CJCE, n° C-226/97, Arrêt de la Cour, Procédure pénale contre Johannes Martinus Lemmens, 16 juin 1998

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 16 juin 1998, Lemmens, C-226/97
Numéro(s) : C-226/97
Arrêt de la Cour du 16 juin 1998. # Procédure pénale contre Johannes Martinus Lemmens. # Demande de décision préjudicielle: Arrondissementsrechtbank Maastricht - Pays-Bas. # Directive 83/189/CEE - Procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques - Effet direct de la directive. # Affaire C-226/97.
Date de dépôt : 18 juin 1997
Précédents jurisprudentiels : 30 avril 1996, CIA Security International ( C-194/94
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61997CJ0226
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1998:296
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61997J0226

Arrêt de la Cour du 16 juin 1998. – Procédure pénale contre Johannes Martinus Lemmens. – Demande de décision préjudicielle: Arrondissementsrechtbank Maastricht – Pays-Bas. – Directive 83/189/CEE – Procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques – Effet direct de la directive. – Affaire C-226/97.


Recueil de jurisprudence 1998 page I-03711


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


Rapprochement des législations – Procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques – Obligation des États membres de communiquer à la Commission tout projet de règle technique – Réglementation nationale relative aux éthylomètres – Absence de notification à la Commission – Preuve obtenue au moyen d’un éthylomètre autorisé conformément aux règles non notifiées – Admissibilité

(Directive du Conseil 83/189, art. 1er et 8)

Sommaire


La directive 83/189, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques, doit être interprétée en ce sens que la méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 8 de la directive, de notifier une réglementation technique relative aux éthylomètres n’a pas pour effet de rendre inopposable au particulier inculpé pour conduite en état d’ivresse la preuve obtenue au moyen d’un éthylomètre autorisé conformément à des règles non notifiées.

En effet, si l’absence de notification de règles techniques, constituant un vice de procédure dans leur adoption, rend ces dernières inapplicables en tant qu’elles entravent l’utilisation ou la commercialisation d’un produit non conforme à ces règles, elle n’a par contre pas l’effet de rendre illégale toute utilisation d’un produit qui est conforme aux règles non notifiées. Or, l’utilisation d’un éthylomètre par les pouvoirs publics n’est pas susceptible de créer une entrave aux échanges qui aurait pu être évitée si la procédure de notification avait été suivie.

Parties


Dans l’affaire C-226/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE, par l’Arrondissementsrechtbank te Maastricht (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans la procédure pénale poursuivie devant cette juridiction contre

Johannes Martinus Lemmens,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de la directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 109, p. 8),

LA COUR,

composée de MM. C. Gulmann (rapporteur), président des troisième et cinquième chambres, faisant fonction de président, H. Ragnemalm, M. Wathelet, R. Schintgen, présidents de chambre, G. F. Mancini, P. J. G. Kapteyn, J. L. Murray, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

— pour le gouvernement néerlandais, par M. J. G. Lammers, conseiller juridique remplaçant au ministère des Affaires étrangères, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. J. E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d’agent, et N. Green, barrister,

— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. B. J. Drijber, membre du service juridique, et M. Schotter, fonctionnaire national détaché auprès de ce service, en qualité d’agents,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales du gouvernement néerlandais, représenté par M. M. Fierstra, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d’agent, du gouvernement français, représenté par Mme R. Loosli-Surrans, chargé de mission à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d’agent, et de la Commission, représentée par M. B. J. Drijber, à l’audience du 16 décembre 1997,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 février 1998,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 13 juin 1997, parvenue à la Cour le 18 juin suivant, l’Arrondissementsrechtbank te Maastricht a posé, en vertu de l’article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l’interprétation de la directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 109, p. 8, ci-après la «directive»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’une procédure pénale poursuivie contre M. Lemmens, prévenu d’avoir conduit un véhicule en état d’ivresse.

3 L’article 8, paragraphe 2, sous a), de la Wegenverkeerswet 1994 (loi relative à la circulation routière, Stb. 1995, 475) interdit à quiconque de conduire ou de faire conduire un véhicule après consommation de boissons alcoolisées de sorte qu’un examen révèle un taux d’alcool dans l’haleine supérieur à 220 microgrammes d’alcool par litre d’air expiré.

