CEDH, Commission (plénière), BENDENOUN c. la FRANCE, 10 décembre 1992, 12547/86

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Plénière), 10 déc. 1992, n° 12547/86
Numéro(s) : 12547/86
Type de document : Rapport
Date d’introduction : 9 septembre 1986
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Campbell et Fell du 28 juin 1984, série A n° 80, p. 35-38, par. 69-73
Cour Eur. D.H. Arrêt Delcourt du 17 janvier 1970, série A n° 11, p. 18, par. 34
Arrêt Engel du 8 juin 1976, série A n° 22, p. 34-35, par. 82
Arrêt Lutz du 25 août 1987, série A n° 123, p. 23, par. 55
Arrêt Öztürk du 21 février 1984, série A n° 73, p. 17-18, 20, par. 49, 53
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner P1-1
Identifiant HUDOC : 001-46441
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1992:1210REP001254786
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Texte intégral

              COMMISSION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

                          Requête No 12547/86

                           Michel BENDENOUN

                                contre

                                FRANCE

                       RAPPORT DE LA COMMISSION

                     (adopté le 10 décembre 1992)

                          TABLE DES MATIERES

                                                                 Page

I.    INTRODUCTION

      (par. 1 - 24) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

   A. La requête

      (par. 2 - 6). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

   B. La procédure

      (par. 7 - 19) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

   C. Le présent rapport

      (par. 20 - 24). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

II.   ETABLISSEMENT DES FAITS

      (par. 25 - 44). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

   A. Circonstances particulières de l'affaire

      (par. 25 - 44 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

   B. Droit national pertinent

      (par. 45) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

III.  AVIS DE LA COMMISSION

      (par. 46 - 99). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

   A. Griefs déclarés recevables

      (par. 46) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

   B. Points en litige

      (par. 47) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

   C. Sur la violation de l'article 6 de la Convention

      (par. 48 - 93). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

a)    Applicabilité de l'article 6 de la Convention

      (par. 50 - 70). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

b)    Observation de l'article 6 de la Convention

      (par. 71 - 92). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12

      Conclusion

      (par. 93) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14

   D. Sur la violation de l'article 1 du Protocole N° 1

      (par.  94 -96). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

      Conclusion

      (par. 97) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

      Récapitulation

      (par. 98 - 99). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

      Partially dissenting opinion of Sir BASIL HALL. . . . . . . .16

Annexe I   : Historique de la procédure . . . . . . . . . . . . . .17

Annexe II  : Décision sur la recevabilité . . . . . . . . . . . . .18

I.    INTRODUCTION

1     On trouvera ci-après un résumé de l'affaire, telle qu'elle a été

soumise par les parties à la Commission européenne des Droits de

l'Homme, ainsi qu'une description de la procédure.

A.    La requête

2     Le requérant, ressortissant français né en 1949, est numismate

et domicilié à Zurich. Il est représenté dans la procédure devant la

Commission par Maîtres Jean Bornert et Eric Vuylsteke, avocats au

barreau de Bruxelles.

3     Le Gouvernement est représenté par son Agent, M. Luc Chocheyras,

conseiller du tribunal administratif, détaché à la direction des

affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères.

4     L'affaire concerne l'équité d'une procédure administrative à

l'issue de laquelle une amende fiscale a été infligée au requérant.

5     La société A., dont le requérant est président directeur général

et le principal actionnaire, fit l'objet d'une vérification de

comptabilité suite à une requête de l'administration des douanes.

L'administration fiscale procéda à divers redressements par voie de

taxation d'office. Les recours du requérant mettant en cause les impôts

mis à la charge de sa société, ainsi qu'à sa propre charge, furent

rejetés par le tribunal administratif de Strasbourg par jugement du

30 novembre 1981. Par trois arrêts du 28 mai 1986, le Conseil d'Etat

rejeta les pourvois du requérant.

6     Le requérant se plaint de ne pas avoir eu accès au dossier

douanier dont certaines pièces à la charge du requérant avaient été

versées par l'administration fiscale devant les juridictions

administratives. Le requérant a formulé des griefs au titre du principe

du procès équitable énoncé par l'article 6 de la Convention ainsi qu'au

titre de l'article 1er du Protocole N° 1.

B.    La procédure

7     La requête a été introduite le 9 septembre 1986 et enregistrée

le 21 novembre 1986.

8    Le 14 octobre 1988, la Commission a décidé de donner connaissance

de la requête au Gouvernement et d'inviter celui-ci à présenter par

écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la

requête.

9     Le Gouvernement a présenté ses observations sur la recevabilité

et le bien-fondé de la requête le 2 mars 1989 après prorogation du

délai initialement fixé au 27 janvier 1989. Les observations en réponse

du requérant sont parvenues le 28 avril 1989.

10   Le 13 février 1990, la Commission a décidé d'inviter les parties

à lui présenter oralement au cours d'une audience contradictoire des

observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête.

