agent, M. Luc Chocheyras,
conseiller du tribunal administratif, détaché à la direction des
affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères.
4 L'affaire concerne l'équité d'une procédure administrative à
l'issue de laquelle une amende fiscale a été infligée au requérant.
5 La société A., dont le requérant est président directeur général
et le principal actionnaire, fit l'objet d'une vérification de
comptabilité suite à une requête de l'administration des douanes.
L'administration fiscale procéda à divers redressements par voie de
taxation d'office. Les recours du requérant mettant en cause les impôts
mis à la charge de sa société, ainsi qu'à sa propre charge, furent
rejetés par le tribunal administratif de Strasbourg par jugement du
30 novembre 1981. Par trois arrêts du 28 mai 1986, le Conseil d'Etat
rejeta les pourvois du requérant.
6 Le requérant se plaint de ne pas avoir eu accès au dossier
douanier dont certaines pièces à la charge du requérant avaient été
versées par l'administration fiscale devant les juridictions
administratives. Le requérant a formulé des griefs au titre du principe
du procès équitable énoncé par l'article 6 de la Convention ainsi qu'au
titre de l'article 1er du Protocole N° 1.
B. La procédure
7 La requête a été introduite le 9 septembre 1986 et enregistrée
le 21 novembre 1986.
8 Le 14 octobre 1988, la Commission a décidé de donner connaissance
de la requête au Gouvernement et d'inviter celui-ci à présenter par
écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la
requête.
9 Le Gouvernement a présenté ses observations sur la recevabilité
et le bien-fondé de la requête le 2 mars 1989 après prorogation du
délai initialement fixé au 27 janvier 1989. Les observations en réponse
du requérant sont parvenues le 28 avril 1989.
10 Le 13 février 1990, la Commission a décidé d'inviter les parties
à lui présenter oralement au cours d'une audience contradictoire des
observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête.
11 L'audience a eu lieu le 6 juillet 1990. Les parties ont comparu
comme suit :
Pour le Gouvernement
- M. Luc CHOCHEYRAS Conseiller de tribunal
administratif, détaché à la
Direction des Affaires
juridiques du Ministère des
Affaires étrangères, en
qualité d'Agent du
Gouvernement ;
- Madame Isabelle CHAUSSADE Magistrat détachée à la
Sous-direction des Droits de
l'Homme de la Direction des
Affaires juridiques du
Ministère des Affaires
étrangères, en qualité de
conseil ;
- M. Henri OSMONT d'AMILLY Administrateur civil à la
Direction générale des Impôts
du Ministère de l'Economie,
des Finances et du Budget,
en qualité de conseil.
Pour le requérant
- Maître Eric VUYLSTEKE Avocat au barreau de Bruxelles.
12 A l'issue de l'audience, la Commission a déclaré la requête
recevable, tous moyens de fond réservés. Le 19 septembre 1990, les
parties ont été invitées à soumettre les observations complémentaires
qu'elles pourraient souhaiter formuler sur le bien-fondé de la requête.
Le Gouvernement a également été invité à produire le dossier établi à
l'encontre du requérant par l'administration des douanes et utilisé par
l'administration fiscale lors des procédures fiscales.
13 Le 25 novembre 1990, le requérant a fait parvenir des
observations complémentaires.
14 Le 3 mai 1991, le Gouvernement a présenté des observations
complémentaires sur le bien-fondé de la requête. Il a également informé
la Commission que le dossier demandé par la Commission dans sa lettre
du 19 septembre 1990 avait été détruit dans son intégralité
accidentellement sur son lieu d'archivage.
15 Le 3 octobre 1991, le Gouvernement, faisant valoir qu'il était
en possession de faits nouveaux, à savoir certains procès-verbaux
établis par l'administration des douanes, a demandé à la Commission de
surseoir à la rédaction de son Rapport au sens de l'article 31 de la
Convention jusqu'à ce qu'il ait produit des observations
complémentaires.
16 Le 14 novembre 1991, le Gouvernement défendeur a présenté ses
observations complémentaires.
17 Le 18 février 1992, le requérant a présenté ses observations
complémentaires en réponse.
18 Le 3 mars 1992, le Gouvernement défendeur a présenté des
observations en réponse à celles du requérant.
19 Après avoir déclaré la requête recevable, la Commission,
conformément à l'article 28 par. 1 b) de la Convention, s'est mise à
la disposition des parties en vue de parvenir à un règlement amiable
de l'affaire. Des consultations suivies ont eu lieu entre le
18 décembre 1990 et le 2 octobre 1991. Vu l'attitude adoptée par les
parties, la Commission constate qu'il n'existe aucune base permettant
d'obtenir un tel règlement.