4 L’article 163, paragraphes 1 et 2, de cette même loi est libellé dans les termes suivants:

«1. S’il soupçonne le conducteur d’un véhicule d’avoir violé l’article 8, l’officier de police judiciaire peut lui enjoindre de coopérer à un examen au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous a).

2. Le conducteur ayant fait l’objet de l’injonction visée au paragraphe 1 est tenu d’insuffler son haleine dans un appareil destiné à l’examen et de se plier à toutes les instructions que lui donne l’officier de police judiciaire pour le bon déroulement de l’examen».

5 Le paragraphe 10 de ce même article dispose que le ministre de la Justice fixera les autres modalités d’application de ces dispositions dans un règlement d’administration publique.

6 Ainsi, le Besluit alcoholonderzoeken du 24 septembre 1987 (Stb. 432), qui a été modifié à plusieurs reprises (ci-après l'«arrêté relatif à l’examen d’alcoolémie 1987»), dispose en son article 3 que, pour effectuer une analyse d’haleine, il est fait usage d’un éthylomètre d’un type prescrit par le ministre de la Justice, ce qui suppose qu’il ait été agréé à la suite d’un examen effectué par un organisme de contrôle désigné par ce même ministre. L’article 5 du même arrêté prévoit en outre que le ministre de la Justice fixe les conditions auxquelles doivent satisfaire les éthylomètres et les règles relatives aux tests qu’ils doivent subir.

7 Les règles visées à l’article 5 de l’arrêté relatif à l’examen d’alcoolémie 1987 ont été fixées par la Regeling ademanalyse du 25 septembre 1987 (arrêté ministériel relatif à l’analyse d’haleine 1987, Stcrt. 187), modifiée à plusieurs reprises (ci-après l'«arrêté relatif à l’analyse d’haleine 1987»). Cet arrêté dispose, en son article 2, paragraphe 1, que, pour pouvoir être utilisé par la police judiciaire dans le cadre des examens d’alcoolémie, l’éthylomètre doit être d’un type agréé lors d’un test effectué par l’organisme de contrôle sur la base du point 4.3 de son annexe 1 et, en son article 3, paragraphe 1, que l’éthylomètre doit en outre avoir été agréé lors d’un test effectué par l’organisme de contrôle sur la base du point 4.4 ou du point 4.5 de cette même annexe.

8 L’annexe 1 de l’arrêté relatif à l’analyse d’haleine 1987 énonce les caractéristiques auxquelles doivent répondre les éthylomètres, en particulier en ce qui concerne la qualité, la performance, les essais et méthodes d’essai ainsi que les procédures d’évaluation de la conformité.

9 Les articles 8 et 9 de la directive, dans sa version initiale qui était en vigueur à l’époque où les deux arrêtés 1987 ont été adoptés, imposent aux États membres, d’une part, de communiquer à la Commission les projets de règles techniques relevant de son champ d’application et, d’autre part, de reporter l’adoption de ces projets de trois mois, exception faite de cas particuliers d’urgence décrits à l’article 9, paragraphe 3. Dans certaines circonstances décrites à l’article 9, paragraphes 1 et 2, ce délai est prolongé de trois ou neuf mois.

10 Dans l’arrêt du 30 avril 1996, CIA Security International (C-194/94, Rec. p. I-2201, point 54), la Cour a interprété la directive en ce sens que la méconnaissance de l’obligation de notification, imposée par les articles 8 et 9 de la directive, entraîne l’inapplicabilité des règles techniques concernées, de sorte qu’elles ne peuvent pas être opposées aux particuliers. Elle a par conséquent dit pour droit que ces derniers peuvent se prévaloir des dispositions précitées devant le juge national, auquel il incombe de refuser d’appliquer une règle technique nationale qui n’a pas été notifiée conformément à la directive.

