CJCE, n° C-74/91, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne, 27 octobre 1992

  • Méconnaissance des obligations découlant d' une directive·
  • Cee/ce - dispositions fiscales * dispositions fiscales·
  • Mise en cause de la légalité de la directive·
  • Système commun de taxe sur la valeur ajoutée·
  • Régime particulier des agences de voyages·
  • Acte inexistant 2. dispositions fiscales·
  • Harmonisation des législations fiscales·
  • Cee/ce - contentieux * contentieux·
  • Taxes sur le chiffre d' affaires·
  • Harmonisation des législations

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 27 oct. 1992, Commission / Allemagne, C-74/91
Numéro(s) : C-74/91
Arrêt de la Cour du 27 octobre 1992. # Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. # Sixième directive 77/388/CEE - Régime particulier pour l'imposition à la TVA des agences de voyages. # Affaire C-74/91.
Date de dépôt : 22 février 1991
Précédents jurisprudentiels : Commission/Espagne, points 6 à 9, C-35/90
Cour du 27 octobre 1992. - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. - Sixième directive 77/388/CEE
Solution : Recours en constatation de manquement : obtention
Identifiant CELEX : 61991CJ0074
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1992:409
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61991J0074

Arrêt de la Cour du 27 octobre 1992. – Commission des Communautés européennes contre République fédérale d’Allemagne. – Sixième directive 77/388/CEE – Régime particulier pour l’imposition à la TVA des agences de voyages. – Affaire C-74/91.


Recueil de jurisprudence 1992 page I-05437


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

1. Recours en manquement – Méconnaissance des obligations découlant d’ une directive – Moyens de défense – Mise en cause de la légalité de la directive – Irrecevabilité – Limites – Acte inexistant

(Traité CEE, art. 169, 170, 173 et 175)

2. Dispositions fiscales – Harmonisation des législations – Taxes sur le chiffre d’ affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Régime particulier des agences de voyages – Réglementation nationale prévoyant des exonérations ne se limitant pas aux opérations effectuées en dehors de la Communauté – Inadmissibilité

(Directive du Conseil 77/388, art. 26)

Sommaire


1. Le système des voies de recours établi par le traité distingue les recours visés aux articles 169 et 170, qui tendent à faire constater qu’ un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent, et les recours visés aux articles 173 et 175, qui tendent à faire contrôler la légalité des actes ou des abstentions des institutions communautaires. Ces voies de recours poursuivent des objectifs distincts et sont soumises à des modalités différentes. Un État membre ne saurait donc utilement, en l’ absence d’ une disposition du traité l’ y autorisant expressément, invoquer l’ illégalité d’ une directive comme moyen de défense à l’ encontre d’ un recours en manquement fondé sur la méconnaissance des obligations qu’ elle lui impose.

Il ne pourrait en être autrement que si la directive en cause était affectée de vices particulièrement graves et évidents, au point de pouvoir être qualifiée d’ acte inexistant.

2. Manque aux obligations lui incombant en vertu du traité un État membre qui applique à la marge des agences de voyages un régime d’ imposition à la taxe sur la valeur ajoutée prévoyant, pour certaines opérations exécutées par des tiers pour le compte de l’ agence, des exonérations qui, contrairement à ce qu’ autorise l’ article 26 de la sixième directive 77/388, ne se limitent pas aux opérations exécutées en dehors de la Communauté, mais portent également sur la totalité des transports aériens ou maritimes internationaux ou effectués exclusivement en dehors du territoire fiscal national.

En effet, si des exonérations pouvaient être maintenues par un État membre au titre des mesures transitoires prévues par l’ article 28 de la directive, et pour autant qu’ il serait satisfait aux conditions posées par ce dernier, elles ne peuvent l’ être par un État membre qui n’ a pas maintenu, pour les différentes opérations effectuées par les agences de voyages, le régime général d’ imposition à la taxe sur la valeur ajoutée mais a, au contraire, adopté un régime particulier fondé sur les règles définies par l’ article 26, précité.

