CJCE, n° C-302/86, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Danemark, 24 mai 1988

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 24 mai 1988, Commission / Danemark, C-302/86
Numéro(s) : C-302/86
Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 24 mai 1988. # Commission des Communautés européennes contre Royaume de Danemark. # Libre circulation des marchandises - Emballages de bières et boissons rafraîchissantes. # Affaire 302/86.
Date de dépôt : 1 décembre 1986
Solution : Recours en constatation de manquement : obtention, Recours en constatation de manquement : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61986CC0302
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1988:252
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61986C0302

Conclusions de l’avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 24 mai 1988. – Commission des Communautés européennes contre Royaume de Danemark. – Libre circulation des marchandises – Emballages de bières et boissons rafraîchissantes. – Affaire 302/86.


Recueil de jurisprudence 1988 page 04607
édition spéciale suédoise page 00579
édition spéciale finnoise page 00761


Conclusions de l’avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

L’ affaire dont il s’ agit en l’ espèce soulève un problème difficile et délicat, celui de la compatibilité de mesures prises dans un but de protection de l’ environnement avec la règle fondamentale du traité CEE selon laquelle les restrictions quantitatives et les mesures d’ effet équivalent frappant les importations dans un État membre de produits en provenance d’ un autre État membre sont illicites .

Le Danemark a établi de longue date un système de consigne sur la vente de bouteilles contenant de la bière et des boissons rafraîchissantes . L’ attrait de la récupération de la consigne était suffisant pour inciter un nombre élevé de consommateurs à retourner les bouteilles spontanément, préservant ainsi le paysage et les espaces verts des bouteilles vides abandonnées . Il semble que le système a bien fonctionné sur une base volontaire aussi longtemps que le nombre de bouteilles différentes utilisées était limité et que, lorsque des boissons rafraîchissantes étaient commercialisées par des producteurs étrangers, elles étaient habituellement fabriquées sous licence au Danemark ou du moins mises en bouteilles au Danemark .

Au milieu des années 70, les producteurs de bière danoise ont cependant commencé à utiliser des boîtes et des bouteilles de formes différentes . On peut dire qu’ il existait donc une concurrence non seulement entre les boissons, mais entre les emballages . Et pour garantir le maintien de l’ efficacité du système de consigne, des dispositions législatives ont été arrêtées . La loi n° 297, du 8 juin 1978 ( Lovtidende A 1978, p . 851 ), s’ appliquait notamment aux emballages utilisés pour les boissons ( article 1er, paragraphe 1, point 2 ) et visait à combattre la pollution ( article 2, paragraphe 1 ). Elle autorisait le ministre à « arrêter des règles limitant ou interdisant l’ utilisation de certains matériaux et types d’ emballages … ou imposant l’ utilisation de certains matériaux et types d’ emballages » ( article 8 ), ainsi qu’ à arrêter des règles imposant des systèmes de consigne pour certains types d’ emballages et à fixer le montant de cette consigne ( article 9 ). Le chapitre 5 ( articles 12 et 13 ) prévoyait que l’ Agence nationale pour la protection de l’ environnement (« Agence ») supervisait l’ application des dispositions prises en vertu de la loi, tandis que l’ article 14 instaurait certaines obligations relatives aux renseignements à fournir .

L’ arrêté n° 397, du 2 juillet 1981 ( Lovtidende A 1981, p . 1081 ), pris en vertu des pouvoirs délégués par la loi n° 297, s’ applique aux emballages d’ eaux minérales gazeuses, de limonades, de boissons rafraîchissantes et de bière ( article 1er, paragraphe 1 ). Ces produits ne peuvent être commercialisés que dans des emballages repris ( article 2, paragraphe 1 ) lesquels sont définis à l’ article 1er, paragraphe 2, comme étant des emballages relevant d’ un système de récupération et de remplissage dans lequel une large proportion des emballages vidés sont remplis à nouveau . Ces emballages doivent avoir été approuvés par l’ Agence qui peut assortir son agrément de certaines conditions ou le révoquer ( article 2, paragraphe 2 ). Pour déterminer s’ il y a lieu d’ agréer un emballage particulier, l’ Agence vérifie :

1 ) si l’ emballage est techniquement adapté à un système de reprise avec consigne,

2 ) si le système de reprise est conçu de façon à garantir le retour effectif d’ une large proportion d’ emballages et

3 ) si un agrément a déjà été accordé à un emballage repris, d’ égal volume, qui est à la fois accessible et adapté à l’ usage envisagé ( article 2, paragraphe 3 ).

