CJCE, n° C-143/00, Arrêt de la Cour, Boehringer Ingelheim KG, Boehringer Ingelheim Pharma KG, Glaxo Group Ltd, The Wellcome Foundation Ltd, SmithKline Beecham plc, Beecham Group plc, SmithKline & French Laboratories Ltd et Eli Lilly and Co. contre Swingward Ltd et Dowelhurst Ltd, 23 avril 2002

  • Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale·
  • Avertissement préalable du titulaire·
  • Libre circulation des marchandises·
  • Rapprochement des législations·
  • Mesures d'effet équivalent·
  • Restrictions quantitatives·
  • Mesures de rapprochement·
  • Critères d'appréciation·
  • Opposition du titulaire·
  • Communauté européenne

Chronologie de l’affaire

Commentaires5

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www.droit-technologie.org · 11 juin 2018

Importations parallèles : le reconditionnement du produit est-il de la contrefaçon ? En restreignant la notion de « reconditionnement, » la Cour donne un fameux coup de pouce aux importations parallèles. Il n'y a pas d'atteinte à la marque lorsque l'importateur parallèle revend le produit dans son emballage intérieur et extérieur d'origine, même en y ajoutant une étiquette qui, par son contenu, sa fonction, sa taille, sa présentation et son emplacement, ne présente pas de risque pour la garantie de provenance du dispositif médical revêtu de la marque. L'épuisement du droit à la marque …

 

Murielle Cahen · LegaVox · 21 décembre 2017

Village Justice · 5 décembre 2007

• MS : Member States • EU : European Union • EC : European Community • ECJ : European Court of Justice Introduction Looking at the Treaty of Rome (EC) you will soon realise that there are numerous provisions in the EC Treaty which comfort the principle of the Free Movement of Goods. The Article 2 states that the goal of the Treaty of Rome is to establish a common market (art.2). For the purposes set out in Article 2, the activities of the Community shall include, …(a) the elimination, as between Member States (MS), of customs duties and of quantitative restrictions on the import and …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 23 avr. 2002, Boehringer Ingelheim e.a., C-143/00
Numéro(s) : C-143/00
Arrêt de la Cour du 23 avril 2002. # Boehringer Ingelheim KG, Boehringer Ingelheim Pharma KG, Glaxo Group Ltd, The Wellcome Foundation Ltd, SmithKline Beecham plc, Beecham Group plc, SmithKline & French Laboratories Ltd et Eli Lilly and Co. contre Swingward Ltd et Dowelhurst Ltd. # Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division - Royaume-Uni. # Marques - Directive 89/104/CEE - Article 7, paragraphe 2 - Epuisement du droit conféré par la marque - Médicaments - Importation parallèle - Reconditionnement du produit revêtu de la marque. # Affaire C-143/00.
Date de dépôt : 17 avril 2000
Précédents jurisprudentiels : Bristol-Myers Squibb e.a. ( C-427/93, C-429/93 et C-436/93
Upjohn ( C-379/97, Rec. p. I-6927
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62000CJ0143
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2002:246
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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62000J0143

Arrêt de la Cour du 23 avril 2002. – Boehringer Ingelheim KG, Boehringer Ingelheim Pharma KG, Glaxo Group Ltd, The Wellcome Foundation Ltd, SmithKline Beecham plc, Beecham Group plc, SmithKline & French Laboratories Ltd et Eli Lilly and Co. contre Swingward Ltd et Dowelhurst Ltd. – Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division – Royaume-Uni. – Marques – Directive 89/104/CEE – Article 7, paragraphe 2 – Epuisement du droit conféré par la marque – Médicaments – Importation parallèle – Reconditionnement du produit revêtu de la marque. – Affaire C-143/00.


Recueil de jurisprudence 2002 page I-03759


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


Rapprochement des législations – Marques – Directive 89/104 – Importation parallèle, après reconditionnement et réapposition de la marque, de médicaments – Opposition du titulaire – Admissibilité – Condition – Absence de cloisonnement artificiel des marchés entre États membres – Critères d’appréciation – Avertissement préalable du titulaire – Portée de l’obligation

irective du Conseil 89/104, art. 7, § 2)

Sommaire


$$L’article 7, paragraphe 2, de la première directive 89/104 sur les marques doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque peut invoquer son droit de marque afin d’empêcher un importateur parallèle de procéder à des reconditionnements de médicaments, à moins que l’exercice de ce droit ne contribue à cloisonner artificiellement les marchés entre les États membres. Contribue à un tel cloisonnement artificiel, le titulaire qui invoque ses droits de marque afin d’empêcher un reconditionnement qui est nécessaire à la commercialisation des médicaments concernés dans l’État d’importation.