Parties


Dans l’ affaire C-74/91,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Bernd Langeheine et Daniel Calleja y Crespo, membres du service juridique, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Roberto Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République fédérale d’ Allemagne, représentée par MM. Ernst Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l’ Économie, et Joachim Karl, Regierungsdirektor au même ministère, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l’ ambassade de la République fédérale d’ Allemagne, 20-22, avenue Émile Reuter,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en appliquant à la marge des agences de voyages un régime d’ imposition à la taxe sur la valeur ajoutée incompatible avec les dispositions de l’ article 26 de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’ harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’ affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), la République fédérale d’ Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président de la cinquième chambre, faisant fonction de président, M. Zuleeg et J. L. Murray, présidents de chambre, G. F. Mancini, R. Joliet, F. A. Schockweiler, J. C. Moitinho de Almeida, F. Grévisse et D. A. O. Edward, juges,

avocat général: M. C. Gulmann

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur

vu le rapport d’ audience,

ayant entendu les représentants des parties en leur plaidoirie à l’ audience du 17 juin 1992, au cours de laquelle la Commission a été représentée par M. Daniel Calleja y Crespo, membre du service juridique, assisté de M. Claus-Michael Happe, fonctionnaire allemand mis à la disposition de la Commission au titre du régime d’ échange de fonctionnaires,

ayant entendu l’ avocat général en ses conclusions à l’ audience du 15 septembre 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 février 1991, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l’ article 169 du traité CEE, introduit un recours visant à faire constater que, en appliquant à la marge des agences de voyages un régime d’ imposition à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après « TVA ») incompatible avec les dispositions de l’ article 26 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’ harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’ affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après « sixième directive »), la République fédérale d’ Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE.

2 L’ article 26 de la sixième directive a prévu un régime particulier de TVA applicable aux opérations des agences de voyages si ces agences agissent en leur propre nom à l’ égard des voyageurs et lorsqu’ elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons et des prestations de services d’ autres assujettis. Selon ce régime, les opérations effectuées par l’ agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l’ agence de voyages au voyageur et la base d’ imposition est constituée par la marge de l’ agence de voyages, c’ est-à-dire par la différence entre le montant total à payer par le voyageur, hors TVA, et le coût effectif supporté par l’ agence pour les livraisons et prestations de services d’ autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur. Si les opérations pour lesquelles l’ agence de voyages a recours à d’ autres assujettis sont exécutées par ces derniers en dehors de la Communauté, la prestation de services de l’ agence est assimilée à une activité d’ intermédiaire, exonérée en vertu de l’ article 15, paragraphe 14. Si ces opérations sont exécutées tant à l’ intérieur qu’ à l’ extérieur de la Communauté, seule doit être considérée comme exonérée la partie de la prestation de services de l’ agence de voyages qui concerne les opérations exécutées en dehors de la Communauté.

3 La même directive a prévu, par ailleurs, dans son article 28, des dispositions transitoires, dont certaines intéressent directement le régime particulier des agences de voyages. Aux termes du paragraphe 3, sous b), de cet article, les États membres peuvent « continuer à exonérer les opérations énumérées à l’ annexe F dans les conditions existantes dans l’ État membre ». La liste des opérations énumérées à l’ annexe F comprend, en son point 27, « les prestations de services des agences de voyages visées à l’ article 26 … pour des voyages effectués à l’ intérieur de la Communauté ». Le Conseil, dont l’ intervention est prévue par le paragraphe 4 de l’ article 28, n’ ayant pas décidé la suppression des dispositions transitoires relatives aux prestations des agences de voyages, celles-ci sont toujours applicables.