L’ arrêté prévoyait initialement l’ autorisation d’ utiliser à certaines conditions des bouteilles non agréées en vertu de l’ article 2 . La vente d’ emballages non conformes aux prescriptions de ces articles était sanctionnée pénalement . En annexe à l’ arrêté figurent les descriptions de dix-huit types de bouteilles agréés ( à la fois généraux « Eurobouteille 50 cl » et spécifiques « Coca Cola 25 cl ») et d’ un fût de dix litres agréé . Depuis l’ entrée en vigueur de l’ arrêté, un autre type de bouteille a été agréé . A ce jour, aucune demande d’ agrément pour un type d’ emballage n’ a, semble-t-il, été refusée par l’ Agence .

A la suite de plaintes, émanant de producteurs de boissons et d’ emballages établis dans d’ autres États membres ainsi que d’ associations européennes représentant le commerce de détail, au sujet de l’ impossibilité d’ utiliser au Danemark les emballages dans lesquels les boissons sont habituellement vendues et des frais qu’ entraîne le système de reprise, la Commission a estimé que ces dispositions étaient incompatibles avec l’ article 30 du traité CEE et, après avoir envoyé une lettre de mise en demeure le 16 décembre 1981, elle a émis un avis motivé le 21 décembre 1982 . Le 16 mars 1984, le gouvernement danois a publié l’ arrêté n° 95 ( Lovtidende A 1984, p . 345 ), qui a remplacé les dispositions existantes de l’ article 3 de l’ arrêté n° 397 par un nouveau texte .

Ce dernier a eu pour effet de modifier la dérogation limitée à l’ article 2 contenue à l’ article 3 . Suite à la modification, les boissons des types en question peuvent être commercialisées dans des emballages non agréés pour autant que la quantité vendue annuellement ne dépasse pas trois mille hectolitres par producteur ou que la boisson soit commercialisée en vue de tester le marché au Danemark dans un emballage habituellement utilisé pour le produit en question dans le pays de production . L’ emballage utilisé ne doit pas être en métal; un système doit être établi de façon que les emballages soient retournés pour remplissage ou recyclage, et la consigne par emballage doit être d’ un montant égal à celui normalement fixé pour un emballage agréé analogue . Le responsable de la commercialisation doit tenir l’ Agence pleinement informée du respect de ces conditions . Il ressort des réponses fournies par le conseil du Danemark à l’ audience que la dérogation portant sur les trois mille hectolitres vise indifféremment les producteurs danois et les importateurs de boissons produites en dehors du Danemark, tandis que la dérogation aux fins de tester le marché n’ est valable que pour les importateurs de boissons produites en dehors du Danemark .

La Commission n’ a pas estimé que cette modification était satisfaisante . Elle a jugé qu’ un système de réutilisation ou de recyclage était suffisant pour atteindre l’ objectif de la protection de l’ environnement et qu’ une limitation quantitative de la commercialisation de bouteilles non agréées en vertu de l’ article 2, ou une limitation de la période d’ essai, n’ était pas justifiée . Après avoir adressé une nouvelle lettre de mise en demeure le 20 juin 1984 et un nouvel avis motivé le 18 décembre 1984, la Commission a introduit, le 1er décembre 1986, le présent recours dans lequel elle conclut à ce qu’ il plaise à la Cour de constater qu’ en instituant et en appliquant le système de reprise obligatoire mis en place par l’ arrêté n° 397, du 2 juillet 1981, sur les emballages des bières et des boissons rafraîchissantes, tel que modifié par l’ arrêté n° 95, du 16 mars 1984, le royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’ article 30 du traité CEE . Le Royaume-Uni est intervenu à l’ appui des conclusions de la Commission .