11    L'audience a eu lieu le 6 juillet 1990. Les parties ont comparu

comme suit :

Pour le Gouvernement

        - M. Luc CHOCHEYRAS             Conseiller de tribunal

                                        administratif, détaché à la

                                        Direction des Affaires

                                        juridiques du Ministère des

                                        Affaires étrangères, en

                                        qualité d'Agent du

                                        Gouvernement ;

        - Madame Isabelle CHAUSSADE     Magistrat détachée à la

                                        Sous-direction des Droits de

                                        l'Homme de la Direction des

                                        Affaires juridiques du

                                        Ministère des Affaires

                                        étrangères, en qualité de

                                        conseil ;

        - M. Henri OSMONT d'AMILLY      Administrateur civil à la

                                        Direction générale des Impôts

                                        du Ministère de l'Economie,

                                        des Finances et du Budget,

                                        en qualité de conseil.

        Pour le requérant

        - Maître Eric VUYLSTEKE         Avocat au barreau de Bruxelles.

12    A l'issue de l'audience, la Commission a déclaré la requête

recevable, tous moyens de fond réservés. Le 19 septembre 1990, les

parties ont été invitées à soumettre les observations complémentaires

qu'elles pourraient souhaiter formuler sur le bien-fondé de la requête.

Le Gouvernement a également été invité à produire le dossier établi à

l'encontre du requérant par l'administration des douanes et utilisé par

l'administration fiscale lors des procédures fiscales.

13    Le 25 novembre 1990, le requérant a fait parvenir des

observations complémentaires.

14    Le 3 mai 1991, le Gouvernement a présenté des observations

complémentaires sur le bien-fondé de la requête. Il a également informé

la Commission que le dossier demandé par la Commission dans sa lettre

du 19 septembre 1990 avait été détruit dans son intégralité

accidentellement sur son lieu d'archivage.

15    Le 3 octobre 1991, le Gouvernement, faisant valoir qu'il était

en possession de faits nouveaux, à savoir certains procès-verbaux

établis par l'administration des douanes, a demandé à la Commission de

surseoir à la rédaction de son Rapport au sens de l'article 31 de la

Convention jusqu'à ce qu'il ait produit des observations

complémentaires.

16    Le 14 novembre 1991, le Gouvernement défendeur a présenté ses

observations complémentaires.

17    Le 18 février 1992, le requérant a présenté ses observations

complémentaires en réponse.

18    Le 3 mars 1992, le Gouvernement défendeur a présenté des

observations en réponse à celles du requérant.

19    Après avoir déclaré la requête recevable, la Commission,

conformément à l'article 28 par. 1 b) de la Convention, s'est mise à

la disposition des parties en vue de parvenir à un règlement amiable

de l'affaire. Des consultations suivies ont eu lieu entre le

18 décembre 1990 et le 2 octobre 1991. Vu l'attitude adoptée par les

parties, la Commission constate qu'il n'existe aucune base permettant

d'obtenir un tel règlement.

C.    Le présent rapport

20   Le présent rapport a été établi par la Commission, conformément

à l'article 31 de la Convention, après délibérations et votes, en

présence des membres suivants :

      MM. S. TRECHSEL, Président en exercice

          J.A. FROWEIN

          E. BUSUTTIL

          G. JÖRUNDSSON

          A. WEITZEL

          J.C. SOYER

          H. DANELIUS

      Mme G.H. THUNE

      Sir BASIL HALL

      M.  C.L. ROZAKIS

      Mme J. LIDDY

      M.  J.C. GEUS

21    Le texte du présent rapport a été adopté par la Commission le

22  10 décembre 1992 et sera transmis au Comité des Ministres,

conformément à l'article 31 par. 2 de la Convention.

23    Ce rapport a pour objet, conformément à l'article 31 par. 1 de

la Convention :

               i.  d'établir les faits, et

               ii. de formuler un avis sur le point de savoir si

                   les faits constatés révèlent, de la part de

                   l'Etat intéressé, une violation des

                   obligations qui lui incombent aux termes de

                   la Convention.

24    Sont joints au présent rapport un tableau retraçant l'historique

de la procédure devant la Commission (Annexe I) et le texte de la

décision de la Commission sur la recevabilité de la requête

(Annexe II).

25    Le texte intégral de l'argumentation écrite et orale des parties,

ainsi que les pièces soumises à la Commission sont conservés dans les

archives de la Commission.

II.   ETABLISSEMENT DES FAITS

A.    Circonstances particulières de l'affaire

26    Le requérant, de nationalité française, né en 1949, a son

domicile à Zurich.  Il exerce la profession de numismate.

27    En 1973, le requérant avait créé la société anonyme "ARTSBY 1881"

ayant pour objet le commerce de monnaies anciennes, d'objets d'art et

de pierres précieuses et ayant son siège à Strasbourg. L'intéressé, qui

détenait 993 actions sur les 1 000 que constitue le capital social,

exerçait les fonctions de président directeur général.

28    En septembre 1976, suite à une enquête de l'administration des

douanes, déclenchée sur dénonciation d'un informateur anonyme, la

société "ARTSBY 1881" fit l'objet d'une vérification de comptabilité

et, à l'issue de celle-ci, il fut constaté que des opérations de vente

n'avaient pas été comptabilisées. De ce fait, l'administration fiscale

procéda à divers redressements par voie de taxation d'office au motif

qu'une partie importante des ventes de la société aurait été

dissimulée.

