Conseil d'Etat, 6ème et 1ère sous-sections réunies, du 5 juillet 2004, 246929, publié au recueil Lebon

  • Force motrice du cours d'eau devenue inutilisable·
  • Extinction du droit fondé en titre·
  • Établissement des ouvrages·
  • A) condition·
  • Prises d'eau·
  • B) absence·
  • Ouvrages·
  • Justice administrative·
  • Cours d'eau·
  • Canal d'amenée

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

a) La force motrice produite par l’écoulement d’eaux courantes ne peut faire l’objet que d’un droit d’usage et en aucun cas d’un droit de propriété. Il en résulte qu’un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d’eau n’est plus susceptible d’être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d’affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d’eau. En revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n’aient pas été utilisés en tant que tels au cours d’une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d’eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit.,,b) Un droit fondé en titre conserve la consistance qui était la sienne à l’origine. Dans le cas où des modifications de l’ouvrage auquel ce droit est attaché ont pour effet d’accroître la force motrice théoriquement disponible, appréciée au regard de la hauteur de la chute d’eau et du débit du cours d’eau ou du canal d’amenée, ces transformations n’ont pas pour conséquence de faire disparaître le droit fondé en titre, mais seulement de soumettre l’installation au droit commun de l’autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre.

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Conclusions du rapporteur public · 24 avril 2019

N° 420764 Ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire c/ commune de Berdoues 6e et 5e chambres réunies Séance du 1er avril 2019 Lecture du 24 avril 2019 CONCLUSIONS M. Louis DUTHEILLET de LAMOTHE, rapporteur public Cette affaire va vous permettre, grâce à un pourvoi du ministre, de clarifier un point d'incompréhension dans votre jurisprudence sur les droits d'usage de la force motrice de l'eau fondés « en titre » et fondés « sur titre ». Vous savez que, depuis 1919, il n'est plus possible d'utiliser la force motrice du cours d'eau qui traverse votre …

 

Arnaud Gossement · 17 octobre 2018

Par un récent arrêt du 22 août 2018 n°16LY02894, la Cour administrative d'appel de Lyon a confirmé qu'un droit fondé en titre ne se perd que lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur du fait, notamment, de la ruine des ouvrages essentiels à l'utilisation de la pente et le volume de ce cours d'eau. En l'espèce, des propriétaires d'un moulin avaient demandé au Préfet la reconnaissance du droit de prise d'eau fondé en titre attaché à ce moulin. L'autorité administrative a refusé de faire droit à leur demande. Les propriétaires ont par …

 

Conclusions du rapporteur public · 16 mars 2018

N° 405864 SCI MMC 6ème et 1ère chambres réunies Séance du 21 février 2017 Lecture du 16 mars 2018 CONCLUSIONS M. Louis DUTHEILLET de LAMOTHE, rapporteur public Cette affaire se présente dans un contexte particulier et complexe à exposer. Un décret présidentiel du 5 juin 1852 a autorisé le fonctionnement d'une usine hydraulique sur la rivière de La Bruche à Dinsheim-sur-Bruche, dans le département du Bas-Rhin, pour une puissance inférieure à 150kWh, autorisation modifiée par des arrêtés préfectoraux de 1856 et 1904. Cette usine, dite moulin de Breuschmühle, a été …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 6e et 1re ss-sect. réunies, 5 juill. 2004, n° 246929, Lebon
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 246929
Importance : Publié au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Bordeaux, 13 mars 2002
Précédents jurisprudentiels : [RJ1] Rappr. 17 avril 1992, Mmes Azéma et Soulie, p. 188.,,[RJ2] Rappr. Section, 18 février 1972, Société hydroélectrique de la Vallée de Salles-la-Source, p. 154.
Dispositif : Satisfaction totale
Identifiant Légifrance : CETATEXT000008173362
Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2004:246929.20040705

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mai et 13 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SA LAPRADE ENERGIE, dont le siège est à Arudy (64260)  ; la SA LAPRADE ENERGIE demande au Conseil d’Etat  :

1°) d’annuler l’arrêt du 14 mars 2002, par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, en premier lieu, à l’annulation du jugement du 7 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d’annulation de la décision du 23 décembre 1993 du préfet des Pyrénées-Atlantiques refusant de reconnaître au moulin Vignau une existence légale, en deuxième lieu, à l’annulation de la décision du préfet et à la constatation de l’existence légale du moulin Vignau  ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative  ;

Vu les autres pièces du dossier  ;

Vu la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique  ;

Vu le code de justice administrative  ;

Après avoir entendu en séance publique  :

— le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,

— les observations de Me Odent, avocat de la SA LAPRADE ENERGIE,

— les conclusions de M. Francis Lamy, Commissaire du gouvernement  ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête  :

Considérant que sont regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale, les prises d’eau sur des cours d’eaux non domaniaux qui, soit ont fait l’objet d’une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux  ; qu’une prise d’eau est présumée établie en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux dès lors qu’est prouvée son existence matérielle avant cette date  ;

Considérant que la SA LAPRADE ENERGIE a fait valoir devant les juges du fond, d’une part, que le moulin Vignau ou moulin de Buziet, situé sur le gave d’Ossau dans les Pyrénées-Atlantiques, a été édifié antérieurement à l’abolition des droits féodaux, d’autre part, qu’il a fait l’objet d’une vente comme bien national  ;

