CJCE, n° C-235/97, Conclusions de l'avocat général de la Cour, République française contre Commission des Communautés européennes, 16 juillet 1998

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 16 juill. 1998, France / Commission, C-235/97
Numéro(s) : C-235/97
Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 16 juillet 1998. # République française contre Commission des Communautés européennes. # FEOGA - Apurement des comptes - Exercice 1993 - Céréales - Restitution à l'exportation de fromage fondu. # Affaire C-235/97.
Date de dépôt : 27 juin 1997
Précédents jurisprudentiels : Anglo Irish Beef Processors International e.a. ( C-299/94, Rec. p. I-1925
Ellinika Dimitriaka ( C-371/92
Solution : Recours en annulation : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61997CC0235
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1998:383
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61997C0235

Conclusions de l’avocat général Alber présentées le 16 juillet 1998. – République française contre Commission des Communautés européennes. – FEOGA – Apurement des comptes – Exercice 1993 – Céréales – Restitution à l’exportation de fromage fondu. – Affaire C-235/97.


Recueil de jurisprudence 1998 page I-07555


Conclusions de l’avocat général


A – Introduction

1 Dans la présente affaire, la requérante conteste des réductions forfaitaires des dépenses financées par le FEOGA (1). Elles portent, d’une part, sur des mesures d’intervention dans le cadre du stockage public des céréales et, d’autre part, sur une restitution à l’exportation de fromage fondu. Les réductions sont notamment fondées, dans un cas, sur l’insuffisance des contrôles sur le stockage et, dans l’autre cas, sur l’absence de mise en circulation de la marchandise. Dans les deux cas, la requérante invoque la violation du règlement (CEE) n_ 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (2). Il convient néanmoins de traiter les deux points séparément.

2 Pour ce qui est des mesures d’intervention dans le cadre du stockage public des céréales, les deux parties renvoient, en premier lieu, à leurs mémoires dans l’affaire France/Commission (C-232/96) (3). Dans cette affaire, la Commission a justifié une correction des sommes financées par le FEOGA pour l’exercice 1992 par le fait qu’elle avait constaté des défaillances dans les contrôles du stockage public des céréales.

3 Après que la requérante eut annoncé des améliorations pour l’exercice 1993, la Commission a néanmoins constaté une série de défaillances, notamment:

— comptabilité tardive des mouvements de stocks,

— insuffisance des contrôles,

— insuffisances dans l’entreposage et l’identification des céréales qui devaient être stockées dans le cadre des mesures d’intervention,

— manque de planimétries,

— comptabilité des matières insuffisante.

4 La Commission a donc procédé à une correction forfaitaire de 2 % des dépenses pour frais techniques, frais financiers et autres frais pour l’exercice 1993.

5 Pour ce qui est de la réduction de la restitution à l’exportation de fromage fondu, la Commission s’appuie sur les points suivants:

— le produit exporté n’était pas de qualité loyale et marchande,

— cette déficience qualitative est apparue lors de la production, donc avant l’exportation,

et

— la marchandise a été détruite et n’a donc pas été mise sur le marché du pays de destination.

B – Les faits

I – Mesures d’intervention dans le cadre du stockage public des céréales

6 Sur ce point, la République française conclut à ce qu’il plaise à la Cour annuler la décision de la Commission (4) dans la mesure où elle a déclaré inéligibles 103 286 730 FF au titre des dépenses d’intervention pour les céréales. La Commission justifie cette réduction par des défaillances dans le stockage public de céréales.

7 Lors d’un contrôle effectué en juin-juillet 1993, la Commission a constaté des failles dans la gestion du système d’intervention. Elle en a informé les autorités nationales françaises et a annoncé, selon la requérante, des conséquences financières pour l’exercice 1993. Dans leur réponse de décembre 1993, les autorités françaises ont dressé une liste des mesures qu’elles prendraient pour améliorer le système de stockage public des céréales.