4 En droit allemand, c’ est l’ article 25 de la loi du 29 novembre 1979 (Umsatzsteuergesetz: UStG 1980), relative à l’ impôt sur le chiffre d’ affaires, qui fixe le régime de la TVA applicable aux prestations de voyages. Cet article comporte des dispositions comparables à celles de la sixième directive en ce qui concerne la définition des prestations de l’ agence de voyages et de leurs bases d’ imposition. Mais les exonérations qu’ il prévoit pour certaines opérations exécutées pour le compte de l’ agence de voyages par des tiers que la loi allemande désigne comme des « intermédiaires » ne sont pas limitées à celles de ces opérations qui sont exécutées en dehors de la Communauté puisqu’ elles portent également sur la totalité des transports aériens ou maritimes internationaux ou effectués exclusivement en dehors du territoire fiscal allemand.

5 Pour un plus ample exposé des faits du litige, des dispositions communautaires et nationales pertinentes, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d’ audience. Ces éléments du dossier ne sont repris que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

6 A l’ appui de son recours, la Commission fait valoir que les dispositions de la loi allemande qui règlent l’ imposition à la TVA des agences de voyages, dans la mesure où elles permettent l’ exonération de prestations portant sur des opérations exécutées totalement ou partiellement à l’ intérieur du territoire de la Communauté, sont contraires à celles de l’ article 26 de la sixième directive, qui ne prévoit une telle exonération que pour les prestations ou parties de prestations portant sur des opérations exécutées en dehors de la Communauté. L’ exclusion, du calcul de la taxe, d’ opérations dont l’ exonération n’ est pas prévue par les dispositions communautaires a pour effet de réduire anormalement la base d’ imposition des agences de voyages, ce qui peut donner lieu à des distorsions de concurrence par rapport aux agences d’ autres États membres et avoir une incidence négative sur les ressources propres de la Communauté provenant de la TVA.

7 Le gouvernement défendeur présente plusieurs arguments à l’ encontre des griefs formulés par la Commission. Ses justifications portent sur la nullité des prescriptions de l’ article 26 de la sixième directive ou l’ impossibilité de les appliquer, sur l’ application des dispositions transitoires de l’ article 28 de la même directive, sur les problèmes propres à l’ organisation des voyages maritimes et, enfin, sur les distorsions de concurrence nées d’ exonérations autorisées à différents titres.

Sur la nullité des dispositions de l’ article 26 de la sixième directive ou l’ impossibilité de les appliquer

8 La République fédérale estime que la transposition des dispositions de l’ article 26 de la sixième directive est rendue impossible par les problèmes insurmontables que pose notamment l’ établissement de l’ impôt dans le cas d’ opérations qui comprennent des voyages aériens dont les trajets sont à la fois intérieurs et extérieurs à la Communauté. En effet, ainsi que le montre la discussion au sein du comité consultatif de la TVA, institué par l’ article 29 de la sixième directive, qui a envisagé lors de sa 25e réunion des 10 et 11 avril 1989 un régime simplifié d’ imposition, il est extrêmement difficile, dans la pratique, de déterminer les différentes parties de territoires survolées, en raison de la fréquence des changements de routes aériennes. Le gouvernement allemand en tire la conclusion que l’ article 26, précité, est nul ou, en tout cas, impossible à appliquer.

9 La Commission soutient que la République fédérale n’ est ni recevable à exciper de l’ illégalité des dispositions en cause de la sixième directive ni fondée à invoquer l’ impossibilité de les appliquer.

10 Il convient de rappeler, tout d’ abord, que le système des voies de recours établi par le traité distingue les recours visés aux articles 169 et 170, qui tendent à faire constater qu’ un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent, et les recours visés aux articles 173 et 175, qui tendent à faire contrôler la légalité des actes ou des abstentions des institutions communautaires. Ces voies de recours poursuivent des objectifs distincts et sont soumises à des modalités différentes. Un État membre ne saurait donc utilement, en l’ absence d’ une disposition du traité l’ y autorisant expressément, invoquer l’ illégalité d’ une décision dont il est destinataire comme moyen de défense à l’ encontre d’ un recours en manquement fondé sur l’ inexécution de cette décision (arrêt du 30 juin 1988, Commission/Grèce, point 14, 226/87, Rec. p. 3611). Il ne peut pas davantage se prévaloir de l’ illégalité d’ une directive que la Commission lui reproche d’ avoir méconnue.

