CJCE, n° C-27/91, Arrêt de la Cour, Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Savoie (URSSAF) contre Hostellerie Le Manoir SARL, 21 novembre 1991

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 21 nov. 1991, Le Manoir, C-27/91
Numéro(s) : C-27/91
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 21 novembre 1991. # Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Savoie (URSSAF) contre Hostellerie Le Manoir SARL. # Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Chambéry - France. # Libre circulation des travailleurs - Discrimination indirecte - Cotisations sociales. # Affaire C-27/91.
Date de dépôt : 28 janvier 1991
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61991CJ0027
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1991:441
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61991J0027

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 21 novembre 1991. – Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de la Savoie (URSSAF) contre Hostellerie Le Manoir SARL. – Demande de décision préjudicielle: Cour d’appel de Chambéry – France. – Libre circulation des travailleurs – Discrimination indirecte – Cotisations sociales. – Affaire C-27/91.


Recueil de jurisprudence 1991 page I-05531


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

Libre circulation des personnes – Travailleurs – Égalité de traitement – Réglementation nationale alourdissant les charges sociales patronales dues par les employeurs de travailleurs en stage en cas de stage ne s’ insérant pas dans le système national d’ éducation – Discrimination dissimulée à l’ égard des travailleurs en stage ressortissants des autres États membres – Inadmissibilité

( Traité CEE, art . 48; règlement du Conseil n 1612/68, art . 7, § 2 )

Sommaire


L’ interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité en matière de rémunération et d’ avantages sociaux, telle qu’ elle est énoncée aux articles 48 du traité et 7, paragraphe 2, du règlement n 1612/68, vise non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’ autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat . C’ est pourquoi elle s’ oppose à l’ application d’ une réglementation d’ un État membre imposant à un organisme chargé du recouvrement des cotisations sociales de prendre en compte, pour un travailleur stagiaire qui ne relève pas du système de l’ éducation nationale, une base de calcul des charges sociales patronales plus défavorable que celle retenue pour un travailleur stagiaire qui relève du système national . En effet, ce seront essentiellement les stagiaires originaires des autres États membres qui relèveront du régime le moins favorable, ce qui est de nature à décourager les employeurs de leur offrir des possibilités de stage .

Parties


Dans l’ affaire C-27/91,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’ article 177 du traité CEE, par la cour d’ appel de Chambéry ( France ) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’ allocations familiales de la Savoie ( URSSAF )

et

Société Hostellerie Le Manoir,

une décision à titre préjudiciel sur l’ interprétation de l’ article 48 du traité CEE et de l’ article 7, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’ intérieur de la Communauté ( JO L 257, p . 2 ),

LA COUR ( deuxième chambre ),

composée de MM . F . A . Schockweiler, président de chambre, G . F . Mancini et J . L . Murray, juges,

avocat général : M . C . O . Lenz

greffier : M . H . A . Ruehl, administrateur principal

considérant les observations écrites présentées :

— pour l’ URSSAF, partie demanderesse au principal, par son directeur, M . Christian Gendey,

— pour la Commission des Communautés européennes, par Mme Maria Patakia, membre du service juridique, et M . Théofile Margellos, fonctionnaire grec mis à la disposition du service juridique au titre du régime d’ échanges avec les fonctionnaires nationaux, en qualité d’ agents,

vu le rapport d’ audience,

ayant entendu les observations orales de la Commission à l’ audience du 24 octobre 1991,

ayant entendu l’ avocat général en ses conclusions à l’ audience du même jour,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par arrêt du 7 janvier 1991, parvenu à la Cour le 28 janvier suivant, la cour d’ appel de Chambéry a posé, en vertu de l’ article 177 du traité CEE, une question préjudicielle sur l’ interprétation de l’ article 48 de ce traité et de l’ article 7, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’ intérieur de la Communauté ( JO L 257, p . 2 ).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d’ un litige opposant l’ Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’ allocations familiales ( ci-après « URSSAF ») de la Savoie à la société Hostellerie Le Manoir ( ci-après « Le Manoir ») à propos de cotisations sociales patronales dues par Le Manoir à l’ occasion d’ un stage professionnel que Mlle Noreen Haugh, ressortissante irlandaise suivant une formation professionnelle dans un collège technique en Irlande, avait effectué dans cet établissement du 2 avril au 30 septembre 1985 .

3 La législation française prévoit que seuls les employeurs qui assurent la formation professionnelle de stagiaires relevant de l’ Éducation nationale française sont assujettis au paiement des charges sociales, calculées en fonction des indemnités effectivement versées aux stagiaires, même si celles-ci sont inférieures au salaire minimal interprofessionnel de croissance ( ci-après « SMIC »).

4 Estimant que Le Manoir ne pouvait bénéficier des dispositions de cette législation pour une stagiaire qui ne relevait pas de l’ Éducation nationale française et compte tenu de l’ absence de convention conclue en la matière entre la France et l’ Irlande, l’ URSSAF a exigé le paiement des cotisations sur la base du SMIC, et non pas sur la base du montant inférieur des indemnités effectivement versées .