8 Aux dires de la requérante, la Commission l’a alors informée qu’aucune sanction financière globale ne serait prise, à la lumière notamment des améliorations annoncées du système de gestion. Mais, simultanément, la requérante ne le conteste pas, la Commission a annoncé des corrections financières s’il devait s’avérer que des céréales stockées dans le cadre de l’intervention ont été remplacées par des céréales du marché.

9 Lors d’un nouveau contrôle effectué en juin-juillet 1994, la Commission a constaté que, malgré les améliorations annoncées à la fin de l’année 1993, les autorités françaises n’avaient pas entièrement supprimé les déficiences constatées lors du premier contrôle de juin-juillet 1993. Elle a informé les autorités que des corrections financières seraient décidées à compter de l’exercice 1992. Après un nouvel échange de correspondance avec la Commission, la requérante a finalement saisi l’organe de conciliation. Celui-ci est parvenu, dans son rapport final, à la conclusion que la correction financière est justifiée. L’organe de conciliation indique également que les autorités françaises ne contestent pas qu’elles ont dû modifier leurs procédures antérieures pour répondre aux exigences de la Commission.

10 Quelques modifications ont effectivement été apportées, mais le gouvernement français ne conteste cependant pas que certaines règles ont pu ne pas être respectées sur le terrain. La requérante invoque en outre un rapport d’audit financier de la société Ernst & Young qui attesterait la fiabilité du système de contrôle et d’entreposage appliqué par les autorités françaises.

11 Mais la Commission indique à ce sujet que, si ce rapport a effectivement analysé la situation théorique au vu des dispositions en vigueur, les contrôles effectués par la Commission montrent que des déficiences subsistent.

II – Restitutions à l’exportation de fromage fondu

12 Sur ce point, le gouvernement français conclut à l’annulation de la décision 97/333 de la Commission dans la mesure où celle-ci a déclaré inéligible une restitution à l’exportation d’un montant de 720 720 FF relative à l’exportation de 73,5 tonnes de fromage fondu vers l’Arabie saoudite.

13 La fromagerie Bel a exporté, au cours du dernier trimestre de l’année 1988, 14 256 cartons au total de fromage «La Vache qui rit» (poids total 89 tonnes, valeur commerciale 883 700 FF) vers l’Arabie saoudite. Elle a en définitive perçu à ce titre une restitution à l’exportation d’un montant de 780 720 FF.

14 L’acheteur saoudien s’étant plaint au fabricant, en janvier 1989, de la consistance inhabituellement molle de la marchandise livrée, la fromagerie Bel a ordonné, après une vérification interne (5) et un contrôle auprès de l’acheteur, la destruction de 12 148 cartons de ce fromage. Celle-ci a eu lieu dès février 1989 (6). Les frais de destruction ont été supportés par la seule fromagerie Bel; le prix d’achat a été remboursé au client saoudien.

15 Les autorités françaises chargées du paiement de la restitution à l’exportation ont estimé que le fromage avait été exporté vers l’Arabie saoudite conformément aux dispositions en vigueur, en particulier parce que la qualité existante du fromage ne permettait pas de penser que celui-ci serait réintroduit dans la Communauté, et parce que les autorités saoudiennes n’avaient pas empêché la mise à la consommation.

16 La Commission a indiqué à plusieurs reprises aux autorités françaises, au cours de l’année 1995, que le droit au versement de la restitution à l’exportation était exclu puisque le fromage présentait une qualité défectueuse en raison d’un défaut de fabrication, et qu’il n’avait pas été mis sur le marché de destination.

17 La Commission a repoussé l’argumentation des autorités françaises selon laquelle le fromage était sain, de qualité marchande et qu’il avait été tout à fait régulièrement importé dans le pays de destination et y avait été mis sur le marché, de sorte que le gouvernement français a saisi l’organe de conciliation. Mais celui-ci n’a pas pu concilier les parties, si bien que le gouvernement français a été amené à introduire le présent recours, en raison des corrections opérées.