11 Il ne pourrait en être autrement que si l’ acte en cause était affecté de vices particulièrement graves et évidents, au point de pouvoir être qualifié d’ acte inexistant (arrêt du 30 juin 1988, Commission/Grèce, précité, point 16), ce qui n’ est même pas allégué, en l’ espèce, par le gouvernement allemand.

12 Par ailleurs, si la Cour admet qu’ à l’ occasion d’ un recours en manquement un État membre puisse invoquer l’ impossibilité absolue d’ exécuter correctement une décision communautaire (arrêt du 2 février 1988, Commission/Pays-Bas, point 22, 213/85, Rec. p. 281), les arguments soutenus à l’ appui de cette objection ne permettent pas d’ établir l’ impossibilité absolue d’ exécuter correctement l’ article 26 de la sixième directive. A cet égard, il suffit de constater que, même si les difficultés techniques invoquées par la défenderesse en matière de ventilation entre les parties communautaire et extracommunautaire des prestations de transports aériens sont réelles, elles n’ ont pas empêché la transposition de la disposition litigieuse dans le droit national de plusieurs États membres. Le comité consultatif de la TVA, dont les propositions de simplification sont évoquées par la République fédérale d’ Allemagne, a, d’ ailleurs, expressément indiqué que les mesures qu’ il préconisait n’ excluaient pas que les agences de voyages puissent pratiquer la ventilation prévue à l’ article 26, paragraphe 3, de la sixième directive.

Sur l’ application des dispositions transitoires de la sixième directive

13 Le gouvernement allemand se prévaut ensuite des dispositions transitoires de l’ article 28, paragraphe 3, de la sixième directive, qui permettent aux États membres de continuer à exonérer certaines opérations dans les conditions existantes et qu’ il estime être en droit de n’ appliquer que partiellement en ce qui concerne les opérations visées aux points 27 et 17 de l’ annexe F de la sixième directive. Il fait valoir, notamment dans les réponses aux questions posées par la Cour, que si la loi relative à la taxe sur le chiffre d’ affaires du 29 novembre 1979 (UStG 1980) a modifié le système antérieur établi par l’ UStG 1973, qui ne prévoyait pas de régime particulier pour les agences de voyages mais la taxation de chacune des différentes prestations de voyage selon le régime général, avec la possibilité d’ exonérer ou de dispenser certaines opérations, le nouveau système n’ a eu aucune incidence sur la portée des exonérations litigieuses. Après comme avant cette modification, en effet, tant les prestations intermédiaires que la prestation globale fournie par l’ agence au voyageur se trouvent exonérées de toute taxe pour la totalité des transports aériens ou maritimes internationaux.

14 La Commission soutient, au contraire, que le gouvernement défendeur ne peut pas se prévaloir des dispositions transitoires de l’ article 28 de la directive dès lors qu’ il a choisi d’ appliquer le régime définitif prescrit à l’ article 26. Elle fait notamment valoir que ce régime définitif prévoit l’ imposition d’ une prestation de services unique de l’ agence de voyages et que le maintien de l’ exonération de certaines des opérations constitutives de cette prestation est, de ce fait, incompatible avec son application.

15 Les dispositions transitoires de l’ article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, qui autorisent les États membres à « continuer à exonérer les opérations énumérées à l’ annexe F dans les conditions existantes dans l’ État membre », s’ opposent, par leur libellé même, à l’ introduction de nouvelles exonérations ou à l’ extension de la portée d’ exonérations existantes (arrêt du 8 juillet 1986, Kerrutt, point 17, 73/85, Rec. p. 2219), ainsi qu’ à la réintroduction d’ exonérations existant avant l’ assujettissement à la TVA des prestations en cause conformément à la sixième directive (arrêt du 17 octobre 1991, Commission/Espagne, points 6 à 9, C-35/90, Rec. p. I-5073).

