CJCE, n° C-281/98, Arrêt de la Cour, Roman Angonese contre Cassa di Risparmio di Bolzano SpA, 6 juin 2000

  • Conditions de travail fixées par des personnes privées·
  • Non-discrimination en raison de la nationalité·
  • Inclusion ) 3 libre circulation des personnes·
  • Exigence de connaissances linguistiques·
  • Cee/ce - contentieux * contentieux·
  • 1 questions préjudicielles·
  • Dispositions du traité·
  • Communauté européenne·
  • Compétence de la cour·
  • Champ d'application

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 6 juin 2000, Angonese, C-281/98
Numéro(s) : C-281/98
Arrêt de la Cour du 6 juin 2000. # Roman Angonese contre Cassa di Risparmio di Bolzano SpA. # Demande de décision préjudicielle: Pretore di Bolzano - Italie. # Libre circulation des personnes - Accès à l'emploi - Certificat de bilinguisme délivré par une administration locale - Article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) - Règlement (CEE) nº 1612/68. # Affaire C-281/98.
Date de dépôt : 23 juillet 1998
Précédents jurisprudentiels : arrêt du 28 novembre 1989, Groener, C-379/87
Bosman, C-415/93
Cabour, C-230/96
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61998CJ0281
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2000:296
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61998J0281

Arrêt de la Cour du 6 juin 2000. – Roman Angonese contre Cassa di Risparmio di Bolzano SpA. – Demande de décision préjudicielle: Pretore di Bolzano – Italie. – Libre circulation des personnes – Accès à l’emploi – Certificat de bilinguisme délivré par une administration locale – Article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) – Règlement (CEE) nº 1612/68. – Affaire C-281/98.


Recueil de jurisprudence 2000 page I-04139


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1 Questions préjudicielles – Compétence de la Cour – Limites – Question manifestement dénuée de pertinence

(Traité CE, art. 177 (devenu art. 234 CE))

2 Libre circulation des personnes – Travailleurs – Dispositions du traité – Interdiction de discrimination sur le fondement de la nationalité – Champ d’application – Conditions de travail fixées par des personnes privées – Inclusion

(Traité CE, art. 48 (devenu, après modification, art. 39 CE))

3 Libre circulation des personnes – Travailleurs – Accès à l’emploi – Exigence de connaissances linguistiques – Employeur obligeant les candidats à un concours de recrutement à obtenir un certificat de bilinguisme délivré par une administration locale – Inadmissibilité

(Traité CE, art. 48 (devenu, après modification, art. 39 CE))

Sommaire


1 Dans le cadre de la procédure préjudicielle prévue à l’article 177 du traité (devenu, après modification, article 234 CE), il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. Le rejet d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit communautaire n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

(voir point 18)

2 L’interdiction de la discrimination sur le fondement de la nationalité énoncée à l’article 48 du traité (devenu, après modification, article 39 CE), qui est formulée en termes généraux et n’est pas spécialement adressée aux États membres, s’applique également aux conditions de travail fixées par des personnes privées.

(voir points 30, 36)

3 L’article 48 du traité (devenu, après modification, article 39 CE) s’oppose à ce qu’un employeur oblige les candidats à un concours de recrutement à faire la preuve de leurs connaissances linguistiques exclusivement au moyen d’un unique diplôme, délivré dans une seule province d’un État membre.

En effet, cette obligation défavorise les ressortissants des autres États membres étant donné que les personnes qui ne résident pas dans ladite province ont peu de possibilités d’acquérir le diplôme, un certificat de bilinguisme, et qu’il leur sera difficile, voire impossible, d’accéder à l’emploi en cause. L’obligation n’est pas justifiée par des considérations indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi. À cet égard, s’il peut être légitime d’exiger d’un candidat à un emploi des connaissances linguistiques d’un certain niveau et si la détention d’un diplôme tel que le certificat peut constituer un critère permettant d’évaluer ces connaissances, l’impossibilité d’en apporter la preuve par tout autre moyen, et notamment par d’autres qualifications équivalentes obtenues dans d’autres États membres, doit être considérée comme disproportionnée par rapport à l’objectif recherché. L’obligation constitue, dès lors, une discrimination sur le fondement de la nationalité contraire à l’article 48 du traité.

