CJCE, n° C-17/92, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Federación de Distribuidores Cinematográficos contre Estado Español et Unión de Productores de Cine y Televisión, 18 février 1993

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 18 févr. 1993, Distribuidores Cinematográficos, C-17/92
Numéro(s) : C-17/92
Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 18 février 1993. # Federación de Distribuidores Cinematográficos contre Estado Español et Unión de Productores de Cine y Televisión. # Demande de décision préjudicielle: Tribunal Supremo - Espagne. # Réglementation nationale visant à favoriser la distribution de films nationaux. # Affaire C-17/92.
Date de dépôt : 22 janvier 1992
Précédents jurisprudentiels : Arrêt du 16 décembre 1992, B & Q ( C-169/91
Collectieve Antennevoorziening Gouda ( C-288/89
Commission/Belgique ( C-211/92
Commission/France ( C-154/89
Commission/Italie ( C-180/89
Commission/Pays-Bas ( C-353/89, Rec. I-4069, point 14
Conforama ( C-312/89
Cour:arrêt du 3 février 1993, Vereniging Veronica Omroep Organisatie ( C-148/91
Torfaen ( C-145/88
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61992CC0017
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1993:74
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61992C0017

Conclusions de l’avocat général Van Gerven présentées le 18 février 1993. – Federación de Distribuidores Cinematográficos contre Estado Español et Unión de Productores de Cine y Televisión. – Demande de décision préjudicielle: Tribunal Supremo – Espagne. – Réglementation nationale visant à favoriser la distribution de films nationaux. – Affaire C-17/92.


Recueil de jurisprudence 1993 page I-02239
édition spéciale suédoise page I-00181
édition spéciale finnoise page I-00191


Conclusions de l’avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Dans la présente affaire, le Tribunal Supremo de España, Sala de lo Contencioso-Administrativo (Sección Tercera) (ci-après « Tribunal Supremo ») interroge la Cour sur la compatibilité avec le droit communautaire d’ une réglementation espagnole relative à l’ octroi de licences pour le doublage de films de pays tiers. Cette réglementation fait dépendre la distribution en Espagne d’ une version doublée de tels films dans une des langues officielles de l’ Espagne, de la condition que l’ entreprise de distribution qui demande la licence souscrive l’ engagement de distribuer en même temps un film espagnol. Le Tribunal Supremo pose cette question dans le cadre d’ un recours en annulation formé contre la réglementation espagnole concernée par la Federación de Distribuidores Cinematográficos (FEDICINE), qui est une association espagnole de distributeurs de films.

Contexte de l’ affaire

2. Jusqu’ à son adhésion aux Communautés européennes, l’ Espagne connaissait une réglementation particulièrement stricte en matière de films. Cette réglementation comportait une condition de nationalité applicable aux producteurs de films établis en Espagne et aux entreprises qui assuraient le doublage de films, prévoyait en outre une licence pour le doublage et la distribution de films étrangers – l’ octroi d’ une telle licence était subordonné à la condition de distribuer un film espagnol -, et fixait enfin la proportion de films étrangers et espagnols pouvant être projetés ou distribués par l’ intermédiaire de la télévision ou du grand écran (1).

Après son adhésion à la Communauté, l’ Espagne a adapté sa législation en matière de films en adoptant le Real Decreto Legislativo 1257/1986 du 13 juin 1986 (ci-après « arrêté ») (2). L’ article unique de l’ arrêté comporte deux règles relatives à la distribution de films non espagnols (3). Les films produits dans d’ autres États membres de la Communauté peuvent être librement distribués par les entreprises de distribution constituées conformément à la loi. Par contre, en ce qui concerne les films de pays tiers, l’ arrêté reprend la réglementation antérieure, dans la mesure où la distribution de ces films en version doublée demeure subordonnée à l’ obtention préalable d’ une licence. Pour chaque film espagnol qu’ elles se sont engagées à distribuer, les entreprises de distribution se voient octroyer un maximum de quatre licences de doublage. En outre, elles doivent s’ engager contractuellement aux conditions suivantes: (i) la première licence est octroyée aussitôt que l’ autorité compétente (c’ est-à-dire l’ Instituto de la Cinematografía y de las Artes Audiovisuales, ci-après « ICAA ») a été informée du début du tournage du film espagnol que l’ entreprise de distribution s’ est engagée à distribuer (4); (ii) les deuxième, troisième et quatrième licences sont accordées sur la preuve que le film espagnol concerné a engendré des niveaux de recettes déterminés (respectivement 30, 60 et 100 millions de pesetas).

On peut encore signaler que, dans une lettre du 28 décembre 1992 faisant suite à une demande de la Cour, le gouvernement espagnol a confirmé qu’ une nouvelle modification de sa législation en matière cinématographique était en préparation, et ce « toujours dans la perspective de l’ adaptation au droit communautaire ».

3. FEDICINE a formé contre l’ arrêté un recours en annulation devant le Tribunal Supremo. Elle fait valoir que l’ arrêté instaure une réglementation protectionniste et est discriminatoire à l’ égard des films d’ autres États membres, au motif qu’ il oblige les distributeurs de films à favoriser la distribution de films espagnols. Le Tribunal Supremo a estimé approprié de soumettre à la Cour la question préjudicielle suivante:

« Est-il compatible avec l’ ordre juridique communautaire de soumettre l’ octroi de licences de doublage de films de pays tiers, en vue de leur distribution en Espagne dans une version doublée en l’ une des langues officielles espagnoles, à la souscription préalable par l’ entreprise de distribution qui demande une telle licence, d’ un contrat lui imposant d’ assurer la distribution d’ un film espagnol?"

4. Étant donné la manière dont le Tribunal Supremo a formulé sa question, il nous paraît utile de rappeler une nouvelle fois que, dans le cadre d’ une procédure préjudicielle, la Cour ne peut pas se prononcer sur la compatibilité d’ une réglementation nationale avec le droit communautaire. Néanmoins, selon une jurisprudence établie, la Cour « peut dégager du libellé des questions formulées par le juge national, eu égard aux données exposées par celui-ci, les éléments relevant de l’ interprétation du droit communautaire, en vue de permettre à ce juge de résoudre le problème juridique dont il se trouve saisi » (5).

Le droit communautaire applicable

5. En vue d’ une réponse correcte à la question du Tribunal Supremo, il nous faut, en premier lieu, étant donné la manière très générale dont cette juridiction pose la question de la compatibilité avec le droit communautaire, examiner quelles sont les règles communautaires applicables à la présente affaire.

