CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE GRZINČIČ c. SLOVENIE, 3 mai 2007, 26867/02

  • Recours hiérarchique·
  • Gouvernement·
  • Procédure·
  • Délai raisonnable·
  • Entrée en vigueur·
  • Retard·
  • République de slovénie·
  • Partie·
  • Voies de recours·
  • Juridiction internationale

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.revuegeneraledudroit.eu · 25 avril 2013

CINQUIÈME SECTION AFFAIRE CANALI c. FRANCE (Requête no 40119/09) ARRÊT STRASBOURG 25 avril 2013 DÉFINITIF 25/07/2013 Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. En l'affaire Canali c. France, La Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de : Mark Villiger, président, Angelika Nußberger, Boštjan M. Zupančič, Ann Power-Forde, André Potocki, Paul Lemmens, Helena Jäderblom, juges, et de Claudia Westerdiek, greffière de …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 3 mai 2007, n° 26867/02
Numéro(s) : 26867/02
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Andrasik et autres c. Slovaquie (déc.), nos. 57984/00, 60226/00, 60237/00, 60242/00, 60679/00, 60680/00 et 68563/01, CEDH 2002-IX
Baumann c. France, n° 33592/96, § 47, 22 mai 2001
Belinger c. Slovénie (déc.), n° 42320/98, 2 octobre 2001
Broniowski c. Pologne [GC], n° 31443/96, § 191, CEDH 2004-V
Brusco c. Italie (déc.), n° 69789/01, CEDH 2001-IX
Van Oosterwijck c. Belgique, arrêt du 6 novembre 1980, série A n° 40, pp. 18-19, § 37
Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII
Giacometti et autres c. Italie (déc.), n° 34939/97, CEDH 2001-XII
Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, § 81 et § 156, CEDH 2000-XI
Lukenda c. Slovénie, n° 23032/02, §§ 42, 93 et 95, 6 octobre 2005
Michalak c. Pologne (déc.), n° 24549/03, 1 mars 2005
Nogolica c. Croatie (déc.), n° 77784/01, CEDH 2002-VIII
Scordino c. Italie (n° 1) [GC], n° 36813/97, §§ 182-189, 190-192 et 208, CEDH 2006
Selmouni c. France [GC], n° 25803/94, § 74, CEDH 1999-V
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention
Identifiant HUDOC : 001-80458
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2007:0503JUD002686702
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE GRZINČIČ c. SLOVÉNIE

(Requête no 26867/02)

ARRÊT

(Extraits)

STRASBOURG

3 mai 2007

DÉFINITIF

03/08/2007

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Grzinčič c. Slovénie,

La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Corneliu Bîrsan, président,
Boštjan M. Zupančič,
Elisabet Fura-Sandström,
Alvina Gyulumyan,
Egbert Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Isabelle Berro-Lefèvre, juges,
et de Stanley Naismith, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 avril 2007,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 26867/02) dirigée contre la République de Slovénie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Bostjan Grzinčič (« le requérant »), a saisi la Cour le 1er juillet 2002 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant a été représenté par Me M. Nosan, avocate à Celje. Le gouvernement slovène (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. L. Bembič, procureur général de Slovénie.

3.  Le 9 juin 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le lui permet l'article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé d'en examiner conjointement la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

4.  Le requérant est né en 1967 et réside à Celje.

A.  La genèse de l'affaire

5.  Le 15 septembre 1995, le requérant fut placé en garde à vue pour « extorsion et chantage » et « mise en danger du public ».

6.  Le 17 septembre 1995, il fut traduit devant un juge d'instruction du tribunal de district de Celje (Okrožno sodišče v Celju), qui ouvrit une instruction judiciaire contre lui et le plaça en détention provisoire.

7.  Pendant l'instruction, on put lire dans plusieurs articles de journaux que le requérant avait commis un certain nombre d'infractions.

8.  Les charges pesant contre lui furent abandonnées le 2 octobre 1995 faute de preuves, et il fut libéré le jour même.

9.  A une date non précisée, en vertu de la loi sur la procédure pénale, le requérant introduisit auprès du ministère de la Justice une demande en dommages-intérêts pour le préjudice qu'il estimait avoir subi. Le 30 octobre 1996, le ministère proposa de lui verser 75 000 tolars slovènes (SIT), soit environ 310 euros (EUR). Le requérant n'accepta pas.

B.  L'action en responsabilité pour détention injustifiée

10.  Le 16 octobre 1996, le requérant assigna le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur en dommages-intérêts devant le tribunal de district de Celje. Il demandait 4 000 000 SIT (soit environ 16 500 EUR) pour dommage moral ainsi que l'exemption des frais de justice.

11.  Le 2 février 1999, le tribunal tint audience.

12.  Le 6 juillet 2000, le requérant fut arrêté pour trafic de drogue. Il resta en détention provisoire jusqu'au 26 septembre 2000, date à laquelle le tribunal de district de Celje le reconnut coupable des charges retenues contre lui.

13.  Une audience prévue pour le 28 septembre 2000 dans le cadre de la procédure civile en dommages-intérêts dut être reportée en raison de la détention du requérant. Elle eut finalement lieu le 5 décembre 2000.

14.  Le 10 avril 2001, dans le cadre de la procédure pénale, la cour d'appel de Celje (Višje sodišče v Celju) fit droit à l'appel interjeté par le requérant contre le jugement de première instance et renvoya l'affaire pour réexamen. Le 9 octobre 2001, le requérant fut acquitté. Sur appel du parquet, la cour d'appel de Celje confirma ce jugement le 9 avril 2002.

15.  En 2000 et 2001, le requérant avait également été accusé de trafic de drogue dans le cadre de deux autres procédures pénales. Ces accusations furent levées, le parquet ayant abandonné les poursuites.

16.  Le 10 juin 2002, le requérant communiqua ses conclusions écrites dans le cadre de la procédure civile qu'il avait intentée le 16 octobre 1996 devant le tribunal de district de Celje, et revit à la hausse le montant de l'indemnisation qu'il demandait.

17.  Le tribunal tint audience le 15 octobre 2002. Le requérant ne se présenta pas.

18.  Le 15 novembre 2002, à l'issue d'une autre audience, le tribunal de district de Celje rendit un jugement par lequel il octroyait au requérant 1 500 000 SIT (environ 6 250 EUR). Les deux parties interjetèrent appel.