Conclusions des parties

18 La République française conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler la décision 97/333 (7) de la Commission relative à l’apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le FEOGA, section «garantie», pour l’exercice financier 1993 dans la mesure où, pour la France, la Commission a déclaré inéligibles, au titre de l’année 1993, les dépenses suivantes:

—  720 720 FF au titre de la restitution versée pour l’exportation de 73,5 tonnes de fromage fondu vers l’Arabie saoudite;

—  103 286 730 FF au titre des mesures d’intervention dans le cadre du stockage public des céréales;

subsidiairement,

— juger que ces corrections sont disproportionnées;

— condamner la défenderesse aux dépens.

19 La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour

— rejeter le recours;

— condamner la République française aux dépens.

C – Analyse

I – Mesures d’intervention dans le cadre du stockage public des céréales

20 Sur ce point, la requérante conteste la décision de la Commission sous trois aspects. Elle fait valoir que les mesures (de contrôle) prises par les autorités françaises dans le cadre du régime d’intervention pour les céréales étaient suffisantes, et que la Commission a violé le principe de la sécurité juridique et, subsidiairement, le principe de proportionnalité.

21 Il convient tout d’abord de relever que les parties renvoient pour l’essentiel, dans leur argumentation, à leurs mémoires dans l’affaire France/Commission, précitée (8), et les joignent à la présente affaire.

22 Dans cette précédente affaire, la Commission avait justifié les corrections opérées pour l’exercice 1992 par le fait que les mesures prises par les autorités françaises n’étaient pas suffisantes, et que le FEOGA avait donc supporté des risques financiers considérables en raison des déficiences existant dans le système de contrôle. Le gouvernement français avait simplement répliqué, face à la liste détaillée des déficiences relevées, que certaines des mesures exigées par la Commission n’étaient pas prévues dans la réglementation communautaire applicable. Il affirmait que les mesures qu’il prévoyait étaient suffisantes et que les contrôles avaient été effectués dans les règles. Il n’avait cependant pas contesté la nécessité de modifier le système existant pour répondre aux exigences de la Commission.

23 A cet argument, qui est également invoqué dans la présente affaire, il convient d’opposer, tout d’abord, l’article 6 du règlement (CEE) n_ 689/92 de la Commission, du 19 mars 1992, fixant les procédures de prise en charge des céréales par les organismes d’intervention (9). Il dispose: «Les organismes d’intervention arrêtent en tant que de besoin des procédures et conditions de prise en charge complémentaires, compatibles avec les dispositions du présent règlement, pour tenir compte des conditions particulières existant dans l’État membre dont ils relèvent».

24 Mais il appartient aux États membres de procéder aux contrôles nécessaires dans le cadre du FEOGA, même s’ils ne sont pas prévus en détail dans le texte de la réglementation applicable (10).

25 Puisque, selon une jurisprudence constante de la Cour (11), il appartient à cet État de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission, lorsque la Commission refuse de mettre certaines dépenses à la charge du FEOGA, au motif qu’elles ont été provoquées par des infractions à la réglementation communautaire – imputables à un État membre -, on ne saurait se satisfaire de ce que la requérante se contente d’avancer de simples assertions. Il résulte de cette règle de preuve que l’État membre doit démontrer que les mesures qu’il a prises étaient suffisantes.

26 Outre les arguments avancés dans l’affaire France/Commission, le gouvernement français invoque essentiellement les modifications apportées au système et au contrôle de l’entreposage public, et estime que sa thèse est confortée par le rapport d’audit financier de la société Ernst & Young. Il soutient que les contrôles peuvent désormais être effectués de manière plus efficace et que les déficiences relevées ont en majorité été supprimées. Le gouvernement français admet toutefois lui-même que les critiques n’ont pas toutes été suivies d’effet.

