CJCE, n° C-193/97, Arrêt de la Cour, Manuel de Castro Freitas (C-193/97) et Raymond Escallier (C-194/97) contre Ministre des Classes moyennes et du Tourisme, 29 octobre 1998

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 29 oct. 1998, de Castro Freitas et Escallier, C-193/97
Numéro(s) : C-193/97
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 29 octobre 1998. # Manuel de Castro Freitas (C-193/97) et Raymond Escallier (C-194/97) contre Ministre des Classes moyennes et du Tourisme. # Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif - Grand-Duché de Luxembourg. # Liberté d'établissement - Directive 64/427/CEE - Activités non salariées de transformation - Conditions d'accès à la profession. # Affaires jointes C-193/97 et C-194/97.
Date de dépôt : 21 mai 1997
Précédents jurisprudentiels : 29 octobre 1998. - Manuel de Castro Freitas ( C-193/97 ) et Raymond Escallier ( C-194/97
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61997CJ0193
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1998:520
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61997J0193

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 29 octobre 1998. – Manuel de Castro Freitas (C-193/97) et Raymond Escallier (C-194/97) contre Ministre des Classes moyennes et du Tourisme. – Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif – Grand-Duché de Luxembourg. – Liberté d’établissement – Directive 64/427/CEE – Activités non salariées de transformation – Conditions d’accès à la profession. – Affaires jointes C-193/97 et C-194/97.


Recueil de jurisprudence 1998 page I-06747


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Libre prestation des services – Conditions d’accès aux activités non salariées de transformation – Reconnaissance de l’exercice effectif d’une activité dans un autre État membre – Modalités – Demande visant l’accès à l’exercice de plusieurs métiers

(Traité CE, art. 3, c), 52 et 59; directive du Conseil 64/427, art. 3)

Sommaire


L’article 3 de la directive 64/427, relative aux modalités des mesures transitoires dans le domaine des activités non salariées de transformation relevant des classes 23-40 C.I.T.I. (Industrie et artisanat), doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans un État membre, l’accès aux activités non salariées de transformation relevant de l’industrie et de l’artisanat et leur exercice sont subordonnés à la possession de connaissances et d’aptitudes déterminées, cet État membre ne peut pas exiger qu’un ressortissant communautaire qui demande plusieurs autorisations aux fins d’exercer, sur son territoire, les activités professionnelles dont l’exercice est attesté par les autorités compétentes de l’État membre de provenance ait accompli séparément les périodes d’exercice effectif prévues à cet article pour chacun des métiers dont le champ d’activité est défini par la législation de l’État membre d’accueil.

Même si les activités dont l’exercice est attesté par l’État membre de provenance entrent dans le champ d’application de plusieurs professions telles que définies par l’État membre d’accueil, ce dernier est lié par les constatations contenues dans l’attestation délivrée par l’État membre de provenance et ne peut donc définir ni les conditions d’accès à chacune des professions d’artisan ni le champ d’activité de ces professions de façon que la délivrance de cette attestation soit rendue inutile pour permettre à l’intéressé de poursuivre dans l’État membre d’accueil la profession à laquelle elle se réfère.

Cette interprétation est, d’une part, conforme à l’article 3, second alinéa, de la directive, qui prévoit que l’activité visée ne doit pas avoir pris fin depuis plus de dix ans à la date du dépôt de la demande d’établissement. En effet, si l’État membre d’accueil pouvait exiger l’exercice, pour chacun des métiers, de six années consécutives à titre indépendant, conformément à l’article 3, sous a), de la directive, le postulant serait dans l’impossibilité de prouver, sur la base des pièces justificatives reconnues comme équivalentes, qu’il a les connaissances et aptitudes nécessaires pour que lui soient accordées les autorisations d’exercer plus de deux activités.

D’autre part, cette interprétation est justifiée par les exigences de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services garanties par les articles 3, sous c), 52 et 59 du traité. En effet, ces libertés, fondamentales dans le système de la Communauté, ne seraient pas réalisées, si chacun des États membres, en s’appuyant sur sa propre définition restrictive du champ d’activité de chacune des professions d’artisan, pouvait refuser de faire bénéficier des dispositions du droit communautaire ceux qui ont acquis dans un autre État membre l’expérience professionnelle visée par la directive.