Un reconditionnement de médicaments par remplacement des emballages, plutôt qu’une simple apposition sur ces emballages d’étiquettes, est objectivement nécessaire si, sans celui-ci, l’accès effectif au marché concerné ou à une partie importante dudit marché doit être considéré comme entravé à cause d’une forte résistance d’une proportion significative de consommateurs à l’égard des médicaments réétiquetés.

L’importateur parallèle doit, en toute hypothèse, pour être en droit de reconditionner des médicaments revêtus d’une marque, respecter la condition d’avertissement préalable. Si l’importateur parallèle ne respecte pas cette condition, le titulaire de la marque peut s’opposer à la commercialisation du médicament reconditionné. Il appartient à l’importateur parallèle d’avertir lui-même le titulaire de la marque du reconditionnement envisagé. En cas de contestation, il appartient au juge national d’apprécier, en prenant en considération toutes les circonstances pertinentes, si le titulaire a disposé d’un délai raisonnable pour réagir au projet de reconditionnement.

( voir points 35, 45, 54, 68, disp. 1-3 )

Parties


Dans l’affaire C-143/00,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 234 CE, par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans les litiges pendant devant cette juridiction entre

Boehringer Ingelheim KG, Boehringer Ingelheim Pharma KG

et

Swingward Ltd,

entre

Boehringer Ingelheim KG,

Boehringer Ingelheim Pharma KG

et

Dowelhurst Ltd,

entre

Glaxo Group Ltd

et

Swingward Ltd,

entre

Boehringer Ingelheim KG,

Boehringer Ingelheim Pharma KG

et

Dowelhurst Ltd,

entre

Glaxo Group Ltd,

The Wellcome Foundation Ltd

et

Dowelhurst Ltd,

entre

SmithKline Beecham plc,

Beecham Group plc,

SmithKline & French Laboratories Ltd et

Dowelhurst Ltd

et entre

Eli Lilly and Co.

et

Dowelhurst Ltd,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), ainsi que des articles 28 CE et 30 CE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, P. Jann, président de chambre, C. Gulmann (rapporteur), D. A. O. Edward, A. La Pergola, M. Wathelet, R. Schintgen, V. Skouris et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, chef de division,

considérant les observations écrites présentées:

— pour Boehringer Ingelheim KG et Boehringer Ingelheim Pharma KG, par M. R. Subiotto, solicitor, et Me C. Annacker, Rechtsanwältin,

— pour SmithKline Beecham plc, Beecham Group plc, SmithKline & French Laboratories Ltd et Eli Lilly and Co., par MM. S. Thorley, QC, et M. Brealey, barrister,

— pour Glaxo Group Ltd, par MM. M. Silverleaf, QC, et R. Hacon, barrister,

— pour Swingward Ltd et Dowelhurst Ltd, par MM. N. Green et H. Carr, QC,

— pour le gouvernement allemand, par Mme B. Muttelsee-Schön et M. A. Dittrich, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement norvégien, par Mme B. Ekeberg, en qualité d’agent,

— pour la Commission des Communautés européennes, par Mme K. Banks, en qualité d’agent,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de Boehringer Ingelheim KG et de Boehringer Ingelheim Pharma KG, représentées par M. R. Subiotto et Me C. Annacker, de SmithKline Beecham plc, de Beecham Group plc, de SmithKline & French Laboratories Ltd et d’Eli Lilly and Co., représentées par MM. S. Thorley et M. Brealey, de Glaxo Group Ltd, représentée par MM. M. Silverleaf et R. Hacon, de Swingward Ltd et de Dowelhurst Ltd, représentées par MM. N. Green et H. Carr, du gouvernement allemand, représenté par M. A. Dittrich, du gouvernement norvégien, représenté par Mme B. Ekeberg, et de la Commission, représentée par Mme K. Banks et par M. S. Rating, en qualité d’agent, à l’audience du 3 avril 2001,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 juillet 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 7 mars 2000, parvenue à la Cour le 17 avril suivant, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a posé, en vertu de l’article 234 CE, huit questions préjudicielles sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après la «directive»), ainsi que des articles 28 CE et 30 CE.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de litiges opposant Boehringer Ingelheim KG et Boehringer Ingelheim Pharma KG (ci-après, ensemble, «Boehringer»), Glaxo Group Ltd (ci-après «Glaxo»), SmithKline Beecham plc, Beecham Group plc et SmithKline & French Laboratories Ltd (ci-après, ensemble, «SmithKline»), The Wellcome Foundation Ltd (ci-après «Wellcome») ainsi qu’Eli Lilly and Co. (ci-après «Eli Lilly») à Swingward Ltd (ci-après «Swingward») et à Dowelhurst Ltd (ci-après «Dowelhurst») au sujet de la commercialisation de médicaments produits par Boehringer, Glaxo, SmithKline, Wellcome et Eli Lilly qui ont été importés parallèlement au Royaume-Uni par Swingward et Dowelhurst.