Il nous semble évident, et, à vrai dire, le Danemark ne le conteste pas, que les mesures prises constituent une « réglementation commerciale des États membres susceptible d’ entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire » et qu’ elles sont en conséquence à « considérer comme mesure d’ effet équivalant à des restrictions quantitatives » ( aff . 8/74, Procureur du roi/Dassonville, Rec . 1974, p . 837, 852 ). La Cour a déjà clairement constaté que des exigences relatives à l’ utilisation d’ une certaine forme d’ emballage pour certains produits constituent des mesures nationales de nature à affecter les échanges entre les États membres ( aff . 261/81, Rau/De Smedt, Rec . 1982, p . 3961, 3972, point 12 des motifs, aff . 104/75, De Peijper, Rec . 1976, p . 613, 635 et aff . 16/83, Prantl, Rec . 1984, p . 1299, 1327, point 25 des motifs ). La réglementation édictée en l’ espèce entrave effectivement ou est de nature à exclure l’ utilisation d’ emballages dans lesquels la bière et les boissons rafraîchissantes sont légalement commercialisées dans l’ État membre d’ origine . Les obligations relatives à la consigne, à la collecte et à la réutilisation sont également de nature à entraver la circulation des marchandises à l’ intérieur de la Communauté . En conséquence, les mesures sont à première vue incompatibles avec l’ article 30 du traité et elles ne relèvent à notre avis d’ aucune des exceptions énumérées à l’ article 36 .

La question est donc de savoir si les mesures dont il s’ agit en l’ espèce relèvent du principe énoncé par la Cour dans l’ affaire 120/78 « Cassis de Dijon » ( Rec . 1979, p . 649, 662, point 8 des motifs ), selon lequel « … en l’ absence d’ une réglementation commune de la production et de la commercialisation … il appartient aux États membres de régler, chacun sur son territoire, tout ce qui concerne la production et la commercialisation … ». La question est donc : s’ agit-il en l’ espèce d’ « obstacles à la circulation intracommunautaire …( relatifs ) à la commercialisation des produits » qui « doivent être acceptés dans la mesure où ces prescriptions peuvent être reconnues comme étant nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives tenant, notamment, à l’ efficacité des contrôles fiscaux, à la protection de la santé publique, à la loyauté des transactions commerciales et à la défense des consommateurs »?

Il convient d’ observer à cet égard que la directive 85/339/CEE du Conseil ( JO L 176, p . 18 ) concernant les emballages pour liquides alimentaires reconnaît l’ intérêt du recyclage et de la réutilisation des matériaux contenus dans les déchets et l’ impact éventuel des emballages vides sur l’ environnement, mais considère que les mesures prises par les États membres doivent être conformes aux dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises . Elle n’ énonce pas de niveaux spécifiques à atteindre en matière de protection de l’ environnement ni de méthodes spécifiques à adopter . Il appartient aux États membres de prendre « dans le respect des dispositions du traité concernant la libre circulation des marchandises » « soit par la voie législative ou administrative, soit par la voie d’ accords volontaires, des mesures visant entre autres » à développer l’ éducation des consommateurs quant à l’ intérêt des emballages remplissables ou du recyclage des emballages, à faciliter le remplissage et/ou le recyclage des emballages et, en ce qui concerne les emballages non remplissables, à favoriser leur collecte sélective, à les extraire des déchets ménagers, ainsi qu’ à conserver et, autant que possible, à augmenter les proportions d’ emballages remplis et/ou recyclés ".

La directive 80/777/CEE du Conseil, du 15 juillet 1980 ( JO L 229, p . 1 ), prévoit que les eaux minérales ne peuvent être conditionnées que conformément à l’ annexe II de la directive . L’ annexe II, paragraphe 2, sous d ), interdit le transport de l’ eau minérale naturelle en tous récipients autres que ceux autorisés pour la distribution au consommateur final .

Il convient de noter également que l’ Acte unique européen a inséré dans la troisième partie du traité CEE un nouveau titre VII prévoyant, aux termes de l’ article 130 R, que l’ action de la Communauté a notamment pour objet de préserver, de protéger et d’ améliorer la qualité de l’ environnement . L’ utilisation rationnelle des ressources naturelles et le principe de l’ action préventive sont reconnus et, tandis que le Conseil est habilité à agir en vertu de l’ article 130 S, « les mesures de protection arrêtées en commun en vertu de l’ article 130 S ne font pas obstacle au maintien et à l’ établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcées compatibles avec le présent traité » ( article 130 T ).

En 1980, la Commission a reconnu que l’ intérêt de la protection de l’ environnement pouvait avoir un effet restrictif éventuel sur la règle contenue à l’ article 30 du traité ( JO 1980, C 256, p . 2 ). Cette orientation a par ailleurs été admise par la Cour dans l’ affaire 240/83, Procureur de la République/Association de défense des brûleurs d’ huiles usagées ( ADBHU ) ( Rec . 1985, p . 531, 549, points 12 et 13 des motifs ), dans laquelle il a été reconnu que « le principe de la liberté du commerce n’ est pas à considérer d’ une manière absolue, mais est assujetti à certaines limites justifiées par les objectifs d’ intérêt général poursuivis par la Communauté, dès lors qu’ il n’ est pas porté atteinte à la substance de ces droits » et que la directive en question dans cette affaire « se situe dans le cadre de la protection de l’ environnement, qui est un des objectifs essentiels de la Communauté ».