29    Dans le cadre purement douanier, les poursuites prirent fin par

une transaction intervenue le 6 janvier 1978. Suite à cette

transaction, l'administration des douanes communiqua à l'administration

fiscale l'ensemble du dossier douanier contenant 24 procés-verbaux et

352 documents, en application de l'article L 83 du livre des procédures

fiscales.

30    Une instruction fut ouverte sur plainte de l'administration

fiscale, ce qui donna lieu à une procédure pénale. Le 15 avril 1978,

la Direction nationale des enquêtes douanières communiqua le dossier

douanier au procureur de la République près le tribunal de grande

instance de Strasbourg. Le 19 avril 1978, l'ensemble du dossier

douanier fut confié à un agent de l'administration douanière sur

convocation rogatoire du juge d'instruction.

31    Le 21 mai 1980, le procureur de la République requit le renvoi

du requérant devant le tribunal de grande instance (chambre

correctionnelle) de Strasbourg pour fraude fiscale en matière d'impôts

sur le revenu.  Le requérant fut condamné le 21 novembre 1980, à une

peine d'emprisonnement de 15 mois avec sursis et à une contrainte par

corps qui a été fixée au minimum (un an).  Le jugement fut confirmé en

appel le 22 avril 1981.  La procédure pénale s'acheva par un arrêt de

la Cour de cassation rendu le 24 mai 1982, rejetant le pourvoi du

requérant.

32    Parallèlement à la procédure pénale, une procédure administrative

fut diligentée.  Le 6 décembre 1977, la société anonyme "ARTSBY 1881",

représentée par son président-directeur général (le requérant), déposa

deux réclamations auprès du directeur des services fiscaux concernant

les impôts mis à la charge de la société au titre de l'impôt sur les

sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée. Le requérant déposa une

autre réclamation concernant les impositions supplémentaires mis à sa

charge  au titre de l'impôt sur le revenu.

33    Le directeur régional des impôts de Strasbourg rejeta par

décision du 20 avril 1978 les réclamations dirigées contre l'impôt sur

les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, tous deux mis à la

charge de la société anonyme "ARTSBY 1881".  Par décision du

3 avril 1979, il rejeta également la réclamation dirigée contre l'impôt

sur le revenu personnel du requérant.

34    Le 16 juin 1978, le requérant introduisit devant le tribunal

administratif de Strasbourg deux requêtes au nom de la société anonyme

"ARTSBY 1881", qui mettaient en cause les impôts mis à la charge de

celle-ci et, le 7 juin 1979, une autre requête en son nom propre

contestant l'imposition supplémentaire de son revenu.

35    Le 29 mai 1979, le conseil du requérant adressa une lettre au

président du tribunal administratif de Strasbourg en demandant la

transmission au tribunal et à lui-même de la totalité du dossier établi

par l'administration des douanes.

36    Le 29 juin 1979, le président du tribunal administratif écrivit

une lettre au procureur de la République près le tribunal de grande

instance de Strasbourg demandant la production du dossier ouvert à

l'encontre du requérant. Il précisa qu'un certain nombre de

procès-verbaux avaient en effet un intérêt direct pour le litige

administratif.

37    Par lettre du 11 juillet 1979, le procureur de la République

déclina cette demande.

38    Le 19 juillet 1979, le conseil du requérant saisit une deuxième

fois le président du tribunal administratif d'une demande dans le même

sens, en mettant l'accent sur le fait que l'administration des impôts

"invoquait des passages de l'enquête douanière alors que seule la

communication de l'intégralité du dossier douanier serait de nature à

permettre à Monsieur Michel Bendenoun à formuler utilement des

observations".

39    Le requérant présenta le 19 décembre 1980 un mémoire en réplique

dans lequel il mentionne "d'autres procès-verbaux, non fournis par

l'administration et d'ailleurs introuvables actuellement".

40    Le président du tribunal administratif interpella à nouveau le

30 décembre 1980 le procureur de la République pour obtenir la

transmission du dossier.

41    L'administration des impôts produisit devant le tribunal

administratif de Strasbourg 4 procès-verbaux établis par

l'administration des douanes en annexe à son mémoire du

17 octobre 1980.

42    Par trois jugements rendus le 30 novembre 1981, le tribunal

administratif de Strasbourg rejeta les deux requêtes introduites par

la société et la requête présentée par le requérant lui-même.

43    Le 1er mars 1982, le requérant agissant en son nom propre ainsi

qu'au nom de la société, interjeta appel de ces jugements. Dans des

mémoires complémentaires présentés le 1er juillet 1982, il indiqua qu'à

aucun moment la totalité du dossier ne lui avait été communiquée et que

ce fait constituait une violation des droits de la défense. Par trois

arrêts du 28 mai 1986 le Conseil d'Etat rejeta les recours introduits

par la société et par le requérant.

44    Le Conseil d'Etat considéra notamment que le requérant avait été

mis en mesure de prendre connaissance de toutes les pièces figurant au

dossier soumis aux juridictions administratives et de nature à avoir

une influence sur la solution du litige. Statuant "sur les pénalités",

elle estima que "les faits exposés .... constitueraient des manoeuvres

frauduleuses, que c'est, dès lors, à bon droit que, par application des

dispositions (de l'article 1729 du code général des impôts)

l'administration a assorti d'une pénalité au taux de 100 % le montant

des droits que (la société ou le requérant) a ainsi éludés".