Le droit communautaire

3 En vertu de l’article 28 CE, les restrictions quantitatives à l’importation et les mesures d’effet équivalent sont interdites entre les États membres. Toutefois, aux termes de l’article 30 CE, les interdictions et restrictions à l’importation entre les États membres qui sont justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale sont autorisées dès lors qu’elles ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée au commerce intracommunautaire.

4 L’article 7 de la directive 89/104, intitulé «Épuisement du droit conféré par la marque», dispose:

«1. Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

2. Le paragraphe 1 n’est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l’état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce.»

5 Conformément à l’article 65, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’annexe XVII, point 4, de l’accord sur l’Espace économique européen, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 89/104 a été modifié aux fins dudit accord, l’expression «dans la Communauté» étant remplacée par les mots «sur le territoire d’une partie contractante».

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

6 Chacun des médicaments concernés par les litiges au principal a été commercialisé sous une marque par l’une des demanderesses au principal dans la Communauté, où il a été acheté par l’une des défenderesses au principal et importé au Royaume-Uni. Aux fins de ces importations, les défenderesses au principal ont modifié dans une certaine mesure le conditionnement de ces médicaments ainsi que les notices d’information qui y sont jointes.

7 La manière dont le conditionnement des différents médicaments concernés a été modifié varie d’un cas à l’autre. Dans certains cas, une étiquette comportant certaines informations importantes, telles que le nom de l’importateur parallèle et son numéro d’autorisation d’importation parallèle, a été apposée sur l’emballage d’origine. Des indications rédigées dans d’autres langues que l’anglais demeurent alors visibles sur cet emballage et la marque n’est pas recouverte. Dans d’autres cas, le produit a été reconditionné dans des boîtes qui ont été conçues par l’importateur parallèle et sur lesquelles la marque a été reproduite. Dans d’autres cas encore, le produit a été reconditionné dans des boîtes qui ont été conçues par l’importateur parallèle et qui ne portent pas la marque. En lieu et place, c’est le nom générique du produit qui a été inscrit sur la boîte. Le récipient se trouvant dans la boîte porte la marque originale mais une étiquette autocollante a été apposée afin d’indiquer le nom générique du produit ainsi que l’identité du fabricant et du détenteur de l’autorisation d’importation parallèle. Dans tous ces cas de reconditionnement, les boîtes contiennent une notice d’information destinée aux patients, qui est rédigée en anglais et porte la marque.

8 Boehringer, Glaxo, SmithKline, Wellcome et Eli Lilly s’opposent à ces modifications de conditionnement et font valoir que celles-ci ne sont pas nécessaires pour que les médicaments concernés puissent être commercialisés au Royaume-Uni. Dès lors, d’après la jurisprudence de la Cour, les importateurs parallèles n’auraient pas le droit d’apporter de telles modifications. Elles ont donc introduit des recours devant la juridiction de renvoi pour atteinte à la marque.

9 Estimant que la solution des litiges au principal dépendait d’une interprétation du droit communautaire, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Le titulaire d’une marque peut-il utiliser les droits qu’il tire de sa marque pour mettre fin ou faire obstacle à l’importation de ses propres marchandises en provenance d’un État membre et à destination d’un autre État membre ou pour s’opposer à leur commercialisation ou promotion ultérieure lorsque l’importation, la commercialisation ou la promotion n’affecte pas, ou pas de façon substantielle, l’objet spécifique de ses droits?