27 La Commission invoque les déficiences qu’elle continue à constater et estime que le gouvernement français n’a pas démontré que les mesures qu’il a prises étaient suffisantes.

28 L’argumentation de la Commission est en définitive pertinente. Le gouvernement français se borne pour l’essentiel, dans ses mémoires, à présenter de simples assertions. Il reconnaît ainsi lui-même que les modifications annoncées en matière d’amélioration du système de contrôle du stockage public n’ont pas toutes été mises à exécution. Le rapport d’audit financier invoqué n’apporte pas non plus la preuve que les mesures prises étaient suffisantes. Il ressort de l’exposé même du gouvernement français que ce rapport a été établi sur la seule base de l’examen de la situation théorique, à partir des dispositions en vigueur, et non pas de leur transposition concrète dans la pratique. Ce rapport ne permet pas d’apporter la preuve que les déficiences relevées par la Commission n’existent pas. Ce moyen avancé par la requérante doit donc être rejeté.

29 Sur le moyen pris de la violation du principe de la sécurité juridique, le gouvernement français se réfère à la note de la Commission selon laquelle aucune correction financière ne serait effectuée, à la lumière notamment des améliorations annoncées par les autorités françaises. En procédant pourtant finalement à une correction pour 1993, la Commission porterait atteinte à la sécurité juridique (12). Ce grief se rapporte essentiellement à une infraction consistant en une substitution entre des régimes de stockage de céréales différents.

30 On relèvera à cet égard que la Commission appuie essentiellement son annonce sur le fait que les autorités françaises avaient, quant à elles, annoncé des améliorations. Or celles-ci, aux dires de la Commission, n’ont pas été entièrement mises à exécution, ce que le gouvernement français ne conteste du reste pas.

31 Il convient, d’autre part, d’observer que la Commission a en outre clairement indiqué, dans sa note, que, si des infractions devaient encore être constatées, des corrections financières importantes seraient opérées. Lorsque celles-ci sont finalement effectuées, du fait de la constatation de telles infractions, cela ne peut pas porter atteinte à la sécurité juridique.

32 La requérante soutient par ailleurs que la Commission n’était pas en droit de se référer à de simples rumeurs concernant une substitution entre des régimes de stockage différents. Mais les arguments de la Commission sont à cet égard suffisants, puisqu’elle a effectivement constaté, à l’occasion de contrôles, que des céréales qui devaient être stockées sous des régimes différents avaient été mélangées ou échangées.

33 Enfin, la requérante fait valoir que la Commission n’a pu citer aucun exemple dans lequel un échange entre des céréales placées sous différents régimes de stockage a eu lieu. Il convient à cet égard de renvoyer à la jurisprudence de la Cour. Le fait que la Commission ne présente pas de preuves de cas individuels dans lesquels la réglementation agricole n’a pas été respectée ne signifie nullement que le système de contrôle existant dans l’État membre garantisse (effectivement) l’application correcte de ces dispositions. Des cas individuels prouvés constituent un élément supplémentaire qui peut corroborer les critiques de la Commission quant à l’efficacité du système de contrôle de l’État membre (13). En outre, la requérante n’a pour sa part pas contesté que de tels échanges se soient produits. On ne décèle donc aucune atteinte à la sécurité juridique.

34 La requérante invoque enfin, à titre subsidiaire, une violation du principe de proportionnalité. Selon elle, la réduction de 2 % n’aurait pas dû porter sur le poste budgétaire 10-13 qui concerne les pertes à l’occasion de la vente des stocks. Celles-ci seraient entièrement compensées en application du règlement (CEE) n_ 3597/90 de la Commission, du 12 décembre 1990, relatif aux règles de comptabilisation pour les mesures d’intervention entraînant l’achat, le stockage et la vente de produits agricoles par les organismes d’intervention (14). Le FEOGA ne subirait donc aucun dommage dans le cadre de ce poste budgétaire.