19.  Le 11 novembre 2004, la cour d'appel de Celje fit droit à l'appel du défendeur et ramena le montant de l'indemnité à 1 200 000 SIT (environ 5 000 EUR). Cette décision devint définitive.

C.  La procédure pénale

20.  Le 2 juillet 1999, le parquet de Krško demanda au tribunal de district de Krško (Okrožno sodišče v Krškem) d'ouvrir une enquête pénale contre le requérant et deux autres individus pour trafic de drogue.

21.  Selon le Gouvernement, le requérant ne se mit pas à la disposition des autorités de poursuite pendant l'enquête, alors qu'il avait assuré à la police au cours d'une conversation téléphonique qu'il se présenterait aux interrogatoires ; il n'accusa pas réception de la convocation, de sorte qu'une notification substitutive dut lui être signifiée le 28 juillet 1999 ; et le juge d'instruction rendit en vain deux ordonnances le convoquant au tribunal.

22.  Le 4 novembre 1999, le parquet de Krško inculpa le requérant et deux autres individus et les déféra devant le tribunal de district de Krško, accusant le requérant de trafic de drogue.

23.  Le 30 septembre 1999, le tribunal avait ordonné l'arrestation du requérant et émis un mandat d'arrêt.

24.  Lors d'une audience tenue le 11 novembre 1999, la procédure du requérant fut disjointe de celle de ses coaccusés et transférée au tribunal de district de Celje. Cependant, elle fut ultérieurement retransférée au tribunal de district de Krško, et la procédure à l'encontre des deux autres individus fut à nouveau jointe.

25.  Le 6 juillet 2000, le requérant fut arrêté et placé en garde à vue.

26.  Le tribunal tint audience les 12 juillet, 6 septembre, 18 octobre, 15 novembre et 7 décembre 2000.

27.  Par un jugement du 8 décembre 2000, le tribunal reconnut le requérant coupable, le condamna à quatre ans d'emprisonnement et ordonna son maintien en détention jusqu'au début de l'exécution de sa peine.

28.  Le requérant contesta ce jugement devant la cour d'appel de Ljubljana (Višje sodišče v Ljubljani). La cour fit droit à l'appel le 11 avril 2001 et renvoya l'affaire à la juridiction de première instance pour réexamen. Elle ordonna également la libération du requérant.

29.  Une audience fut prévue pour le 1er septembre 2003, mais repoussée à une date ultérieure, la citation à comparaître n'ayant pu être remise à l'un des accusés. Les audiences prévues pour les 15 avril et 26 mai 2005 furent également reportées.

30.  Le tribunal tint audience les 17 juin, 8 septembre et 27 septembre 2005.

31.  Une autre audience prévue pour le 27 octobre 2005 fut ajournée, deux accusés ne s'étant pas présentés. De nouvelles audiences eurent lieu les 8 décembre 2005 et 24 janvier 2006.

32.  A l'issue d'une audience tenue le 9 mars 2006, le tribunal rendit un jugement par lequel il acquitta les trois accusés.

33.  Le parquet fit appel.

34.  La procédure est encore pendante devant la cour d'appel de Ljubljana.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

A.  La Constitution de 1991

35.  Les dispositions ci-après de la Constitution de 1991 de la République de Slovénie (Ustava Republike Slovenije, Journal officiel no 33/91) sont pertinentes en l'espèce :

Article 23

« Toute personne a droit à ce qu'un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, se prononce sans délai injustifié sur ses droits et obligations ainsi que sur les accusations portées contre elle (...) »

Article 26

« Toute personne a droit à la réparation du préjudice causé par les agissements illégaux commis par un individu ou un organe dans l'exercice de ses fonctions ou de ses activités au service de l'Etat ou d'une autorité locale, ou en tant que détenteur d'une fonction publique. (...) »

Article 160

« La Cour constitutionnelle juge :

(...) des recours constitutionnels dans lesquels il est allégué que des actes spécifiques ont violé des droits de l'homme ou des libertés fondamentales ;

(...)

Sauf disposition contraire de la loi, la Cour constitutionnelle ne se prononce sur un recours constitutionnel qu'après épuisement des voies de recours. Elle décide si un recours est recevable sur la base des critères et procédures définis par la loi. »

B.  Le projet Lukenda

36.  A la suite de l'arrêt Lukenda c. Slovénie rendu le 6 octobre 2005 (no 23032/02, CEDH 2005‑X) et de la décision no U-I-65/05 de la Cour constitutionnelle (22 septembre 2005), imposant l'un et l'autre à l'Etat slovène de mettre en place les conditions voulues pour pouvoir s'acquitter de son obligation de garantir le droit à un procès dans un délai raisonnable, le gouvernement slovène a adopté, le 12 décembre 2005, un projet public commun sur l'élimination des retards judiciaires appelé « projet Lukenda ». Ce projet a pour but de combler les retards accusés par les tribunaux et les parquets slovènes d'ici la fin de l'année 2010, grâce à une réforme de la structure et de la gestion du système judiciaire.

37.  L'élaboration de la loi sur la protection du droit à un procès sans retard injustifié s'inscrit dans le cadre du projet Lukenda.

C.  La loi sur la protection du droit à un procès sans retard injustifié

38.  La loi sur la protection du droit à un procès sans retard injustifié (Zakon o varstvu pravice do sojenja brez nepotrebnega odlašanja, Journal officiel no 49/2006 – la « loi de 2006 ») est entrée en vigueur le 1er janvier 2007. En ses articles 1 et 2, elle garantit aux parties à des procédures judiciaires, aux participants visés par la loi sur les procédures non contentieuses et aux parties lésées dans une procédure pénale le droit à un procès sans retard injustifié.

39.  L'article 3 prévoit deux voies de droit permettant l'accélération d'une procédure pendante, le recours hiérarchique (nadzorstvena pritožba) et la demande de fixation d'un délai (rokovni predlog) et, en dernier lieu, la possibilité de déposer une demande de satisfaction équitable pour dommage causé par un retard injustifié (zahteva za pravično zadoščenje).

