CJCE, n° C-103/88, Arrêt de la Cour, Fratelli Costanzo SpA contre Comune di Milano, 22 juin 1989

  • Obligation de mettre en œuvre une procédure de vérification·
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  • 1 . rapprochement des législations·
  • Offres sujettes à vérification·
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  • Attribution des marchés·
  • Liberté d'établissement

Chronologie de l’affaire

Commentaires27

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Me Pierre-alain Mogenier · consultation.avocat.fr · 3 juillet 2020

Que ce soit pour les personnes physiques ou morales, il est tentant de sélectionner l'offre la moins chère du marché. La qualité de la prestation ou du bien peut alors ainsi être affectée par cette démarche. Le droit de la concurrence prohibe l'utilisation de prix abusivement bas qui ont pour effet d'altérer la concurrence entre les opérateurs économiques. Toutefois, les dispositions de l'article L 420-5 du code de commerce sont uniquement applicables aux consommateurs. Les acheteurs publics ne sont donc pas soumis à ces dispositions. C'est dans cette optique que le législateur a prévu …

 

www.kpratique.fr · 9 mars 2020

Dans cette affaire, la note du critère du prix était appréciée par rapport à l'estimation du coût de la prestation opérée par le maître d'œuvre. Cette méthode de notation privilégie une seule approche du coût de la prestation, celle du maître d'œuvre, érigée comme unique étalon d'appréciation des offres de prix, au détriment, finalement, de la liberté commerciale de formation du prix. Elle a pour conséquence d'attribuer la note minimale à l'offre la plus éloignée de l'estimation, que ce prix soit supérieur ou inférieur à l'estimation et, partant, d'éliminer automatiquement les offres les …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 22 juin 1989, Costanzo, C-103/88
Numéro(s) : C-103/88
Arrêt de la Cour du 22 juin 1989. # Fratelli Costanzo SpA contre Comune di Milano. # Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale della Lombardia - Italie. # Marchés publics de travaux - Offres anormalement basses - Effet direct des directives vis-à-vis de l'administration. # Affaire 103/88.
Date de dépôt : 30 mars 1988
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61988CJ0103
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1989:256
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61988J0103

Arrêt de la Cour du 22 juin 1989. – Fratelli Costanzo SpA contre Comune di Milano. – Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale della Lombardia – Italie. – Marchés publics de travaux – Offres anormalement basses – Effet direct des directives vis-à-vis de l’administration. – Affaire 103/88.


Recueil de jurisprudence 1989 page 01839
édition spéciale suédoise page 00083
édition spéciale finnoise page 00095


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

1 . Rapprochement des législations – Procédures de passation des marchés publics de travaux – Directive 71/305 – Attribution des marchés – Offres anormalement basses – Exclusion automatique – Inadmissibilité – Obligation de mettre en oeuvre une procédure de vérification – Offres sujettes à vérification – Obligations des autorités judiciaires et administratives nationales

( Directive du Conseil 71/305, art . 29, § 5 )

2 . Actes des institutions – Directives – Effet direct – Conditions – Conséquences

( Traité CEE, art . 189, al . 3 )

Sommaire


1 . L’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305, dont les États membres ne sauraient, lorsqu’ ils en transposent les dispositions, s’ écarter de manière substantielle, interdit à ceux-ci de mettre en place des dispositions prévoyant l’ exclusion d’ office des marchés de travaux publics de certaines offres, déterminées selon un critère mathématique, au lieu d’ obliger les pouvoirs adjudicateurs à appliquer la procédure de vérification contradictoire prévue par la directive .

Les États membres peuvent imposer la vérification des offres dès lors que celles-ci apparaissent anormalement basses, et non pas seulement lorsqu’ elles sont manifestement anormalement basses .

Tout comme le juge national, une administration, y compris communale, a l’ obligation d’ appliquer les dispositions de l’ article 29, paragraphe 5, de la directive et d’ écarter l’ application de celles du droit national qui n’ y sont pas conformes .

2 . Dans tous les cas où des dispositions d’ une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant le juge national à l’ encontre de l’ État, soit lorsque celui-ci s’ est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’ il en a fait une transposition incorrecte .

Lorsque sont remplies les conditions requises pour que les dispositions d’ une directive puissent être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales, tous les organes de l’ administration, y compris les autorités décentralisées, telles les communes, sont tenus de faire application de ces dispositions .