2) La réponse à la question précédente est-elle différente si la raison invoquée par le titulaire est que l’importateur ou le distributeur en aval utilise sa marque d’une façon qui, bien qu’elle n’affecte pas son objet spécifique, n’est pas nécessaire?

3) Si l’importateur des marchandises du titulaire ou un distributeur de ces marchandises importées doit prouver que son utilisation de la marque du titulaire est `nécessaire', cette condition est-elle remplie s’il établit que l’utilisation de la marque est raisonnablement requise pour lui permettre d’avoir accès (a) à une partie seulement du marché de ces marchandises ou (b) à l’ensemble du marché de ces marchandises, ou cette condition exige-t-elle que l’utilisation de la marque fût essentielle pour permettre que les marchandises soient mises sur le marché, et, si aucune de ces solutions n’est correcte, que signifie `nécessaire'?

4) Si, à première vue, le titulaire d’une marque a le droit de faire valoir ses droits de marque nationaux face à toute utilisation de sa marque sur des marchandises ou en relation avec elles, qui n’est pas nécessaire, le fait d’utiliser ce droit pour faire obstacle ou exclure les importations parallèles de ses propres marchandises qui n’affectent pas l’objet spécifique ou la fonction essentielle de la marque constitue-t-il un comportement abusif et une restriction déguisée dans le commerce au sens de la seconde phrase de l’article 30 CE?

5) Lorsque l’importateur ou une personne distribuant des marchandises importées entend utiliser la marque du titulaire sur ces marchandises ou en relation avec elles et que cette utilisation n’affecte pas et n’affectera pas l’objet spécifique de la marque, doit-il néanmoins avertir préalablement le titulaire de son intention d’utiliser la marque?

6) S’il faut répondre à la question précédente par l’affirmative, cela signifie-t-il que le fait pour l’importateur ou le distributeur de ne pas avertir de la sorte le titulaire a pour effet d’habiliter ce dernier à restreindre ou à faire obstacle à l’importation ou à la commercialisation ultérieure de ces marchandises, même si cette importation ou commercialisation ultérieure n’affectera pas l’objet spécifique de la marque?

7) Si un importateur ou une personne distribuant des marchandises importées doit préalablement avertir le titulaire d’utilisations de la marque qui n’affectent pas son objet spécifique,

a) cette condition s’applique-t-elle à toutes les utilisations de ce type de la marque, y compris à la publicité, au réétiquetage et au reconditionnement, ou, si elle ne s’applique qu’à certaines de ces utilisations, auxquelles?

b) l’importateur ou le distributeur doit-il avertir le titulaire ou suffit-il que celui-ci reçoive cet avertissement?

c) de combien de temps l’avertissement doit-il précéder l’utilisation?

8) Une juridiction d’un État membre peut-elle, à la demande du titulaire du droit de marque, adresser des injonctions, accorder une indemnisation ou ordonner la délivrance de stocks ou d’autres mesures à l’égard de marchandises importées, de leur conditionnement ou de la publicité faite à leur propos lorsque de telles mesures (a) mettent fin ou font obstacle à la libre circulation de marchandises placées sur le marché communautaire par le titulaire ou avec son consentement, mais (b) n’ont pas pour objet d’empêcher que l’objet spécifique des droits soit affecté et ne contribuent pas à empêcher que l’objet spécifique soit affecté?»

Remarques liminaires

10 Par ses questions, la juridiction de renvoi vise à obtenir des précisions quant à certains aspects de la jurisprudence de la Cour relative au reconditionnement de médicaments revêtus d’une marque, opéré par des importateurs parallèles sans autorisation du titulaire de la marque.

11 Dès lors, il y a lieu de rappeler les éléments essentiels de cette jurisprudence.

12 D’abord, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, notamment de l’arrêt du 23 mai 1978, Hoffmann-La Roche (102/77, Rec. p. 1139, points 6 et 7), ce qui suit:

— l’article 30 CE n’admet des dérogations au principe fondamental de la libre circulation des marchandises entre les États membres que dans la mesure où elles sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l’objet spécifique de la propriété industrielle concernée;

— dans ce contexte, il convient de tenir compte de la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit marqué, en lui permettant de le distinguer sans confusion possible de ceux qui ont une autre provenance;

— cette garantie de provenance implique que le consommateur ou l’utilisateur final puisse être certain qu’un produit marqué qui lui est offert n’a pas fait l’objet, à un stade antérieur de sa commercialisation, d’une intervention opérée par un tiers sans autorisation du titulaire de la marque, qui a atteint le produit dans son état originaire.