45     En ce qui concerne le requérant, le redressement fiscal était

de F 841.366, dont F 422.534 de pénalités.  En ce qui concerne la

société, les impositions supplémentaires et les pénalités s'élevaient

respectivement à F 157.752 plus F 309.738 au titre de la T.V.A., ainsi

qu'à F 530.972 dont F 260.660 au titre de l'impôt sur les sociétés. Ces

chiffres ont été établis par les jugements du 30 novembre 1981 rendus

par le tribunal administratif de Strasbourg.

B.    Droit national pertinent

      Chapitre II du code général des impôts : pénalités

46   A. Sanctions fiscales

      Art. 1728.- Lorsqu'une personne physique ou morale ou une

association tenue de souscrire ou de présenter une déclaration ou un

acte comportant l'indication de bases ou éléments à retenir pour

l'assiette, la liquidation ou le paiement de l'un des impôts, droits,

taxes, redevances ou sommes quelconques établis ou recouvrés par la

direction générale des impôts déclare ou fait apparaître une base ou

des éléments d'imposition insuffisants, inexacts ou incomplets ou

effectue un versement insuffisant, le montant des droits éludés est

majoré soit de l'indemnité de retard prévue à l'article 1727 s'il

s'agit des versements, impôts ou taxes énumérés audit article, soit

d'un intérêt de retard calculé dans les conditions fixées à

l'article 1734. ...

      Art. 1729. - Sous réserve des dispositions des articles 1730,

1731, 1827 et 1829, lorsque la mauvaise foi du redevable est établie,

les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont

majorés de :

      - 30 % si le montant des droits n'excède pas la moitié du montant

des droits réellement dus;

      - 50 % si le montant des droits est supérieur à la moitié des

droits réellement dus;

      - 150 % quelle que soit l'importance de ces droits, si le

redevable s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses.

      B. Sanctions pénales

      Art. 1741. - Sans préjudice des dispositions particulières

relatées dans la présente codification, quiconque s'est frauduleusement

soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement

ou le paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente

codification, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa

déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement

dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait

organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manoeuvres au

recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière

frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales

applicables, d'une amende de 5.000 F à 250.000 F et d'un emprisonnement

d'un an à cinq ans ou de l'une de ces deux peines seulement. Lorsque

les faits ont été réalisés ou facilités au moyen soit d'achats ou de

ventes sans facture, soit de factures ne se rapportant pas à des

opérations réelles, ou qu'ils ont eu pour objet d'obtenir de l'Etat des

remboursements injustifiés, leur auteur est passible d'une amende de

5.OOO F à 500.000 F et d'un emprisonnement de deux à cinq ans ou de

l'une de ces deux peines seulement. Les dispositions de l'article 463

du code pénal sont applicables.

III.  AVIS DE LA COMMISSION

A.    Griefs déclarés recevables

47    La Commission a déclaré recevables :

-     le grief selon lequel il y a eu atteinte au principe du procès

équitable en ce que le dossier des douanes, établi par l'administration

et dont certaines pièces avaient été versées par l'administration dans

la procédure devant les juridictions administratives, n'a pas été versé

au dossier dans son intégralité ;

-     le grief selon lequel son droit au respect de ses biens n'a de

ce fait pas été respecté.

B.    Points en litige

48    Par conséquent, la Commission est appelée à se prononcer sur la

question de savoir :

-     si le requérant a bénéficié, lors de la procédure incriminée

devant les juridictions administratives,  d'un procès équitable, tel

que garanti par l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention ;

-     si les redressements fiscaux infligés au requérant ont enfreint

son droit au respect de ses biens garanti par l'article 1 du

Protocole N° 1 (P1-1).

C.    Sur la violation de l'article 6 (art. 6) de la Convention

49    Le requérant affirme, tant en son nom qu'en sa qualité de

président directeur général d'actionnaire majoritaire et de caution

solidaire de la société anonyme, n'avoir pu obtenir la communication

de l'intégralité du dossier établi par l'administration dans la

procédure devant les juridictions administratives portant sur les

impositions supplémentaires et les pénalités mises à sa propre charge

et à celle de la société. Il invoque, à cet égard, l'article 6

paragraphe 1 (art. 6-1) de la Convention.

50    Cette disposition a la teneur suivante :

      "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

      équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable,

      par un tribunal indépendant et impartial, établi par la

      loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et

      obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute

      accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le

      jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la

      salle d'audience peut être interdit à la presse et au

      public pendant la totalité ou une partie du procès dans

      l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la

      sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque

      les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée

      des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée

      strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des

      circonstances spéciales la publicité serait de nature à

      porter atteinte aux intérêts de la justice."

a)    Applicabilité de l'article 6 (art. 6) de la Convention

51    Le Gouvernement conteste l'applicabilité, en l'espèce, de

l'article 6 (art. 6) de la Convention aux procédures administratives

dont le requérant a fait l'objet et par lesquelles des pénalités lui

ont été infligées.