C. Le présent rapport
20 Le présent rapport a été établi par la Commission, conformément
à l'article 31 de la Convention, après délibérations et votes, en
présence des membres suivants :
MM. S. TRECHSEL, Président en exercice
J.A. FROWEIN
E. BUSUTTIL
G. JÖRUNDSSON
A. WEITZEL
J.C. SOYER
H. DANELIUS
Mme G.H. THUNE
Sir BASIL HALL
M. C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
M. J.C. GEUS
21 Le texte du présent rapport a été adopté par la Commission le
22 10 décembre 1992 et sera transmis au Comité des Ministres,
conformément à l'article 31 par. 2 de la Convention.
23 Ce rapport a pour objet, conformément à l'article 31 par. 1 de
la Convention :
i. d'établir les faits, et
ii. de formuler un avis sur le point de savoir si
les faits constatés révèlent, de la part de
l'Etat intéressé, une violation des
obligations qui lui incombent aux termes de
la Convention.
24 Sont joints au présent rapport un tableau retraçant l'historique
de la procédure devant la Commission (Annexe I) et le texte de la
décision de la Commission sur la recevabilité de la requête
(Annexe II).
25 Le texte intégral de l'argumentation écrite et orale des parties,
ainsi que les pièces soumises à la Commission sont conservés dans les
archives de la Commission.
II. ETABLISSEMENT DES FAITS
A. Circonstances particulières de l'affaire
26 Le requérant, de nationalité française, né en 1949, a son
domicile à Zurich. Il exerce la profession de numismate.
27 En 1973, le requérant avait créé la société anonyme "ARTSBY 1881"
ayant pour objet le commerce de monnaies anciennes, d'objets d'art et
de pierres précieuses et ayant son siège à Strasbourg. L'intéressé, qui
détenait 993 actions sur les 1 000 que constitue le capital social,
exerçait les fonctions de président directeur général.
28 En septembre 1976, suite à une enquête de l'administration des
douanes, déclenchée sur dénonciation d'un informateur anonyme, la
société "ARTSBY 1881" fit l'objet d'une vérification de comptabilité
et, à l'issue de celle-ci, il fut constaté que des opérations de vente
n'avaient pas été comptabilisées. De ce fait, l'administration fiscale
procéda à divers redressements par voie de taxation d'office au motif
qu'une partie importante des ventes de la société aurait été
dissimulée.
29 Dans le cadre purement douanier, les poursuites prirent fin par
une transaction intervenue le 6 janvier 1978. Suite à cette
transaction, l'administration des douanes communiqua à l'administration
fiscale l'ensemble du dossier douanier contenant 24 procés-verbaux et
352 documents, en application de l'article L 83 du livre des procédures
fiscales.
30 Une instruction fut ouverte sur plainte de l'administration
fiscale, ce qui donna lieu à une procédure pénale. Le 15 avril 1978,
la Direction nationale des enquêtes douanières communiqua le dossier
douanier au procureur de la République près le tribunal de grande
instance de Strasbourg. Le 19 avril 1978, l'ensemble du dossier
douanier fut confié à un agent de l'administration douanière sur
convocation rogatoire du juge d'instruction.
31 Le 21 mai 1980, le procureur de la République requit le renvoi
du requérant devant le tribunal de grande instance (chambre
correctionnelle) de Strasbourg pour fraude fiscale en matière d'impôts
sur le revenu. Le requérant fut condamné le 21 novembre 1980, à une
peine d'emprisonnement de 15 mois avec sursis et à une contrainte par
corps qui a été fixée au minimum (un an). Le jugement fut confirmé en
appel le 22 avril 1981. La procédure pénale s'acheva par un arrêt de
la Cour de cassation rendu le 24 mai 1982, rejetant le pourvoi du
requérant.
32 Parallèlement à la procédure pénale, une procédure administrative
fut diligentée. Le 6 décembre 1977, la société anonyme "ARTSBY 1881",
représentée par son président-directeur général (le requérant), déposa
deux réclamations auprès du directeur des services fiscaux concernant
les impôts mis à la charge de la société au titre de l'impôt sur les
sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée. Le requérant déposa une
autre réclamation concernant les impositions supplémentaires mis à sa
charge au titre de l'impôt sur le revenu.
33 Le directeur régional des impôts de Strasbourg rejeta par
décision du 20 avril 1978 les réclamations dirigées contre l'impôt sur
les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, tous deux mis à la
charge de la société anonyme "ARTSBY 1881". Par décision du
3 avril 1979, il rejeta également la réclamation dirigée contre l'impôt
sur le revenu personnel du requérant.
34 Le 16 juin 1978, le requérant introduisit devant le tribunal
administratif de Strasbourg deux requêtes au nom de la société anonyme
"ARTSBY 1881", qui mettaient en cause les impôts mis à la charge de
celle-ci et, le 7 juin 1979, une autre requête en son nom propre
contestant l'imposition supplémentaire de son revenu.