13 Dès lors, le droit qui est reconnu au titulaire d’une marque de s’opposer à toute utilisation de la marque susceptible de fausser la garantie de provenance ainsi comprise relève de l’objet spécifique du droit de marque et il est, par conséquent, justifié aux termes de l’article 30, première phrase, CE de reconnaître au titulaire le droit de s’opposer à ce qu’un importateur d’un produit de marque, après reconditionnement de celui-ci, appose la marque, sans autorisation du titulaire, sur le nouvel emballage (arrêt Hoffmann-La Roche, précité, points 7 et 8).

14 Il résulte du point 14 de l’arrêt Hoffmann-La Roche, précité, qu’est justifiée, au sens de l’article 30, première phrase, CE, l’opposition par le titulaire d’un droit de marque, protégé dans deux États membres à la fois, à ce qu’un produit licitement pourvu de la marque dans un de ces États soit mis sur le marché dans l’autre État membre, après avoir été reconditionné dans un nouvel emballage sur lequel la marque a été apposée par un tiers. Il en résulte également que constitue, cependant, une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres, au sens de l’article 30, seconde phrase, CE, une telle opposition

— s’il est établi que l’utilisation du droit de marque par le titulaire, compte tenu du système de commercialisation appliqué par celui-ci, contribuerait à cloisonner artificiellement les marchés entre États membres;

— s’il est démontré que le reconditionnement ne saurait affecter l’état originaire du produit;

— si le titulaire de la marque est averti préalablement de la mise en vente du produit reconditionné, et

— s’il est indiqué sur le nouvel emballage par qui le produit a été reconditionné.

15 Ensuite, dans des arrêts postérieurs à l’arrêt Hoffmann-La Roche, précité, notamment dans les arrêts du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb e.a. (C-427/93, C-429/93 et C-436/93, Rec. p. I-3457), et du 12 octobre 1999, Upjohn (C-379/97, Rec. p. I-6927), la Cour a précisé ce qui peut constituer un cas de cloisonnement artificiel des marchés entre États membres. Doit être considérée comme tel, à certaines conditions, l’opposition du titulaire d’une marque au reconditionnement des médicaments lorsque celui-ci est nécessaire afin que le produit importé parallèlement puisse être commercialisé dans l’État d’importation.

16 Dans cette jurisprudence, la Cour a également développé et précisé les autres conditions que l’importateur parallèle doit respecter pour pouvoir opérer un reconditionnement des médicaments revêtus d’une marque. Elle a notamment indiqué que la présentation du produit reconditionné ne devait pas être de nature à nuire à la réputation de la marque.

17 Enfin, il y a lieu de rappeler que, avant l’adoption de la directive 89/104, la jurisprudence de la Cour relative à cette problématique avait été dégagée dans le cadre des dispositions du traité CEE relatives au commerce intracommunautaire. À la suite de l’adoption de cette directive, qui réglemente de manière complète, à son article 7, la question de l’épuisement du droit de marque en ce qui concerne les produits mis dans le commerce dans la Communauté, la Cour a jugé que les règles nationales en la matière devaient être appréciées au regard de cette disposition (voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, point 26).

18 Cependant, l’article 7 de la directive, tout comme l’article 30 CE, vise notamment à concilier les intérêts fondamentaux de la protection des droits de marque et ceux de la libre circulation des marchandises entre les États membres, en sorte que ces deux dispositions, ayant pour objet de parvenir au même résultat, doivent être interprétées de manière identique. Dès lors, afin de déterminer si, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la directive, le titulaire d’une marque peut s’opposer à la commercialisation de produits reconditionnés sur lesquels la marque a été réapposée, il y a lieu de se fonder sur la jurisprudence de la Cour dégagée dans le cadre de l’article 36 du traité CEE (devenu article 36 du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 30 CE) (voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, points 40 et 41).

Sur l’objet spécifique de la marque

19 Par ses première, deuxième, quatrième et huitième questions, la juridiction de renvoi vise à obtenir des précisions sur la notion d’objet spécifique de la marque telle qu’elle est utilisée dans la jurisprudence de la Cour pour déterminer dans quelles conditions le titulaire d’une marque peut invoquer ses droits de marque afin d’empêcher un importateur parallèle de procéder à des reconditionnements de médicaments.