Devant la juridiction nationale, FEDICINE a soutenu que la réglementation espagnole litigieuse était contraire aux articles 30 à 36, 59 et 92 du traité, aux directives 63/607/CEE et 65/264/CEE (6), ainsi qu’ à l’ accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Dans les observations qu’ elle a présentées devant la Cour, elle ne conteste plus la validité de l’ arrêté que sur la base des articles 30 et 36 du traité, c’ est-à-dire des règles communautaires en matière de circulation des marchandises. Par contre, le gouvernement espagnol et la Commission estiment que la compatibilité de l’ arrêté avec le droit communautaire doit être examinée sous l’ angle de l’ article 59 du traité, en d’ autres termes sous l’ angle des dispositions en matière de circulation des services. Il nous faut par conséquent examiner en premier lieu si les dispositions du traité en matière de circulation des marchandises, ou celles relatives à la circulation des services, trouvent à s’ appliquer dans la présente affaire.

6. Ainsi que nous l’ avons signalé, dans ses observations devant la Cour, FEDICINE estime que la réglementation contenue dans l’ arrêté constitue une mesure d’ effet équivalent contraire à l’ article 30 du traité CEE, au motif que cette réglementation favoriserait la distribution de films espagnols par l’ intermédiaire du système de licences succinctement décrit ci-dessus, et rendrait par conséquent moins attrayante la distribution de films en provenance d’ autres États membres. Le raisonnement de FEDICINE à cet égard repose manifestement sur la prémisse selon laquelle les films sont des marchandises au sens du traité.

La Commission, au contraire, soutient que, dans la présente affaire, seules les conditions d’ exploitation des films de fabrication espagnole, des films d’ autres États membres et des films de pays tiers, sont en cause. Selon elle, l’ exploitation d’ un film doit être considérée comme un service au sens de l’ article 59 du traité CEE. Bien que, pour un film tourné en dehors de l’ Espagne, l’ importation d’ au moins une copie soit nécessaire à son exploitation commerciale, l’ élément essentiel de l’ activité économique constituée par l’ exploitation de films consiste, selon la Commission, dans le fait que le producteur autorise le distributeur à projeter son film au public, et obtient du distributeur, à titre de contre-prestation pour cette autorisation, une rémunération pouvant consister en une somme forfaitaire ou en un pourcentage calculé sur la base des recettes du film.

7. Il est évident que le tournage d’ un film cinématographique suppose la fabrication d’ un support matériel, à savoir la bande du film, qui peut être sa copie standard ou une reproduction de celle-ci. Cette bande du film est sans aucun doute une « marchandise » au sens, tel que précisé par la Cour, des dispositions du traité en matière de circulation des marchandises, à savoir des « produits appréciables en argent et susceptibles, comme tels, de former l’ objet de transactions commerciales » (7). La Cour s’ est également prononcée en ce sens dans l’ arrêt Cinéthèque, à propos de la production de vidéocassettes. Elle a indiqué que:

« on ne saurait qualifier de 'service’ , au sens du traité, les travaux de fabrication de vidéocassettes, dès lors que les prestations du fabricant de tels produits conduisent directement à la fabrication d’ un objet matériel qui fait, d’ ailleurs, l’ objet d’ une classification au tarif douanier commun (position 37.07). Selon l’ article 60 du traité, sont en effet considérées comme services, les prestations fournies contre rémunération 'qui ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises' » (8).

8. Toutefois, cela ne signifie nullement que l’ exploitation de films relève des dispositions du traité en matière de circulation des marchandises. Bien que l’ exploitation, dans un État membre donné, d’ un film cinématographique fabriqué dans un autre État membre suppose un déplacement transfrontalier de marchandises, en ce sens qu’ au moins une copie du film doit être importée dans le pays d’ exploitation (9), nous estimons aussi que l’ élément essentiel de l’ exploitation du film ne réside pas dans cette circulation commerciale matérielle de bandes (10). Ainsi que la Cour l’ a confirmé dans les arrêts Coditel, le film cinématographique se distingue d’ autres produits culturels, qui supposent la mise en circulation d’ un grand nombre de supports matériels (livres, disques compacts, vidéocassettes). En effet:

« le film appartient à la catégorie des oeuvres littéraires et artistiques mises à la disposition du public par la voie de représentations qui peuvent se répéter à l’ infini et dont la commercialisation relève de la circulation des services, quel que soit son mode de diffusion publique, cinéma ou télévision » (11).

9. Il s’ ensuit que l’ élément essentiel de l’ exploitation d’ un film réside dans la mise à disposition, par le producteur, des droits de distribution sur un marché déterminé et dans la cession, à titre temporaire, des droits de représentation publique sur ce marché (12). Le transfert (transfrontalier) d’ un support matériel du film n’ est qu’ une conséquence logique de cela, de sorte qu’ on ne peut pas parler de circulation des marchandises au sens du traité. Le fait qu’ il s’ agit ici d’ une prestation de services fournie contre rémunération – généralement un pourcentage déterminé des recettes produites par les représentations – nous paraît évident, de sorte que cet élément de la notion de services telle que définie à l’ article 60 du traité est également présent (13).

10. Tout cela ne signifie pas nécessairement que les dispositions du traité en matière de circulation des services trouveront toujours à s’ appliquer. Pour cela, il est également exigé (en vertu de l’ alinéa premier de l’ article 59 du traité CEE) que le prestataire de services soit un ressortissant d’ un État membre établi dans la Communauté et que le service fourni par lui présente un caractère intracommunautaire. Selon la jurisprudence de la Cour, ce dernier élément est notamment présent lorsque (i) le prestataire de services se déplace dans un autre État membre pour fournir le service (14); (ii) le destinataire se rend dans un autre État membre pour y bénéficier des services (15); (iii) aucun des deux ne se rend dans un autre État membre, mais le service est fourni par un prestataire établi dans un État membre différent de celui du destinataire (16).

11. Il nous semble que l’ exploitation, dans un État membre, de films produits dans un autre État membre, relèvera le plus souvent de cette dernière catégorie, puisque cette prestation de services ne nécessite pas de franchissement des frontières intérieures de la Communauté, ni de la part du producteur (prestataire des services), ni de celle du distributeur-exploitant (destinataire des services).