35 Le 29 mai 1979, le conseil du requérant adressa une lettre au
président du tribunal administratif de Strasbourg en demandant la
transmission au tribunal et à lui-même de la totalité du dossier établi
par l'administration des douanes.
36 Le 29 juin 1979, le président du tribunal administratif écrivit
une lettre au procureur de la République près le tribunal de grande
instance de Strasbourg demandant la production du dossier ouvert à
l'encontre du requérant. Il précisa qu'un certain nombre de
procès-verbaux avaient en effet un intérêt direct pour le litige
administratif.
37 Par lettre du 11 juillet 1979, le procureur de la République
déclina cette demande.
38 Le 19 juillet 1979, le conseil du requérant saisit une deuxième
fois le président du tribunal administratif d'une demande dans le même
sens, en mettant l'accent sur le fait que l'administration des impôts
"invoquait des passages de l'enquête douanière alors que seule la
communication de l'intégralité du dossier douanier serait de nature à
permettre à Monsieur Michel Bendenoun à formuler utilement des
observations".
39 Le requérant présenta le 19 décembre 1980 un mémoire en réplique
dans lequel il mentionne "d'autres procès-verbaux, non fournis par
l'administration et d'ailleurs introuvables actuellement".
40 Le président du tribunal administratif interpella à nouveau le
30 décembre 1980 le procureur de la République pour obtenir la
transmission du dossier.
41 L'administration des impôts produisit devant le tribunal
administratif de Strasbourg 4 procès-verbaux établis par
l'administration des douanes en annexe à son mémoire du
17 octobre 1980.
42 Par trois jugements rendus le 30 novembre 1981, le tribunal
administratif de Strasbourg rejeta les deux requêtes introduites par
la société et la requête présentée par le requérant lui-même.
43 Le 1er mars 1982, le requérant agissant en son nom propre ainsi
qu'au nom de la société, interjeta appel de ces jugements. Dans des
mémoires complémentaires présentés le 1er juillet 1982, il indiqua qu'à
aucun moment la totalité du dossier ne lui avait été communiquée et que
ce fait constituait une violation des droits de la défense. Par trois
arrêts du 28 mai 1986 le Conseil d'Etat rejeta les recours introduits
par la société et par le requérant.
44 Le Conseil d'Etat considéra notamment que le requérant avait été
mis en mesure de prendre connaissance de toutes les pièces figurant au
dossier soumis aux juridictions administratives et de nature à avoir
une influence sur la solution du litige. Statuant "sur les pénalités",
elle estima que "les faits exposés .... constitueraient des manoeuvres
frauduleuses, que c'est, dès lors, à bon droit que, par application des
dispositions (de l'article 1729 du code général des impôts)
l'administration a assorti d'une pénalité au taux de 100 % le montant
des droits que (la société ou le requérant) a ainsi éludés".
45 En ce qui concerne le requérant, le redressement fiscal était
de F 841.366, dont F 422.534 de pénalités. En ce qui concerne la
société, les impositions supplémentaires et les pénalités s'élevaient
respectivement à F 157.752 plus F 309.738 au titre de la T.V.A., ainsi
qu'à F 530.972 dont F 260.660 au titre de l'impôt sur les sociétés. Ces
chiffres ont été établis par les jugements du 30 novembre 1981 rendus
par le tribunal administratif de Strasbourg.
B. Droit national pertinent
Chapitre II du code général des impôts : pénalités
46 A. Sanctions fiscales
Art. 1728.- Lorsqu'une personne physique ou morale ou une
association tenue de souscrire ou de présenter une déclaration ou un
acte comportant l'indication de bases ou éléments à retenir pour
l'assiette, la liquidation ou le paiement de l'un des impôts, droits,
taxes, redevances ou sommes quelconques établis ou recouvrés par la
direction générale des impôts déclare ou fait apparaître une base ou
des éléments d'imposition insuffisants, inexacts ou incomplets ou
effectue un versement insuffisant, le montant des droits éludés est
majoré soit de l'indemnité de retard prévue à l'article 1727 s'il
s'agit des versements, impôts ou taxes énumérés audit article, soit
d'un intérêt de retard calculé dans les conditions fixées à
l'article 1734. ...
Art. 1729. - Sous réserve des dispositions des articles 1730,
1731, 1827 et 1829, lorsque la mauvaise foi du redevable est établie,
les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont
majorés de :
- 30 % si le montant des droits n'excède pas la moitié du montant
des droits réellement dus;
- 50 % si le montant des droits est supérieur à la moitié des
droits réellement dus;
- 150 % quelle que soit l'importance de ces droits, si le
redevable s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses.