20 La juridiction de renvoi se demande notamment s’il est possible, ainsi que l’ont fait certaines juridictions dans d’autres États membres, de considérer que le reconditionnement affecte l’objet spécifique de la marque au sens de la jurisprudence de la Cour, de sorte que le titulaire de la marque peut s’opposer, en principe, à un reconditionnement, même si, concrètement, ce reconditionnement ne constitue pas une menace pour les intérêts du titulaire. Selon cette juridiction, les reconditionnements mis en cause devant elle concernent des marchandises authentiques commercialisées avec le consentement du titulaire et ne portent pas préjudice à l’état originaire des médicaments, à leur réputation ou aux fonctions essentielles de la marque. Elle soulève la question de savoir si, dans des circonstances où la marque n’est pas utilisée de manière à tromper les consommateurs en ce qui concerne la provenance et la qualité des marchandises, de tels reconditionnements doivent être permis même s’il n’est pas démontré qu’un reconditionnement est nécessaire pour permettre à l’importateur parallèle un accès effectif au marché.

Observations présentées devant la Cour

21 Boehringer soutient que le titulaire d’une marque peut toujours s’opposer légitimement à la commercialisation ultérieure d’un médicament lorsque l’importateur parallèle a reconditionné le produit et utilisé la marque sur ou en relation avec le produit ou qu’il a affecté les droits de marque du titulaire d’une quelconque autre façon, sauf si cette atteinte est essentielle, dans les circonstances prévalant au moment de la commercialisation dans l’État membre d’importation, pour que le produit soit commercialisé dans cet État par l’importateur et que cette atteinte cause un préjudice aussi faible que possible aux droits du titulaire de la marque.

22 Glaxo fait valoir que le reconditionnement des produits du titulaire de la marque sans son consentement porte atteinte à l’objet spécifique de la marque. Un tel comportement serait passible en soi d’une sanction en vertu d’une action en contrefaçon de la marque, sous la seule réserve du cas où les quatre conditions fixées dans la jurisprudence de la Cour et rappelées au point 14 du présent arrêt seraient remplies. Il ne serait pas nécessaire d’apporter de surcroît la preuve du caractère dommageable du reconditionnement ou d’une atteinte à l’objet spécifique de la marque.

23 SmithKline prétend que, d’après l’ordonnance de renvoi, c’est au titulaire d’une marque qu’il incombe de démontrer un «préjudice» supplémentaire afin d’empêcher l’importation parallèle de marchandises portant cette marque. Elle fait valoir que cette approche est erronée au vu de la jurisprudence de la Cour en la matière.

24 Swingward et Dowelhurst soutiennent qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’un droit de marque ne peut être invoqué que dans le cas d’un préjudice spécifique et concret porté à l’objet spécifique de la marque.

25 Le gouvernement allemand fait valoir qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que le reconditionnement ou le réétiquetage de produits peut affecter les droits du titulaire d’une marque, y compris ceux qui constituent l’objet spécifique de la marque, et qu’il n’y a pas lieu de s’écarter de cette jurisprudence établie.

26 Le gouvernement norvégien soutient que le texte de l’article 30 CE repose sur la prémisse que les restrictions à l’importation ne sont justifiées que lorsque la propriété industrielle et commerciale est mise en péril. On ne saurait déduire de la jurisprudence de la Cour que le titulaire d’une marque peut s’opposer à l’importation de produits reconditionnés qui n’affectent pas l’état originaire du produit ni ne nuisent à la réputation de la marque et de son titulaire.

27 La Commission fait valoir que la question essentielle est celle de savoir si l’exigence de nécessité doit se combiner avec les conditions relatives à la protection de l’objet spécifique de la marque. L’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. ne serait pas totalement univoque à cet égard. Cependant, si la Cour avait entendu modifier la nature de la liste des conditions fixées dans l’arrêt Hoffmann-La Roche, précité, en rendant certaines d’entre elles subsidiaires, elle aurait pu parfaitement le faire. La Commission considère donc que l’exigence de «nécessité» s’ajoute aux critères concernant la protection de l’objet spécifique de la marque.