35 La Commission soutient en revanche que ce poste reprend les conséquences financières des pertes sur ventes. Puisqu’elle a constaté que des quantités étaient manquantes, cela, s’ajoutant aux défaillances existant dans les contrôles, pouvait entraîner des pertes pour le FEOGA.

36 En vertu des règles établies par la Cour en matière de charge de la preuve, il appartient à la partie requérante de prouver que l’attitude qui lui est reprochée n’a pas entraîné une augmentation des coûts à la charge du FEOGA (15).

37 De même, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la simple probabilité de pertes dans le cadre du budget communautaire peut entrer en ligne de compte dans l’appréciation du caractère proportionné des corrections effectuées (16).

38 Les parties s’opposent sur le point de savoir si des quantités étaient ou non manquantes. On peut toutefois admettre, nous l’avons montré, qu’il existait des défaillances dans les contrôles. En l’occurrence, on ne saurait suivre la requérante lorsqu’elle avance que ces pertes sur ventes seraient immédiatement compensées. Cela supposerait un contrôle sans faille, qui n’était pas assuré. Il pouvait donc également se produire des pertes dans le cadre du poste 10-13. La requérante n’a ainsi pas pu prouver que le FEOGA n’a subi aucun préjudice.

39 En ce qui concerne le montant des corrections, c’est à juste titre que la Commission renvoie à la jurisprudence de la Cour selon laquelle le financement des dépenses peut même être rejeté en totalité lorsqu’il est impossible d’établir avec certitude l’impact financier d’une mesure enfreignant le droit communautaire (17).

40 En cas de réduction forfaitaire, la Commission a adopté certaines directives sur la proposition d’un groupe interdirectionnel (Belle Group Report). Elle propose une réduction des comptes forfaitaires à hauteur, selon la gravité des défaillances, de l’un des trois taux possibles: 2 %, 5 % ou 10 %. La réduction la plus basse, soit 2 %, intervient lorsque les défaillances sont limitées à des éléments de système de contrôle d’une importance secondaire ou qu’elles visent l’exécution de contrôles qui n’étaient pas absolument nécessaires pour garantir la régularité des dépenses, si bien que l’on peut estimer que le risque de pertes pour le Fonds était réduit.

41 Mais, on l’a dit, la requérante n’a pas pu prouver que les appréciations portées par la Commission sur la correction financière opérée lors de l’apurement des comptes sont erronées, puisqu’il existait effectivement des défaillances dans les contrôles.

42 On ne relève donc aucune violation du principe de proportionnalité, d’autant que c’est le taux le plus bas qui a été choisi pour la correction forfaitaire. On ne décèle donc aucun motif d’annulation de la décision de la Commission en tant qu’elle a refusé de reconnaître les dépenses liées aux mesures d’intervention dans le domaine du stockage public de céréales.

II – Restitution à l’exportation de fromage fondu

43 La Commission fonde le refus de prendre en charge les dépenses liées à la restitution à l’exportation de fromage fondu sur le fait que la marchandise n’est pas parvenue sur le marché du pays de destination parce qu’elle n’était pas de qualité loyale et marchande, et que ce défaut était dû à une faille dans la production et était donc antérieur à l’exportation.

44 Le gouvernement français estime que, au moment de l’exportation, le fromage était exempt de défaut, sain, et n’était pas impropre à la consommation. La modification de sa texture n’y a rien changé. La marchandise a été importée conformément aux dispositions en vigueur en Arabie saoudite et les autorités compétentes n’ont émis aucune réserve. La destruction des 12 148 cartons a été décidée dans le seul souci de préserver l’image de la marque, et en raison de l’importance des bonnes relations entretenues avec le client.

45 En vertu de l’article 6 du règlement (CEE) n_ 876/68 du Conseil (18), le droit au versement de la restitution à l’exportation naît dès que la preuve que les produits ont été exportés hors de la Communauté est apportée.