B. Sanctions pénales
Art. 1741. - Sans préjudice des dispositions particulières
relatées dans la présente codification, quiconque s'est frauduleusement
soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement
ou le paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente
codification, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa
déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement
dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait
organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manoeuvres au
recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière
frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales
applicables, d'une amende de 5.000 F à 250.000 F et d'un emprisonnement
d'un an à cinq ans ou de l'une de ces deux peines seulement. Lorsque
les faits ont été réalisés ou facilités au moyen soit d'achats ou de
ventes sans facture, soit de factures ne se rapportant pas à des
opérations réelles, ou qu'ils ont eu pour objet d'obtenir de l'Etat des
remboursements injustifiés, leur auteur est passible d'une amende de
5.OOO F à 500.000 F et d'un emprisonnement de deux à cinq ans ou de
l'une de ces deux peines seulement. Les dispositions de l'article 463
du code pénal sont applicables.
III. AVIS DE LA COMMISSION
A. Griefs déclarés recevables
47 La Commission a déclaré recevables :
- le grief selon lequel il y a eu atteinte au principe du procès
équitable en ce que le dossier des douanes, établi par l'administration
et dont certaines pièces avaient été versées par l'administration dans
la procédure devant les juridictions administratives, n'a pas été versé
au dossier dans son intégralité ;
- le grief selon lequel son droit au respect de ses biens n'a de
ce fait pas été respecté.
B. Points en litige
48 Par conséquent, la Commission est appelée à se prononcer sur la
question de savoir :
- si le requérant a bénéficié, lors de la procédure incriminée
devant les juridictions administratives, d'un procès équitable, tel
que garanti par l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention ;
- si les redressements fiscaux infligés au requérant ont enfreint
son droit au respect de ses biens garanti par l'article 1 du
Protocole N° 1 (P1-1).
C. Sur la violation de l'article 6 (art. 6) de la Convention
49 Le requérant affirme, tant en son nom qu'en sa qualité de
président directeur général d'actionnaire majoritaire et de caution
solidaire de la société anonyme, n'avoir pu obtenir la communication
de l'intégralité du dossier établi par l'administration dans la
procédure devant les juridictions administratives portant sur les
impositions supplémentaires et les pénalités mises à sa propre charge
et à celle de la société. Il invoque, à cet égard, l'article 6
paragraphe 1 (art. 6-1) de la Convention.
50 Cette disposition a la teneur suivante :
"1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable,
par un tribunal indépendant et impartial, établi par la
loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute
accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le
jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la
salle d'audience peut être interdit à la presse et au
public pendant la totalité ou une partie du procès dans
l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la
sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque
les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée
des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée
strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des
circonstances spéciales la publicité serait de nature à
porter atteinte aux intérêts de la justice."
a) Applicabilité de l'article 6 (art. 6) de la Convention
51 Le Gouvernement conteste l'applicabilité, en l'espèce, de
l'article 6 (art. 6) de la Convention aux procédures administratives
dont le requérant a fait l'objet et par lesquelles des pénalités lui
ont été infligées.
52 Le Gouvernement soutient d'emblée que les litiges portant sur des
compléments d'impôts proprement dits, réclamés au requérant en raison
de ressources dont il aurait dissimulé l'existence, abstraction faite
des majorations pour mauvaise foi ou manoeuvres frauduleuses prévues
par le Code général des impôts, ne portent pas sur la détermination de
"droits et obligations de caractère civil" de l'intéressé compte tenu
du caractère spécifique du droit fiscal. En effet, cette matière
relève de l'exercice de la puissance publique dans laquelle des aspects
de droit public prédominent largement. Le Gouvernement rappelle à cet
égard la jurisprudence de la Commission (cf. notamment N° 8903/80,
déc. 8.7.80, D.R. 21 p. 246 et N° 9908/82, déc. 4.5.83, D.R. 32
p. 266).
53 Le Gouvernement soutient également que de tels litiges ne
s'analysent pas non plus en une "accusation en matière pénale", un
complément d'impôt n'ayant pas le caractère d'une sanction.
54 Plus délicate, pour le Gouvernement, est la question de savoir
si les majorations à titre de pénalités, mises à la charge du
contribuable en sus des compléments d'impôts, ont un caractère pénal
au sens de l'article 6 (art. 6) de la Convention.
55 Pour le Gouvernement, les majorations incriminées présentent
toutes les caractéristiques d'une sanction administrative au sens de
la jurisprudence de la Cour dans les affaires Engel et Öztürk (Cour
Eur. D.H., arrêt du 8 juin 1976, série A n° 22, et arrêt du
21 février 1984, série A n° 73).