40.  L'article 4 définit les critères dont les autorités internes doivent tenir compte lorsqu'elles examinent les griefs qui leur sont soumis :

Article 4 – Critères de décision

« Dans la décision rendue sur les recours juridiques disponibles en vertu de la présente loi, il est tenu compte des circonstances de l'espèce, à savoir : la complexité de l'affaire en fait comme en droit ; les actions des parties à la procédure, notamment en ce qui concerne l'exercice des droits procéduraux et l'accomplissement des obligations propres à la procédure ; le respect des règles relatives à l'ordre de résolution des affaires ou des délais impartis par la loi pour fixer les dates des audiences préliminaires ou rendre des décisions de justice ; la manière dont l'affaire a été examinée avant l'introduction du recours hiérarchique ou de la demande de fixation d'un délai ; la nature et le type de l'affaire et son importance pour les parties. »

41.  Le recours hiérarchique est régi par les articles 5 et 6, qui énoncent :

Article 5 – Recours hiérarchique

« 1.   Si une partie considère que le tribunal ne rend pas sa décision dans un délai raisonnable, elle peut introduire par voie écrite auprès du tribunal saisi de son affaire un recours hiérarchique sur lequel statuera le (...) président du tribunal ( « le président du tribunal »).

(...)

Article 6 – Décisions sur les recours hiérarchiques

« 1.   Si le recours hiérarchique est manifestement dépourvu de fondement compte tenu de la chronologie de l'affaire sur laquelle il porte, le président du tribunal le rejette.

2.   Si le recours hiérarchique ne comporte pas tous les éléments nécessaires mentionnés à l'article 5 § 2 de la présente loi, le président du tribunal le rejette par un arrêt qui est lui-même insusceptible de recours.

3.   S'il ne rend pas un arrêt visé par les paragraphes 1 ou 2 du présent article, le président du tribunal, dans l'exercice de la compétence de gestion du tribunal que lui confère la loi régissant le système judiciaire, demande immédiatement au juge ou au président de la formation (« le juge ») chargé de l'affaire de lui indiquer les raisons de la durée de la procédure dans un rapport à remettre au plus tard quinze jours après réception de cette demande ou obtention du dossier, si celui-ci est nécessaire pour l'établissement du rapport. Ce rapport comprend une déclaration relativement aux critères énoncés à l'article 4 de la présente loi ainsi qu'une estimation du délai dans lequel l'affaire peut être résolue. Le président du tribunal peut également demander au juge de lui communiquer le dossier s'il estime que, compte tenu des allégations que la partie auteur du recours a formulées, il est nécessaire de l'examiner.

4.   Si le juge avise par écrit le président du tribunal que tous les actes de procédure pertinents seront accomplis ou qu'une décision sera rendue dans un délai n'excédant pas quatre mois à compter de la réception du recours hiérarchique, le président du tribunal en informe la partie concernée et met ainsi fin à l'examen du recours hiérarchique.

5.   Si le président du tribunal établit qu'au vu des critères énoncés à l'article 4 de la présente loi, il n'est pas injustifié que le tribunal n'ait pas encore rendu sa décision dans l'affaire en question, il rejette le recours.

6.   Si le président du tribunal n'a pas informé la partie concernée comme le prévoit le paragraphe 4 du présent article et si, au vu des critères énoncés à l'article 4 de la présente loi, il établit qu'il n'est pas justifié que le tribunal n'ait pas encore rendu sa décision dans l'affaire en question, il rend une décision par laquelle il fixe un délai pour l'accomplissement de certains actes de procédure selon l'état et la nature de l'affaire. Il peut également ordonner que l'affaire soit tranchée par priorité en raison des circonstances de l'espèce, en particulier en cas d'urgence. S'il ordonne au juge d'accomplir les actes de procédure voulus, il fixe également à cet effet un délai de quinze jours au moins et six mois au plus, ainsi qu'un délai approprié dans lequel le juge devra rendre compte des actes accomplis.

7.   Si le président du tribunal établit que le retard injustifié pris dans l'affaire peut être attribué à une charge de travail excessive ou à l'absence prolongée du juge, il peut dessaisir le juge de l'affaire pour la confier à un autre juge. Il peut également proposer qu'un juge supplémentaire soit affecté au tribunal ou ordonner d'autres mesures conformément à la loi régissant les services judiciaires.

8.  ) Dans le cadre du calendrier annuel des affectations, un juge peut être nommé pour remplacer ou assister le président du tribunal dans l'exercice de ses fonctions de gestion du tribunal pour la prise de décisions en matière de recours hiérarchiques. »

42.  Les articles 8, 9 et 11 définissent la demande de fixation d'un délai et prévoient les mesures pouvant être appliquées par le tribunal auquel la demande est présentée. En leurs passages pertinents, ils énoncent ce qui suit :

Article 8 – Demande de fixation d'un délai

« 1.   Si, en vertu des paragraphes 1 ou 5 de l'article 6 de la présente loi, le président du tribunal rejette le recours hiérarchique, ne répond pas à la partie concernée dans les deux mois ou ne communique pas l'avis prévu à l'article 6 § 4 de la présente loi dans le délai prescrit, ou si les actes de procédure voulus n'ont pas été accomplis dans les délais fixés dans l'avis ou la décision du président du tribunal, la partie concernée peut déposer une demande de fixation d'un délai en vertu de l'article 5 § 1 de la présente loi auprès du tribunal saisi de son affaire.

(...)

3.   La partie concernée peut introduire une demande de fixation d'un délai dans les quinze jours à compter de la réception de la décision ou de l'expiration des délais visés au paragraphe 1 du présent article. »

Article 9 – Compétence décisionnelle

« 1.   Le président de la cour d'appel du ressort de laquelle relèvent le tribunal local, le tribunal de district ou une autre juridiction de première instance est compétent pour statuer sur la demande de fixation d'un délai concernant les affaires examinées par eux.

(...) »

Article 11 – Décision relative à la demande de fixation d'un délai

« 1.  Si la demande de fixation d'un délai est manifestement dépourvue de fondement compte tenu de la chronologie de l'affaire et des actions de la partie concernée, le président de la cour la rejette.

(...)

4.  Si le président de la cour établit qu'au vu des critères énoncés à l'article 4 de la présente loi, il est injustifié que le tribunal n'ait pas encore rendu sa décision dans cette affaire, il prend une décision par laquelle il ordonne au juge d'accomplir les actes de procédure voulus et fixe à cet effet un délai de quinze jours au moins et quatre mois au plus, ainsi qu'un délai approprié dans lequel le juge devra rendre compte des actes accomplis. Selon les circonstances de l'espèce, et en particulier en cas d'urgence, le président de la cour peut également ordonner que l'affaire soit examinée par priorité et proposer au président du tribunal visé à l'article 5 § 1 de la présente loi la mise en œuvre des mesures prévues à l'article 6 § 7 de la présente loi.