Toutefois, nous souhaitons encore attirer l’ attention sur le fait que, si le producteur étranger disposait d’ une présence économique constante dans le pays où a lieu la prestation des services – que ce soit par l’ intermédiaire d’ une succursale, par celui d’ un agent indépendant, ou sous une quelconque autre forme -, ce ne seraient pas les dispositions du traité en matière de circulation des services, mais celles relatives au droit d’ établissement (articles 52 à 58 du traité), qui s’ appliqueraient (17). Cela résulte de la règle de priorité énoncée à l’ article 60 du traité CEE, qui prévoit que les dispositions relatives à la circulation des services ne sont applicables que dans la mesure où les dispositions relatives (notamment) à la libre circulation des personnes ne sont pas applicables.

L’ arrêté est-il contraire aux dispositions du traité en matière de circulation des services?

12. Nous admettons donc, sous réserve des conditions énoncées ci-dessus, que la présente affaire doit être examinée dans le cadre du régime du traité en matière de circulation des services. Se pose alors, concrètement, la question de savoir si une réglementation telle que celle contenue dans l’ arrêté constitue une restriction à la libre circulation des services contraire à l’ article 59 du traité.

Selon la jurisprudence constante de la Cour, une telle incompatibilité est présente lorsqu’ un prestataire de services fait l’ objet d’ une discrimination exercée en raison de sa nationalité ou de la circonstance qu’ il se trouve établi dans un État membre autre que celui où la prestation doit être fournie (18). Dans l’ arrêt Saeger, la Cour a ajouté que l’ article 59 exige en outre la suppression de toute restriction, même si elle s’ applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’ elle est de nature à prohiber ou gêner autrement les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues (19).

13. Est-on ici en présence d’ un traitement discriminatoire à l’ égard de prestataires de services d’ un autre État membre, ou d’ une quelconque autre restriction à la circulation des services? Il est difficile de nier que l’ arrêté avantage les producteurs de films espagnols par rapport aux producteurs de films d’ autres États membres: le système de licences en matière de doublage et de distribution de films de pays tiers est en effet exclusivement lié au tournage et à la distribution d’ un film espagnol. Dans la pratique, cela crée, en faveur des producteurs de films espagnols, un avantage considérable, ainsi qu’ il ressort des données chiffrées citées par la Commission, qui émanent de l’ ICAA. Plus de 40 % du nombre total de films distribués en Espagne proviennent des États-Unis, et ces films américains représentent plus de 70 % du total des recettes d’ entrées pour le cinéma. Plus des deux tiers de ces films américains sont diffusés en version doublée. L’ arrêté litigieux a pour conséquence qu’ au moins un film espagnol doit être distribué chaque fois que quatre licences de doublage de ces films sont accordées. Dans ces circonstances, il n’ est pas possible de contester que l’ arrêté place les producteurs de films d’ autres États membres dans une situation plus défavorable que les producteurs espagnols, puisque les premiers sont privés de l’ avantage qui résulte de l’ obligation de distribution et des niveaux de recettes associés à cette obligation.

14. Ce qui précède infirme d’ emblée l’ argument du gouvernement espagnol, selon lequel l’ arrêté n’ aurait pas le moindre effet restrictif sur l’ exploitation de films d’ autres États membres: dans la même mesure où il exerce un effet protecteur en faveur des producteurs de films-prestataires de services établis en Espagne, l’ arrêté défavorise les producteurs-prestataires de services établis dans un autre État membre (20). En raison du fait que leurs films sont exclus du système de distribution obligatoire qui, ainsi que nous l’ avons signalé, ne s’ applique qu’ aux films espagnols, la prestation de services des producteurs d’ autres États membres est moins encouragée, et est par conséquent entravée: cela affecte tant la distribution que la promotion de leurs films en Espagne. En outre, cette restriction présente un caractère discriminatoire, étant donné que les producteurs de films d’ autres États membres sont privés d’ un avantage bien défini, qui est effectivement octroyé aux producteurs de films espagnols.

15. Selon une jurisprudence établie de la Cour, des réglementations nationales qui comportent un traitement discriminatoire à l’ égard de prestations de services en provenance d’ un autre État membre ne peuvent être compatibles avec le droit communautaire que si elles peuvent s’ autoriser d’ une disposition dérogatoire expresse du traité (21).

Les seules dispositions dérogatoires que l’ Espagne pourrait invoquer résident dans les articles 66 et 56 combinés du traité, qui autorisent les réglementations discriminatoires justifiées par des raisons d’ ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Parmi ces justifications, seule la première, à savoir l’ ordre public, nous semble pouvoir éventuellement entrer en considération.

La réglementation peut-elle être justifiée au titre de l’ ordre public?

16. Le gouvernement espagnol, qui estime d’ ailleurs que l’ arrêté ne contient aucun élément discriminatoire, soutient que la réglementation litigieuse poursuit un objectif culturel justifié au regard du droit communautaire, à savoir la protection de la production cinématographique nationale d’ un État membre. A défaut de réglementation au niveau communautaire, les États membres seraient libres, à l’ intérieur des limites autorisées par le droit communautaire, de fixer les objectifs politiques et de définir les instruments nécessaires pour atteindre ces objectifs.

Dans un rapport de 1983, le Parlement européen a déjà confirmé que le film cinématographique fait partie intégrante du patrimoine culturel de la Communauté et mérite donc une protection au même titre que d’ autres éléments de ce patrimoine (22).

Se pose néanmoins la question de savoir, sur le plan juridique, dans quelle mesure il y a, à l’ intérieur de la notion d’ ordre public au sens des articles 66 et 56 combinés du traité, place pour une réglementation nationale ou régionale qui, en vue de la protection de la production cinématographique interne dans le cadre d’ une politique visant à préserver le patrimoine culturel, accorde aux producteurs nationaux de films un avantage concurrentiel important, au détriment de producteurs d’ autres États membres.

17. Il ressort de la jurisprudence communautaire existante que les chances que tel soit le cas sont très réduites. En effet, la Cour retient une interprétation stricte de la notion d’ « ordre public » au sens de l’ article 56 du traité CEE: selon l’ arrêt Bouchereau, le recours à cette justification suppose:

« en tout cas, l’ existence, en dehors du trouble pour l’ ordre social que constitue toute infraction à la loi, d’ une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société » (23).