(voir points 39-40, 44-46 et disp.)

Parties


Dans l’affaire C-281/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Pretore di Bolzano (Italie) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Roman Angonese

et

Cassa di Risparmio di Bolzano SpA,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) et des articles 3, paragraphe 1, et 7, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, D. A. O. Edward, L. Sevón et R. Schintgen, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann, H. Ragnemalm (rapporteur) et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

— pour M. R. Angonese, par Me G. Lanzinger, avocat au barreau de Bolzano,

— pour la Cassa di Risparmio di Bolzano SpA, par Mes K. Zeller et T. Dipoli, avocats au barreau de Bolzano,

— pour le gouvernement italien, par M. le professeur U. Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d’agent, assisté de M. D. Del Gaizo, avvocato dello Stato,

— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. P. J. Kuijper, conseiller juridique, et A. Aresu, membre du service juridique, en qualité d’agents,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de M. Angonese, de la Cassa di Risparmio di Bolzano SpA, du gouvernement italien et de la Commission à l’audience du 28 septembre 1999,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 novembre 1999,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 8 juillet 1998, parvenue à la Cour le 23 juillet suivant, le Pretore di Bolzano a posé, en vertu de l’article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle relative à l’interprétation de l’article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) et des articles 3, paragraphe 1, et 7, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2, ci-après le «règlement»).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d’un litige opposant M. Angonese à la Cassa di Risparmio di Bolzano SpA (ci-après la «Cassa di Risparmio») au sujet d’une condition d’accès à un concours de recrutement imposée par cette dernière.

La réglementation communautaire

3 L’article 3, paragraphe 1, du règlement prévoit:

«Dans le cadre du présent règlement, ne sont pas applicables les dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou les pratiques administratives d’un État membre:

— qui limitent ou subordonnent à des conditions non prévues pour les nationaux la demande et l’offre de l’emploi, l’accès à l’emploi et son exercice par les étrangers,

— ou qui, bien qu’applicables sans acception de nationalité, ont pour but ou effet exclusif ou principal d’écarter les ressortissants des autres États membres de l’emploi offert.

Cette disposition ne concerne pas les conditions relatives aux connaissances linguistiques requises en raison de la nature de l’emploi à pourvoir.»

4 L’article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement dispose:

«Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé en chômage.

Toute clause de convention collective ou individuelle ou d’autre réglementation collective portant sur l’accès à l’emploi, l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail et de licenciement, est nulle de plein droit dans la mesure où elle prévoit ou autorise des conditions discriminatoires à l’égard des travailleurs ressortissant des autres États membres.»

Le litige au principal

5 M. Angonese, ressortissant italien de langue maternelle allemande, résidant dans la province de Bolzano, s’est rendu en Autriche entre 1993 et 1997, afin d’y poursuivre des études. En août 1997, à la suite d’un avis publié dans le quotidien italien Dolomiten le 9 juillet 1997, il s’est porté candidat à un concours de recrutement pour l’accès à un emploi dans une compagnie bancaire privée de Bolzano, la Cassa di Risparmio.

6 Parmi les conditions d’admission au concours figurait la possession d’un certificat de bilinguisme (italien/allemand) de type «B» (ci-après le «certificat»), qui était exigé dans la province de Bolzano pour l’accès à l’ancienne carrière d’employé supérieur dans la fonction publique.

7 Il ressort du dossier que le certificat est délivré par une administration publique de la province de Bolzano à l’issue d’un examen ayant lieu uniquement dans cette province. Il est d’usage, pour les citoyens résidant dans la province de Bolzano, de se procurer à toutes fins utiles le certificat en vue de la recherche d’un emploi. L’obtention de ce certificat est considérée comme une étape quasi obligatoire d’une formation normale.

8 Le juge de renvoi a constaté que, bien que M. Angonese n’était pas en possession du certificat, il était parfaitement bilingue. En vue de l’admission au concours de recrutement, il avait produit son diplôme de fin d’études de géomètre, des certificats attestant des études linguistiques en anglais, slovène et polonais, effectuées à la faculté de philosophie de l’université de Vienne, et indiqué que, parmi ses expériences professionnelles, figurait l’exercice des activités de géomètre et de traducteur du polonais vers l’italien.