Parties


Dans l’ affaire 103/88,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’ article 177 du traité CEE, par le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia ( Italie ) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction, entre

la société Fratelli Costanzo S.p.A ., société de droit italien, ayant son siège à Misterbianco,

et

la Commune de Milan,

une décision à titre préjudiciel sur l’ interprétation de l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux ( JO L 185, p . 5),ainsi que sur celle de l’ article 189, troisième alinéa, du traité,

LA COUR,

composée de MM . O . Due, président, R . Joliet et F . Grévisse, présidents de chambre, Sir Gordon Slynn, MM . G.F . Mancini, F.A . Schockweiler et J.C . Moitinho de Almeida, juges,

avocat général : M . C.O . Lenz

greffier : M . H.A . Ruehl, administrateur principal

considérant les observations présentées

— pour la société Fratelli Costanzo S.p.A ., demanderesse au principal, à la procédure écrite par Mes L . Acquarone, M . Alì, F.P . Pugliese, M . Annoni et G . Ciampoli, avocats, et à la procédure orale par Me L . Acquarone, avocat,

— pour la Commune de Milan, défenderesse au principal, à la procédure écrite par Mes P . Marchese, C . Lopopolo et S . Ammendola, avocats, et à la procédure orale par Me P . Marchese, avocat,

— pour la société Impresa Ing . Lodigiani S.p.A ., partie intervenante au principal, à la procédure écrite par Mes E . Zauli et G . Pericu, avocats, et à la procédure orale par Me G . Pericu, avocat,

— pour le Gouvernement du Royaume d’ Espagne, à la procédure écrite par M . J . Conde de Saro et Mme R . Silva de Lapuerta, en qualité d’ agents, et à la procédure orale par Mme R . Silva de Lapuerta, en qualité d’ agent,

— pour le Gouvernement de la République italienne, par M . le professeur L . Ferrari Bravo, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des affaires étrangères, en qualité d’ agent, assisté de M . I.M . Braguglia, avvocato dello Stato,

— pour la Commission des Communautés européennes, à la procédure écrite et à la procédure orale par M. G . Berardis, membre de son service juridique, en qualité d’ agent,

vu le rapport d’ audience et à la suite de la procédure orale du 7 mars 1989,

ayant entendu les conclusions de l’ avocat général présentées à l’ audience du 25 avril 1989,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 16 décembre 1987, parvenue à la Cour le 30 mars 1988, le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia a posé, en vertu de l’ article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l’ interprétation de l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux ( JO L 185, p . 5 ), ainsi qu’ à celle de l’ article 189, troisième alinéa, du traité .

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’ un litige dans lequel la société Fratelli Costanzo S.p.A . ( ci-après Costanzo ), demanderesse au principal, sollicite l’ annulation d’ une décision par laquelle la Giunta Municipale de Milan a d’ abord écarté l’ offre présentée par Costanzo à une procédure d’ adjudication de travaux publics et a ensuite attribué le marché en cause à la société Impresa Ing . Lodigiani S.p.A . ( ci-après Lodigiani ).

3 L’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, précitée, dispose que :

« Si, pour un marché donné, des offres présentent manifestement un caractère anormalement bas par rapport à la prestation, le pouvoir adjudicateur en vérifie la composition avant de décider l’ attribution du marché . Il tient compte de cette vérification .

A cet effet, il demande au soumissionnaire de fournir les justifications nécessaires et lui signale, le cas échéant, celles qui sont jugées inacceptables .

Si les documents relatifs au marché prévoient l’ attribution au prix le plus bas, le pouvoir adjudicateur est tenu de motiver auprès du Comité consultatif institué par la décision du Conseil du 26 juillet 1971, le rejet des offres jugées trop basses ."

4 L’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305, a été mis en oeuvre en Italie par l’ article 24, troisième alinéa, de la loi n° 584, du 8 août 1977, portant dispositions d’ adaptation des procédures de passation des marchés publics de travaux aux directives de la Communauté économique européenne ( GURI, n° 232, du 26 août 1977, p . 6272 ). Cette disposition est rédigée comme suit :

« Si, pour un marché donné, des offres apparaissent comme anormalement basses par rapport à la prestation, le pouvoir adjudicateur, après avoir demandé au soumissionnaire de fournir les justifications nécessaires et lui avoir signalé, le cas échéant, celles qui sont jugées inacceptables, vérifie la composition des offres et peut les exclure s’ il considère qu’ elles ne sont pas valides; dans ce cas, si l’ avis de marché prévoit comme critère d’ attribution le prix le plus bas, le pouvoir adjudicateur est tenu de communiquer le rejet des offres, ainsi que la motivation y afférente, au Ministère des travaux publics qui en assurera la transmission au Comité consultatif pour les marchés publics de travaux de la Communauté économique européenne, dans le délai prévu à l’ article 6, premier alinéa, de la présente loi ."