Appréciation de la Cour

28 Il convient de rappeler que, s’il peut être dérogé au principe fondamental de la libre circulation des marchandises dans des cas où le titulaire d’une marque s’oppose sur le fondement de celle-ci au reconditionnement des médicaments importés parallèlement, c’est dans la mesure où cette faculté permet au titulaire de sauvegarder des droits qui relèvent de l’objet spécifique de la marque, compris à la lumière de la fonction essentielle de celle-ci.

29 Il n’est pas contesté que l’objet spécifique de la marque est d’assurer la garantie de provenance du produit revêtu de cette marque et qu’un reconditionnement de ce produit opéré par un tiers sans l’autorisation du titulaire est susceptible de créer des risques réels pour cette garantie de provenance.

30 Ainsi, aux points 7 et 8 de l’arrêt Hoffmann-La Roche, précité, la Cour a considéré que le droit pour le titulaire de s’opposer au reconditionnement des médicaments revêtus de sa marque relève, au vu de ce risque pour la garantie de provenance, de l’objet spécifique de la marque. Selon cette jurisprudence, c’est le reconditionnement des médicaments revêtus de la marque en tant que tel qui affecte l’objet spécifique de la marque, sans qu’il y ait lieu d’apprécier dans ce contexte quels sont les effets concrets du reconditionnement opéré par l’importateur parallèle.

31 Cependant, il résulte du point 9 de l’arrêt Hoffmann-La Roche, précité, que la dérogation à la libre circulation des marchandises qui est la conséquence de l’opposition du titulaire de la marque au reconditionnement ne peut être admise si l’exercice de ce droit par le titulaire constitue une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres au sens de l’article 30, seconde phrase, CE.

32 Constitue une telle restriction déguisée au sens de cette disposition l’exercice, par le titulaire d’une marque, de son droit de s’opposer au reconditionnement si cet exercice contribue à cloisonner artificiellement les marchés entre les États membres et si, par ailleurs, le reconditionnement a lieu de telle manière que les intérêts légitimes du titulaire sont respectés, ce qui implique notamment que le reconditionnement n’affecte pas l’état originaire du médicament ou n’est pas de nature à nuire à la réputation de la marque.

33 Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 15 du présent arrêt, la Cour a constaté que doit être considérée comme contribuant à un cloisonnement artificiel des marchés entre les États membres l’opposition du titulaire d’une marque au reconditionnement des médicaments lorsque celui-ci est nécessaire afin que le produit importé parallèlement puisse être commercialisé dans l’État d’importation.

34 Il ressort ainsi d’une jurisprudence constante que la modification qu’implique tout reconditionnement d’un médicament revêtu d’une marque – créant par sa nature même le risque d’une atteinte à l’état originaire du médicament – peut être interdite par le titulaire de la marque, à moins que le reconditionnement soit nécessaire pour permettre la commercialisation des produits importés parallèlement et que les intérêts légitimes du titulaire soient par ailleurs sauvegardés (voir, en ce sens, arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, point 57).

35 Il convient donc de répondre aux première, deuxième, quatrième et huitième questions que l’article 7, paragraphe 2, de la directive doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque peut invoquer son droit de marque afin d’empêcher un importateur parallèle de procéder à des reconditionnements de médicaments, à moins que l’exercice de ce droit ne contribue à cloisonner artificiellement les marchés entre les États membres.

Sur la nécessité du reconditionnement

36 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour dans quelles conditions le reconditionnement opéré par un importateur parallèle afin de commercialiser des médicaments sur le marché de l’État d’importation peut être considéré comme nécessaire, au sens de la jurisprudence de la Cour. Elle entend plus particulièrement savoir si le reconditionnement peut être considéré comme nécessaire pour la seule raison que, sans celui-ci, le succès commercial du médicament serait affecté sur le marché de l’État d’importation par l’attitude de méfiance d’une partie non négligeable des consommateurs de cet État à l’égard de médicaments manifestement destinés au marché d’un autre État.

37 La juridiction de renvoi considère que le reconditionnement devrait être considéré comme nécessaire lorsqu’il permet de surmonter une entrave réelle ou potentielle à la commercialisation des médicaments. Cette question serait importante dans la mesure où les demanderesses au principal font valoir que les reconditionnements opérés par des importateurs parallèles qui consistent à remplacer les emballages des médicaments ne sont pas nécessaires compte tenu du fait que la commercialisation serait possible sur le marché par simple réétiquetage des produits. Or, selon la juridiction de renvoi, il existe une résistance significative du marché à l’égard des réétiquetages et le remplacement des emballages est nécessaire pour vaincre cette résistance.