9 Le 4 septembre 1997, la Cassa di Risparmio a informé M. Angonese qu’il ne pouvait pas participer au concours parce qu’il n’avait pas produit le certificat.

10 Le Pretore di Bolzano souligne que les personnes qui ne résident pas dans la province de Bolzano peuvent difficilement obtenir le certificat en temps opportun. Il précise que, en l’espèce, les demandes de participation au concours devaient être présentées pour le 1er septembre 1997, soit un peu moins de deux mois après la publication de l’avis de concours. Or, un délai minimal de 30 jours est prévu entre les épreuves écrites et les épreuves orales organisées pour l’obtention du certificat, et les sessions d’examen, qui ont lieu chaque année, sont en nombre limité.

11 La condition relative à l’obtention du certificat imposée par la Cassa di Risparmio était fondée sur l’article 19 de la convention collective nationale des caisses d’épargne du 19 décembre 1994 (ci-après la «convention collective») qui stipule:

«L’établissement a la faculté de décider si l’embauche du personnel visé aux paragraphes 1 et 2, sous réserve, en tout état de cause, des dispositions de l’article 21 énoncé ci-après, doit se faire par voie de concours interne sur titre et/ou sur épreuves ou en fonction de critères de sélection définis par l’établissement.

Il incombe à l’établissement de fixer au coup par coup les conditions et les modalités des concours internes, de nommer les membres des jurys et de fixer les critères d’engagement visés au premier alinéa…»

12 Tout en reconnaissant à la Cassa di Risparmio le droit de choisir ses futurs collaborateurs parmi des personnes parfaitement bilingues, M. Angonese a dénoncé l’illégalité de la condition relative à la possession obligatoire du certificat, qu’il considère comme contraire au principe de la libre circulation des travailleurs consacré par l’article 48 du traité.

13 M. Angonese a demandé que cette condition soit déclarée nulle et que la Cassa di Risparmio soit condamnée à réparer le préjudice qu’il avait subi du fait de la perte d’une chance ainsi qu’à lui rembourser les frais engagés au titre de son action en justice.

14 Selon la juridiction de renvoi, l’obligation de détenir le certificat pour faire la preuve de ses connaissances linguistiques peut, en contradiction avec le droit communautaire, pénaliser les candidats à l’emploi qui ne résident pas à Bolzano et a pu, en l’espèce, porter préjudice à M. Angonese qui avait séjourné de manière durable dans un autre État membre en vue d’y poursuivre des études. Cette juridiction considère, en outre, que, si l’obligation en cause était jugée, en elle-même, contraire au droit communautaire, elle serait nulle en droit italien.

La question préjudicielle

15 C’est dans ces conditions que le Pretore di Bolzano a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Peut-on considérer que l’article 48, paragraphes 1, 2 et 3, du traité CE et les articles 3, paragraphe 1, et 7, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n_ 1612/68 ne font pas obstacle à ce que la participation à un concours visant à pourvoir des emplois dans une entreprise de droit privé soit subordonnée à la possession d’un certificat officiel de connaissance des langues locales délivré par une seule administration publique, relevant d’un unique État membre, dans un seul lieu d’examen (en l’espèce, à Bolzano) et à l’issue d’une procédure dont la durée n’est pas négligeable (en l’espèce, l’intervalle minimum prévu entre l’épreuve écrite et l’épreuve orale est d’au moins 30 jours)?»

16 Avant d’examiner la question posée par le Pretore di Bolzano, il convient de relever que des observations ont été déposées sur la pertinence de la question pour la résolution du litige au principal et sur la compétence de la Cour pour y répondre.

17 Selon le gouvernement italien et la Cassa di Risparmio, M. Angonese étant considéré comme résident de la province de Bolzano depuis sa naissance, la question posée est artificielle et ne concernerait pas le droit communautaire.

18 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. Le rejet par cette dernière d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit communautaire n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (voir, notamment, arrêt du 30 avril 1998, Cabour, C-230/96, Rec. p. I-2055, point 21).