5 Par la suite, en 1987, le Gouvernement italien a adopté successivement trois décrets-lois qui ont apporté des modifications provisoires à l’ article 24, troisième alinéa, de la loi n° 584 ( décret-loi n° 206, du 25 mai 1987, GURI, n° 120, du 26 mai 1987, p . 5; décret-loi n° 302, du 27 juillet 1987, GURI, n° 174, du 28 juillet 1987, p . 3; décret-loi n° 393, du 25 septembre 1987, GURI, n° 225, du 26 septembre 1987, p . 3 ).

6 Ces trois décrets-lois contiennent chacun un article 4 qui est rédigé de manière identique et dont les termes sont les suivants :

« Afin d’ accélérer les procédures relatives à la passation des marchés publics de travaux et pour une période de deux ans à compter de la date d’ entrée en vigueur du présent décret, sont considérées comme anormales, au sens de l’ article 24, troisième alinéa, de la loi n° 584, du 8 août 1977, et sont exclues du marché, les offres qui présentent un rabais d’ un pourcentage supérieur à la moyenne des pourcentages des offres admises, augmentée d’ un pourcentage qui devra être indiqué dans l’ avis de marché . »

7 Ces décrets-lois ont cessé de produire leurs effets parce qu’ ils n’ ont pas été convertis en lois dans le délai prescrit par la constitution italienne . Une loi ultérieure a toutefois précisé que les effets des actes juridiques adoptés sur la base de ces décrets-lois étaient maintenus ( article 1er, paragraphe 2, de la loi n° 478, du 25 novembre 1987, GURI, n° 277, du 26 novembre 1987, p . 3 ).

8 En vue des épreuves du championnat du monde de football qui se dérouleront en Italie en 1990, la Commune de Milan a procédé à un appel d’ offres restreint pour l’ adjudication de travaux d’ aménagement d’ un stade de football . Le critère d’ adjudication retenu était celui du prix le plus bas .

9 Il ressort de l’ avis de marché que, conformément à l’ article 4 du décret-loi n° 206, du 25 mai 1987, précité, seraient considérées comme anormales et donc exclues de la procédure d’ adjudication, les offres qui présenteraient une majoration inférieure de dix pour cent à la majoration moyenne, par rapport au montant de base fixé pour le prix des travaux, de l’ ensemble des offres admises à l’ adjudication .

10 Les offres admises à l’ adjudication ont présenté en moyenne une majoration de 19,48 % par rapport au montant de base fixé pour le prix des travaux . Conformément à l’ avis de marché, toutes les offres qui ne dépassaient pas d’ au moins 9,48% le montant de base devaient être automatiquement exclues de la procédure d’ adjudication .

11 L’ offre présentée par Costanzo était inférieure au montant de base . En date du 6 octobre 1987, la Giunta Municipale de Milan, se fondant sur l’ article 4 du décret-loi n° 393, du 25 septembre 1987, qui avait remplacé entre temps le décret-loi visé à l’ avis de marché, a dès lors décidé d’ exclure l’ offre de Costanzo de la procédure d’ adjudication et d’ attribuer le marché à Lodigiani, qui avait présenté l’ offre la plus basse parmi celles qui satisfaisaient à la condition énoncée dans l’ avis de marché .

12 Costanzo a attaqué cette décision devant le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia en soutenant notamment qu’ elle était illégale parce que fondée sur un décret-loi qui était lui-même incompatible avec l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil .

13 C’ est ainsi que cette juridiction a été amenée à poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« A . Attendu que, sur la base de l’ article 189 du traité CEE, les dispositions contenues dans une directive peuvent concerner le »résultat à atteindre« ( ci-après »dispositions de résultat « ) ou »la forme et les moyens« pour atteindre un certain résultat ( ci-après »dispositions de forme et de moyens « ), la Cour est invitée à dire si la disposition contenue dans l’ article 29, paragraphe 5, de la directive du Conseil n° 305 du 26 juillet 1971 ( dans la partie dans laquelle elle prévoit qu’ en cas d’ offre présentant manifestement un caractère anormalement bas, l’ administration »en vérifie la composition« avec l’ obligation de demander au soumissionnaire de fournir les justifications nécessaires et de lui signaler celles qui sont jugées inacceptables ) est une »disposition de résultat« et a, en tout état de cause, une nature telle que la République italienne était tenue de la transposer sans pouvoir y apporter aucune modification substantielle ( comme tel a été effectivement le cas dans l’ article 24, paragraphe 3 de la loi n° 584 du 8 août 1977 ) ou s’ il s’ agit d’ une »disposition de forme et de moyens« c’ est-à-dire telle que la République italienne puisse y déroger, en disposant qu’ en cas d’ offre anormalement basse, le soumissionnaire doit être exclu automatiquement du marché, sans aucune »vérification de la composition« et sans aucune demande de »justifications« au soumissionnaire ( d’ une »offre anormale ").

B . En cas de réponse négative à la question A ( en ce sens que la disposition de l’ article 29, paragraphe 5, de la directive CEE n° 305/1971 est « une disposition de forme et de moyens »), la Cour est invitée à dire :

B.1 si la République italienne (( après avoir assuré la transposition de la disposition précitée ( par la loi n° 577 du 8 août 1977 ) sans apporter aucune modification substantielle en ce qui concerne la procédure à suivre en cas d’ offre anormalement basse )) avait encore le pouvoir de modifier la disposition interne de transposition : en particulier, si l’ article 4 – au contenu identique – du D.L . n° 206 du 25 mai 1987, du D.L . n° 302 du 27 juillet 1987 et du D.L . n° 393 du 25 septembre 1987, pouvaient modifier l’ article 24 de la loi n° 584 du 8 août 1977;

B.2 si l’ article 4 – au contenu identique – du D.L . n° 206 du 25 mai 1987, du D.L . n° 302 du 27 juillet 1987 et du D.L . n° 393 du 25 septembre 1987, pouvaient modifier l’ article 29, paragraphe 5, de la directive CEE n° 305/1971 telle que transposée par la loi n° 584 du 5 avril 1977 sans motivation adéquate sur ce point, compte tenu du fait que la motivation – étant nécessaire pour les actes normatifs communautaires ( argument tiré de l’ article 190 du traité CEE ), semble également nécessaire pour les actes normatifs « internes » qui sont pris en application de dispositions communautaires ( et qui sont par conséquent des actes normatifs « sub-primaires » auxquels, dans le silence des textes, on ne peut pas ne pas appliquer la règle de la motivation des actes normatifs « primaires »).

C . La Cour est invitée à dire si, en tout état de cause, il existe une divergence entre la disposition de l’ article 29, paragraphe 5, de la directive n° 305/1971 et les dispositions contenues :

a ) dans l’ article 24, paragraphe 3, de la loi n° 584 du 8 août 1977 ( ce dernier se réfère aux offres « anormalement basses » alors que la directive concerne les offres qui présentent « manifestement » un caractère anormalement bas et ne prévoit qu’ en présence du caractère « manifestement » anormal de l’ offre la vérification de la composition etc .);

b ) dans les articles 4 des D.L . n° 206 du 25 mai 1987, n° 302 du 27 juillet 1987, n° 393 du 25 septembre 1987 ( ces derniers excluent la vérification préalable de la composition, avec demande d’ éclaircissements à la partie concernée, contrairement aux prescriptions de l’ article 29, paragraphe 5, de la directive; en outre, les décrets-lois mentionnés ci-dessus ne se réfèrent pas aux offres « manifestement » anormales et semblent en cela viciés de même que la loi n° 584 du 8 août 1977 ).

D . ( Au cas où elle estimerait que les dispositions précitées contenues dans les actes normatifs italiens mentionnés sont contraires à la disposition de l’ article 29, paragraphe 5, de la directive n° 305/1971 ), la Cour est invitée à dire si l’ administration communale avait le pouvoir ou l’ obligation de ne pas appliquer les dispositions internes contraires à ladite disposition communautaire ( éventuellement après consultation de l’ administration centrale ) ou si ce pouvoir ou cette obligation d’ inapplication n’ appartient qu’ au juge national ."