Parties


Dans les affaires jointes C-193/97 et C-194/97,

ayant pour objet deux demandes adressées à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE, par le tribunal administratif (Luxembourg) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Manuel de Castro Freitas (C-193/97),

Raymond Escallier (C-194/97),

et

Ministre des Classes moyennes et du Tourisme,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’article 52 du traité CE et de l’article 3 de la directive 64/427/CEE du Conseil, du 7 juillet 1964, relative aux modalités des mesures transitoires dans le domaine des activités non salariées de transformation relevant des classes 23 – 40 C.I.T.I. (Industrie et artisanat) (JO 1964, 117, p. 1863),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. P. Jann, président de la première chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, C. Gulmann, D. A. O. Edward (rapporteur), L. Sevón et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

— pour M. de Castro Freitas, par Me Marc Baden, avocat au barreau de Luxembourg,

— pour M. Escallier, par Me Albert Rodesch, avocat au barreau de Luxembourg,

— pour la Commission des Communautés européennes, par M. Berend Jan Drijber, membre du service juridique, en qualité d’agent,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de M. de Castro Freitas, représenté par Me Robert Loos, avocat au barreau de Luxembourg, de M. Escallier, représenté par Me Albert Rodesch, du gouvernement portugais, représenté par M. Luís Fernandes, directeur du service juridique de la direction générale des Communautés européennes du ministère des Affaires étrangères, et Mme Margarida Telles Romão, juriste à la même direction, en qualité d’agents, et de la Commission, représentée par MM. Bernard Mongin et James Macdonald Flett, membres du service juridique, en qualité d’agents, à l’audience du 10 février 1998,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 mars 1998,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par deux jugements du 7 mai 1997, parvenus à la Cour le 21 mai suivant, le tribunal administratif a posé, en vertu de l’article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles sur l’interprétation de l’article 52 du traité CE et de l’article 3 de la directive 64/427/CEE du Conseil, du 7 juillet 1964, relative aux modalités des mesures transitoires dans le domaine des activités non salariées de transformation relevant des classes 23 – 40 C.I.T.I. (Industrie et artisanat) (JO 1964, 117, p. 1863, ci-après la «directive»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de deux recours intentés, l’un, par M. de Castro Freitas et, l’autre, par M. Escallier à l’encontre de deux décisions du ministre des Classes moyennes et du Tourisme (ci-après le «ministre») refusant de leur octroyer les autorisations d’établissement qu’ils avaient sollicitées pour exercer plusieurs métiers au Luxembourg.

La réglementation luxembourgeoise

3 L’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de la loi luxembourgeoise du 28 décembre 1988, réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales et modifiant l’article 4 de la loi du 2 juillet 1935, portant réglementation des conditions d’obtention du titre et du brevet de maîtrise dans l’exercice des métiers (Mémorial A, 1988, p. 1494), dispose notamment que nul ne peut, à titre principal ou accessoire, exercer l’activité d’industriel, de commerçant ou d’artisan sans autorisation écrite.

4 Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de cette même loi, une liste des métiers principaux et secondaires du secteur artisanal est établie par le règlement grand-ducal du 19 février 1990 (Mémorial A, 1990, p. 186). Ce règlement qualifie de métiers principaux les métiers d'«entrepreneur de construction», de «couvreur», de «ferblantier-zingueur», de «charpentier» et de «plafonneur-façadier», dont le champ d’activité est établi par le règlement grand-ducal du 26 mars 1994 (Mémorial A, 1994, p. 492).

5 Le règlement grand-ducal du 15 septembre 1989 (Mémorial A, 1989, p. 1169) détermine les critères d’équivalence, prévus à l’article 13, paragraphe 2, de la loi du 28 décembre 1988, qui permettent de reconnaître à un postulant une qualification professionnelle suffisante pour l’exercice d’un métier repris de ladite liste, sur la base des pièces justificatives reconnues comme équivalentes.

6 L’article 6 du règlement grand-ducal du 15 septembre 1989 prévoit:

«Les attestations délivrées par les organismes compétents des pays membres du Marché Commun sur base des directives communautaires dans le domaine de l’artisanat sont à considérer comme pièces équivalentes lorsque le bénéficiaire de l’attestation répond aux conditions de capacité professionnelle y prévues.»