5.   Le président de la cour se prononce sur la demande de fixation d'un délai de quinze jours à compter de la réception de la demande. »

43.  L'article 14 régit la compétence du ministère de la Justice dans les affaires pour lesquelles c'est lui, et non la juridiction compétente, qui est saisi d'un recours hiérarchique :

Article 14 – Compétence du ministère de la Justice

« 1.   Si le recours hiérarchique est introduit auprès du ministère chargé de la justice ( « le ministère »), le ministre (...) chargé de la justice (« le ministre ») le transmet au président de la juridiction compétente afin qu'il statue sur ce recours conformément à la présente loi, et lui demande de le tenir informé de ses conclusions et de sa décision.

(...) »

44.  En vertu de l'article 15, il peut être octroyé une satisfaction équitable sous la forme du versement d'une réparation pécuniaire, d'une déclaration écrite du parquet national ou de la publication d'un jugement :

Article 15 – Satisfaction équitable

« 1.   S'il est fait droit au recours hiérarchique introduit par une partie ou si une demande de fixation de délai a été déposée, la partie concernée peut demander une satisfaction équitable en vertu de la présente loi.

2.   La satisfaction équitable peut prendre la forme :

i. du versement d'une réparation pécuniaire pour le dommage causé par la violation du droit à un procès sans retard injustifié ;

ii. d'une déclaration écrite du parquet national mentionnant que le droit de la partie concernée à un procès sans retard injustifié a été violé ;

iii. de la publication d'un jugement mentionnant que le droit de la partie concernée à un procès sans retard injustifié a été violé. »

45.  L'article 16 prévoit la possibilité d'octroyer une réparation pécuniaire, dont il fixe le montant maximal :

Article 16 – Réparation pécuniaire

« 1.   Une réparation pécuniaire peut être versée pour le dommage moral causé par une violation du droit à un procès sans retard injustifié. Tout dommage causé engage la responsabilité objective de la République de Slovénie.

2.   Une réparation pécuniaire de 300 à 5 000 euros par affaire peut être octroyée pour les affaires ayant donné lieu à une décision définitive.

3.   Pour fixer le montant de la réparation, compte est tenu des critères énoncés à l'article 4 de la présente loi, notamment la complexité de l'affaire, les actions de l'Etat, les actions de la partie concernée et l'importance de l'affaire pour celle-ci. »

46. Les articles 19, 20 et 21 régissent les procédures de satisfaction équitable et les procédures relatives au préjudice matériel :

Article 19 – Procédure devant le parquet national

« 1.   Sous réserve de la condition posée à l'article 15 § 1 de la présente loi, les procédures ayant pour objet une demande de satisfaction équitable sont engagées par une partie par la voie d'une demande de règlement déposée auprès du parquet national en vue d'un accord quant au type ou au montant de la satisfaction équitable. La partie concernée peut introduire pareille demande dans les neuf mois suivant la résolution définitive de l'affaire. Le parquet national statue sur la demande de la partie concernée dans un délai de trois mois s'il établit que la demande est fondée. Jusqu'à l'expiration du délai susmentionné, la partie concernée ne peut solliciter aucune réparation pécuniaire à titre de satisfaction équitable en engageant une action devant la juridiction compétente.

2.   Si le parquet national parvient avec la partie concernée à l'accord envisagé au paragraphe 1 du présent article, il conclut avec lui un accord de règlement amiable. »

Article 20 – Procédure judiciaire

« 1.   Si aucun accord n'est obtenu en vertu de l'article 19 de la présente loi à l'issue de la demande de règlement, ou si le parquet national et la partie concernée ne parviennent pas à un accord dans les trois mois suivant la date de dépôt de la demande, la partie concernée peut intenter une action en dommages-intérêts.

2.   La partie concernée peut assigner la République de Slovénie en dommages-intérêts dans les dix-huit mois suivant la résolution définitive de son affaire.

(...) »

Article 21 - Action pour préjudice matériel

« 1.   Une action en réparation du préjudice matériel causé par une violation du droit à un procès sans retard injustifié peut être intentée par la partie concernée dans les dix-huit mois suivant la décision de justice définitive sur son affaire conformément aux dispositions du code des obligations relatives au préjudice matériel.

(...) »

47.  Les articles 22 et 23 régissent le versement d'une réparation :.

Article 22 – Versement d'une réparation pécuniaire

« 1.   Le parquet national verse la réparation pécuniaire prévue dans l'accord de règlement mentionné à l'article 19 § 2 de la présente loi et rembourse à la partie concernée tous les frais qu'elle a dûment exposés en vue du règlement.

2.   Le parquet national verse une réparation pécuniaire et rembourse les frais de procédure exposés par la partie concernée sur la base d'une décision de justice définitive ayant établi, conformément aux articles 20 ou 21 de la présente loi, que le droit à un procès sans retard injustifié a été violé dans la procédure litigieuse. »

Article 23 – Affectation de crédits

« Des crédits (...) sont réservés à cet effet au budget de la République de Slovénie dans le cadre du plan financier du parquet national »

48.  L'article 25 prévoit les dispositions transitoires ci-après pour les requêtes déjà pendantes devant la Cour :

Article 25 – Satisfaction équitable pour les dommages subis avant l'entrée en vigueur de la présente loi

« 1.   Dans les affaires où une violation du droit à un procès sans retard injustifié a déjà cessé et où la partie concernée a introduit une demande de satisfaction équitable auprès de la juridiction internationale avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le parquet national propose à la partie concernée un accord sur le montant de la satisfaction équitable dans les quatre mois suivant la date de réception de l'affaire communiquée par la juridiction internationale en vue d'un règlement. La partie concernée doit communiquer une proposition de règlement au parquet national dans les deux mois suivant la date de réception de cette proposition. Le parquet national se prononce sur la proposition dès que possible et au plus tard dans un délai de quatre mois. (...)