14 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, de la réglementation applicable, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d’ audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur la deuxième partie de la troisième question et sur la première question

15 Par la deuxième partie de la troisième question, la juridiction nationale cherche à savoir en substance si l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, interdit aux États membres de mettre en place des dispositions qui prévoient l’ exclusion d’ office des marchés de travaux publics, de certaines offres déterminées selon un critère mathématique, au lieu d’ obliger le pouvoir adjudicateur à appliquer la procédure de vérification contradictoire prévue par la directive . Par la première question, elle demande si, en transposant la directive 71/305 du Conseil, les États membres peuvent s’ écarter de manière substantielle des dispositions de l’ article 29, paragraphe 5, de cette directive .

16 En ce qui concerne la deuxième partie de la troisième question, il convient de rappeler que l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305, prescrit au pouvoir adjudicateur de vérifier la composition des offres présentant manifestement un caractère anormalement bas et qu’ il lui impose à cet effet l’ obligation de demander au soumissionnaire de fournir les justifications nécessaires . Cette même disposition oblige le pouvoir adjudicateur à signaler, le cas échéant, au soumissionnaire les justifications qui sont jugées inacceptables . Enfin, si le critère d’ adjudication retenu est celui du prix le plus bas, le pouvoir adjudicateur est tenu de motiver le rejet des offres jugées trop basses auprès du comité consultatif institué par la décision du Conseil du 26 juillet 1971 ( JO L 185, p . 15 ).

17 La Commune de Milan et le Gouvernement italien font valoir qu’ il est conforme à l’ objectif de l’ article 29, paragraphe 5, de la directive, de remplacer la procédure de vérification contradictoire prévue dans cette disposition par un critère d’ exclusion mathématique . Ils rappellent que cet objectif est, ainsi que la Cour l’ a relevé dans l’ arrêt du 10 février 1982 ( Transporoute, 76/81, Rec . p . 417, spéc . p . 428 ), de protéger le soumissionnaire contre l’ arbitraire du pouvoir adjudicateur . Un critère d’ exclusion mathématique offrirait à cet égard une garantie absolue . Il présenterait, en outre, par rapport à la procédure prévue par la directive, l’ avantage d’ une plus grande rapidité d’ application .

18 Cette argumentation ne peut être retenue . En effet, un critère d’ exclusion mathématique enlève aux soumissionnaires qui ont présenté des offres particulièrement basses la possibilité de prouver que ces offres sont sérieuses . L’ application d’ un tel critère est contraire à l’ objectif de la directive 71/305, qui est de favoriser le développement d’ une concurrence effective dans le domaine des marchés publics .

19 Il y a dès lors lieu de répondre à la deuxième partie de la troisième question que l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, interdit aux États membres de mettre en place des dispositions qui prévoient l’ exclusion d’ office des marchés de travaux publics, de certaines offres déterminées selon un critère mathématique, au lieu d’ obliger le pouvoir adjudicateur à appliquer la procédure de vérification contradictoire prévue par la directive .

20 En ce qui concerne la première question, il convient de rappeler que c’ est pour permettre aux soumissionnaires qui ont présenté des offres particulièrement basses, de prouver que ces offres sont sérieuses, et pour assurer ainsi l’ ouverture des marchés de travaux publics, que le Conseil a prescrit, dans l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305, une procédure précise et détaillée de vérification des offres paraissant anormalement basses . Cet objectif serait compromis si les États membres pouvaient transposer l’ article 29, paragraphe 5, de la directive, en s’ en écartant de manière substantielle .

21 Il y a dès lors lieu de répondre à la première question qu’ en transposant la directive 71/305 du Conseil, les États membres ne peuvent pas s’ écarter de manière substantielle des dispositions de l’ article 29, paragraphe 5, de cette directive .

Sur la deuxième question

22 Par la deuxième question, la juridiction nationale demande si les États membres peuvent, après avoir transposé l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, sans s’ en être écartés de manière substantielle, modifier par la suite la disposition interne assurant cette transposition, et, dans l’ affirmative, si cette modification doit être motivée .

23 La juridiction nationale n’ a posé cette deuxième question que pour le cas où il résulterait de la réponse apportée à la première question que les États membres peuvent transposer l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305, en s’ en écartant de manière substantielle .

24 Étant donné la réponse apportée à la première question, la deuxième question est sans objet .

Sur la première partie de la troisième question

25 Par la première partie de la troisième question, la juridiction nationale cherche à savoir si l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, permet aux États membres d’ imposer la vérification des offres dès lors que celles-ci apparaissent comme anormalement basses, et non pas seulement lorsqu’ elles sont manifestement anormalement basses .