La directive

7 En vertu de l’article 3 de la directive, lorsque, dans un État membre, l’accès à l’une des activités non salariées de transformation relevant de l’industrie et de l’artisanat ou leur exercice est subordonné à la possession de connaissances et d’aptitudes générales, commerciales ou professionnelles, «cet État membre reconnaît comme preuve suffisante de ces connaissances et aptitudes l’exercice effectif dans un autre État membre de l’activité considérée:

a) soit pendant six années consécutives à titre indépendant ou en qualité de dirigeant chargé de la gestion de l’entreprise;

c) soit pendant trois années consécutives à titre indépendant lorsque le bénéficiaire peut prouver qu’il a exercé à titre dépendant la profession en cause pendant cinq ans au moins;

…»

8 Le second alinéa de ce même article dispose que, dans les cas visés sous a) et c), cette activité ne doit pas avoir pris fin depuis plus de 10 ans à la date du dépôt de la demande prévu à l’article 4, paragraphe 3.

9 L’article 4 de la directive énonce:

«Pour l’application de l’article 3:

1. Les États membres dans lesquels l’accès à l’une des professions mentionnées à l’article premier, paragraphe 2, ou l’exercice de cette activité, est subordonné à la possession de connaissances et aptitudes générales, commerciales ou professionnelles, informent avec l’aide de la Commission les autres États membres des caractéristiques essentielles de la profession (description de l’activité de ces professions).

2. L’autorité compétente désignée à cet effet par le pays de provenance atteste les activités professionnelles qui ont été effectivement exercées par le bénéficiaire ainsi que leur durée. L’attestation est établie en fonction de la monographie professionnelle communiquée par l’État membre dans lequel le bénéficiaire veut exercer la profession de manière permanente ou temporaire.

3. L’État membre d’accueil accorde l’autorisation d’exercer l’activité en cause sur demande de la personne intéressée lorsque l’activité attestée concorde avec les points essentiels de la monographie professionnelle communiquée en vertu du paragraphe 1 et que les autres conditions éventuellement prévues par sa réglementation sont remplies.»

Les litiges au principal

10 Du 6 janvier 1981 au 31 décembre 1989, M. de Castro Freitas a exercé au Portugal, d’après les attestations délivrées par la Confederaçao da Industria Portuguesa les 24 avril, 27 septembre et 25 décembre 1994, l’activité de «construction civile», incluant les activités de «finissages extérieurs, façades et toits».

11 Quant à M. Escallier, il a, d’après une attestation délivrée par la chambre du commerce et de l’industrie de la Moselle, exercé en France les activités de couvreur, de ferblantier-zingueur et de charpentier en tant que dirigeant chargé de la gestion d’une entreprise pendant la période allant du 21 janvier 1983 au 5 février 1990.

12 MM. de Castro Freitas et Escallier ont sollicité auprès du ministre les autorisations nécessaires pour exercer leurs activités au grand-duché de Luxembourg.

13 Le 15 juin 1994, le ministre a délivré à M. de Castro Freitas une autorisation d’établissement pour l’activité d'«entrepreneur de construction». De même, le 24 janvier 1996, il a délivré à M. Escallier une autorisation pour l’exercice du métier de «couvreur».

14 En revanche, le ministre a refusé d’accéder à la demande d’autorisation de M. de Castro Freitas pour exercer l’activité de «façadier» et à celle de M. Escallier pour exercer les métiers de «ferblantier-zingueur» et de «charpentier», au motif que les intéressés n’avaient pas encore accompli le nombre d’années d’activité effectives exigées par l’article 3, sous a) et c), de la directive, pour chacun des métiers en cause, les conditions prévues à cet article devant être remplies séparément pour chacun des métiers concernés.

15 Les 19 avril 1995 et 14 février 1996, MM. de Castro Freitas et Escallier ont introduit des recours en réformation devant le tribunal administratif.

16 Considérant que les litiges soulevaient des questions d’interprétation du droit communautaire, cette juridiction a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, dans l’affaire C-193/97, les questions suivantes:

«1) L’alinéa premier de l’article 3 de la directive 64/427, du 7 juillet 1964, relative aux modalités des mesures transitoires dans le domaine des activités non salariées de transformation relevant des classes 23 – 40 (Industrie et artisanat), visant, d’une part, l’accès à `l’une des activités mentionnées à l’article premier, paragraphe deux’ ou l’exercice de `celles-ci’ et, d’autre part, in fine `l’exercice effectif … de l’activité considérée', couvre-t-il également la situation d’un ressortissant communautaire ayant exercé simultanément dans l’État membre de provenance plusieurs activités tombant sous le champ d’application de cette directive et demandant l’établissement de son entreprise dans un autre État membre avec continuation de l’exercice simultané de ces activités, au regard notamment du principe de la liberté d’établissement consacrée par l’article 52 du traité modifié du 17 avril 1957 instituant la Communauté économique européenne?