56 Le Gouvernement estime que l'application au cas d'espèce des
critères développés dans ces arrêts ne conduit pas à infirmer la
qualification purement administrative que le droit français donne aux
pénalités fiscales. Le Gouvernement met l'accent sur la distinction
prévue par la jurisprudence du Conseil d'Etat entre les notions de
manoeuvre frauduleuse (notion fiscale) et de soustraction frauduleuse
(notion pénale). Il fait observer que la majoration en raison de
manoeuvres frauduleuses est directement proportionnelle au montant
principal des impôts supplémentaires et qu'il n'a pas été prononcé, en
l'espèce, une peine privative de liberté à l'encontre du requérant.
Le Gouvernement conclut à la non-applicabilité en l'espèce de
l'article 6 (art. 6) de la Convention.
57 Le requérant combat les thèses développées par le Gouvernement
défendeur au regard de l'applicabilité de l'article 6 (art. 6) de la
Convention.
58 Il estime qu'il y a lieu de se référer aux enseignements à tirer
des arrêts rendus dans les affaires Öztürk (arrêt précité) et Lutz
(Cour Eur. D.H., arrêt du 25 août 1987, série A n° 123), indépendamment
de la qualification donnée par le droit interne à la sanction
incriminée, pour en déterminer le caractère pénal au sens de
l'article 6 (art. 6) de la Convention. Il conclut, dès lors, à
l'applicabilité, en l'espèce, de l'article 6 (art. 6) de la Convention.
59 En ce qui concerne les redressements des impôts dûs par le
requérant lui-même et par sa société, plus précisément les compléments
d'impôts proprement dits, la Commission rappelle sa jurisprudence selon
laquelle l'article 6 (art. 6) n'est pas applicable, en principe, au
titre de la notion "droits et obligations de caractère civil", à la
procédure de caractère fiscal, même si les mesures fiscales incriminées
ont entraîné des répercussions sur les droits patrimoniaux (cf. entre
plusieurs autres, N° 2552/65 c/ R.F.A., déc. 15.12.67, Recueil 26
p. 1 ; N° 2717/66 c/ R.F.A., déc. 6.2.69, Annuaire 13, p. 176 et plus
récemment N° 9908/82, déc. 4.5.83, D.R. 32, p. 266).
60 Pour ce qui est des "amendes fiscales" infligées au requérant et
à sa société, la Commission rappelle l'"autonomie" de la notion de
"matière pénale" telle que la conçoit l'article 6 (art. 6) (cf. Cour
Eur. D.H., arrêt Engel précité, pp. 34-35, par. 82 ; arrêt Öztürk
précité, pp. 17-18, par. 49). Si les Etats Contractants pouvaient, à
leur guise, en qualifiant une infraction de "fiscale", écarter les
garanties de l'article 6 (art. 6), l'application de ces garanties se
trouverait subordonnée à leur volonté souveraine, ce qui risquerait
d'être incompatible avec le but et l'objet de la Convention. Il y a
lieu donc de rechercher si les "sanctions fiscales" infligées au
requérant pour manoeuvres frauduleuses relèvent ou non de la "matière
pénale" (arrêt Engel précité, pp. 34-35, par. 82).
61 Il importe d'abord de rechercher si le texte définissant
l'infraction en cause ressortit ou non au droit pénal d'après la
technique juridique de l'Etat défendeur ; il y a lieu d'examiner
ensuite, eu égard à l'objet et au but de l'article 6 (art. 6), au sens
ordinaire de ses termes et au droit des Etats Contractants, la nature
de l'infraction ainsi que la nature et le degré de gravité de la
sanction que risquait de subir l'intéressé.
62 De plus, de tels critères ne sont pas cumulatifs, mais
alternatifs : pour que l'article 6 (art. 6) s'applique au titre des
mots "accusation en matière pénale", il suffit que l'infraction en
cause soit, par nature, "pénale" au regard de la Convention, ou ait
exposé l'intéressé à une sanction qui, par sa nature et son degré de
gravité, ressortit à la matière pénale (cf. Cour Eur. D.H., arrêt
Campbell et Fell du 28 juin 1984, série A n° 80, pp. 35-38,
par. 69-73 ; arrêt Lutz précité, p. 23, par. 55).
63 Or, en droit français, les faits reprochés au requérant, à savoir
les manoeuvres frauduleuses, revêtaient assurément le caractère d'une
"infraction fiscale" qui, comme telle, se doublait d'une "majoration
de l'impôt". Ces faits tombaient sous le coup de l'article 1729 du Code
général des impôts qui, comme tel, ne ressortit pas au droit pénal.
64 La Commission rappelle que les indications que fournit le droit
interne de l'Etat défendeur n'ont qu'une valeur relative. Le deuxième
des critères énoncés plus haut - la nature même de l'infraction
représente un élément d'appréciation de plus grand poids.