52    Le Gouvernement soutient d'emblée que les litiges portant sur des

compléments d'impôts proprement dits, réclamés au requérant en raison

de ressources dont il aurait dissimulé l'existence, abstraction faite

des majorations pour mauvaise foi ou manoeuvres frauduleuses prévues

par le Code général des impôts, ne portent pas sur la détermination de

"droits et obligations de caractère civil" de l'intéressé compte tenu

du caractère spécifique du droit fiscal.  En effet, cette matière

relève de l'exercice de la puissance publique dans laquelle des aspects

de droit public prédominent largement.  Le Gouvernement rappelle à cet

égard la jurisprudence de la Commission (cf. notamment N° 8903/80,

déc. 8.7.80, D.R. 21 p. 246 et N° 9908/82, déc. 4.5.83, D.R. 32

p. 266).

53    Le Gouvernement soutient également que de tels litiges ne

s'analysent pas non plus en une "accusation en matière pénale", un

complément d'impôt n'ayant pas le caractère d'une sanction.

54    Plus délicate, pour le Gouvernement, est la question de savoir

si les majorations à titre de pénalités, mises à la charge du

contribuable en sus des compléments d'impôts, ont un caractère pénal

au sens de l'article 6 (art. 6) de la Convention.

55    Pour le Gouvernement, les majorations incriminées présentent

toutes les caractéristiques d'une sanction administrative au sens de

la jurisprudence de la Cour dans les affaires Engel et Öztürk (Cour

Eur. D.H., arrêt du 8 juin 1976, série A n° 22, et arrêt du

21 février 1984, série A n° 73).

56    Le Gouvernement estime que l'application au cas d'espèce des

critères développés dans ces arrêts ne conduit pas à infirmer la

qualification purement administrative que le droit français donne aux

pénalités fiscales. Le Gouvernement met l'accent sur la distinction

prévue par la jurisprudence du Conseil d'Etat entre les notions de

manoeuvre frauduleuse (notion fiscale) et de soustraction frauduleuse

(notion pénale). Il fait observer que la majoration en raison de

manoeuvres frauduleuses est directement proportionnelle au montant

principal des impôts supplémentaires et qu'il n'a pas été prononcé, en

l'espèce, une peine privative de liberté à l'encontre du requérant.

Le Gouvernement conclut à la non-applicabilité en l'espèce de

l'article 6 (art. 6) de la Convention.

57    Le requérant combat les thèses développées par le Gouvernement

défendeur au regard de l'applicabilité de l'article 6 (art. 6) de la

Convention.

58    Il estime qu'il y a lieu de se référer aux enseignements à tirer

des arrêts rendus dans les affaires Öztürk (arrêt précité) et Lutz

(Cour Eur. D.H., arrêt du 25 août 1987, série A n° 123), indépendamment

de la qualification donnée par le droit interne à la sanction

incriminée, pour en déterminer le caractère pénal au sens de

l'article 6 (art. 6) de la Convention.  Il conclut, dès lors, à

l'applicabilité, en l'espèce, de l'article 6 (art. 6) de la Convention.

59    En ce qui concerne les redressements des impôts dûs par le

requérant lui-même et par sa société, plus précisément les compléments

d'impôts proprement dits, la Commission rappelle sa jurisprudence selon

laquelle l'article 6 (art. 6) n'est pas applicable, en principe, au

titre de la notion "droits et obligations de caractère civil", à la

procédure de caractère fiscal, même si les mesures fiscales incriminées

ont entraîné des répercussions sur les droits patrimoniaux (cf. entre

plusieurs autres, N° 2552/65 c/ R.F.A., déc. 15.12.67, Recueil 26

p. 1 ; N° 2717/66 c/ R.F.A., déc. 6.2.69, Annuaire 13, p. 176 et plus

récemment N° 9908/82, déc. 4.5.83, D.R. 32, p. 266).

60    Pour ce qui est des "amendes fiscales" infligées au requérant et

à sa société, la Commission rappelle l'"autonomie" de la notion de

"matière pénale" telle que la conçoit l'article 6 (art. 6) (cf. Cour

Eur. D.H., arrêt Engel précité, pp. 34-35, par. 82 ; arrêt Öztürk

précité, pp. 17-18, par. 49). Si les Etats Contractants pouvaient, à

leur guise, en qualifiant une infraction de "fiscale", écarter les

garanties de l'article 6 (art. 6), l'application de ces garanties se

trouverait subordonnée à leur volonté souveraine, ce qui risquerait

d'être incompatible avec le but et l'objet de la Convention. Il y a

lieu donc de rechercher si les "sanctions fiscales" infligées au

requérant pour manoeuvres frauduleuses relèvent ou non de la "matière

pénale" (arrêt Engel précité, pp. 34-35, par. 82).

61    Il importe d'abord de rechercher si le texte définissant

l'infraction en cause ressortit ou non au droit pénal d'après la

technique juridique de l'Etat défendeur ; il y a lieu d'examiner

ensuite, eu égard à l'objet et au but de l'article 6 (art. 6), au sens

ordinaire de ses termes et au droit des Etats Contractants, la nature

de l'infraction ainsi que la nature et le degré de gravité de la

sanction que risquait de subir l'intéressé.