11 A la suite de cet arrêt, le gouvernement néerlandais a dressé l’inventaire des règles nationales qui auraient éventuellement dû être communiquées à la Commission conformément à la directive; parmi ces règles figuraient l’arrêté relatif à l’examen d’alcoolémie 1987 et l’arrêté relatif à l’analyse d’haleine 1987. Aussi, dans le cadre d’une «opération de rattrapage», le gouvernement néerlandais a-t-il notifié à la Commission l’arrêté relatif à l’examen d’alcoolémie 1997 et l’arrêté ministériel relatif à l’analyse d’haleine 1997, qui sont identiques aux deux arrêtés de 1987.

12 Il ressort de l’ordonnance de renvoi que M. Lemmens, au cours de la procédure pénale dont il fait l’objet, a déclaré: «J’ai lu dans la presse qu’il y a des problèmes avec les éthylomètres. Je soutiens que ce matériel n’a pas été notifié à Bruxelles et me demande quelles conséquences cela peut avoir en l’espèce».

13 Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et a soumis à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Un prévenu, présent ou représenté, jugé dans une procédure pénale pour infraction à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la loi relative à la circulation routière, peut-il invoquer avec succès la non-application de l’arrêté ministériel relatif à l’analyse d’haleine 1987 … tel que modifié, instituant des dispositions complémentaires sur les conditions que doivent remplir les éthylomètres et sur les tests auxquels ils doivent être soumis – réglementation qui, pour le test visé à l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la loi relative à la circulation routière, est fondée, eu égard à l’article 65 de la loi d’introduction de la loi relative à la circulation routière, sur l’article 163 de la loi relative à la circulation routière, lu en combinaison avec l’article 5 de l’arrêté relatif à l’examen d’alcoolémie 1987 … tel que modifié – au motif que, s’agissant de cette réglementation, la notification à la Commission prévue à l’article 8 de la directive 83/189/CEE n’a pas été effectuée?

2) Un juge, dans une procédure pénale comme celle en cause, doit-il d’office ne pas appliquer cette réglementation, compte tenu de cette absence de notification?»

14 Compte tenu du fait que les gouvernements néerlandais et français estiment que l’arrêté relatif à l’analyse d’haleine 1987 ne contient pas de règles techniques au sens de la directive, il convient, à titre liminaire, d’examiner cette question.

15 A cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion de «règle technique» est définie à l’article 1er, point 5, de la directive comme «les spécifications techniques, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, à l’exception de celles fixées par les autorités locales». Conformément au point 1 de cette même disposition, il convient d’entendre par «spécification technique» «la spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d’un produit, telles que les niveaux de qualité ou de propriété d’emploi, la sécurité, les dimensions, y compris les prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la terminologie, les symboles, les essais et méthodes d’essai, l’emballage, le marquage et l’étiquetage».

16 Les gouvernements néerlandais et français estiment que, quoique l’arrêté relatif à l’analyse d’haleine 1987 énonce les caractéristiques auxquelles doivent répondre les éthylomètres et quoique la police soit tenue d’utiliser des appareils agréés pour prouver que l’infraction est matériellement constituée, il ne relève pas du champ d’application de la directive, et ce pour deux ordres de raisons.

17 En premier lieu, le gouvernement néerlandais fait valoir que l’arrêté relatif à l’analyse d’haleine 1987 s’applique dans le domaine du droit pénal, lequel se trouve en dehors de la sphère du droit communautaire.

18 Quant au gouvernement français, il considère que la directive ne s’applique pas aux produits qui, comme ceux de l’espèce au principal, sont destinés à des usages relevant des prérogatives de la puissance publique et a fortiori de l’action pénale des États membres.

19 Ces arguments ne sauraient être accueillis. S’il est exact que, en principe, la législation pénale et les règles de la procédure pénale relèvent de la compétence des États membres, il ne peut en être déduit que ce domaine du droit ne peut pas être affecté par le droit communautaire (voir, en ce sens, arrêts du 2 février 1989, Cowan, 186/87, Rec. p. 195, point 19, et du 11 novembre 1981, Casati, 203/80, Rec. p. 2595, point 27).