19 Or, sans se prononcer sur le bien-fondé des motifs de l’ordonnance de renvoi, mentionnés au point 14 du présent arrêt, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit communautaire n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

20 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée.

21 La juridiction nationale demande en substance si l’article 48 du traité et les articles 3 et 7 du règlement s’opposent à ce qu’un employeur oblige les candidats à un concours de recrutement à faire la preuve de leurs connaissances linguistiques exclusivement au moyen d’un unique diplôme, tel que le certificat, délivré dans une seule province d’un État membre.

22 S’agissant de l’incidence du règlement, il convient de relever que son article 3, paragraphe 1, vise uniquement des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou des pratiques administratives des États membres. Il n’est donc pas pertinent dans le cadre de l’examen de la licéité d’une obligation qui ne trouve pas son origine dans de telles dispositions ou de telles pratiques.

23 Quant à l’article 7 du règlement, la Cassa di Risparmio fait valoir que l’obligation de posséder le certificat ne découle pas d’une convention collective ou individuelle de travail, en sorte que l’examen de la licéité de cette obligation au regard de cette disposition n’est pas pertinent.

24 M. Angonese ainsi que la Commission prétendent, au contraire, que l’article 19 de la convention collective permet à des entreprises bancaires d’inclure des critères de sélection discriminatoires, tels que le certificat, et que cet article enfreint l’article 7, paragraphe 4, du règlement.

25 Il y a lieu de constater que l’article 19 de la convention collective autorise les établissements concernés à fixer les conditions et les modalités des concours, ainsi que les critères d’engagement.

26 Toutefois, une telle disposition n’autorise pas les établissements concernés ni explicitement ni implicitement à adopter des critères discriminatoires à l’égard des travailleurs ressortissant des autres États membres qui seraient contraires à l’article 7 du règlement.

27 Il s’ensuit qu’une telle disposition ne constitue pas en soi une violation de l’article 7 du règlement et n’a pas d’effet sur la licéité, au regard dudit règlement, d’une obligation telle que celle imposée par la Cassa di Risparmio.

28 Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner la question posée uniquement au regard de l’article 48 du traité.

29 En vertu de l’article 48 du traité, la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

30 Il convient de relever, tout d’abord, que le principe de non-discrimination énoncé à l’article 48 du traité est formulé en termes généraux et qu’il n’est pas spécialement adressé aux États membres.

31 Ainsi, la Cour a jugé que la prohibition des discriminations fondées sur la nationalité s’impose non seulement à l’action des autorités publiques, mais s’étend également aux réglementations d’une autre nature visant à régler, de façon collective, le travail salarié et les prestations de services (voir arrêt du 12 décembre 1974, Walrave et Koch, 36/74, Rec. p. 1405, point 17).

32 En effet, la Cour a jugé que l’abolition entre les États membres des obstacles à la libre circulation des personnes serait compromise si la suppression des barrières d’origine étatique pouvait être neutralisée par des obstacles résultant de l’exercice de leur autonomie juridique par des associations ou organismes ne relevant pas du droit public (voir arrêts Walrave et Koch, précité, point 18, et du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 83).

33 La Cour a souligné que les conditions de travail dans les différents États membres étant régies tantôt par la voie des dispositions d’ordre législatif ou réglementaire, tantôt par des conventions et autres actes conclus ou adoptés par des personnes privées, une limitation de l’interdiction de la discrimination fondée sur la nationalité aux actes de l’autorité publique risquerait de créer des inégalités quant à son application (voir arrêts précités Walrave et Koch, point 19, et Bosman, point 84).

34 La Cour a également jugé que le fait que certaines dispositions du traité sont formellement adressées aux États membres n’exclut pas que des droits puissent être conférés simultanément à tout particulier intéressé à l’observation des obligations ainsi définies (voir arrêt du 8 avril 1976, Defrenne, 43/75, Rec. p. 455, point 31). La Cour a ainsi conclu, concernant une disposition du traité ayant un caractère impératif, que la prohibition de la discrimination s’impose également à toutes conventions visant à régler de façon collective le travail salarié, ainsi qu’aux contrats entre particuliers (voir arrêt Defrenne précité, point 39).