16 En vertu du régime particulier établi par l’ article 26 de la sixième directive, les opérations effectuées par l’ agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l’ agence au voyageur et c’ est cette prestation unique qui est imposée à la TVA, la seule exception expressément prévue concernant les opérations effectuées en dehors de la Communauté pour lesquelles la prestation de services ou la partie de la prestation de services de l’ agence est exonérée de taxe. Le point 27 de l’ annexe F de la sixième directive, qui cite « les prestations de services des agences de voyages visées à l’ article 26 » au nombre des opérations susceptibles de continuer à être exonérées en application de l’ article 28, paragraphe 3, sous b), ne peut donc viser que la prestation unique de l’ agence de voyages normalement soumise à imposition et non l’ une ou l’ autre des opérations qui, constitutives de cette prestation unique, étaient antérieurement soumises à un autre régime d’ imposition.

17 Dès lors que la République fédérale d’ Allemagne, qui ne le conteste pas, n’ a pas maintenu, pour les différentes opérations effectuées par les agences de voyages, le régime général d’ imposition à la TVA et a adopté un régime particulier fondé sur les règles définies par l’ article 26 de la sixième directive, elle ne peut pas se prévaloir de la possibilité de continuer à exonérer certaines opérations dont l’ exonération n’ est pas prévue par cet article. Ainsi que le relève la Commission, l’ admission du maintien d’ exonérations partielles non expressément prévues par les dispositions transitoires de la sixième directive applicables aux agences de voyages serait d’ ailleurs contraire au principe de la sécurité juridique, qui impose une application claire et précise des règles définies par les directives communautaires.

18 Quant au point 17 de l’ annexe F de la sixième directive, qui vise certaines prestations de transport que les États membres peuvent continuer à exonérer en application de l’ article 28, paragraphe 3, sous b), le gouvernement allemand ne peut pas, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, s’ en prévaloir pour justifier le maintien d’ exonérations afférentes aux prestations de services des agences de voyages, qui sont soumises au régime particulier défini à l’ article 26 et distinct de celui des prestations de transport.

Sur l’ organisation des voyages maritimes

19 En ce qui concerne plus particulièrement l’ organisation de voyages maritimes, le gouvernement défendeur invoque les dispositions de l’ article 27, paragraphe 5, de la sixième directive, qui permettent aux États membres de maintenir, dans certaines conditions, des mesures particulières dérogatoires destinées à simplifier la perception de la taxe. Il soutient que, les prestations de transport maritime étant en règle générale presque exclusivement effectuées sur les eaux de la haute mer, c’ est-à-dire en dehors du territoire de la Communauté, les croisières doivent être exonérées, dans un souci de simplification, même lorsqu’ elles ont lieu entre deux ports situés dans des États membres.

20 La Commission conteste ce point de vue en indiquant notamment que les propositions du comité consultatif de la TVA sur la taxation des prestations des agences de voyages relatives aux croisières démontrent que la ventilation à opérer selon les critères fixés par l’ article 26, paragraphe 3, de la sixième directive, est tout à fait praticable.

21 D’ une part, si l’ article 27, paragraphe 5, de la sixième directive permet aux États membres qui appliquaient, au 1er janvier 1977, des mesures particulières dérogatoires de simplification, de les maintenir, cette possibilité n’ est ouverte qu’ à certaines conditions, dont celle de notifier ces mesures à la Commission avant le 1er janvier 1978. Or, le gouvernement allemand a reconnu à l’ audience que s’ il avait, sur le fondement de cette disposition, notifié de telles mesures avant la fin de l’ année 1977, cette notification ne portait pas sur l’ activité des agences de voyages mais sur l’ exploitation des services de transports maritimes.