A notre avis, des mesures nationales arrêtées pour protéger l’ environnement peuvent constituer des « exigences impératives » susceptibles, selon l’ arrêt rendu dans l’ affaire « Cassis de Dijon », de limiter l’ application de l’ article 30 du traité en l’ absence de règles communautaires .

L’ arrêt rendu dans l’ affaire « Cassis de Dijon » ne donne toutefois pas carte blanche aux États membres – le niveau de protection exigé pour une des catégories admissibles ne doit pas, à notre avis, être excessif ou déraisonnable et les mesures prises pour satisfaire à l’ exigence doivent être nécessaires et proportionnées (( aff . 66/82, Fromançais SA/Fonds d’ orientation et de régularisation des marchés agricoles ( FORMA ), Rec . 1983, p . 395, 404, point 8 des motifs, et aff . 116/82, Commission/Allemagne, arrêt du 18 septembre 1986, au point 21 des motifs )). Les mesures prises doivent en outre être « indistinctement applicables », dans la forme et dans leurs effets, aux produits nationaux et aux produits importés d’ autres États membres ( aff . 113/80, Commission/Irlande, Rec . 1981, p . 1625, 1639, point 10 des motifs; aff . 6/81, Industrie Diensten Groep/Beele, Rec . 1982, p . 707, 716, point 7 des motifs et aff . 207/83, Commission/Royaume-Uni, Rec . 1985, p . 1201, 1212, points 19 à 22 des motifs ).

Les mesures arrêtées par le Danemark à l’ égard des bouteilles agréées sont hautement efficaces . Le producteur ou l’ importateur fournit les bouteilles et les casiers moyennant le versement d’ une consigne au grossiste ou détaillant qui à son tour fait payer la même consigne sur la bouteille à l’ acheteur au détail . Ce dernier peut rapporter la bouteille à tout détaillant vendant de la bière et des boissons rafraîchissantes . Il récupère sa consigne . Le détaillant rassemble les différentes bouteilles et les retourne au bout de la chaîne au producteur ou à l’ importateur qui rembourse finalement la consigne . Les véhicules partent avec des casiers ou des bouteilles pleines et reviennent avec des casiers ou des bouteilles vides, et le détaillant, le grossiste ou le producteur trie les différentes catégories de bouteilles . Au total, affirme-t-on, 99 % de ces bouteilles sont rapportées et elles peuvent être utilisées jusqu’ à trente fois . Certaines bouteilles non retournées par le client le sont par des enfants entreprenants, la consigne remboursée constituant une source appréciable d’ argent de poche . Il en résulte un paysage plus propre et une sauvegarde des matières premières .

Les emballages non agréés ne présentent pas, dit-on, les mêmes avantages . Bien qu’ ils soient soumis au système de la consigne, ils ne peuvent pas être retournés à n’ importe quel détaillant, mais uniquement aux détaillants dépositaires de la boisson en question et, par conséquent, le pourcentage de bouteilles retournées est inférieur . En outre, elles ne doivent pas être réutilisées, mais peuvent être brisées et recyclées . Il ressort des pièces qu’ en mars 1987 quelque trente et un produits importés étaient commercialisés en emballages non agréés ( p . 7 et 8 du mémoire en défense ).

A l’ audience, le Danemark a souligné le fait que la requête déposée devant la Cour était apparemment limitée aux mesures relatives aux bouteilles et aux bouteilles en plastique, alors que dans sa correspondance initiale la Commission mettait en cause l’ exclusion des boîtes en métal pour la vente de bière . La Commission n’ a pas contesté ce point . Même si cela est exact et qu’ il semble ne pas y avoir de différence en principe entre l’ exclusion frappant les bouteilles et celle frappant les boîtes, nous ne pensons pas que le fait de ne pas requérir de décision au sujet de ces dernières porte nécessairement préjudice aux arguments avancés par la Commission au sujet des premières .