20 En l’espèce, rien n’indique dans la directive que des règles techniques au sens de son article 1er, du fait de leur appartenance au domaine du droit pénal, sont exclues de l’obligation de notification et que son champ d’application est limité aux produits destinés à des usages qui ne relèvent pas des prérogatives de la puissance publique. A cet égard, il convient de rappeler que, comme la Cour l’a déjà constaté dans l’arrêt du 20 mars 1997, Bic Benelux (C-13/96, Rec. p. I-1753, point 19), une directive s’applique aux règles techniques indépendamment des motifs qui ont justifié leur adoption.

21 En deuxième lieu, le gouvernement néerlandais observe que les règles en cause ne s’appliquent pas aux personnes qui fabriquent ou commercialisent les éthylomètres, mais uniquement à un certain type d’acheteurs, à savoir les services de police judiciaire. Sur la partie du marché des éthylomètres qui ne serait pas concernée, les appareils qui ne seraient pas conformes à l’arrêté relatif à l’analyse d’haleine 1987 pourraient être commercialisés et utilisés sans restrictions.

22 Le gouvernement néerlandais ajoute que les instructions contenues dans l’arrêté relatif à l’analyse d’haleine 1987 sont destinées aux officiers de police judiciaire et visent à assurer la fiabilité des éthylomètres en tant qu’ils apportent la preuve de l’état d’ivresse d’un conducteur, mais qu’elles n’énoncent pas des conditions auxquelles les éthylomètres devraient répondre pour être commercialisés.

23 Le gouvernement français affirme, dans le même ordre d’idées, que, pour être qualifiées de règles techniques au sens de la directive, les règles considérées doivent viser des produits destinés à un usage courant.

24 Ces arguments ne sauraient être accueillis. Certes, il peut exister des règles qui imposent des spécifications techniques pour un produit lorsqu’il est destiné à un groupe déterminé d’utilisateurs, dont le contenu est conditionné par l’objectif spécifique poursuivi par ce groupe et qui ont un rapport trop lointain avec la production et la commercialisation dudit produit pour pouvoir être qualifiées de règles techniques au sens de la directive. Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce.

25 En effet, à supposer même qu’il existe aux Pays-Bas un marché pour des éthylomètres qui ne sont pas conformes à l’arrêté relatif à l’analyse d’haleine 1987, il n’en resterait pas moins que les règles établies par ce dernier doivent être respectées par ceux qui vendent ces appareils aux services de police judiciaire, lesquels en constituent un utilisateur très important sur le marché néerlandais.

26 Il y a donc lieu de constater que l’arrêté relatif à l’analyse d’haleine 1987 contient des règles techniques qui auraient dû, préalablement à leur adoption, être notifiées à la Commission conformément à l’article 8 de la directive.

27 Par sa première question, la juridiction nationale demande en substance si la directive doit être interprétée en ce sens que la méconnaissance de l’obligation, imposée par son article 8, de notifier une réglementation technique relative aux éthylomètres a pour effet de rendre inopposable au particulier inculpé pour conduite en état d’ivresse la preuve obtenue au moyen d’un éthylomètre autorisé conformément à cette réglementation.

28 La Commission et les gouvernements qui ont déposé des observations devant la Cour estiment que cette question appelle une réponse négative.

29 Le gouvernement néerlandais fait notamment valoir que, en l’espèce au principal, le prévenu n’a aucun intérêt digne de protection à invoquer la non-applicabilité de la réglementation technique. Le but de la directive étant de garantir la libre circulation des marchandises, seuls les particuliers fabriquant ou important des marchandises auraient en effet un intérêt direct à ce que les règles techniques contenues dans l’arrêté relatif à l’analyse d’haleine 1987 aient été contrôlées sur la base de la directive.

30 Selon le gouvernement du Royaume-Uni, il ressort de l’arrêt CIA Security International, précité, que c’est la règle technique non notifiée elle-même qui ne peut être opposée au particulier. La directive, qui viserait seulement à éliminer les obstacles aux échanges, n’aurait pas pour objectif de rendre illégale l’utilisation du produit commercialisé conformément à une règle technique non notifiée.