22 D’ autre part, si la République fédérale d’ Allemagne entend, en faisant valoir ce souci de simplification, invoquer à nouveau les difficultés de ventilation entre les parties communautaire et extracommunautaire des prestations qu’ elle a déjà soulignées à propos des transports aériens, il suffit de rappeler que ces difficultés ne sont pas insurmontables. A cet égard, il convient de relever que si le comité consultatif de la TVA a envisagé un régime simplifié d’ imposition des prestations des agences de voyages relatives aux croisières « lorsque la croisière s’ effectue exclusivement entre des ports de la Communauté » ou « lorsque la croisière s’ effectue au départ de la Communauté à destination d’ un pays tiers », il a également prévu un régime de ventilation des opérations « lorsque la croisière s’ effectue entre des ports situés à la fois à l’ intérieur et à l’ extérieur de la Communauté ». Dans son avis, ainsi que la Cour l’ a constaté à propos des voyages aériens au point 12 du présent arrêt, le comité consultatif précise, d’ ailleurs, expressément qu’ il n’ exclut pas des possibilités qu’ il envisage celle, pour les agences de voyages, de continuer à procéder conformément aux dispositions actuellement en vigueur de l’ article 26, paragraphe 3, de la sixième directive.

Sur les distorsions de concurrence invoquées par le gouvernement défendeur

23 Pour justifier les exonérations litigieuses, le gouvernement allemand fait également état de la nécessité d’ éviter des distorsions de concurrence tant avec les agences de voyages des autres États membres qui utilisent encore le régime transitoire prévu par l’ article 28 de la sixième directive qu’ avec les agences de voyages possédant leurs propres aéronefs, dont l’ activité de prestation de transport est, sur le fondement du même régime transitoire, exonérée dans tous les États membres au titre des transports aériens internationaux, et finalement aussi avec les voyageurs individuels.

24 Cette argumentation, que conteste à juste titre la Commission, ne peut être retenue.

25 D’ une part, même s’ il est vrai que le maintien du régime transitoire dans certains États membres peut entraîner des distorsions de concurrence, cette circonstance ne saurait autoriser la République fédérale d’ Allemagne, si elle n’ utilise pas légalement ce régime transitoire, à ne pas appliquer correctement l’ article 26 de la sixième directive et à créer ainsi elle-même de telles distorsions au détriment des États qui ont transposé les dispositions de cet article.

26 D’ autre part, la sixième directive a prévu, ainsi qu’ il a été relevé au point 2 du présent arrêt, un régime particulier de TVA applicable aux opérations des agences de voyages si ces agences agissent en leur propre nom à l’ égard des voyageurs et lorsqu’ elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons et des prestations de services d’ autres assujettis. Ce régime ne concerne pas les prestations de transport effectuées sans intermédiaire, qui relèvent des dispositions générales applicables aux entreprises de transport. La situation fiscale des ces deux types d’ opérations n’ est donc pas comparable. Même si le maintien d’ un régime transitoire d’ exonération pour certaines prestations de transport peut être de nature à accentuer les différences de situation entre organisateurs de voyages, selon qu’ ils sont ou non eux-mêmes des entrepreneurs de transport, et entre voyageurs, selon qu’ ils utilisent ou non les services d’ une agence, cette circonstance ne saurait pas davantage autoriser une application incorrecte du régime particulier prévu par la directive.

27 Il y a donc lieu de constater que, en appliquant à la marge des agences de voyages un régime d’ imposition à la TVA incompatible avec les dispositions de l’ article 26 de la sixième directive, la République fédérale d’ Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

28 Aux termes de l’ article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La République fédérale d’ Allemagne ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) En appliquant à la marge des agences de voyages un régime d’ imposition à la TVA incompatible avec les dispositions de l’ article 26 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’ harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’ affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, la République fédérale d’ Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE.

2) La République fédérale d’ Allemagne est condamnée aux dépens.

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