Dans le domaine de la circulation des marchandises, la Cour a, dès l’ origine, déclaré que les raisons de politique économique sont à tous égard étrangères à cette notion – visée à l’ article 36 du traité (24). Elle l’ a également confirmé en matière de circulation des services. Ainsi a-t-elle jugé, dans l’ arrêt « Bond van Adverteerders »:

« (…) que des objectifs de nature économique tels que celui d’ assurer à une fondation publique nationale l’ intégralité des recettes provenant de messages publicitaires destinés spécialement au public de l’ État en cause ne peuvent constituer des raisons d’ ordre public au sens de l’ article 56 du traité » (25).

Cela ne signifie cependant pas que l’ application de l’ article 36 (et, peut-on ajouter, de l’ article 56) soit exclue « du seul fait qu’ une réglementation nationale justifiée par des circonstances objectives répondant aux exigences des intérêts y visés permet d’ atteindre à côté d’ autres objectifs de nature économique » (26). Il en est d’ autant plus ainsi lorsque l’ objectif de nature économique doit permettre la réalisation d’ un objectif mentionné dans cette disposition (en l’ espèce la protection de la santé) (27).

Toutefois, même lorsque la condition de fond énoncée par l’ arrêt Bouchereau est remplie, la Cour impose encore une condition de proportionnalité stricte: dans l’ arrêt Bond van Adverteerders, elle a rappelé que:

« les mesures prises en vertu de cet article ne doivent pas être disproportionnées par rapport à l’ objectif visé. En tant qu’ exception à un principe fondamental du traité, l’ article 56 doit, en effet, être interprété de façon que ses effets soient limités à ce qui est nécessaire pour la protection des intérêts qu’ il vise à garantir » (28).

18. Il résulte de la définition stricte de la notion d’ ordre public et de la condition de proportionnalité que, pour les réglementations nationales, dans la mesure où elles exercent un effet sur la circulation des services entre les États membres, cette notion ne peut être invoquée qu’ exceptionnellement. Bien que son contenu puisse, dans une certaine mesure, varier d’ un État membre à un autre (29), cette notion vise en effet exclusivement « une (des) menace(s) réelle(s) et suffisamment grave(s), affectant un intérêt fondamental de la société ». En outre, elle n’ inclut pas les objectifs économiques, ce qui implique que les réglementations nationales ou régionales poursuivant, exclusivement ou principalement, sous le couvert de protection d’ intérêts fondamentaux, un but économique, n’ en relèvent pas. Enfin, même lorsque la réglementation a effectivement pour objectif le maintien de l’ ordre public, elle ne peut être admise que si cet objectif ne peut pas être atteint au moyen de réglementations moins restrictives, moins discriminatoires, ou non discriminatoires.

En ce qui concerne les prestations de services dans le secteur de l’ audiovisuel, tout cela a été clairement établi par l’ arrêt Bond van Adverteerders et par le récent arrêt relatif au décret flamand sur le câble.

19. La première de ces affaires mettait en cause la réglementation néerlandaise de l’ époque, qui contenait une interdiction de diffuser par le câble des programmes de radio et de télévision émis à partir d’ autres États membres et comportant des messages publicitaires destinés au public néerlandais ou un sous-titrage néerlandais. Le droit de diffuser des messages publicitaires était réservé à une fondation, dont les recettes étaient utilisées par l’ État pour subsidier des organismes nationaux de radiodiffusion et la presse nationale. Le gouvernement néerlandais avait fait valoir que les dispositions d’ interdiction précitées poursuivaient un objectif non économique d’ ordre public, à savoir le maintien du caractère non commercial et pluraliste du système de radiodiffusion nationale. Sans rejeter cet argument, la Cour a immédiatement appliqué la condition de proportionnalité mentionnée précédemment. D’ après ce que le gouvernement néerlandais avait lui-même reconnu, cette condition n’ était pas remplie: les objectifs précités pouvaient parfaitement être réalisés par des moyens différents, moins restrictifs et non discriminatoires (30).

20. Dans l’ affaire du décret flamand sur le câble, l’ argumentation du gouvernement belge a reçu un accueil encore moins favorable. Un décret de la Communauté flamande interdisait aux sociétés de télévision de diffuser sur leurs réseaux des programmes sonores et télévisés de services de radiodiffusion d’ autres États membres qui n’ avaient pas lieu dans une des langues de l’ État membre dans lequel le service de radiodiffusion était établi. Pour justifier cette restriction discriminatoire, le gouvernement belge avait invoqué des objectifs de politique culturelle, à savoir le maintien du pluralisme dans la presse écrite (qui bénéficie directement des recettes publicitaires des stations nationales de télévision), la préservation et le développement du patrimoine artistique, ainsi que la viabilité des stations nationales. La Cour n’ a pas semblé convaincue par ces arguments et y a au contraire trouvé (spécialement dans le premier et le troisième) des indices faisant apparaître que la réglementation litigieuse avait pour objet de limiter la concurrence effective aux stations nationales, dans le but de préserver les recettes publicitaires de celles-ci (31). En outre, ainsi que la Cour – suivant ainsi son avocat général (32) – l’ a ajouté:

« les justifications avancées par le gouvernement belge ne relèvent d’ aucune des exceptions à la libre prestation de services admises par l’ article 56, à savoir l’ ordre public, la sécurité publique et la santé publique » (33).

21. Si nous appliquons cette jurisprudence à la présente affaire, il nous faut conclure qu’ une réglementation telle que celle contenue dans l’ arrêté ne peut pas se prévaloir de l’ exception d’ ordre public visée à l’ article 56. En effet, l’ arrêté ne constitue pas une protection contre une « menace réelle et suffisamment grave » affectant un intérêt fondamental de la société. En outre, il nous semble principalement inspiré, comme dans l’ affaire du décret flamand sur le câble, par des motifs de politique économique. Même si l’ arrêté vise effectivement aussi à promouvoir les films dans une des langues officielles de l’ Espagne, il paraît cependant avoir principalement en vue la préservation de l’ industrie cinématographique nationale (34), dès lors que seuls les producteurs de films espagnols se voient offrir l’ avantage d’ une distribution suffisante.

La réglementation peut-elle être justifiée au titre de la protection du patrimoine culturel?