5 Saisie de ce litige, la cour d’ appel de Chambéry a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Le principe de la libre circulation des travailleurs et l’ interdiction de toute discrimination en matière de rémunération et d’ avantages sociaux, tels qu’ ils sont énoncés par l’ article 48 du traité de Rome et par l’ article 7, paragraphe 2, du règlement communautaire du 15 octobre 1968, permettent-ils à un organisme chargé du recouvrement, en France, des cotisations sociales, de prendre en compte, pour une stagiaire irlandaise, envoyée en stage par son établissement scolaire, une base de calcul des charges sociales patronales différente de celle qui est retenue pour les stagiaires français, au seul motif que cette stagiaire ne relève pas, du fait de sa nationalité, de la formation professionnelle assurée par l’ administration de l’ Éducation nationale française et qu’ aucun accord ne lie la France à l’ Irlande en cette matière?"

6 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, de déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d’ audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

7 Pour répondre à la question posée par la cour d’ appel de Chambéry, il convient de souligner d’ abord que la notion de travailleur, au sens de l’ article 48 du traité et du règlement n 1612/68, précité, revêt une portée communautaire . Comme la Cour l’ a déjà dit pour droit, est à considérer comme travailleur toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’ exclusion d’ activités tellement réduites qu’ elles se présentent comme purement marginales et accessoires . La caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu’ une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’ une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération ( voir, par exemple, arrêt du 21 juin 1988, Brown, 197/86, Rec . p . 3205 ).

8 Ainsi que la Cour a déjà eu l’ occasion de le préciser, le fait qu’ une personne accomplit ces prestations sur la base d’ un contrat de stage n’ interdit pas de la considérer comme un travailleur, dès lors qu’ elle exerce des activités réelles et effectives et que les caractéristiques essentielles de la relation de travail sont remplies ( voir, par exemple, arrêt du 3 juillet 1986, Lawrie-Blum, 66/85, Rec . p . 2121 ).

9 Il y a lieu de constater ensuite qu’ une réglementation nationale telle que celle visée dans l’ affaire au principal, bien qu’ elle s’ adresse formellement aux employeurs, concerne, en réalité, les travailleurs stagiaires . En effet, le fait que les employeurs sont soumis à des charges sociales patronales différentes, selon les catégories des travailleurs stagiaires en cause, affecte les possibilités de certains de ces travailleurs d’ accéder à un stage .

10 Il convient de relever enfin que, selon une jurisprudence constante, le principe d’ égalité de traitement inscrit aux articles 48 du traité et 7 du règlement n 1612/68, précité, prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’ autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat ( voir arrêt du 30 mai 1989, Allué et Coonan, 33/88, Rec . p . 1591 ).

11 Force est de constater à cet égard que, bien que la réglementation nationale visée en l’ espèce au principal ne se fonde pas ouvertement sur le critère de la nationalité, elle affecte essentiellement les travailleurs stagiaires ressortissants des autres États membres . En effet, il y a lieu de constater que les personnes qui, dans le cadre d’ une formation professionnelle dispensée dans un établissement scolaire, effectuent un stage en qualité de travailleurs, relèvent, dans leur très grande majorité, de l’ Éducation nationale de leur État d’ origine .

12 Il convient donc de considérer que le fait de subordonner le bénéfice d’ un allègement de charges sociales patronales à l’ engagement, par l’ employeur, de travailleurs stagiaires relevant de l’ Éducation nationale d’ un État membre aboutit, en réalité, à opérer une discrimination entre les travailleurs stagiaires nationaux et ceux ressortissants des autres États membres .

13 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée par la cour d’ appel de Chambéry que l’ interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité en matière de rémunération et d’ avantages sociaux, telle qu’ elle est énoncée aux articles 48 du traité CEE et 7, paragraphe 2, du règlement n 1612/68, s’ oppose à une réglementation nationale qui impose à un organisme chargé du recouvrement des cotisations sociales de prendre en compte, pour un travailleur stagiaire qui ne relève pas du système de l’ Éducation nationale, une base de calcul des charges sociales patronales plus défavorable que celle qui est retenue pour un travailleur stagiaire qui relève du système national .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

14 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’ objet d’ un remboursement . La procédure revêtant, à l’ égard des parties au principal, le caractère d’ un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR ( deuxième chambre ),

statuant sur la question à elle soumise par la cour d’ appel de Chambéry, par arrêt du 7 janvier 1991, dit pour droit :

L’ interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité en matière de rémunération et d’ avantages sociaux, tels qu’ ils sont énoncés aux articles 48 du traité CEE et 7, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’ intérieur de la Communauté, s’ oppose à une réglementation nationale qui impose à un organisme chargé du recouvrement des cotisations sociales de prendre en compte, pour un travailleur stagiaire qui ne relève pas du système de l’ Éducation nationale, une base de calcul des charges sociales patronales plus défavorable que celle qui est retenue pour un travailleur stagiaire qui relève du système national .

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