65 Quant à la nature de l'infraction, la Commission relève que la
disposition du Code général des impôts concernant les faits reprochés
au requérant (article 1729) se réfère en son libellé à la "fraude
fiscale". La règle en question ne s'adresse donc pas à un groupe
déterminé avec un statut particulier, mais à tous les citoyens en leur
qualité de redevable d'impôts. Elle leur prescrit un certain
comportement et assortit cette exigence d'une sanction punitive (arrêt
Öztürk précité, p. 20, par. 53).
66 Il y a lieu d'ajouter que les "majorations" infligées au
requérant au titre de cette disposition sont qualifiées de "pénalités"
dans les arrêts du Conseil d'Etat statuant sur le litige en question.
67 Le Gouvernement tire argument du fait, qu'à la différence des
sanctions en matière pénale, le montant de l'amende fiscale est
proportionnel au redressement fiscal.
68 De l'avis de la Commission, cette particularité ne peut en
principe s'opposer à ce qu'une "majoration fiscale" puisse s'analyser
en une "sanction pénale". En effet, le fait que le montant d'une
sanction pécuniaire soit déterminé en fonction du redressement fiscal
ne saurait retirer à cette sanction son caractère préventif et
répressif.
69 Aux yeux de la Commission, le degré de gravité de la sanction
infligée au requérant joue un rôle primordial en l'espèce afin de
déterminer si l'article 6 (art. 6) est applicable au titre de la notion
"accusation en matière pénale".
70 La Commission constate en effet que le montant des pénalités dues
par le requérant (en son nom et au nom de la société), s'élève à près
d'un million de francs. Il s'agit d'une lourde peine pécuniaire
susceptible de causer un grave préjudice au requérant. La Commission
relève que les pénalités infligées au requérant sont d'un montant
beaucoup plus élevé que celles qui avaient été infligées au requérant
dans l'affaire von Sydow, déclarée recevable par la Commission et ayant
fait l'objet par la suite d'un règlement amiable (No 11464/85,
déc. 12.5.87, D.R. 53, p. 85).
71 Prenant ces divers éléments en considération, la Commission est
d'avis que les sanctions dont le requérant a été frappé relevaient
bien, par leur degré de gravité, de la "matière pénale" au sens de
l'article 6 (art. 6) de la Convention.
b) Observation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention
72 Le requérant soutient que le dossier douanier dont il aurait dû
avoir connaissance au cours de la procédure en cause contenait non
seulement l'intégralité des procès-verbaux et des documents relatifs
à l'enquête, mais également les pièces à conviction et les éléments
pertinents sur lesquels se fondaient les procès-verbaux.
73 Le requérant rappelle l'échange de courrier intervenu à l'époque
entre son avocat et la Direction nationale des enquêtes douanières et
le tribunal administratif de Strasbourg. Il rappelle également la
demande du président du tribunal administratif adressée au parquet près
l'instance pénale afin d'obtenir le dossier des douanes et le refus
opposé par le parquet. Le requérant fait observer qu'il a expressément
soulevé cette question au plan pénal devant la cour d'appel et devant
la Cour de cassation et a posé à nouveau le même problème devant les
juridictions administratives.
74 Le requérant soutient que la transmission d'une copie du dossier
complet aurait pu lui permettre de déceler des éléments à sa décharge.
Il aurait pu, par exemple, faire entendre l'informateur anonyme dont
la présence n'a été révélée que dans la procédure devant la Commission.
En tout état de cause, le requérant estime qu'il ne lui incombe pas de
démontrer que le dossier douanier contenait des éléments à sa décharge
étant donné qu'il n'a pas eu connaissance du dossier.
75 Le Gouvernement fait observer en premier lieu que le dossier
gardé par le service des douanes contenait 24 procès-verbaux dont 4 ont
été produits devant le tribunal administratif. Par ailleurs, le
requérant était en possession des exemplaires de 5 autres procès-
verbaux. Dès lors, le requérant disposait au total de 9 procès-verbaux
sur 24 au moment du contentieux fiscal incriminé.
76 Le Gouvernement affirme que parmi les 15 procès-verbaux restants,
il n'a pu trouver copie que de 9 procès-verbaux. Le contenu de
6 autres, détruits par accident sur les lieux des archives, peut être
déterminé par le biais de références contenues dans d'autres documents.
77 Le Gouvernement expose par ailleurs, qu'en droit interne, les
constatations de fait du juge pénal ont le caractère absolu de la chose
jugée. Alors que le tribunal administratif de Strasbourg, première
instance en l'espèce, ne semblait pas avoir été informé des décisions
des juridictions pénales, le Conseil d'Etat disposait des arrêts
d'appel d'ordre pénal constatant les faits de fraude.