22. Dans la Communauté d’ aujourd’ hui, on attache une importance croissante à l’ épanouissement des cultures des États membres et de leurs régions. Il nous paraît donc indiqué de consacrer encore quelques développements à la question de savoir si, pour une réglementation comme celle en cause, il n’ est pas possible de trouver, en droit communautaire, une autre justification que l’ ordre public, plus spécialement une raison impérieuse d’ intérêt général liée à la protection du patrimoine culturel.

L’ importance attachée au patrimoine culturel augmentera encore lorsque le traité sur l’ Union européenne sera entré en vigueur. Il nous paraît en effet utile de rappeler que ce traité charge la Commission de contribuer « à l’ épanouissement des cultures des États membres » (35), mission qui, selon l’ article 128 nouveau du traité, doit être remplie « dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’ héritage culturel commun » (paragraphe 1). En outre, cet article impose à la Communauté, dans son action au titre d’ autres dispositions du présent traité, de tenir compte « des aspects culturels » (paragraphe 4).

En ce qui concerne ce dernier point, on peut, à titre d’ exemple, attirer l’ attention sur l’ article 92, paragraphe 3, sous d), nouveau du traité CEE, prévu par le traité sur l’ Union européenne. En vertu de cette disposition, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun:

« les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n’ altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l’ intérêt commun ».

23. La diversité des cultures constitue incontestablement, nonobstant les difficultés qui y sont liées, une des richesses de la Communauté. De nombreux arrêts montrent que la Cour, elle non plus, n’ est pas insensible à cette diversité et aux besoins politiques spécifiques qu’ implique la recherche de la conservation de l’ identité culturelle.

Dans le domaine de la circulation des services, nous pouvons renvoyer aux affaires dites des « guides touristiques », dans lesquelles la Cour a formellement reconnu « la conservation du patrimoine historique et artistique national » (36), ainsi que « la valorisation des richesses historiques et la meilleure diffusion possible des connaissances relatives au patrimoine artistique et culturel d’ un pays » (37), comme des raisons impérieuses d’ intérêt général pouvant justifier une restriction à la libre circulation des services.

Plus récemment encore, dans ses arrêts « Mediawet », la Cour a reconnu qu’ une politique culturelle nationale ayant pour but de sauvegarder la liberté d’ expression des différentes composantes sociales, culturelles, religieuses et philosophiques dans un État membre (en l’ espèce les Pays-Bas) poursuit un but justifié d’ un point de vue communautaire:

« Entendue en ce sens, une politique culturelle peut certes constituer une raison impérieuse d’ intérêt général justifiant une restriction à la libre prestation des services. En effet, le maintien du pluralisme qu’ entend garantir cette politique néerlandaise est lié à la liberté d’ expression, telle qu’ elle est protégée par l’ article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’ homme et des libertés fondamentales, qui figure parmi les droits fondamentaux garantis par l’ ordre juridique communautaire (…). » (38)

24. Egalement dans le domaine de la libre circulation des travailleurs, la Cour fait preuve de compréhension à l’ égard de mesures nationales et régionales ayant pour but de préserver l’ identité culturelle d’ un peuple. Cela est illustré par l’ arrêt Groener, dans lequel, interrogée sur la compatibilité avec le droit communautaire d’ une réglementation irlandaise subordonnant la nomination à un poste de professeur dans une institution publique d’ enseignement à la preuve d’ une connaissance suffisante de la langue irlandaise, la Cour a répondu comme suit:

« Les dispositions du traité CEE ne s’ opposent pas à l’ adoption d’ une politique qui vise la défense et la promotion de la langue d’ un État membre qui est tout à la fois la langue nationale et la première langue officielle. Toutefois, la mise en oeuvre de cette politique ne doit pas porter atteinte à une liberté fondamentale telle que la libre circulation des travailleurs. Dès lors, les exigences découlant des mesures destinées à mettre en oeuvre une telle politique ne doivent en aucun cas être disproportionnées par rapport au but poursuivi et les modalités de leur application ne doivent pas comporter de discriminations au détriment des ressortissants d’ autres États membres. » (39)

25. Enfin, la jurisprudence de la Cour en matière de libre circulation des marchandises témoigne également de cette ouverture à des objectifs de politique culturelle (et, plus largement, socio-culturelle) non fondamentalement discriminatoires.

Dans l’ arrêt Cinéthèque, la Cour a décidé qu’ un régime national qui, « en vue d’ encourager la création des oeuvres cinématographiques sans distinction d’ origine, vise à réserver, pendant une période initiale limitée, la diffusion de ces oeuvres par priorité à l’ exploitation en salle » poursuit un objectif justifié au regard du droit communautaire. Dans la mesure où les entraves aux échanges intracommunautaires provoquées par l’ application de cette interdiction ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, l’ article 30 n’ est pas applicable à un tel régime (40).

Dans les récentes affaires de fermeture dominicale, la Cour a également confirmé qu’ il appartient aux États membres d’ « effectuer » … des « choix, tenant aux particularités socio-culturelles nationales ou régionales » … « dans le respect des exigences découlant du droit communautaire et notamment du principe de proportionnalité » (41).

26. Il résulte de cette jurisprudence qu’ une réglementation qui s’ inscrit dans la politique culturelle d’ autorités nationales ou régionales, peut le cas échéant s’ autoriser d’ une raison impérieuse d’ intérêt général reconnue par le droit communautaire et justifiant des restrictions déterminées à la circulation intracommunautaire des personnes, des marchandises ou des services. Il s’ agit là de mesures qui visent à assurer le maintien et la valorisation de richesses historiques et artistiques ou la diffusion de la connaissance artistique et culturelle (voir les arrêts dits des « guides touristiques ») (42), le maintien de la liberté d’ expression pluraliste des différentes composantes sociales, culturelles, religieuses et philosophiques dans un pays (arrêts « Mediawet »), ou la protection d’ une langue nationale (arrêt Groener). Cette raison impérieuse peut, selon nous, être décrite, de manière générale, comme la protection, le développement et la diffusion du patrimoine culturel propre d’ un État membre ou d’ une région d’ un État membre, dans un contexte pluraliste et en tant que composante d’ un héritage culturel commun aux États membres (ci-après succinctement dénommée « protection du patrimoine culturel »).