2.   Si la proposition de règlement visée au paragraphe 1 du présent article n'est pas acceptée ou si le parquet national et la partie concernée ne parviennent pas à un accord dans les quatre mois suivant la date à laquelle la partie a remis sa proposition, la partie peut intenter une action devant la juridiction compétente en vertu de la présente loi, dans les six mois suivant la réception de la réponse par laquelle le parquet national refuse sa proposition visée au paragraphe précédent ou l'expiration du délai imparti au parquet national au paragraphe précédent pour décider de conclure l'accord de règlement. Quels que soient le type ou le montant de la demande, les procédures judiciaires à ce titre relèvent des dispositions de la loi sur la procédure civile pour les petits litiges. »

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 § 1 ET 13 DE LA CONVENTION

49.  Le requérant estime excessive la durée de la procédure civile entamée le 16 octobre 1996 et ayant pris fin le 11 novembre 2004 avec la décision de la cour d'appel de Celje. Il allègue en outre que la procédure pénale, qui est actuellement pendante devant la cour d'appel de Ljubljana, est d'une durée injustifiée. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) »

50.  En substance, le requérant allègue également que les recours disponibles pour durée excessive des procédures judiciaires en Slovénie sont ineffectifs. Il invoque l'article 13 de la Convention, aux termes duquel :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »

A.  Sur la recevabilité des griefs relatifs à la procédure civile

1.  Thèses des parties

51.  Citant l'arrêt Selmouni c. France ([GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999-V), le Gouvernement objecte que les voies de recours internes n'ont pas été épuisées en ce qui concerne les griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 de la Convention, et soutient que le requérant ne s'est pas prévalu des recours effectifs dont il disposait pour accélérer la procédure judiciaire et/ou pour demander une indemnisation.

52.  Le Gouvernement ajoute que la Constitution garantit en son article 23 le droit à un procès dans un délai raisonnable et en son article 26 le droit d'être indemnisé du préjudice subi en raison des agissements illégaux d'une personne exerçant une fonction ou une activité au nom de l'Etat.

53.  Le Gouvernement souligne qu'à la suite de l'arrêt Lukenda c. Slovénie (précité) et de la décision de la Cour constitutionnelle en date du 22 septembre 2005, où il avait été conclu dans un cas comme dans l'autre qu'il n'y avait pas en Slovénie de recours effectifs garantissant un procès dans un délai raisonnable, la loi sur la protection du droit à un procès sans retard injustifié (la « loi de 2006 ») a été adoptée en avril 2006 et est appliquée depuis le 1er janvier 2007. Cette loi offrirait assurément aujourd'hui des recours juridiques effectifs en Slovénie, et le ministère de la Justice aurait commencé à élaborer un programme complet d'épongement des retards judiciaires.

54.  De toute façon, avant que la loi de 2006 n'entre en vigueur, le requérant aurait eu la possibilité d'introduire une demande de règlement préliminaire d'un différend en vertu de l'article 14 de la loi sur le ministère public. Il aurait pu, pendant la procédure, saisir les juridictions administratives et/ou introduire un recours hiérarchique en vertu de l'article 72 de la loi de 1994 sur l'organisation judiciaire alors en vigueur ; si la procédure avait pris fin, ce qui aurait impliqué que sa durée excessive n'aurait plus pu être rectifiée ou que la violation aurait déjà cessé, le requérant aurait pu intenter une action en dommages-intérêts en vertu des dispositions générales du code des obligations. Il aurait également eu la possibilité d'introduire un recours constitutionnel sur le fondement de l'article 160 de la Constitution. L'ensemble de ces recours aurait constitué un recours effectif disponible avant même l'entrée en vigueur de la loi de 2006.

55.  Soutenant qu'ainsi le requérant ne s'est pas prévalu des recours juridiques internes de manière à satisfaire à l'obligation d'épuisement des voies de recours internes, le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête pour irrecevabilité.

56.  Le requérant n'a formulé aucune observation en réponse à celles du Gouvernement.

2.  Appréciation de la Cour

a)  Observations générales

57.  La Cour observe d'emblée que la nouvelle législation, à savoir la loi de 2006, a été mise en place en Slovénie dans l'intention de garantir le droit à un procès dans un délai raisonnable au niveau interne. Cette loi est appliquée depuis le 1er janvier 2007.

58.  Depuis que la loi de 2006 est entrée en vigueur, les plaignants disposent de différentes voies de droit selon le stade de la procédure litigieuse pour demander réparation de la violation de leur droit à un procès suffisamment rapide.

59.  La Cour relève qu'environ 1 700 affaires contre la Slovénie concernant des durées de procédure sont actuellement en instance devant elle. Un certain nombre d'entre elles ont déjà été communiquées au gouvernement slovène, mais la plupart n'ont pas encore fait l'objet d'un premier examen par la Cour.

60.  La Cour note également que la procédure civile en l'espèce a pris fin le 11 novembre 2004 et que la présente requête a été communiquée au Gouvernement slovène le 9 juin 2006, ces deux dates étant antérieures au 1er janvier 2007, date à laquelle la loi de 2006 est entrée en vigueur.

b)  Affaires relatives aux procédures ayant pris fin avant l'entrée en vigueur de la loi de 2006

61.  Concernant l'argument du Gouvernement selon lequel le requérant aurait dû se prévaloir des recours que lui offrait la loi de 2006 pour cette procédure, la Cour note que l'article 25 de la loi de 2006 mentionne expressément les procédures portées devant les juridictions internationales. Il pose cependant un certain nombre de conditions à respecter pour que le recours correspondant puisse être utilisé.

62.  L'article 25 prévoit que dans les cas où, premièrement, une violation du droit à un procès sans retard injustifié a déjà cessé et, deuxièmement, la partie concernée a déposé une demande de satisfaction équitable devant la juridiction internationale avant l'entrée en vigueur de la loi de 2006, le parquet national doit proposer à la partie concernée un accord de règlement sur la satisfaction équitable dans les quatre mois suivant la date de réception de la communication de l'affaire par la juridiction internationale aux fins de la procédure de règlement. La partie concernée doit répondre à la proposition du procureur général dans les deux mois, et si aucun accord de règlement n'intervient, elle peut, dans un délai de quatre mois à compter de sa réponse au procureur ou dans un délai de six mois après avoir reçu une réponse négative de celui-ci, entamer une procédure judiciaire en indemnisation.

c)  Application aux griefs du requérant relatifs à la procédure civile communiqués au gouvernement slovène avant le 1er janvier 2007

63.  La Cour observe, premièrement, que l'interprétation de l'expression « la violation du droit à un procès sans retard injustifié a déjà cessé » figurant dans les observations du Gouvernement et dans la loi slovène en général implique qu'un plaignant ne peut plus demander réparation d'une violation de son droit à une procédure suffisamment rapide si l'examen de son affaire est terminé, la durée excessive ne pouvant alors plus être rectifiée (paragraphe 54 ci-dessus). Compte tenu du sens habituel de cette notion en droit slovène, il est clair que la procédure civile en question, qui a pris fin le 11 novembre 2004, entre dans cette catégorie.