62    De plus, de tels critères ne sont pas cumulatifs, mais

alternatifs : pour que l'article 6 (art. 6) s'applique au titre des

mots "accusation en matière pénale", il suffit que l'infraction en

cause soit, par nature, "pénale" au regard de la Convention, ou ait

exposé l'intéressé à une sanction qui, par sa nature et son degré de

gravité, ressortit à la matière pénale (cf. Cour Eur. D.H., arrêt

Campbell et Fell du 28 juin 1984, série A n° 80, pp. 35-38,

par. 69-73 ; arrêt Lutz précité, p. 23, par. 55).

63    Or, en droit français, les faits reprochés au requérant, à savoir

les manoeuvres frauduleuses, revêtaient assurément le caractère d'une

"infraction fiscale" qui, comme telle, se doublait d'une "majoration

de l'impôt". Ces faits tombaient sous le coup de l'article 1729 du Code

général des impôts qui, comme tel, ne ressortit pas au droit pénal.

64    La Commission rappelle que les indications que fournit le droit

interne de l'Etat défendeur n'ont qu'une valeur relative. Le deuxième

des critères énoncés plus haut - la nature même de l'infraction

représente un élément d'appréciation de plus grand poids.

65    Quant à la nature de l'infraction, la Commission relève que la

disposition du Code général des impôts concernant les faits reprochés

au requérant (article 1729) se réfère en son libellé à la "fraude

fiscale". La règle en question ne s'adresse donc pas à un groupe

déterminé avec un statut particulier, mais à tous les citoyens en leur

qualité de redevable d'impôts. Elle leur prescrit un certain

comportement et assortit cette exigence d'une sanction punitive (arrêt

Öztürk précité, p. 20, par. 53).

66    Il y a lieu d'ajouter que les "majorations" infligées au

requérant au titre de cette disposition sont qualifiées de "pénalités"

dans les arrêts du Conseil d'Etat statuant sur le litige en question.

67    Le Gouvernement tire argument du fait, qu'à la différence des

sanctions en matière pénale, le montant de l'amende fiscale est

proportionnel au redressement fiscal.

68     De l'avis de la Commission, cette particularité ne peut en

principe s'opposer à ce qu'une "majoration fiscale" puisse s'analyser

en une "sanction pénale". En effet, le fait que le montant d'une

sanction pécuniaire soit déterminé en fonction du redressement fiscal

ne saurait retirer à cette sanction son caractère préventif et

répressif.

69    Aux yeux de la Commission, le degré de gravité de la sanction

infligée au requérant joue un rôle primordial en l'espèce afin de

déterminer si l'article 6 (art. 6) est applicable au titre de la notion

"accusation en matière pénale".

70    La Commission constate en effet que le montant des pénalités dues

par le requérant (en son nom et au nom de la société), s'élève à près

d'un million de francs. Il s'agit d'une lourde peine pécuniaire

susceptible de causer un grave préjudice au requérant. La Commission

relève que les pénalités infligées au requérant sont d'un montant

beaucoup plus élevé que celles qui avaient été infligées au requérant

dans l'affaire von Sydow, déclarée recevable par la Commission et ayant

fait l'objet par la suite d'un règlement amiable (No 11464/85,

déc. 12.5.87, D.R. 53, p. 85).

71    Prenant ces divers éléments en considération, la Commission est

d'avis que les sanctions dont le requérant a été frappé relevaient

bien, par leur degré de gravité, de la "matière pénale" au sens de

l'article 6 (art. 6) de la Convention.

b)    Observation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention

72    Le requérant soutient que le dossier douanier dont il aurait dû

avoir connaissance au cours de la procédure en cause contenait non

seulement l'intégralité des procès-verbaux et des documents relatifs

à l'enquête, mais également les pièces à conviction et les éléments

pertinents sur lesquels se fondaient les procès-verbaux.

73    Le requérant rappelle l'échange de courrier intervenu à l'époque

entre son avocat et la Direction nationale des enquêtes douanières et

le tribunal administratif de Strasbourg. Il rappelle également la

demande du président du tribunal administratif adressée au parquet près

l'instance pénale afin d'obtenir le dossier des douanes et le refus

opposé par le parquet. Le requérant fait observer qu'il a expressément

soulevé cette question au plan pénal devant la cour d'appel et devant

la Cour de cassation et a posé à nouveau le même problème devant les

juridictions administratives.

74    Le requérant soutient que la transmission d'une copie du dossier

complet aurait pu lui permettre de déceler des éléments à sa décharge.

Il aurait pu, par exemple, faire entendre l'informateur anonyme dont

la présence n'a été révélée que dans la procédure devant la Commission.

En tout état de cause, le requérant estime qu'il ne lui incombe pas de

démontrer que le dossier douanier contenait des éléments à sa décharge

étant donné qu'il n'a pas eu connaissance du dossier.

75    Le Gouvernement fait observer en premier lieu que le dossier

gardé par le service des douanes contenait 24 procès-verbaux dont 4 ont

été produits devant le tribunal administratif. Par ailleurs, le

requérant était en possession des exemplaires de 5 autres procès-

verbaux. Dès lors, le requérant disposait au total de 9 procès-verbaux

sur 24 au moment du contentieux fiscal incriminé.

76    Le Gouvernement affirme que parmi les 15 procès-verbaux restants,

il n'a pu trouver copie que de 9 procès-verbaux. Le contenu de

6 autres, détruits par accident sur les lieux des archives, peut être

déterminé par le biais de références contenues dans d'autres documents.