Toutefois, il est établi qu’ une telle raison impérieuse ne peut pas justifier des entraves qui vont au-delà de ce qui est objectivement nécessaire pour atteindre le but visé (43). En outre, des objectifs de nature économique ne peuvent pas non plus être poursuivis au moyen de telles réglementations (même si la recherche d’ effets économiques secondaires ne doit pas être totalement exclue) (44). Enfin, ainsi que la Cour l’ a déclaré dans l’ arrêt Groener (voir ci-dessus, point 24), les modalités d’ application d’ une telle politique culturelle (plus précisément, dans cette affaire, d’ une politique linguistique) ne peuvent pas comporter de discriminations au détriment des ressortissants d’ autres États membres.

27. En ce qui concerne cette dernière condition, à savoir le caractère non discriminatoire de la mesure, il ne faut, à notre avis, pas exclure un certain assouplissement de la jurisprudence. Il ne sera pas rare que des mesures prises pour protéger le patrimoine culturel d’ un État membre ou d’ une de ses régions comportent un avantage direct ou indirect en faveur de ses propres artistes ou institutions culturelles (ainsi, par exemple, la création d’ un prix cinématographique ou littéraire, ou l’ encouragement par un autre moyen d’ artistes ou d’ associations artistiques (45)). Même lorsque de telles mesures concernent des prestations de services relevant du champ d’ application de l’ article 59 du traité CEE – c’ est-à-dire dans la mesure où la pratique culturelle qui y est visée constitue une activité économique au sens de l’ article 60 du traité CEE et où elle n’ est en outre pas purement interne à un État membre déterminé (46) -, elles peuvent néanmoins encore, le cas échéant, entrer en considération aux fins d’ une justification au regard du droit communautaire.

Le fondement de cette conception peut être trouvé dans une application par analogie, à des mesures nationales concernant la circulation des services, de la justification relative à la protection des « trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique », visée à l’ article 36 – en matière de circulation des marchandises. Une telle application par analogie peut s’ appuyer sur la jurisprudence de la Cour (47), sur des conclusions d’ avocats généraux (48), et sur la doctrine (49). Selon nous, le fait que la justification énoncée à l’ article 36 est plus étroite que la protection du patrimoine culturel propre, ne constitue pas un obstacle, bien que la Cour ait admis que l’ énumération de l’ article 36 était limitative (50). En effet, cette prise de position ne peut pas empêcher que soit attachée aux justifications énoncées à l’ article 36 une signification conforme à l’ évolution du droit communautaire indiquée ci-dessus (points 22 et ss.) (51).

28. Quoiqu’ il en soit, la réglementation litigieuse ne peut pas, selon nous, s’ autoriser de la raison impérieuse de protection du patrimoine culturel, dès lors qu’ il n’ est pas démontré que l’ arrêté contesté a principalement en vue le maintien et la promotion de la culture propre de l’ État membre concerné. Ainsi que nous l’ avons indiqué précédemment (point 21), l’ arrêté a essentiellement été inspiré par des raisons de politique économique, puisqu’ il tend à faire distribuer le plus grand nombre possible de films espagnols et, à défaut de tout contrôle de qualité, n’ est pas de nature à susciter la production de films de qualité. Pour réaliser ce dernier objectif, nous pouvons d’ ailleurs concevoir d’ autres mesures, poursuivant réellement un but culturel et n’ entravant pas autant la circulation intracommunautaire des services, telles que la création de prix visant à promouvoir les films valables d’ un point de vue qualitatif.

29. Étant donné que l’ analyse qui précède nous a conduit à conclure que l’ arrêté est incompatible avec l’ article 59 du traité, il ne nous paraît pas nécessaire d’ examiner les autres règles communautaires dont, dans la procédure au principal, FEDICINE a soutenu qu’ elles étaient violées (voir ci-dessus, point 4).

Conclusion

30. Nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la question posée par le Tribunal Supremo:

« Une réglementation nationale qui soumet le doublage de films de pays tiers à un système de licences imposant au distributeur l’ obligation de s’ engager par contrat à distribuer en même temps un film de l’ État membre en question, comporte, au détriment des producteurs de films d’ autres États membres, une discrimination contraire à l’ article 59 du traité, qui, étant donné qu’ elle poursuit principalement des objectifs économiques, ne peut pas s’ autoriser d’ une justification reconnue par le droit communautaire. »

(*) Langue originale: le néerlandais.

(1) – Dans ses observations écrites, la Commission examine plus en détail cette réglementation espagnole antérieure.

(2) – Boletin Oficial del Estado n 153 du 27 juin 1986, p. 23427.

(3) – Voir le rapport d’ audience pour le texte de cet article.

(4) – Cette licence est automatiquement annulée si le film n’ est pas présenté dans un délai de 200 jours suivant le début du tournage. L’ ICAA peut proroger ce délai sur demande justifiée des intéressés.

(5) – Voir notamment l’ arrêt du 11 janvier 1978, procédure pénale contre X (14/86, Rec. p. 2545, points 15 à 16); voir, encore récemment, l’ arrêt du 28 janvier 1992, López Brea (affaires jointes C-30/90 et C-331/90, Rec. p. I-323, point 5).

(6) – Pour les références précises de ces directives, voir ci-dessous, note 9.

(7) – Arrêt du 10 décembre 1968, Commission/Italie (7/68, Rec. p. 617, spécialement p. 626) ; voir, encore récemment, l’ arrêt du 9 juillet 1992, Commission/Belgique (C-2/90, Rec. p. I-0000, points 23 et 26); voir la définition de la notion de marchandises au point 18 des conclusions présentées le 19 septembre 1991 par l’ avocat général M. Jacobs dans cette dernière affaire.

(8) – Arrêt du 11 juillet 1985, Cinéthèque (affaires jointes 60/84 et 61/84, Rec. p. 2605, point 10). Voir aussi l’ arrêt du 7 mai 1985, Commission/France (18/84, Rec. p. 1339, point 12), dans lequel la Cour refuse de qualifier de services les travaux d’ imprimerie, dès lors que les prestations d’ imprimeurs conduisent directement à la fabrication d’ un objet matériel qui, en tant que tel, fait d’ ailleurs l’ objet d’ une classification au tarif douanier commun (…) .