La thèse de la Commission est que les mesures arrêtées sont exagérées . En outre, elles créent une discrimination à l’ encontre de producteurs ou d’ importateurs d’ autres États membres . Le Danemark répond que les mesures prises sont toutes essentielles pour atteindre un degré très élevé de protection de l’ environnement et qu’ il s’ agit d’ un système intégré – agrément, reprise moyennant remboursement de la consigne et réutilisation -, de sorte que la suppression d’ une des conditions affecte l’ efficacité du système tout entier . Il soutient par ailleurs que la Commission n’ a pas allégué, au cours de la procédure préliminaire, que le système constituait une discrimination à l’ encontre de producteurs d’ autres États membres . Bien qu’ il soit important que la lettre de mise en demeure et l’ avis motivé adressés au titre de l’ article 169 exposent suffisamment les arguments de la Commission, il nous semble que la deuxième lettre de mise en demeure de même que le deuxième avis motivé évoquent de manière absolument claire la question litigieuse, à savoir que les mesures en cause imposent au producteur non danois des charges plus lourdes qu’ au producteur danois . Les termes « discrimination » et « non indistinctement applicables » n’ apparaissent peut-être pas comme tels, mais le sens profond de l’ argument est que l’ importateur non danois se trouve dans une situation plus difficile en raison de la réglementation adoptée . Nous rejetons dès lors l’ argument du Danemark selon lequel la Commission n’ est pas en droit de se prévaloir du caractère non indistinctement applicable des mesures arrêtées .

Tout en reconnaissant pleinement l’ importance de la protection de l’ environnement et en tenant compte de la conscience croissante qu’ en ont la Communauté et les États membres, nous estimons que la réglementation danoise impose de sérieuses restrictions aux producteurs de bière et de boissons rafraîchissantes établis dans d’ autres États membres . Tout d’ abord, seules les bouteilles agréées peuvent être utilisées, sous réserve de la dérogation de trois mille hectolitres par an et par producteur . Bien que le gouvernement danois affirme qu’ aucune demande d’ agrément n’ a été rejetée, il invoque essentiellement le fait que le système actuel ne pourrait pas absorber plus de trente types de bouteilles . Si, de plus en plus, des producteurs d’ autres États membres souhaitent vendre de la bière au Danemark, ils risquent de ne pas recevoir l’ agrément parce qu’ il n’ est pas possible d’ obtenir le retrait d’ un agrément existant . En conséquence, les producteurs établis en dehors du Danemark devraient fabriquer ou acheter des bouteilles d’ un type déjà agréé – avec des frais supplémentaires tels que ceux qui ont été reconnus dans l’ arrêt Prantl, notamment, comme constituant une restriction à la libre circulation des marchandises .

L’ exigence contenue à l’ article 2 de l’ arrêté n° 397, selon laquelle l’ Agence s’ assure que le système est conçu de façon à garantir la réutilisation d’ un grand nombre d’ emballages, impose également, à notre avis, une charge considérable aux producteurs établis dans d’ autres États membres . Ils sont confrontés à l’ alternative soit de retourner les bouteilles vides à leurs propres usines dans leurs États membres d’ origine ( avec, selon nous, des frais supplémentaires dissuasifs ), soit d’ installer des usines de production de bière ou de mise en bouteilles à partir de fûts importés au Danemark ( de nouveau avec des frais supplémentaires sensibles qu’ ils peuvent ne pas vouloir encourir ). La directive 85/339/CEE du Conseil de même que la modification apportée à l’ article 3 de l’ arrêté danois reconnaissent que le recyclage constitue une alternative à la réutilisation, la dernière étant naturellement réduite quantitativement . Si les bouteilles font l’ objet d’ un retour ou d’ une collecte et ne sont pas abandonnées dans la nature, l’ environnement est protégé . La réutilisation n’ est pas nécessaire pour atteindre ce but . Bien que la conservation des ressources soit un objectif important, nous ne pensons pas que, dans l’ état actuel de la législation communautaire, il faille admettre une réutilisation obligatoire si elle a pour résultat d’ entraver sérieusement la libre circulation des marchandises . A notre avis, la limitation annuelle à trois mille hectolitres par producteur pour des bouteilles ne devant pas être réutilisées n’ est dès lors pas justifiée ni proportionnée .