64.  Deuxièmement, le requérant a également introduit une demande de satisfaction équitable auprès de la Cour de Strasbourg avant le 1er janvier 2007.

65.  Or l'article 25 de la loi de 2006 prévoit que la procédure de règlement pour ce type d'affaires doit commencer dans les quatre mois suivant la communication de l'affaire au gouvernement défendeur.

66.  La Cour relève que la présente requête a été communiquée au gouvernement slovène le 9 juin 2006, soit plus de six mois avant l'entrée en vigueur de la loi de 2006, et que les délais impartis pour parvenir à un règlement amiable avec le procureur général dans le cadre de la procédure interne prévue à l'article 25 ont déjà expiré. Il n'existe aucune autre disposition qui permettrait de présumer que la loi de 2006 s'applique rétroactivement aux affaires communiquées antérieurement à elle et portant sur des procédures terminées. Les parties ont également eu la possibilité de conclure un règlement amiable dans le cadre de la procédure devant la Cour mais ne l'ont pas fait. La Cour estime en conséquence que le recours offert par l'article 25 ne peut être considéré comme effectif en ce qui concerne la procédure civile en question, qui est terminée.

67.  Pour ce qui est des requêtes communiquées au gouvernement slovène avant le 1er janvier 2007 relativement à des procédures terminées, la Cour conclut donc que le Gouvernement n'a pas avancé d'arguments convaincants qui imposeraient qu'elle s'écarte de sa jurisprudence constante.

68.  La Cour observe que cette partie de la requête est semblable aux affaires Belinger et Lukenda (Belinger c. Slovénie (déc.), no 42320/98, 2 octobre 2001, et Lukenda, précité), qu'elle a examinées avant l'entrée en vigueur de la loi de 2006. Dans ces affaires, elle a rejeté l'exception du de non-épuisement des voies de recours internes formulée par le Gouvernement, jugeant que les recours juridiques dont disposait le requérant étaient ineffectifs.

69.  La Cour note par ailleurs que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et qu'ils ne sont pas non plus irrecevables pour d'autres motifs. Il y a donc lieu de les déclarer recevables.

(...)

C.  Sur la recevabilité du grief relatif à la procédure pénale

1.  Thèses des parties

77.  Le Gouvernement soutient que dans le système slovène de recours juridiques pour des affaires de durée de procédure, il était possible, aussi bien avant qu'après l'entrée en vigueur de la loi de 2006, non seulement d'accélérer la procédure mais encore de réparer le préjudice éventuellement subi (paragraphes 51 à 55 ci-dessus).

78.  Le requérant n'a formulé aucune observation en réponse à celles du Gouvernement.

2.  Appréciation de la Cour

a)  Observations générales

79.  La Cour relève que la procédure pénale en l'espèce est encore pendante devant la cour d'appel de Ljubljana.

80. Elle observe que depuis le 1er janvier 2007, date d'entrée en vigueur de la loi de 2006, le requérant a le droit de demander l'accélération de la procédure : les parties peuvent demander l'accélération des procédures pendantes en première ou en deuxième instance en vertu des articles 3, 5 et 8 de la loi de 2006 au moyen d'un recours hiérarchique ou d'une demande de fixation de délai. Cette dernière constitue en substance un appel en cas d'insuccès du recours hiérarchique sous certaines conditions. De plus, la partie concernée peut aussi en dernier lieu obtenir une réparation au moyen d'un recours indemnitaire consistant à demander l'octroi d'une satisfaction équitable en vertu de l'article 15 de la loi.

81.  Le requérant pouvant se prévaloir des recours offerts par la loi de 2006, la question qui se pose est donc celle de savoir s'il doit être tenu de le faire aux fins de l'article 35 § 1 de la Convention.

Principes généraux établis dans la jurisprudence de la Cour

82.  La Cour rappelle que, en vertu de l'article 1 de la Convention (qui dispose : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la (...) Convention »), ce sont les autorités nationales qui sont responsables au premier chef de la mise en œuvre et de la sanction des droits et libertés garantis. Le mécanisme de plainte devant la Cour revêt donc un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de sauvegarde des droits de l'homme. Cette subsidiarité s'exprime dans les articles 13 et 35 § 1 de la Convention.

83.  La finalité de l'article 35 § 1, qui énonce la règle de l'épuisement des voies de recours internes, est de ménager aux Etats contractants l'occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que la Cour n'en soit saisie (voir, parmi beaucoup d'autres arrêts, Selmouni, précité, § 74; Kudła, précité, § 81 ; et Lukenda, précité, § 42). La règle de l'article 35 § 1 se fonde sur l'hypothèse, incorporée dans l'article 13 (avec lequel elle présente d'étroites affinités), que l'ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée (ibidem).

84.  De plus, selon les « principes de droit international généralement reconnus », certaines circonstances particulières peuvent dispenser le requérant de l'obligation d'épuiser les recours internes qui s'offrent à lui (Selmouni, précité, § 75). Cependant, la Cour souligne que le simple fait de nourrir des doutes quant aux perspectives de succès d'un recours donné qui n'est pas de toute évidence voué à l'échec ne constitue pas une raison valable pour justifier la non-utilisation de recours internes (Akdivar et autres, précité, p. 1212, § 71 ; Van Oosterwijck c. Belgique, arrêt du 6 novembre 1980, série A no 40, pp. 18-19, § 37 ; et Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01, CEDH 2001-IX).

b)  Appréciation des dispositions de la loi de 2006 relatives aux procédures pendantes en première ou deuxième instance

85.  Il est à noter d'emblée qu'en vertu de l'article 2 de la loi de 2006, les nouveaux recours disponibles en Slovénie depuis le 1er janvier 2007 peuvent être utilisés par les parties à des procédures judiciaires, les participants à des procédures non contentieuses et les parties lésées dans une procédure pénale.

86.  En ce qui concerne les procédures pendantes en première ou deuxième instance, la possibilité d'introduire un recours hiérarchique et une demande de fixation de délai en vertu des articles 5 et 8 de la loi de 2006 permet, premièrement, au président du tribunal d'examiner l'affaire et, deuxièmement, au président de l'instance d'appel d'examiner les griefs relatifs à la durée excessive d'une procédure et de prendre les mesures qui s'imposent. Si ces griefs sont justifiés, le président compétent peut fixer des délais pour l'accomplissement de mesures procédurales ou décider que l'affaire doit être traitée par priorité, la réaffecter, etc. (paragraphes 41 et 42 ci-dessus).