(9) – C’ est pour cette raison que, dans le cadre de la réalisation du marché commun, l’ action de la Communauté s’ est tournée en premier lieu vers la suppression des contingents à l’ importation affectant les films en provenance d’ un autre État membre: voir notamment les articles 5 et 10 de la directive 63/607/CEE du Conseil, du 15 octobre 1963, en vue de la mise en oeuvre des dispositions du Programme général pour la suppression des restrictions à la libre prestation des services en matière de cinématographie (JO 1963, p. 2661). La deuxième directive adoptée dans ce domaine oblige les États membres à supprimer, au plus tard le 31 décembre 1966, tous les contingents à l’ importation des films ayant la nationalité d’ un ou de plusieurs États membres: article 7 de la deuxième directive 65/264/CEE du Conseil, du 13 mai 1965, en vue de la mise en oeuvre des dispositions des Programmes généraux pour la suppression des restrictions à la liberté d’ établissement et à la libre prestation des services en matière de cinématographie (JO 1965, p. 1437). L’ article 7, alinéa 3, de cette directive précise que la suppression des contingents comporte le droit d’ importation illimitée de copies, de contretypes et de matériel publicitaire.

(10) – Les échanges intracommunautaires concernant les matériels, supports de son, films et autres produits matériels nécessaires à la production d’ un film sont bien entendu soumis aux règles relatives à la libre circulation des marchandises: voir, à propos de produits utilisés pour la diffusion de messages télévisés, l’ arrêt du 30 avril 1974, Sacchi (155/73, Rec. p. 409, point 7); voir aussi l’ arrêt du 18 juin 1991, Elliniki Radiophonia Tileorassi (ERT) (C-260/89, Rec. p. I-2925, point 14). Les produits photographiques ou cinématiques , qui incluent les films cinématographiques, font d’ ailleurs l’ objet d’ un chapitre spécifique du tarif douanier commun, à savoir le chapitre 37: règlement (CEE) n 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1, spécialement pp. 249 à 252).

(11) – Arrêt du 6 octobre 1982, Coditel II (262/81, Rec. p. 3381, point 11), qui se réfère à l’ arrêt du 18 mars 1980, Coditel I (62/79, Rec. p. 881, point 12).

(12) – Voir la définition des activités de distribution et de location de films , donnée à l’ article 2, paragraphe 2, de la directive 68/369/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, concernant la réalisation de la liberté d’ établissement pour les activités non salariées de distribution de films (JO 1968, L 260, p. 22).

(13) – Sur l’ élément de rémunération ou de contre-prestation comme caractéristique de la notion communautaire de services et, plus généralement, de la notion d’ activité économique au sens du traité CEE, voir notamment: arrêt du 14 juillet 1976, Donà (13/76, Rec. p. 1333, point 12); arrêt du 5 octobre 1988, Steymann (196/87, Rec. p. 6159, point 14); arrêt du 4 octobre 1991, Grogan (C-159/90, Rec. p. I-4685, points 16 à 21).

(14) – Selon les arrêts dits des guides touristiques , l’ article 59 trouve également à s’ appliquer lorsque le prestataire et le destinataire des services sont établis dans le même État membre, mais que les services eux-mêmes sont offerts sur le territoire d’ un autre État membre: arrêts du 26 février 1991, Commission/France (C-154/89, Rec. p. I-659, point 10); Commission/Italie (C-180/89, Rec. p. I-709, point 9); Commission/Grèce (C-199/89, Rec. p. I-727, point 10).

(15) – Arrêt du 31 janvier 1984, Luisi et Carbone (affaires jointes 286/82 et 26/83, Rec. p. 377, point 10); arrêt du 2 février 1989, Cowan (186/87, Rec. p. 195, point 15).

(16) – Arrêt du 25 juillet 1991, Saeger (C-76/90, Rec. p. I-4221, point 13).

(17) – Voir arrêt du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne (205/84, Rec. p. 3755, point 21); voir aussi arrêt du 25 juillet 1991, Factortame II (C-221/89, Rec. p. I-390, point 20).

(18) – Voir déjà l’ arrêt du 3 décembre 1974, Van Binsbergen (33/74, Rec. p. 1299, point 25); voir plus récemment, entre autres, l’ arrêt Commission/Allemagne, cité à la note précédente, point 25; les arrêts dits des guides touristiques , précités: arrêts Commission/France, point 12, Commission/Italie, point 15 et Commission/Grèce, point 16; arrêt ERT, cité à la note 10, point 19; arrêts Mediawet du 25 juillet 1991, Commission/Pays-Bas (C-353/89, Rec. I-4069, point 14) et Collectieve Antennevoorziening Gouda (C-288/89, Rec. p. I-4007, point 10); arrêt du 20 mai 1992, Ramrath (C-106/91, Rec. p. I-3352, point 27).

(19) – Arrêt Saeger, point 12.

(20) – Voir l’ arrêt Mediawet Commission/Pays-Bas, point 23.

(21) – Voir arrêt du 26 avril 1988, Bond van Adverteerders (362/85, Rec. p. 2085, point 32); arrêt Collectieve Antennevoorziening Gouda, point 12; arrêt Commission/Pays-Bas, point 15.

(22) – Le texte visé est vraisemblablement le Rapport fait au nom de la commission de la jeunesse, de la culture, de l’ éducation, de l’ information et des sports sur la promotion du cinéma des pays de la Communauté , établi par Mme Marie-Jeanne Pruvot, Parlement européen, Documents de séance 1983-1984, 15 juillet 1983, PE 76.975/final.

(23) – Arrêt du 27 octobre 1977 (30/77, Rec. p. 1999, point 35).

(24) – Voir déjà l’ arrêt du 19 décembre 1961, Commission/Italie (7/61, Rec. p. 633, spécialement p. 657). Pour des confirmations plus récentes de ce principe, voir notamment : arrêt du 7 février 1984, Duphar (238/82, Rec. p. 523, point 23); arrêt du 11 juin 1985, Commission/Irlande (288/83, Rec. p. 1761, point 28); arrêt du 5 juin 1986, Commission/Italie (103/84, Rec. p. 1759, point 22).

(25) – Arrêt Bond van Adverteerders, point 34; voir également les arrêts Mediawet : arrêt Collectieve Antennevoorziening Gouda, point 11, et arrêt Commission/Pays-Bas, point 15.

(26) – Arrêt du 6 octobre 1987, Nertsvoederfabriek Nederland (118/86, Rec. p. 3883, point 15); arrêt du 10 septembre 1984, Campus Oil (72/83, Rec. p. 2727, point 36); voir également les conclusions de l’ avocat général Mancini dans l’ affaire 238/82, Duphar, spécialement pp. 549-550.

(27) – Arrêt Nertsvoederfabriek Nederland, point 15.

(28) – Arrêt Bond van Adverteerders, point 36.