Considérant que s’il appartenait à la cour administrative d’appel de Bordeaux d’apprécier souverainement la valeur probante des pièces produites devant elle par la société requérante, tendant à établir l’existence matérielle du moulin Vignau antérieurement à l’abolition des droits féodaux, en revanche la cour, en ne répondant pas au second moyen développé devant elle par la SA LAPRADE ENERGIE, tiré de la vente du moulin Vignau comme bien national, n’a pas donné de base légale à sa décision  ; qu’ainsi, la SA LAPRADE ENERGIE est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué  ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l’affaire au fond  ;

Considérant que par la décision attaquée, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a rejeté la demande de la SA LAPRADE ENERGIE tendant à ce que soit reconnu comme fondé en titre le moulin Vignau acquis par elle le 16 mai 1931 au double motif, d’une part, qu’à défaut de preuve de l’existence matérielle de l’ouvrage avant l’abolition des droits féodaux, celui-ci ne pouvait être regardé comme fondé en titre, d’autre part, qu’en tout état de cause , le droit fondé en titre à le supposer établi était éteint, faute de justifier d’une exploitation qui semble avoir cessé depuis la crue de 1928 ruinant le barrage  ;

Considérant qu’il appartient au juge de plein contentieux de se prononcer tant sur l’existence du droit d’usage de l’eau fondé en titre attaché au moulin Vignau que sur le maintien de ce droit  ;

Sur l’existence du droit fondé en titre  :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le moulin Vignau, qui a fait l’objet d’un acte d’inventaire et de séquestre du 24 mars 1792, puis a été compris dans une vente de biens aliénés au profit de la Nation à la suite de la mainmise de l’Etat sur les biens des émigrés en vertu de la loi des 9 et 12 février 1792, doit être regardé comme fondé en titre  ;

Sur l’extinction du droit fondé en titre  :

Considérant que la force motrice produite par l’écoulement d’eaux courantes ne peut faire l’objet que d’un droit d’usage et en aucun cas d’un droit de propriété  ; qu’il en résulte qu’un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d’eau n’est plus susceptible d’être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d’affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d’eau  ; qu’en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n’aient pas été utilisés en tant que tels au cours d’une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d’eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit  ;

Considérant ainsi que la non-utilisation du moulin Vignau depuis 1928 n’est pas de nature à remettre en cause le droit d’usage de l’eau, fondé en titre, attaché à cette installation  ; que si l’administration fait état de la ruine du barrage, elle n’apporte pas la preuve de cette allégation et, notamment, ne fournit aucune précision sur la nature des dommages subis à l’occasion de la crue centennale de 1928  ; qu’en revanche la SA LAPRADE ENERGIE fait valoir, sans être contredite sur ces différents points, que le canal d’amenée n’est qu’obstrué par les travaux de terrassement entrepris dans le cadre d’une autorisation préfectorale accordée le 8 juillet 1983 puis annulée par le juge administratif  ; que le canal de fuite, s’il est envahi par la végétation, demeure tracé depuis le moulin jusqu’au point de restitution  ; qu’il pourrait être remédié à la dégradation subie en son centre par la digue, qui consiste pour partie en un banc rocheux naturel, par un simple apport d’enrochement  ; qu’ainsi, la possibilité d’utiliser la force motrice de l’ouvrage subsiste pour l’essentiel  ; qu’il suit de là que c’est à tort que le préfet des Pyrénées-Atlantiques a considéré que le droit fondé en titre de la SA LAPRADE ENERGIE était éteint  ;

Sur le nouveau motif, invoqué par l’administration, tiré de l’augmentation de la puissance de l’ouvrage  :

Considérant que le préfet des Pyrénées-Atlantiques, à l’appui de ses conclusions de première instance et d’appel, invoque, pour établir la légalité de la décision attaquée, un autre motif tiré de ce que l’installation aurait fait l’objet de modifications substantielles de nature à augmenter la force motrice produite au-delà de la consistance originelle du droit fondé en titre  ;

Considérant qu’en vertu de l’article 1er de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique, Nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’État  ; qu’en application de l’article 2, sont placées sous le régime de la concession les entreprises dont la puissance excède 4 500 kilowatts et sous le régime de l’autorisation les autres entreprises  ; que l’article 29 de la loi exempte les usines ayant une existence légale de la soumission à ces régimes  ;

Considérant qu’un droit fondé en titre conserve la consistance qui était la sienne à l’origine  ; que dans le cas où des modifications de l’ouvrage auquel ce droit est attaché ont pour effet d’accroître la force motrice théoriquement disponible, appréciée au regard de la hauteur de la chute d’eau et du débit du cours d’eau ou du canal d’amenée, ces transformations n’ont pas pour conséquence de faire disparaître le droit fondé en titre, mais seulement de soumettre l’installation au droit commun de l’autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre  ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le nouveau motif invoqué par l’administration pour fonder sa décision, tiré de l’augmentation de la force motrice disponible du moulin Vignau à la suite de la surélévation du barrage et de l’accroissement du débit du canal d’amenée, ne serait, en tout état de cause, pas de nature à justifier légalement que soit déniée à la société requérante la détention d’un droit fondé en titre pour la partie de la force motrice existant à l’origine  ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SA LAPRADE ENERGIE est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques en date du 23 décembre 1993  ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative  :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros que demande la SA LAPRADE ENERGIE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens  ;

D E C I D E  :

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Article 1er  : L’arrêt du 14 mars 2002 de la cour administrative d’appel de Bordeaux et le jugement du 7 avril 1998 du tribunal administratif de Pau sont annulés.


Article 2  : La décision du 23 décembre 1993 du préfet des Pyrénées-Atlantiques est annulée.


Article 3  : L’Etat versera à la SA LAPRADE ENERGIE une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 4  : La présente décision sera notifiée à la SA LAPRADE ENERGIE et au ministre de l’écologie et du développement durable.

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