2) Dans l’affirmative, la période d’exercice requise par l’article 3, sous a), se trouve-t-elle modifiée pour toutes ou pour certaines des activités considérées en raison de l’exercice simultané de celles-ci?

3) Quelle est l’incidence éventuelle de la connexité, voire de l’absence de connexité, entre les activités considérées?»

17 Dans l’affaire C-194/97, la juridiction de renvoi a également sursis à statuer et a posé à la Cour les mêmes questions préjudicielles sous réserve du remplacement, dans la première question, de l’expression «l’exercice simultané de ces activités» par «l’exercice simultané de ces métiers».

18 Par ces questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 3 de la directive doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans un État membre, l’accès aux activités non salariées de transformation relevant de l’industrie et de l’artisanat ainsi que leur exercice sont subordonnés à la possession de connaissances et d’aptitudes déterminées, cet État membre peut exiger qu’un ressortissant communautaire qui demande plusieurs autorisations aux fins d’exercer, sur son territoire, les activités professionnelles dont l’exercice est attesté par les autorités compétentes de l’État membre de provenance ait accompli séparément les périodes d’exercice effectif prévues à cet article pour chacun des métiers dont le champ d’activité est défini par la législation de l’État membre d’accueil.

19 Il convient de relever, en premier lieu, que la directive vise à faciliter la réalisation de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services, dans un large éventail d’activités professionnelles relevant de l’industrie et de l’artisanat, en attendant l’harmonisation des conditions d’accès aux activités en cause dans les différents États membres, préalable indispensable à une libéralisation complète dans ce domaine.

20 Il est constant qu’aucune mesure n’a encore été arrêtée, comme prévu à l’article 6 de la directive, concernant l’harmonisation des conditions d’accès aux activités en cause et l’exercice de celles-ci.

21 En l’absence d’une telle harmonisation, les États membres restent, en principe, compétents pour définir les connaissances et aptitudes générales, commerciales ou professionnelles nécessaires à l’exercice des activités en cause et pour exiger la production d’un diplôme, certificat ou autre titre attestant que les intéressés possèdent ces connaissances et aptitudes.

22 S’agissant plus spécialement des champs d’activités professionnelles relevant des classes 23 – 40 C.I.T.I. (Industrie et artisanat), il ne saurait alors être exclu qu’un État membre puisse, en prenant en considération les différences objectives relatives aux activités relevant d’une seule classe, définir le champ d’activité ainsi que les conditions d’accès à plusieurs des métiers de chacune des classes en cause.

23 Il importe toutefois de souligner que, si, en l’état actuel du droit communautaire, les conditions d’accès aux activités en cause et l’exercice de celles-ci ne sont régis par aucune réglementation spécifique, il n’en reste pas moins que les États membres doivent exercer leurs compétences dans ce domaine dans le respect tant des libertés fondamentales garanties par les articles 52 et 59 du traité CE que de l’effet utile des dispositions d’une directive comportant des mesures transitoires.

24 En deuxième lieu, il convient de reconnaître que les disparités entre les définitions données par les États membres à certaines des professions relevant des activités professionnelles concernées sont susceptibles de créer des restrictions à la liberté d’établissement.

25 En vue de résoudre ce problème, l’article 3, premier alinéa, de la directive dispose que, lorsque, dans un État membre, l’accès à l’une des activités visées par la directive ou l’exercice de celle-ci est subordonné à la possession de qualifications déterminées, «cet État membre reconnaît comme preuve suffisante de ces connaissances et aptitudes l’exercice effectif dans un autre État membre de l’activité considérée».

26 Il s’ensuit que, si le droit communautaire laisse aux États membres un certain pouvoir d’appréciation quant à la définition des conditions d’accès aux activités professionnelles et du champ d’activité de chacune des professions concernées, ce pouvoir trouve ses limites dans l’obligation énoncée à l’article 3 de la directive.

27 Selon l’article 4, paragraphe 3, de la directive, l’État membre d’accueil accorde l’autorisation d’exercer une activité professionnelle sur demande de l’intéressé lorsque l’activité dont l’exercice est attesté par l’autorité compétente de l’État membre de provenance concorde avec les points essentiels de la monographie professionnelle préalablement communiquée par l’État d’accueil et que les autres conditions éventuellement prévues par la réglementation de ce dernier sont remplies.

28 A cet égard, la Cour a déjà jugé que l’autorité compétente de l’État membre de provenance doit attester si l’exercice par l’intéressé de l’activité considérée était réel et effectif et s’est accompli pendant un certain nombre d’années consécutives, c’est-à-dire sans interruption autre que celles résultant des événements de la vie courante (arrêt du 27 septembre 1989, Van de Bijl, 130/88, Rec. p. 3039, point 18).