31 Selon la Commission et le gouvernement français, si les conditions de l’effet direct de l’article 8 de la directive ainsi que la sanction de la méconnaissance de cette disposition, à savoir l’inopposabilité de la règle non notifiée aux particuliers, sont définies de manière contraignante par le droit communautaire, il appartient au droit national de déterminer le contenu et les conséquences concrètes de cette sanction, étant entendu, d’une part, que les conditions dans lesquelles un particulier peut invoquer la violation du droit communautaire ne sauraient lui être moins favorables que celles qu’il doit respecter en cas de violation comparable du droit national et, d’autre part, que l’efficacité du droit communautaire doit rester intacte. La Commission estime par conséquent que le droit communautaire ne s’oppose pas à l’application d’un principe de droit national selon lequel la méconnaissance de l’obligation de notification des règles techniques n’entraîne pas l’inapplicabilité de la législation en matière de conduite en état d’ivresse à condition qu’il soit également exclu que le prévenu puisse invoquer la méconnaissance d’une obligation similaire de droit national.

32 A cet égard, il y a lieu d’observer que, au point 40 de l’arrêt CIA Security International, précité, la Cour a souligné que la directive vise, par un contrôle préventif, à protéger la libre circulation des marchandises, qui est un des fondements de la Communauté. Ce contrôle est utile dans la mesure où des règles techniques relevant de la directive peuvent constituer des entraves aux échanges des marchandises entre États membres, ces entraves ne pouvant être admises que si elles sont nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives poursuivant un but d’intérêt général.

33 Aux points 48 et 54 de ce même arrêt, la Cour, après avoir rappelé que l’obligation de notification constitue un moyen essentiel pour la réalisation de ce contrôle communautaire, a constaté que l’efficacité de ce dernier sera d’autant renforcée que la directive est interprétée en ce sens que la méconnaissance de l’obligation de notification constitue un vice de procédure substantiel de nature à entraîner l’inapplicabilité des règles techniques concernées, de sorte qu’elles ne peuvent pas être opposées aux particuliers.

34 Dans une procédure pénale telle que celle au principal, les règles appliquées au prévenu sont, d’une part, celles qui interdisent et sanctionnent la conduite en état d’ivresse et, d’autre part, celles qui obligent le conducteur à insuffler son haleine dans un appareil destiné à l’examen du taux d’alcool, le résultat de cet examen constituant une preuve dans la procédure pénale. Ces règles sont différentes de celles qui, du fait qu’elles n’ont pas été notifiées à la Commission conformément à la directive, sont inopposables aux particuliers.

35 Il y a lieu de relever que, si l’absence de notification de règles techniques, constituant un vice de procédure dans leur adoption, rend ces dernières inapplicables en tant qu’elles entravent l’utilisation ou la commercialisation d’un produit non conforme à ces règles, elle n’a par contre pas l’effet de rendre illégale toute utilisation d’un produit qui est conforme aux règles non notifiées.

36 Or, l’utilisation du produit par les pouvoirs publics, dans un cas comme celui de l’espèce, n’est pas susceptible de créer une entrave aux échanges qui aurait pu être évitée si la procédure de notification avait été suivie.

37 Il convient donc de répondre à la première question que la directive doit être interprétée en ce sens que la méconnaissance de l’obligation, imposée par son article 8, de notifier une réglementation technique relative aux éthylomètres n’a pas pour effet de rendre inopposable au particulier inculpé pour conduite en état d’ivresse la preuve obtenue au moyen d’un éthylomètre autorisé conformément à des règles non notifiées.

38 Au vu de la réponse à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

39 Les frais exposés par les gouvernements néerlandais, français et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par l’Arrondissementsrechtbank te Maastricht, par ordonnance du 13 juin 1997, dit pour droit:

La directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques, doit être interprétée en ce sens que la méconnaissance de l’obligation, imposée par son article 8, de notifier une réglementation technique relative aux éthylomètres n’a pas pour effet de rendre inopposable au particulier inculpé pour conduite en état d’ivresse la preuve obtenue au moyen d’un éthylomètre autorisé conformément à des règles non notifiées.

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