46 Le jour de l’exportation est, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 3665/87 (19), «la date à laquelle le service des douanes accepte la déclaration d’exportation dans laquelle il est indiqué qu’une restitution sera demandée».

47 Ce jour est, aux termes de l’article 3, paragraphe 4, «déterminant pour établir la quantité, la nature et les caractéristiques du produit exporté».

48 En vertu de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n_ 3665/87, le paiement de la restitution

«… est subordonné, en sus de la condition que le produit ait quitté le territoire douanier de la Communauté, à la condition que le produit ait été … importé dans un pays tiers … dans les douze mois suivant la date d’acceptation de la déclaration d’exportation …

En outre, les services compétents des États membres peuvent exiger des preuves supplémentaires de nature à démontrer à la satisfaction des autorités compétentes que le produit a été effectivement mis, en l’état, sur le marché du pays tiers d’importation».

49 Toutefois, en vertu de l’article 13 du règlement n_ 3665/87, la restitution à l’exportation n’est pas octroyée «lorsque les produits ne sont pas de qualité saine, loyale et marchande».

50 En vertu de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n_ 3665/87, le produit doit

«… avoir été importé en l’état dans le pays tiers … dans les douze mois suivant la date d’acceptation de la déclaration d’exportation».

51 L’article 17, paragraphe 3, stipule que le produit est considéré comme importé «lorsque les formalités douanières de mise à la consommation dans le pays tiers ont été accomplies».

52 Deux questions se posent donc dans le cas d’espèce:

1. Le fromage fondu «La Vache qui rit» qui a été exporté vers l’Arabie saoudite était-il de qualité loyale et marchande?

2. Le fromage fondu a-t-il été importé ou mis sur le marché conformément aux dispositions du règlement n_ 3665/87?

Sur la question de la qualité loyale et marchande

53 En l’absence de normes communautaires obligatoires comportant une définition de la notion de «qualité loyale et marchande», il appartient en principe aux États membres d’adopter des dispositions plus précises en la matière (20).

54 Une telle disposition nationale ne saurait cependant être contraire à l’économie de la réglementation communautaire applicable. Afin d’éviter des abus, le paiement de la restitution doit aussi, aux termes du quatrième considérant du règlement n_ 3665/87, être subordonné «à la condition que le produit ait été importé dans un pays tiers et, le cas échéant, effectivement mis sur le marché du pays tiers». Le neuvième considérant prévoit ensuite que les produits pour lesquels une restitution à l’exportation doit être accordée doivent être «d’une qualité telle qu’ils puissent être commercialisés dans des conditions normales».

55 Il n’est pas déterminant que, dans les cas d’espèce, ni les autorités françaises d’exportation ni les autorités saoudiennes d’importation n’aient émis de réserves sur la qualité de la marchandise. La possibilité de commercialisation dans des conditions normales est bien plus déterminante.

56 A cet égard, le gouvernement français assure lui-même que la fromagerie Bel a décidé la destruction de la majeure partie du fromage livré parce que l’importateur avait signalé qu’il lui serait difficile de mettre le fromage sur le marché en raison de la modification de sa texture. Le souci de l’image de marque, qui a été mis en avant, doit lui aussi être considéré comme un indice de ce que le fabricant s’attendait à rencontrer des difficultés pour commercialiser le produit.

57 Or, si l’on empêche, pour ces motifs, que la marchandise soit mise dans le commerce, on ne peut pas penser qu’elle était de qualité loyale et marchande.