87.  La Cour note en particulier qu'en vertu de l'article 6 le président du tribunal chargé de l'affaire doit décider dans un délai de deux mois du bien-fondé d'un recours hiérarchique. Si le juge chargé de l'affaire avise le président que les actes de procédure ou une décision interviendront dans les quatre mois à venir, le président en informe la partie concernée. Si le grief est justifié, les actes de procédure doivent être accomplis dans un délai de six mois au maximum.

88.  En ce qui concerne la demande de fixation d'un délai, l'article 11 prévoit qu'une décision sur le bien-fondé du grief doit être rendue dans un délai de quinze jours et que, si le grief est justifié, les actes de procédure nécessaires devront être accomplis dans un délai de quatre mois. La Cour estime que les délais figurant dans le texte sont conformes au critère de rapidité devant être satisfait pour qu'un recours soit effectif (Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 208, CEDH 2006‑V).

89.  De plus, les articles 15 et 16 de la loi de 2006 disposent que quiconque a subi un préjudice moral du fait du non-respect de l'obligation de délai raisonnable a droit à une satisfaction équitable s'il a été fait droit à son recours hiérarchique ou si une demande de fixation de délai a été introduite.

90.  La satisfaction équitable est octroyée sous la forme d'une indemnité pécuniaire, d'une déclaration écrite du parquet national ou de la publication d'un jugement constatant une violation du droit à un procès sans retard injustifié. Il est accordé une indemnité pécuniaire d'un montant de 300 à 5 000 euros par affaire si l'affaire a donné lieu à une décision définitive. Cette somme est payable par le parquet national (paragraphes 44 et 45 ci‑dessus). Les crédits correspondants sont réservés à cet effet dans le budget slovène (paragraphe 47 ci-dessus).

91.  Si les conditions de l'article 15 sont réunies, c'est-à-dire si le recours hiérarchique introduit par une partie a été accueilli ou si une demande de fixation de délai a été déposée (paragraphe 89 ci-dessus), la partie concernée peut entamer une procédure préliminaire auprès du parquet national afin de parvenir à un accord quant au type ou au montant de la satisfaction équitable (paragraphe 46 ci-dessus). La demande de satisfaction équitable doit être introduite dans les neuf mois suivant la résolution définitive de l'affaire (c'est-à-dire à compter du moment où la décision tranchant l'affaire n'est plus susceptible de recours ordinaire) et le parquet national doit répondre dans un délai de trois mois.

92.  S'il n'est pas obtenu d'accord, une partie peut intenter une action en dommages-intérêts devant la juridiction locale compétente dans les dix-huit mois suivant la résolution définitive de l'affaire. Si elle obtient gain de cause dans le cadre de la procédure judiciaire, le parquet national lui verse une indemnité pécuniaire conformément à la décision de justice définitive (paragraphe 47 ci-dessus).

93.  Enfin, en vertu de l'article 21 de la loi de 2006, une partie peut intenter une action en réparation du préjudice matériel causé par une violation du droit à un procès sans retard injustifié dans les dix-huit mois suivant la décision définitive. Lorsqu'ils évaluent le préjudice matériel, les juges doivent tenir compte des dispositions de la loi sur les obligations et des critères visés à l'article 4 de la loi de 2006 (paragraphe 97 ci-dessous).

94.  La Cour rappelle qu'elle a donné un certain nombre d'indications dans l'arrêt Scordino (précité, §§ 182-189) quant aux caractéristiques que doivent présenter les recours internes pour être effectifs dans les affaires de durée de procédure. Elle note à cet égard que les nouveaux recours slovènes poursuivent un double objectif.

95.  D'une part, un recours hiérarchique et une demande de fixation de délai permettent aux parties d'obtenir l'accélération des procédures pendantes et/ou la constatation que les délais ont été dépassés. La Cour a affirmé à maintes reprises que l'article 6 § 1 astreint les Etats contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent remplir chacune de ses exigences, notamment quant au délai raisonnable. Lorsqu'un système judiciaire est défaillant à cet égard, un recours permettant de faire accélérer la procédure afin d'empêcher la survenance d'une durée excessive constitue la solution la plus efficace (Scordino, précité, § 183). Le recours hiérarchique et la demande de fixation d'un délai tels qu'ils se présentent actuellement offrent plusieurs moyens d'accélérer des procédures pendantes, et la Cour considère donc qu'il est satisfait au critère d'« effectivité » tel que l'a forgé la jurisprudence récente.

96.  D'autre part, la loi de 2006 prévoit un recours indemnitaire, la demande d'une satisfaction équitable, qui permet à une partie, le cas échéant, de se voir octroyer une satisfaction équitable pour le dommage moral ou matériel éventuellement subi. Le recours indemnitaire constitue sans aucun doute un moyen approprié de réparer une violation ayant déjà eu lieu. Selon la jurisprudence récente de la Cour, la coexistence de deux types de recours, l'un destiné à accélérer la procédure et l'autre à permettre une indemnisation, semble être la meilleure solution pour réparer les manquements à l'obligation de « délai raisonnable » (Scordino, précité, § 186).

97.  Comme il ressort à l'évidence de l'article 4 de la loi de 2006, lorsqu'elles apprécient le caractère raisonnable de la durée des procédures, les autorités nationales doivent essentiellement se fonder sur les critères établis par la jurisprudence de la Cour, à savoir la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l'enjeu du litige pour l'intéressé (voir, parmi beaucoup d'autres arrêts, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

98.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour, fondant ses conclusions sur l'appréciation des dispositions législatives telles qu'elles se présentent à l'heure actuelle, estime établi que l'ensemble des recours fournis par la loi de 2006 dans les affaires de durée excessive des procédures pendantes en première ou deuxième instance est effectif dans le sens où ces recours sont en principe de nature, d'une part, à mettre fin à une violation alléguée du droit à un procès sans retard injustifié et, d'autre part, à apporter une réparation satisfaisante à toute violation ayant déjà eu lieu.

Exigence de l'épuisement des voies de recours pour les requêtes introduites avant l'entrée en vigueur de la loi de 2006

99.  A ce stade, la Cour doit également, aux fins de l'appréciation de l'épuisement des voies de recours internes, examiner la question de l'existence de voies de recours internes au moment où le requérant a introduit la présente requête, c'est-à-dire avant que la loi de 2006 ne soit entrée en vigueur et devenue opérationnelle.