(29) – Arrêt du 4 décembre 1974, Van Duyn (41/74, Rec. p. 1337, point 18); arrêt Bouchereau, point 34.

(30) – Arrêt Bond van Adverteerders, point 37.

(31) – Arrêt du 16 décembre 1992, Commission/Belgique (C-211/92, Rec. p. I-0000, point 9).

(32) – Voir le point 5 des conclusions présentées le 24 novembre 1992 par l’ avocat général M. Tesauro dans cette affaire, Rec. p. I-0000.

(33) – Arrêt Commission/Belgique, point 10.

(34) – Cela ressort aussi clairement de l’ extrait, cité par la Commission dans ses observations écrites, de l’ exposé des motifs du projet de loi qui a conduit à la loi n 3/80, laquelle était le texte en vigueur avant l’ arrêté.

(35) – Article 3, sous p), du traité CEE tel que modifié par l’ article G du traité sur l’ Union européenne. Le texte de ce traité a été publié au JO 1992, C 191, p. 1.

(36) – Arrêt du 28 février 1991, Commission/Italie, déjà cité à la note 14, point 20; confirmé par la Cour dans les arrêts Mediawet : arrêt Collectieve Antennevoorziening Gouda, point 14, et arrêt Commission/Pays-Bas, point 18.

(37) – Arrêt Commission/France, déjà cité à la note 14, point 17; arrêt Commission/Grèce, déjà cité à la note 14, point 21; également confirmé depuis dans les arrêts Mediawet , aux mêmes attendus que ceux auxquels nous nous sommes référés à la note précédente.

(38) – Arrêt Stichting Collectieve Antennevoorziening Gouda, point 23; arrêt Commission/Pays-Bas, point 30; ce point vient d’ être expressément confirmé par la Cour: arrêt du 3 février 1993, Vereniging Veronica Omroep Organisatie (C-148/91, Rec. p. I-0000, points 9 à 10).

(39) – Arrêt du 28 novembre 1989, Groener (C-379/87, Rec. p. 3967, point 19).

(40) – Arrêt Cinéthèque, points 23 à 24.

(41) – Arrêt du 16 décembre 1992, B & Q (C-169/91, Rec. p. I-0000, point 11); voir déjà la formulation similaire – mais néanmoins quelque peu différente – dans les arrêts précédents sur la fermeture dominicale: arrêt du 23 novembre 1989, Torfaen (C-145/88, Rec. p. 3851, point 14); arrêts du 28 février 1991, Conforama (C-312/89, Rec. p. I-997, point 11) et Marchandise (C-332/89, Rec. p. I-1017, point 12).

(42) – On peut rappeler qu’ aux termes de l’ article 27, paragraphe 1, de la déclaration universelle des Droits de l’ homme, toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté et de jouir des arts . Selon une jurisprudence établie, la Cour peut également s’ inspirer de telles indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’ homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré : voir déjà l’ arrêt du 14 mai 1975, Nold (4/73, Rec. p. 491, point 13); arrêt ERT, point 41.

(43) – Voir également, à propos de ce contrôle de proportionnalité, outre les passages précités des arrêts Groener et Cinéthèque: arrêt Collectieve Antennevoorziening Gouda, points 24 à 25; arrêt Commission/Pays-Bas, points 31 et 42 à 43.

(44) – Voir le point 17 ci-dessus, et les arrêts qui y sont cités à la note 26. Voir également l’ arrêt Veronica Omroep Organisatie, précité, dans lequel l’ utilisation d’ une interdiction économique est admise en tant que moyen d’ atteindre un objectif de politique culturelle: points 10 et ss.

(45) – Il n’ en demeure pas moins qu’ il est indiqué de donner, autant que possible, un caractère transfrontalier à de telles mesures, par exemple en créant des prix littéraires ou cinématographiques s’ étendant à une zone linguistique commune à différents États membres. De cette manière, l’ accent est mis, ainsi que l’ exige le traité sur l’ Union européenne (voir ci-dessus, point 22), sur le caractère de composantes d’ un héritage culturel commun que présentent les cultures propres.

(46) – En ce qui concerne le premier élément, voir les références à la note 13. En ce qui concerne le second, on peut notamment donner les références récentes qui suivent: arrêt du 23 avril 1991, Hoefner (C-41/90, Rec. p. I-1979, points 37 à 39); arrêt López Brea, précité à la note 5, point 7; arrêt du 19 mars 1992, Batista Morais (C-60/91, Rec. p. I-2085, point 7).

(47) – Voir les arrêts Coditel I, points 14 à 15, et Coditel II, point 13.

(48) – Voir les conclusions de l’ avocat général Warner dans la première affaire Coditel et dans l’ affaire 52/79, Debauve, Rec. 1980, p. 878; voir les conclusions de l’ avocat général Sir Gordon Slynn dans l’ affaire Cinéthèque, Rec. 1985, p. 2615.

(49) – L. Defalque, Les restrictions quantitatives et les mesures d’ effet équivalents , in Commentaire Mégret. Le droit de la CEE, I, Bruxelles, Editions de l’ Université de Bruxelles, 1992, pp. 272-273, n 290; P. J. G. Kapteyn et P. VerLoren van Themaat, Inleiding tot het recht van de Europese Gemeenschappen, Deventer, Kluwer, 1987, p. 294; voir également l’ édition en langue anglaise de ce livre, réalisée par L. W. Gormley: Introduction to the law of the European Communities, Deventer-Boston, Kluwer Law & Taxation, 1989, p. 450.

(50) – Selon nous, on peut pratiquer un même élargissement en ce qui concerne la justification, énoncée à l’ article 36, de la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, qui s’ inscrit dans la justification plus large de la protection du milieu. Voir, dans cette perspective, l’ arrêt du 9 juillet 1992, Commission/Belgique (C-2/90, Rec. p. I-0000), dans lequel la solution aurait peut-être également pu s’ appuyer sur cette exception de l’ article 36, dans la conception large qui vient d’ être exposée.

(51) – Dans l’ arrêt Coditel II, précité, la Cour a elle-même indiqué que la protection de la propriété artistique et intellectuelle devait être assimilée à l’ expression plus étroite de l’ article 36, qui vise la protection de la propriété industrielle et commerciale .

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CJCE, n° C-17/92, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Federación de Distribuidores Cinematográficos contre Estado Español et Unión de Productores de Cine y Televisión, 18 février 1993