29 La Cour a également jugé que l’État membre d’accueil qui impose certaines conditions de qualification est en principe lié par les constatations contenues dans l’attestation délivrée par l’État membre de provenance, notamment celles concernant les activités que l’intéressé y a exercées et leur durée, sous peine de priver l’attestation de son effet utile (arrêt Van de Bijl, précité, points 22 et 23).

30 Toutefois, lorsque des éléments objectifs conduisent l’État d’accueil à considérer que l’attestation produite contient des inexactitudes manifestes, il lui est loisible de s’adresser à l’État membre de provenance en vue de demander des renseignements supplémentaires (arrêt Van de Bijl, précité, point 24).

31 Il en résulte que, même si les activités dont l’exercice est attesté entrent dans le champ d’activité de plusieurs professions telles que définies par l’État membre d’accueil, ce dernier est lié par les constatations contenues dans l’attestation délivrée par l’État membre de provenance ainsi que, le cas échéant, par tout renseignement supplémentaire demandé. En effet, les autorités compétentes de l’État membre de provenance, afin de délivrer l’attestation des activités exercées par l’intéressé, se fondent sur les points essentiels de la monographie professionnelle préalablement communiquée par l’État d’accueil.

32 L’État membre d’accueil ne peut donc définir ni les conditions d’accès à chacune des professions d’artisan ni le champ d’activité de ces professions de façon que la délivrance d’une attestation par les autorités compétentes de l’État membre de provenance soit rendue inutile pour permettre à l’intéressé de poursuivre dans l’État membre d’accueil la profession à laquelle se réfère cette attestation.

33 Cette interprétation est, d’une part, conforme à l’article 3, second alinéa, de la directive, qui prévoit que l’activité visée ne doit pas avoir pris fin depuis plus de dix ans à la date du dépôt de la demande d’établissement. En effet, si l’État membre d’accueil pouvait exiger l’exercice, pour chacun des métiers, de six années consécutives à titre indépendant, conformément à l’article 3, sous a), de la directive, le postulant serait dans l’impossibilité de prouver, sur la base des pièces justificatives reconnues comme équivalentes, qu’il a les connaissances et aptitudes nécessaires pour que lui soient accordées les autorisations d’exercer plus de deux activités.

34 D’autre part, cette interprétation se justifie par les exigences de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services garanties par les articles 3, sous c), 52 et 59 du traité. En effet, ces libertés, fondamentales dans le système de la Communauté, ne seraient pas réalisées si chacun des États membres, en s’appuyant sur sa propre définition restrictive du champ d’activité de chacune des professions d’artisan, pouvait refuser de faire bénéficier des dispositions du droit communautaire ceux qui ont acquis dans un autre État membre l’expérience professionnelle visée par la directive.

35 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 3 de la directive doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans un État membre, l’accès aux activités non salariées de transformation relevant de l’industrie et de l’artisanat et leur exercice sont subordonnés à la possession de connaissances et d’aptitudes déterminées, cet État membre ne peut pas exiger qu’un ressortissant communautaire qui demande plusieurs autorisations aux fins d’exercer, sur son territoire, les activités professionnelles dont l’exercice est attesté par les autorités compétentes de l’État membre de provenance ait accompli séparément les périodes d’exercice effectif prévues à cet article pour chacun des métiers dont le champ d’activité est défini par la législation de l’État membre d’accueil.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

36 Les frais exposés par le gouvernement portugais et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le tribunal administratif, par jugements du 7 mai 1997, dit pour droit:

L’article 3 de la directive 64/427/CEE du Conseil, du 7 juillet 1964, relative aux modalités des mesures transitoires dans le domaine des activités non salariées de transformation relevant des classes 23 – 40 C.I.T.I. (Industrie et artisanat), doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans un État membre, l’accès aux activités non salariées de transformation relevant de l’industrie et de l’artisanat et leur exercice sont subordonnés à la possession de connaissances et d’aptitudes déterminées, cet État membre ne peut pas exiger qu’un ressortissant communautaire qui demande plusieurs autorisations aux fins d’exercer, sur son territoire, les activités professionnelles dont l’exercice est attesté par les autorités compétentes de l’État membre de provenance ait accompli séparément les périodes d’exercice effectif prévues à cet article pour chacun des métiers dont le champ d’activité est défini par la législation de l’État membre d’accueil.

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