26 Il y a lieu de relever que la procédure de vérification doit être appliquée toutes les fois que le pouvoir adjudicateur entend écarter des offres en raison de leur caractère anormalement bas par rapport à la prestation . Dès lors, quel que soit le seuil de déclenchement de cette procédure,les soumissionnaires seront assurés de ne pas être écartés du marché mis en concurrence sans avoir pu s’ expliquer sur le sérieux de leurs offres .

27 Il convient par conséquent de répondre à la première partie de la troisième question que l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, permet aux États membres d’ imposer la vérification des offres dès lors que celles-ci apparaissent comme anormalement basses, et non pas seulement lorsqu’ elles sont manifestement anormalement basses .

Sur la quatrième question

28 Par sa quatrième question, la juridiction nationale demande si, tout comme le juge national, une administration, y compris communale, a l’ obligation d’ appliquer les dispositions de l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, et d’ écarter l’ application de celles du droit national qui n’ y sont pas conformes .

29 Il convient de rappeler que dans ses arrêts du 19 janvier 1982 ( Becker, 8/81, Rec . p . 53, spéc . p . 71 ) et du 26 février 1986 ( Marshall, 152/84, Rec . p . 737, spéc . p . 748 ), la Cour a constaté que dans tous les cas où des dispositions d’ une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers étaient fondés à les invoquer devant le juge national à l’ encontre de l’ État, soit lorsque celui-ci s’ était abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’ il en avait fait une transposition incorrecte .

30 Il importe de relever que si, dans les conditions rappelées ci-dessus, les particuliers sont fondés à invoquer les dispositions d’ une directive devant les juridictions nationales, c’ est parce que les obligations découlant de ces dispositions s’ imposent à toutes les autorités des États membres .

31 Il serait par ailleurs contradictoire de juger que les particuliers sont fondés à invoquer les dispositions d’ une directive remplissant les conditions dégagées ci-dessus, devant les juridictions nationales, en vue de faire censurer l’ administration, et d’ estimer néanmoins que celle-ci n’ a pas l’ obligation d’ appliquer les dispositions de la directive en écartant celles du droit national qui n’ y sont pas conformes . Il en résulte que, lorsque sont remplies les conditions requises par la jurisprudence de la Cour pour que les dispositions d’ une directive puissent être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales, tous les organes de l’ administration, y compris les autorités décentralisées, telles les communes, sont tenus de faire application de ces dispositions .

32 En ce qui concerne plus particulièrement l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305, il ressort de l’ examen de la première question que cette disposition est inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée à l’ encontre de l’ État par les particuliers . Ceux-ci sont dès lors fondés à s’ en prévaloir devant les juridictions nationales et, ainsi qu’ il résulte de ce qui précède, tous les organes de l’ administration, y compris les autorités décentralisées, telles les communes, sont tenus d’ en faire application .

33 Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que, tout comme le juge national, une administration, y compris communale, a l’ obligation d’ appliquer les dispositions de l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, et d’ écarter l’ application de celles du droit national qui n’ y sont pas conformes .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

34 Les frais exposés par le Gouvernement espagnol, le Gouvernement italien et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’ objet d’ un remboursement . La procédure revêtant, à l’ égard des parties au principal, le caractère d’ un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia, par ordonnance du 16 décembre 1987, dit pour droit :

1 ) L’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, interdit aux États membres de mettre en place des dispositions qui prévoient l’ exclusion d’ office des marchés de travaux publics, de certaines offres déterminées selon un critère mathématique, au lieu d’ obliger le pouvoir adjudicateur à appliquer la procédure de vérification contradictoire prévue par la directive .

2 ) En transposant la directive 71/305 du Conseil, les États membres ne peuvent pas s’ écarter de manière substantielle des dispositions de l’ article 29, paragraphe 5, de cette directive .

3 ) L’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, permet aux États membres d’ imposer la vérification des offres dès lors que celles-ci apparaissent comme anormalement basses, et non pas seulement lorsqu’ elles sont manifestement anormalement basses .

4 ) Tout comme le juge national, une administration, y compris communale, a l’ obligation d’ appliquer les dispositions de l’ article 29, paragraphe 5, de la directive 71/305 du Conseil, et d’ écarter l’ application de celles du droit national qui n’ y sont pas conformes .

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CJCE, n° C-103/88, Arrêt de la Cour, Fratelli Costanzo SpA contre Comune di Milano, 22 juin 1989