78 Le Gouvernement soutient encore que le juge fiscal ne se livrant
à aucune appréciation personnelle et s'appropriant les constatations
du juge pénal, il suffit que les jugements pénaux aient respecté le
principe de l'égalité des armes. Il fait valoir à cet égard, qu'en
l'espèce, la première instance d'ordre pénal, le tribunal de grande
instance de Strasbourg, disposait de l'intégralité du dossier de
douane. La cour d'appel de Colmar (pénale), qui ne disposait plus de
l'ensemble du dossier, a confirmé en tous points les énonciations du
jugement pénal de première instance. La Cour de cassation a enfin
confirmé l'arrêt d'appel.
79 Le Gouvernement défendeur conclut que les jugements répressifs
dont les constatations sont dotées de l'autorité de la chose jugée qui
s'impose au juge fiscal, ont respecté les principes de l'égalité des
armes et de l'équité de la procédure dans la mesure où en l'espèce et
le tribunal administratif et le Conseil d'Etat ne se sont fondés sur
aucune pièce versée au dossier par l'administration qui n'ait été
portée à la connaissance du requérant et soumise ainsi à une discussion
contradictoire.
80 De l'avis de la Commission, la question qui se pose en l'espèce
est de savoir si, à l'occasion du contentieux qui l'a opposé à
l'administration fiscale, le requérant a été placé dans une situation
désavantageuse et ayant donc pu porter atteinte à l'équité de la
procédure, du fait de ne pas avoir disposé de l'intégralité du dossier
douanier gardé par l'administration fiscale.
81 La Commission rappelle en effet qu'"un procès ne serait pas
équitable au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention,
s'il se déroulait dans des conditions de nature à placer injustement
un accusé dans une situation désavantageuse" vis-à-vis de la partie
adverse (cf. Cour Eur. D.H., arrêt Delcourt du 17 janvier 1970, série A
n° 11, p. 18, par. 34).
82 En l'espèce, la Commission relève en premier lieu que le dossier
des douanes contenait 24 procès-verbaux et 352 pièces à conviction
(documents ou factures) sur lesquelles se fondaient ces procès-verbaux.
La Commission a été en mesure d'établir que lors de la procédure
administrative l'opposant aux services des impôts, le requérant a pu
avoir connaissance du contenu de 9 procès-verbaux : 4 procès-verbaux
ont été produits par l'administration devant le tribunal administratif
de Strasbourg, le double des 5 autres étant déjà en possession du
requérant. Il en découle que 15 procès-verbaux des 24 que contenait le
dossier douanier n'ont été soumis ni à l'examen du requérant, ni à
l'examen des juridictions compétentes.
83 La Commission constate en outre que le requérant ne disposait
pas, lors de la procédure en question, des documents (factures, reçus
etc) dont le nombre s'élevait, selon les parties, à 352.
84 Le Gouvernement soutient, il est vrai, que les constatations du
juge administratif s'appuyaient sur les éléments figurant dans les
décisions pénales, décisions revêtues du caractère de la chose jugée
et s'imposant ainsi aux juridictions administratives.
85 La Commission note d'emblée qu'elle n'a pas à se prononcer sur
la procédure pénale en tant que telle car la requête a été, sur ce
point, déclarée irrecevable pour tardiveté. Elle note au demeurant que
seul le tribunal correctionnel de Strasbourg a été en possession de
l'ensemble du dossier douanier et qu'après la transaction conclue entre
les services de douane et le requérant, celui-ci n'a plus eu accès à
ce dossier ni devant la cour d'appel de Colmar, ni devant la Cour de
cassation.
86 Pour ce qui est du contentieux fiscal, la Commission constate que
dans son arrêt le Conseil d'Etat ne s'est aucunement référé, dans ses
arrêts du 28 mai 1986, aux constatations du juge pénal.
87 Ainsi, il ressort clairement de cet arrêt que les juridictions
administratives, en infligeant au requérant des majorations fiscales
(impôts supplémentaires et amendes fiscales), ont administré les
preuves et ont jugé le litige devant eux indépendamment des conclusions
des juridictions pénales, de sorte qu'aucun lien pertinent ne saurait
être établi entre les décisions de ces derniers et le bien-fondé des
sanctions fiscales infligées au requérant.
88 Selon le Gouvernement, l'analyse des documents dont le requérant
n'a pas eu connaissance au moment du contentieux administratif ne
permettrait de déceler aucun élément favorable aux thèses défendues par
le requérant devant les juridictions administratives.
89 Le requérant soutient en revanche que la transmission de
l'intégralité du dossier aurait pu lui permettre de tirer argument,
pour sa défense, de certains éléments de preuve y figurant.
90 La Commission n'a pas à apprécier si les documents se trouvant
dans le dossier douanier peuvent être de nature à confirmer ou à
infirmer la "culpabilité" du requérant. Il suffit à la Commission de
constater que le requérant pouvait, de manière plausible, soutenir que
l'ensemble de ces documents pouvait renfermer des éléments de preuve
qu'il aurait pu utiliser à sa décharge.