58 On relèvera, pour finir, que la requérante admet elle aussi que la différence de qualité par rapport à la texture habituelle du produit est due à une défaillance dans la production, même si ce «défaut» n’est apparu qu’à l’occasion d’un contrôle effectué par le client saoudien. Des vérifications internes effectuées par le fabricant ont révélé que, à l’époque de la production de la marchandise litigieuse, il existait des déficiences dans la fabrication. Le fromage exporté possédait donc, au moment de l’exportation, le défaut constitutif d’une qualité non loyale et marchande. Le fait que les lots de fromage livrés n’ont pas tous été détruits ou qu’un fromage similaire a été exporté vers d’autres pays n’y change rien. Seul est décisif le cas d’espèce concret, qui est aussi celui pour lequel la restitution à l’exportation a été demandée.

59 Par conséquent, il convient de retenir tout d’abord que le fromage livré n’était pas de qualité loyale et marchande au sens de l’article 13 du règlement n_ 3665/87.

Sur la question de savoir si la marchandise a été mise sur le marché

60 Le gouvernement français estime qu’il suffit, pour que le droit aux restitutions à l’exportation soit constitué, que la marchandise livrée soit importée conformément aux dispositions de l’État tiers en matière d’importation et que les autorités d’importation ne soulèvent aucune objection contre l’importation.

61 La Commission estime que cela n’est pas suffisant, et exige qu’il soit prouvé que la marchandise a été mise sur le marché du pays de destination.

62 Selon la jurisprudence constante de la Cour, le système des restitutions à l’exportation «a pour but d’ouvrir ou de maintenir ouverts aux exportations communautaires les marchés des pays tiers concernés» (21). La Cour en a conclu que la raison d’être du système de la restitution serait méconnue s’il suffisait, pour que le droit à la restitution soit constitué, que la marchandise ait simplement été déchargée, sans atteindre le marché du territoire de destination. L’accomplissement des formalités douanières assure en principe à la marchandise l’accès effectif au marché du territoire de destination. Mais il n’est qu’une condition fondamentale de l’accès au marché, et ne représente pas une mise en circulation de la marchandise sur le marché.

63 Il en résulte qu’il est essentiel, compte tenu des finalités du système des restitutions à l’exportation, que les produits subventionnés par une telle restitution atteignent effectivement le marché de destination pour y être commercialisés (22).

64 Le fait que l’article 5, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement n_ 3665/87 autorise les services compétents à exiger d’autres pièces que les documents d’importation établissant «que le produit a été effectivement mis … sur le marché du pays tiers d’importation» (23) montre que la preuve de l’importation ne constitue qu’un indice réfutable de la réalisation concrète de l’objectif des restitutions à l’exportation. Or cet objectif consiste précisément à faire parvenir la marchandise (en vue de la vente) sur le marché de destination (24).

65 Selon la jurisprudence précitée de la Cour, l’accès effectif de la marchandise au marché de destination n’est pas possible «lorsque sa destruction ou sa réexportation se situe après l’accomplissement, dans le pays de destination, des formalités auxquelles cet État subordonne sa mise en circulation ou sa commercialisation sur son territoire, pour autant que la destruction ou la réexportation du produit soit la conséquence des décisions prises par les services compétents de l’État de destination lors de l’accomplissement de ces formalités» (25). Il faut pour cela que le défaut affectant la marchandise, qui a été à l’origine de cette opération, soit antérieur à l’accomplissement des formalités d’importation.

66 En pareil cas, le droit au paiement de restitutions à l’exportation n’est pas constitué. Dans le cas d’espèce, certes, la destruction de la marchandise n’a pas été la conséquence d’une décision prise par les services compétents de l’État de destination, c’est le fabricant qui a lui-même empêché que la marchandise soit effectivement mise sur le marché de destination.

67 Dans le cas d’espèce, la marchandise a été livrée encore en partie en décembre 1988 et la décision de la détruire a été prise dès janvier 1989. Si la marchandise a donc été régulièrement importée dans le pays de destination et est parvenue au client, elle a toutefois été détruite peu après l’accomplissement des formalités d’importation, sur décision du fabricant, et elle n’a donc pas pu être mise sur le marché de destination.