77    Le Gouvernement expose par ailleurs, qu'en droit interne, les

constatations de fait du juge pénal ont le caractère absolu de la chose

jugée. Alors que le tribunal administratif de Strasbourg, première

instance en l'espèce, ne semblait pas avoir été informé des décisions

des juridictions pénales, le Conseil d'Etat disposait des arrêts

d'appel d'ordre pénal constatant les faits de fraude.

78    Le Gouvernement soutient encore que le juge fiscal ne se livrant

à aucune appréciation personnelle et s'appropriant les constatations

du juge pénal, il suffit que les jugements pénaux aient respecté le

principe de l'égalité des armes. Il fait valoir à cet égard, qu'en

l'espèce, la première instance d'ordre pénal, le tribunal de grande

instance de Strasbourg, disposait de l'intégralité du dossier de

douane. La cour d'appel de Colmar (pénale), qui ne disposait plus de

l'ensemble du dossier, a confirmé en tous points les énonciations du

jugement pénal de première instance. La Cour de cassation a enfin

confirmé l'arrêt d'appel.

79    Le Gouvernement défendeur conclut que les jugements répressifs

dont les constatations sont dotées de l'autorité de la chose jugée qui

s'impose au juge fiscal, ont respecté les principes de l'égalité des

armes et de l'équité de la procédure dans la mesure où en l'espèce et

le tribunal administratif et le Conseil d'Etat ne se sont fondés sur

aucune pièce versée au dossier par l'administration qui n'ait été

portée à la connaissance du requérant et soumise ainsi à une discussion

contradictoire.

80    De l'avis de la Commission, la question qui se pose en l'espèce

est de savoir si, à l'occasion du contentieux qui l'a opposé à

l'administration fiscale, le requérant a été placé dans une situation

désavantageuse et ayant donc pu porter atteinte à l'équité de la

procédure, du fait de ne pas avoir disposé de l'intégralité du dossier

douanier gardé par l'administration fiscale.

81    La Commission rappelle en effet qu'"un procès ne serait pas

équitable au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention,

s'il se déroulait dans des conditions de nature à placer injustement

un accusé dans une situation désavantageuse" vis-à-vis de la partie

adverse (cf. Cour Eur. D.H., arrêt Delcourt du 17 janvier 1970, série A

n° 11, p. 18, par. 34).

82    En l'espèce, la Commission relève en premier lieu que le dossier

des douanes contenait 24 procès-verbaux et 352 pièces à conviction

(documents ou factures) sur lesquelles se fondaient ces procès-verbaux.

La Commission a été en mesure d'établir que lors de la procédure

administrative l'opposant aux services des impôts, le requérant a pu

avoir connaissance du contenu de 9 procès-verbaux : 4 procès-verbaux

ont été produits par l'administration devant le tribunal administratif

de Strasbourg, le double des 5 autres étant déjà en possession du

requérant. Il en découle que 15 procès-verbaux des 24 que contenait le

dossier douanier n'ont été soumis ni à l'examen du requérant, ni à

l'examen des juridictions compétentes.

83    La Commission constate en outre que le requérant ne disposait

pas, lors de la procédure en question, des documents (factures, reçus

etc) dont le nombre s'élevait, selon les parties, à 352.

84    Le Gouvernement soutient, il est vrai, que les constatations du

juge administratif s'appuyaient sur les éléments figurant dans les

décisions pénales, décisions revêtues du caractère de la chose jugée

et s'imposant ainsi aux juridictions administratives.

85    La Commission note d'emblée qu'elle n'a pas à se prononcer sur

la procédure pénale en tant que telle car la requête a été, sur ce

point, déclarée irrecevable pour tardiveté. Elle note au demeurant que

seul le tribunal correctionnel de Strasbourg a été en possession de

l'ensemble du dossier douanier et qu'après la transaction conclue entre

les services de douane et le requérant, celui-ci n'a plus eu accès à

ce dossier ni devant la cour d'appel de Colmar, ni devant la Cour de

cassation.

86    Pour ce qui est du contentieux fiscal, la Commission constate que

dans son arrêt le Conseil d'Etat ne s'est aucunement référé, dans ses

arrêts du 28 mai 1986, aux constatations du juge pénal.

87    Ainsi, il ressort clairement de cet arrêt que les juridictions

administratives, en infligeant au requérant des majorations fiscales

(impôts supplémentaires et amendes fiscales), ont administré les

preuves et ont jugé le litige devant eux indépendamment des conclusions

des juridictions pénales, de sorte qu'aucun lien pertinent ne saurait

être établi entre les décisions de ces derniers et le bien-fondé des

sanctions fiscales infligées au requérant.

88    Selon le Gouvernement, l'analyse des documents dont le requérant

n'a pas eu connaissance au moment du contentieux administratif ne

permettrait de déceler aucun élément favorable aux thèses défendues par

le requérant devant les juridictions administratives.

89    Le requérant soutient en revanche que la transmission de

l'intégralité du dossier aurait pu lui permettre de tirer argument,

pour sa défense, de certains éléments de preuve y figurant.