35 Une telle considération doit, a fortiori, être applicable à l’article 48 du traité qui énonce une liberté fondamentale et qui constitue une application spécifique de l’interdiction générale de discrimination contenue dans l’article 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE). À cet égard, il vise à garantir, tout comme l’article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), un traitement non discriminatoire sur le marché du travail.

36 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’interdiction de la discrimination sur le fondement de la nationalité, énoncée à l’article 48 du traité, s’applique également aux personnes privées.

37 Il convient d’examiner ensuite si une obligation imposée par un employeur, tel que la Cassa di Risparmio, en vertu de laquelle l’accès à un concours de recrutement est subordonné à la détention d’un unique diplôme, tel que le certificat, constitue une discrimination contraire à l’article 48 du traité.

38 À cet égard, il ressort de l’ordonnance de renvoi que la Cassa di Risparmio admet exclusivement le certificat comme preuve des connaissances linguistiques requises et que celui-ci ne peut être obtenu que dans une province de l’État membre concerné.

39 Il s’ensuit que les personnes qui ne résident pas dans cette province ont peu de possibilités d’acquérir le certificat et qu’il leur sera difficile, voire impossible, d’accéder à l’emploi en cause.

40 La majorité des résidents de la province de Bolzano étant de nationalité italienne, l’obligation d’obtenir le certificat requis défavorise les ressortissants des autres États membres par rapport à ces derniers.

41 Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que l’obligation litigieuse affecte aussi bien les ressortissants italiens résidant dans les autres parties du territoire national que les ressortissants des autres États membres. Pour qu’une mesure puisse être qualifiée de discriminatoire sur le fondement de la nationalité au sens des règles relatives à la libre circulation des travailleurs, il n’est pas nécessaire que cette mesure ait pour effet de favoriser l’ensemble des travailleurs nationaux ou de ne défavoriser que les seuls travailleurs ressortissant des autres États membres à l’exclusion des travailleurs nationaux.

42 Une condition, telle que celle en cause au principal, qui subordonne le droit de se porter candidat à un concours de recrutement à la détention d’un diplôme de langue qui ne peut être obtenu que dans une seule province d’un État membre et interdit la production de tout autre moyen de preuve équivalent ne pourrait être justifiée que si elle était fondée sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi.

43 La Cour a précédemment jugé que le principe de non-discrimination s’oppose à ce qu’il soit prescrit que les connaissances linguistiques en cause aient été acquises sur le territoire national (arrêt du 28 novembre 1989, Groener, C-379/87, Rec. p. 3967, point 23).

44 Ainsi, s’il peut être légitime d’exiger d’un candidat à un emploi des connaissances linguistiques d’un certain niveau et si la détention d’un diplôme tel que le certificat peut constituer un critère permettant d’évaluer ces connaissances, l’impossibilité d’en apporter la preuve par tout autre moyen, et notamment par d’autres qualifications équivalentes obtenues dans d’autres États membres, doit être considérée comme disproportionnée par rapport à l’objectif recherché.

45 Dès lors, il convient de considérer que l’obligation imposée par un employeur pour l’accès d’un candidat à un concours de recrutement de faire la preuve de ses connaissances linguistiques exclusivement au moyen d’un unique diplôme, tel que le certificat, délivré dans une seule province d’un État membre, constitue une discrimination sur le fondement de la nationalité contraire à l’article 48 du traité.

46 Il y a donc lieu de répondre à la question posée que l’article 48 du traité s’oppose à ce qu’un employeur oblige les candidats à un concours de recrutement à faire la preuve de leurs connaissances linguistiques exclusivement au moyen d’un unique diplôme, délivré dans une seule province d’un État membre.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

47 Les frais exposés par le gouvernement italien, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

statuant sur la question à elle soumise par le Pretore di Bolzano, par ordonnance du 8 juillet 1998, dit pour droit:

L’article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) s’oppose à ce qu’un employeur oblige les candidats à un concours de recrutement à faire la preuve de leurs connaissances linguistiques exclusivement au moyen d’un unique diplôme, délivré dans une seule province d’un État membre.

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