68 Les corrections effectuées par la Commission sur les dépenses du FEOGA ont donc été opérées à bon droit. Il convient en définitive de retenir que la démarche de la Commission n’appelle aucune réserve, et que la requête de la République française n’est donc pas fondée.

Dépens

69 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Puisque la République française succombe, selon la solution que nous vous proposons, elle doit être condamnée aux dépens.

D – Conclusion

70 Pour conclure l’analyse qui précède, nous vous proposons de statuer comme suit:

«1) Le recours est rejeté.

2) La République française est condamnée aux dépens.»

(1) – Il s’agit du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole.

(2) – JO L 94, p. 13.

(3) – Actuellement pendante; voir également les conclusions de l’avocat général M. Alber du 24 mars 1998 dans cette affaire.

(4) – Décision 97/333/CE de la Commission, du 23 avril 1997, relative à l’apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie», pour l’exercice financier 1993 (JO L 139, p. 30).

(5) – Cette vérification a révélé que la consistance inhabituelle était due à un défaut de fabrication.

(6) – Les cartons restants ont été vendus en Arabie saoudite.

(7) – Voir note 4.

(8) – Note 3.

(9) – JO L 74, p. 18.

(10) – Voir à cet égard les conclusions de l’avocat général M. Alber dans l’affaire France/Commission, précitée (note 3), points 51 et 52, avec renvois.

(11) – Arrêts du 10 novembre 1993, Pays-Bas/Commission (C-48/91, Rec. p. I-5611, point 14), et du 24 mars 1988, Royaume-Uni/Commission (347/85, Rec. p. 1749, point 14).

(12) – Cet argument reprend, là encore, un argument développé dans l’affaire France/Commission, précitée (note 3).

(13) – Arrêt Pays-Bas/Commission, précité (note 11), point 33.

(14) – JO L 350, p. 43.

(15) – Arrêt Pays-Bas/Commission, précité (note 11).

(16) – Arrêt du 14 septembre 1995, Irlande/Commission (C-49/94, Rec. p. I-2683, point 22).

(17) – Arrêts du 4 juillet 1996, Grèce/Commission (C-50/94, Rec. p. I-3331, point 26); du 7 février 1979, France/Commission (15/76 et 16/76, Rec. p. 321, points 32 et suiv.), et Royaume-Uni/Commission, précité (note 11), point 13.

(18) – Règlement du 28 juin 1968 établissant, dans le secteur du lait et des produits laitiers, les règles générales relatives à l’octroi des restitutions à l’exportation et aux critères de fixation de leur montant (JO L 155, p. 1).

(19) – Règlement de la Commission du 27 novembre 1987, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles (JO L 351, p. 1).

(20) – Arrêt du 8 juin 1994, Ellinika Dimitriaka (C-371/92, Rec. p. I-2391, point 23).

(21) – Arrêts du 2 juin 1976, Milch-, Fett- und Eier-Kontor (125/75, Rec. p. 771); du 2 mars 1977, Milch-, Fett- und Eier-Kontor/Conseil et Commission (44/76, Rec. p. 393); du 11 juillet 1984, Dimex (89/83, Rec. p. 2815), et du 28 mars 1996, Anglo Irish Beef Processors International e.a. (C-299/94, Rec. p. I-1925).

(22) – Arrêt Dimex, précité (note 21).

(23) – C’est nous qui soulignons.

(24) – Dans son arrêt Milch-, Fett- und Eier-Kontor/Conseil et Commission, précité (note 21), la Cour s’est également prononcée sur l’exigence d’une preuve de la commercialisation. Elle a estimé que cette exigence est justifiée par la nécessité d’éviter des fraudes (point 16 de l’arrêt).

(25) – Arrêt Dimex, précité (note 21), point 18.

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CJCE, n° C-235/97, Conclusions de l'avocat général de la Cour, République française contre Commission des Communautés européennes, 16 juillet 1998