91 La tâche de la Commission consiste donc à rechercher si la
procédure litigieuse revêtit le caractère équitable voulu par le
paragraphe 1 de l'article 6 (art. 6-1). Elle relève à cet égard que le
président du tribunal administratif a demandé, à deux reprises, au
procureur de la République chargé du dossier pénal, la transmission du
dossier douanier concernant le requérant. La Commission prend notamment
en considération le fait que le juge administratif a estimé qu'un
certain nombre de procès-verbaux avaient effectivement un intérêt
direct pour le litige administratif. Elle observe cependant que ces
demandes n'ont pas été satisfaites.
92 La Commission considère dès lors que le requérant n'ayant pas
disposé de l'intégralité du dossier pourtant accessible à la partie
adverse, n'a pas eu la possibilité de contester certains éléments du
dossier et surtout de se servir des éléments qui y étaient contenus
afin d'étayer sa thèse. En particulier, il n'a pas eu la possibilité
d'examiner les procès-verbaux non communiqués et les 352 documents afin
d'y déceler des éléments pouvant contredire les dépositions contenues
dans les autres procès-verbaux versés au débat par le service des
impôts.
93 Certes, la Commission ne saurait spéculer sur le résultat auquel
la procédure litigieuse aurait abouti si l'ensemble du dossier avait
été mis à la disposition du requérant. Cependant, elle estime qu'avoir
privé ce dernier de la connaissance de l'ensemble des pièces établies
en ce qui concernait sa situation fiscale l'a placé dans une situation
désavantageuse par rapport à l'administration fiscale.
Conclusion
94 La Commission conclut, par dix voix contre deux, qu'il y a eu,
en l'espèce, violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la
Convention.
D. Sur la violation de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1)
95 Se fondant sur les mêmes faits, le requérant allègue une atteinte
au respect de ses biens au sens de l'article 1 du Protocole (P1-1)
additionnel dans la mesure où il a été amené à verser certains montants
à l'Etat français au titre de redressements fiscaux.
96 Le premier alinéa de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1) se lit
ainsi :
"Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses
biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité
publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes
généraux du droit international."
97 Toutefois, vu les circonstances de la cause et la conclusion
figurant au paragraphe 93, la Commission ne juge pas nécessaire
d'examiner de surcroît le grief tiré de l'article 1 du Protocole N° 1
(P1-1).
Conclusion
98 La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il ne s'impose pas de
statuer sur le grief tiré de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1).
Récapitulation
99 La Commission conclut, par 10 voix contre 2, qu'il y a eu en
l'espèce violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention
(par. 93).
100 La Commission conclut à l'unanimité qu'il ne s'impose pas de
statuer sur le grief tiré de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1)
(par. 97)
Le Secrétaire Le Président en exercice
de la Commission de la Commission
(H.C. KRÜGER) (S. TRECHSEL)
Partially dissenting opinion of Sir Basil Hall
I regret that I am unable to agree with the conclusion of the
majority of the Commission that there has been a violation of
Article 6 para. 1 in this case. It does not seem to me that in a
situation in which a prosecution is instituted by or on behalf of a
Government department the person prosecuted must be given access to all
the material relating to him in the possession of the department. He
must of course be given access to material which may have relevance in
the penal proceedings. In this case it does not appear to me that the
likelihood has been established of there having been in the files of
the douane material not made available to the applicant which would
have been relevant in the penal proceedings against him.
A N N E X E I
HISTORIQUE DE LA PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
____________________________________________________________________
Date Acte
____________________________________________________________________
a) Examen de la recevabilité
09.09.1986 Introduction de la requête
21.11.1986 Enregistrement de la requête
14.10.1989 Délibérations de la Commission et décision
de celle-ci de porter la requête à la
connaissance du Gouvernement défendeur et
de l'inviter à soumettre des observations
écrites sur la recevabilité et le bien-
fondé de la requête
02.04.1989 Observations du Gouvernement
28.04.1989 Observations en réponse du requérant
13.02.1990 Décision de tenir une audience
contradictoire sur la recevabilité et le
bien-fondé de la requête
06.07.1990 Audience sur la recevabilité et le bien-
fondé et décision de déclarer la requête
recevable.
b) Examen du bien-fondé
25.11.1990 Observations complémentaires du requérant
03.05.1991 Observations complémentaires du
Gouvernement
14.11.1991 Observations complémentaires du
Gouvernement
18.02.1992 Observations complémentaires en réponse
du requérant
03.03.1992 Observations complémentaires en réponse
du Gouvernement
01.12.1992 Délibérations de la Commission sur le
bien-fondé et vote final
.12.1992 Adoption du présent rapport
Textes cités dans la décision