La Cour reconnaît que l'épuisement des voies de recours internes s'apprécie normalement à la date d'introduction de la requête devant elle. Cependant, cette règle ne va pas sans exceptions, qui peuvent être justifiées par les circonstances particulières de l'espèce (Baumann c. France, no 33592/96, § 47, 22 mai 2001).

100.  Il est vrai que lorsque le requérant a saisi la Cour, il ne disposait en droit slovène d'aucun recours effectif quant à la durée de la procédure pendante en cause (Belinger, précitée, et Lukenda, précité).

101.  La Cour considère cependant que plusieurs éléments plaident en faveur d'une exception à la règle générale en l'espèce.

102.  La Cour réitère la conclusion à laquelle elle était parvenue dans l'affaire Lukenda : la durée moyenne des procédures judiciaires en Slovénie révèle un problème systémique qui résulte d'une législation inadaptée et d'un manque d'efficacité dans l'administration de la justice. Cet arrêt imposait à la Slovénie de mettre en place des mécanismes propres à redresser de manière effective les violations des droits garantis par la Convention, par des mesures juridiques et des pratiques administratives appropriées (Lukenda, précité, §§ 93 et 95). Cet arrêt fut suivi en 2006 de quelque 200 arrêts rendus dans des affaires contre la Slovénie portant sur des allégations de durée excessive des procédures devant les juridictions internes.

103.  L'objectif des recours créés par la loi de 2006 pour donner suite à l'arrêt Lukenda est précisément de permettre aux autorités slovènes de réparer les manquements à l'obligation de « délai raisonnable » au niveau interne. Cela vaut non seulement pour les requêtes introduites après la date d'entrée en vigueur de la loi de 2006, mais encore pour les requêtes portant sur des procédures internes pendantes en première ou deuxième instance qui figuraient déjà au rôle de la Cour à cette date.

104.  A cet égard, la Cour relève que sont actuellement pendantes près de 1 700 requêtes contre la Slovénie dans lesquelles les requérants allèguent une violation du droit au « délai raisonnable » pour des procédures internes pendantes ou terminées.

105.  De plus, la Cour a déjà dit en plusieurs occasions que lorsque les Parties contractantes ont adopté des mesures législatives destinées à respecter l'obligation de « délai raisonnable » posée par l'article 6 § 1 de la Convention, les requérants doivent épuiser ces voies de recours nonobstant le fait que leur requête a été introduite devant la Cour avant l'adoption de la législation en question.

106.  Ainsi, la Cour considère que dans des affaires contre l'Italie concernant la durée de procédure, les requérants doivent se prévaloir des voies de recours introduites par la « loi Pinto » (voir, par exemple, Giacometti et autres c. Italie (déc.), no 34939/97, CEDH 2001-XII, ou Brusco, précitée). Des décisions semblables ont été rendues dans des affaires contre la Croatie, la Slovaquie et la Pologne à la suite de modifications législatives (Nogolica c. Croatie (déc.), no 77784/01, CEDH 2002-VIII ; Andrášik et autres c. Slovaquie (déc.), nos 57984/00, 60226/00, 60237/00, 60242/00, 60679/00, 60680/00 et 68563/01, CEDH 2002-IX ; et Michalak c. Pologne (déc.), no 24549/03, 1er mars 2005). La Cour considère que la situation dans la présente affaire est en substance semblable à celles ci-dessus mentionnées.

c)  Application à la procédure pénale en l'espèce

107.  La procédure pénale litigieuse étant encore pendante en deuxième instance, le requérant peut se prévaloir de l'ensemble des recours offerts par la loi de 2006, que la Cour juge effectifs (paragraphe 98 ci-dessus).

108.  Certes, il n'existe pas encore de pratique d'application de la loi de 2006 sur le long terme. Cependant, il est clair que cette loi a été expressément mise en place pour faire face au problème de la durée excessive des procédures devant les juridictions internes, et il n'y a pas de raison à ce stade de douter de son efficacité. La Cour pourra toutefois revoir sa position sur ce point à l'avenir, et il incombe au gouvernement slovène de démontrer l'effectivité de ces recours en pratique.

109.  La Cour appelle l'attention sur l'obligation générale qu'ont les Etats contractants de remédier aux problèmes structurels sous-jacents aux violations (Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, § 191, CEDH 2004‑V). Les autorités slovènes doivent donc mettre un soin particulier à appliquer la loi de 2006 conformément à la Convention, tant dans la jurisprudence future (Scordino, précité, §§ 190-192) que dans l'administration générale de la justice, pour laquelle des mesures appropriées doivent être prises afin d'éviter l'encombrement des juridictions internes (Belinger, précitée). A cet égard, la Cour relève que le gouvernement slovène a adopté en décembre 2005 un dispositif appelé « projet Lukenda » afin de résoudre ce problème structurel en s'y attaquant sous différents angles (les paragraphes 36 et 37 ci-dessus).

110.  A la lumière de ce qui précède et compte tenu du fait que la possibilité d'user des nouveaux recours relativement aux procédures pendantes en première ou deuxième instance s'applique au requérant en l'espèce, ainsi qu'à tous les autres requérants qui ont introduit des plaintes semblables contre la Slovénie en vertu de l'article 34 de la Convention, la Cour conclut que le requérant est tenu de par l'article 35 § 1 de la Convention d'utiliser les recours que lui offre la loi de 2006 en vigueur depuis le 1er janvier 2007.

111. Il s'ensuit que le grief formulé par le requérant sur le fondement de l'article 6 quant à la durée excessive de la procédure pénale doit être déclaré irrecevable pour non-épuisement des voies de recours interne, en application de l'article 35 § 1 de la Convention. Quant au grief formulé par le requérant sur le fondement de l'article 13, dans le cadre duquel il alléguait que les recours dont il disposait pour durée excessive de la procédure étaient ineffectifs, il doit être déclaré manifestement mal fondé en application de l'article 35 § 3 de la Convention. Cette partie de la requête doit donc être rejetée, conformément à l'article 35 § 4 de la Convention.

(...)

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1.  Déclare recevable le grief relatif à la durée excessive de la procédure civile terminée et irrecevable la requête pour le surplus ;

(...)

Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 3 mai 2007, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stanley NaismithCorneliu Bîrsan
Greffier adjointPrésident

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Constitution du 4 octobre 1958
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE GRZINČIČ c. SLOVENIE, 3 mai 2007, 26867/02