A première vue, l’ exigence d’ un système de consigne obligatoire semble judicieuse et est efficace . En fin de compte, il nous semble toutefois que, dans la mesure où des bouteilles non agréées peuvent être utilisées, le système impose assurément des restrictions à l’ importateur d’ autres États membres . En vertu du système actuel, seules les bouteilles agréées peuvent être rapportées dans n’ importe quel magasin; les bouteilles non agréées doivent être retournées à un détaillant vendant le produit particulier . Cela peut parfaitement avoir pour conséquence de dissuader les consommateurs d’ acheter des bières importées si la consigne qu’ ils ont versée est plus difficile à récupérer – bien qu’ il y ait évidemment des chances qu’ un acheteur de bière étrangère retourne chez le détaillant pour en racheter et prenne avec lui ses bouteilles de bière vides . Un système de consigne obligatoire peut également être impraticable à l’ égard d’ emballages perdus .

Certains brasseurs préféreront peut-être utiliser des bouteilles agréées pour bénéficier du système permettant aux consommateurs de rapporter leurs bouteilles dans n’ importe quel magasin et de récupérer leur consigne . Même si, à première vue, le système est indistinctement applicable aux brasseurs danois et non danois et même si le gouvernement affirme que, avant l’ instauration du système obligatoire de consigne et de reprise, les bières non danoises étaient soit fabriquées sous licence soit conditionnées au Danemark, il nous semble que le système tel qu’ il fonctionne actuellement présente des désavantages plus importants pour le brasseur non danois étant donné que la réutilisation obligatoire des emballages plutôt que le simple recyclage pèse nécessairement plus lourdement sur lui que sur son homologue danois, et que l’ utilisation de bouteilles agréées pour les ventes sur le marché danois peut effectivement impliquer l’ engagement de frais généraux supplémentaires d’ installations et de machines d’ embouteillage . Nous ne sommes pas persuadé que les frais de collecte et de triage des bouteilles imposés aux producteurs danois sont du même ordre que ceux supportés par les producteurs d’ autres États membres .

En conséquence, nous sommes d’ avis que, même si elle est apparemment indistinctement applicable aux producteurs danois et non danois, la réglementation affecte en pratique plus lourdement ces derniers . A cet égard, le Danemark ne saurait, à notre avis, se fonder sur le principe énoncé dans l’ affaire « Cassis de Dijon », les dispositions danoises n’ étant pas en pratique, sinon dans la forme, indistinctement applicables, même si, comme nous l’ admettons, la protection de l’ environnement relève de la catégorie des exceptions éventuelles aux règles fondamentales .

Il appartient aux autorités danoises de démontrer que les mesures sont nécessaires et qu’ elles ne sont pas disproportionnées pour atteindre un objectif légitime ( affaire 304/84, Ministère public/Muller, arrêt du 6 mai 1986, Rec . p . 1511 ).

Le Danemark soutient que les bières étrangères ne sont pas très aimées des buveurs de bières danois et que les bières importées ne représentaient en 1985 que 0,01 % de la consommation totale ( peut-être est-ce un peu plus aujourd’ hui ). Ce n’ est pas en soi un argument de nature à justifier la restriction et, en réalité, cela impliquerait plutôt que la menace que font peser les produits importés sur la protection de l’ environnement est d’ autant moins grave .

Nous admettons, comme le prétend le Danemark, qu’ il atteint le degré le plus élevé de protection de l’ environnement au regard de la collecte d’ emballages, bien qu’ il accepte manifestement le risque que certaines sortes de bouteilles ou d’ emballages soient abandonnées dans la nature ( notamment les bouteilles de vin qui ne sont abandonnées, dit-on, qu’ en faible quantité ).

Nous admettons également qu’ il est peut-être difficile d’ atteindre un degré aussi élevé par d’ autres méthodes . Toutefois, il ne nous semble pas que le Danemark doive l’ emporter dans cette affaire si la Commission ne peut pas démontrer que le même degré peut être atteint par d’ autres moyens spécifiques . Il doit y avoir une pondération d’ intérêts entre la libre circulation des marchandises et la protection de l’ environnement, même si, pour atteindre le point d’ équilibre, le degré élevé de protection recherché doit être réduit . Le niveau de protection recherché doit être raisonnable : nous avons du mal à croire que les différentes méthodes esquissées dans la directive du Conseil et évoquées à l’ audience – notamment la collecte sélective par les autorités gouvernementales ou l’ industrie privée, un système de consigne volontaire, les amendes pour abandon de détritus, l’ éducation du public en matière d’ élimination des déchets – ne permettent pas d’ atteindre un degré raisonnable qui empiète moins sur les dispositions de l’ article 30 .

En conséquence, nous estimons que la Commission est fondée à obtenir la décision qu’ elle réclame et le remboursement de ses frais .

(*) Traduit de l’ anglais .

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