90    La Commission n'a pas à apprécier si les documents se trouvant

dans le dossier douanier peuvent être de nature à confirmer ou à

infirmer la "culpabilité" du requérant. Il suffit à la Commission de

constater que le requérant pouvait, de manière plausible, soutenir que

l'ensemble de ces documents pouvait renfermer des éléments de preuve

qu'il aurait pu utiliser à sa décharge.

91    La tâche de la Commission consiste donc à rechercher si la

procédure litigieuse revêtit le caractère équitable voulu par le

paragraphe 1 de l'article 6 (art. 6-1). Elle relève à cet égard que le

président du tribunal administratif a demandé, à deux reprises, au

procureur de la République chargé du dossier pénal, la transmission du

dossier douanier concernant le requérant. La Commission prend notamment

en considération le fait que le juge administratif a estimé qu'un

certain nombre de procès-verbaux avaient effectivement un intérêt

direct pour le litige administratif. Elle observe cependant que ces

demandes n'ont pas été satisfaites.

92    La Commission considère dès lors que le requérant n'ayant pas

disposé de l'intégralité du dossier pourtant accessible à la partie

adverse, n'a pas eu la possibilité de contester certains éléments du

dossier et surtout de se servir des éléments qui y étaient contenus

afin d'étayer sa thèse. En particulier, il n'a pas eu la possibilité

d'examiner les procès-verbaux non communiqués et les 352 documents afin

d'y déceler des éléments pouvant contredire les dépositions contenues

dans les autres procès-verbaux versés au débat par le service des

impôts.

93    Certes, la Commission ne saurait spéculer sur le résultat auquel

la procédure litigieuse aurait abouti si l'ensemble du dossier avait

été mis à la disposition du requérant. Cependant, elle estime qu'avoir

privé ce dernier de la connaissance de l'ensemble des pièces établies

en ce qui concernait sa situation fiscale l'a placé dans une situation

désavantageuse par rapport à l'administration fiscale.

      Conclusion

94    La Commission conclut, par dix voix contre deux, qu'il y a eu,

en l'espèce, violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la

Convention.

D.    Sur la violation de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1)

95    Se fondant sur les mêmes faits, le requérant allègue une atteinte

au respect de ses biens au sens de l'article 1 du Protocole (P1-1)

additionnel dans la mesure où il a été amené à verser certains montants

à l'Etat français au titre de redressements fiscaux.

96    Le premier alinéa de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1) se lit

ainsi :

      "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses

biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité

publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes

généraux du droit international."

97    Toutefois, vu les circonstances de la cause et la conclusion

figurant au paragraphe 93, la Commission ne juge pas nécessaire

d'examiner de surcroît le grief tiré de l'article 1 du Protocole N° 1

(P1-1).

      Conclusion

98    La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il ne s'impose pas de

statuer sur le grief tiré de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1).

      Récapitulation

99    La Commission conclut, par 10 voix contre 2, qu'il y a eu en

l'espèce violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention

(par. 93).

100   La Commission conclut à l'unanimité qu'il ne s'impose pas de

statuer sur le grief tiré de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1)

(par. 97)

  Le Secrétaire                        Le Président en exercice

de la Commission                          de la Commission

  (H.C. KRÜGER)                             (S. TRECHSEL)

            Partially dissenting opinion of Sir Basil Hall

      I regret that I am unable to agree with the conclusion of the

majority of the Commission that there has been a violation of

Article 6 para. 1 in this case. It does not seem to me that in a

situation in which a prosecution is instituted by or on behalf of a

Government department the person prosecuted must be given access to all

the material relating to him in the possession of the department. He

must of course be given access to material which may have relevance in

the penal proceedings. In this case it does not appear to me that the

likelihood has been established of there having been in the files of

the douane material not made available to the applicant which would

have been relevant in the penal proceedings against him.

                            A N N E X E   I

            HISTORIQUE DE LA PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

____________________________________________________________________

           Date                             Acte

____________________________________________________________________

a)    Examen de la recevabilité

      09.09.1986            Introduction de la requête

      21.11.1986            Enregistrement de la requête

      14.10.1989             Délibérations de la Commission et décision

                            de celle-ci de porter la requête à la

                            connaissance du Gouvernement défendeur et

                            de l'inviter à soumettre des observations

                            écrites sur la recevabilité et le bien-

                            fondé de la requête

      02.04.1989            Observations du Gouvernement

      28.04.1989            Observations en réponse du requérant

      13.02.1990            Décision de tenir une audience

                            contradictoire sur la recevabilité et le

                             bien-fondé de la requête

      06.07.1990            Audience sur la recevabilité et le bien-

                            fondé et décision de déclarer la requête

                            recevable.

b)    Examen du bien-fondé

      25.11.1990             Observations complémentaires du requérant

      03.05.1991            Observations complémentaires du

                            Gouvernement

      14.11.1991            Observations complémentaires du

                            Gouvernement

      18.02.1992            Observations complémentaires en réponse

                            du requérant

      03.03.1992            Observations complémentaires en réponse

                            du Gouvernement

      01.12.1992            Délibérations de la Commission sur le

                            bien-fondé et vote final

         .12.1992           Adoption du présent rapport

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Textes cités dans la décision

  1. Code général des impôts, CGI.
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CEDH, Commission (plénière), BENDENOUN c. la FRANCE, 10 décembre 1992, 12547/86