Observations présentées devant la Cour

38 Boehringer fait valoir qu’une atteinte au droit de marque du titulaire n’est nécessaire que si, à défaut, la réglementation et les pratiques en vigueur dans l’État d’importation empêchent l’importateur de vendre le produit dans cet État. Le titulaire d’une marque pourrait donc légitimement s’opposer à un reconditionnement dicté par la préférence du consommateur de cet État pour une certaine présentation du produit, dès lors que la réglementation et les pratiques de l’État d’importation permettent sa commercialisation sans une telle atteinte.

39 Glaxo soutient que la Cour a entendu distinguer entre les reconditionnements qui sont nécessaires pour que les produits puissent être mis en circulation et ceux qui servent à maximiser l’acceptation du produit par le marché. Elle range dans la seconde catégorie les modifications ayant pour objet de permettre aux importateurs parallèles d’augmenter leurs prix, de rendre les produits plus attractifs aux yeux des consommateurs ou d’accroître les ventes. Dans la mesure où il n’est pas démontré que le reconditionnement est nécessaire pour vendre le produit dans l’État membre d’importation, l’opposition du titulaire au reconditionnement ne constituerait pas un cloisonnement artificiel du marché. Le principe de libre circulation serait respecté dès lors que l’importateur peut reconditionner le produit si cela est nécessaire pour le commercialiser.

40 SmithKline fait valoir qu’il faut entendre par reconditionnement «nécessaire» celui sans lequel le produit ne pourrait pas être mis sur le marché. Surmonter la réticence des consommateurs à l’égard des produits munis d’étiquettes ne constituerait pas un motif légitime de reconditionnement.

41 Swingward et Dowelhurst ne distinguent qu’un seul cas où un reconditionnement ne peut être considéré comme nécessaire, à savoir le cas où celui-ci s’explique uniquement par le souci de l’importateur parallèle de s’assurer un avantage commercial au sens de l’arrêt Upjohn, précité, c’est-à-dire un avantage commercial injuste ou abusif.

42 Le gouvernement allemand fait valoir que la Cour a indiqué clairement les circonstances dans lesquelles le reconditionnement de médicaments de marque est licite, en faisant référence à la notion de nécessité. De simples avantages économiques, tel un accroissement des ventes, ne suffiraient pas pour que le reconditionnement soit jugé nécessaire. Il n’y aurait donc, par exemple, pas de nécessité objective de reconditionner le produit lorsque l’apposition d’étiquettes ou l’emploi d’emballages étrangers sont peu appréciés. Toutefois, si les caractéristiques du marché rendent nettement plus difficile la vente du produit qui n’a pas fait l’objet d’un reconditionnement, celui-ci devrait être considéré comme nécessaire.

43 Le gouvernement norvégien soutient qu’aucune condition de nécessité ne se dégage de la jurisprudence de la Cour. Si, toutefois, une telle condition devait exister, elle devrait être réputée remplie lorsque l’importateur parallèle considère que le reconditionnement est nécessaire pour vendre le produit.

44 La Commission considère que la réticence des consommateurs ne crée pas une «nécessité» au sens de la jurisprudence de la Cour, à moins d’être telle qu’elle ne puisse être surmontée par des prix plus bas et davantage d’information.

Appréciation de la Cour

45 Selon la jurisprudence de la Cour, le titulaire d’une marque qui invoque ses droits de marque afin d’empêcher un importateur parallèle de procéder à un reconditionnement qui est nécessaire à la commercialisation des médicaments concernés dans l’État d’importation contribue à un cloisonnement artificiel des marchés entre États membres qui est contraire au droit communautaire.

46 La Cour a constaté à ce propos qu’il y a lieu de tenir compte des circonstances prévalant au moment de la commercialisation dans l’État membre d’importation qui rendent le reconditionnement objectivement nécessaire pour que le médicament puisse être commercialisé dans cet État par l’importateur parallèle. L’opposition du titulaire d’une marque au reconditionnement n’est pas justifiée si elle entrave l’accès effectif du produit importé au marché de cet État (voir, en ce sens, arrêt Upjohn, précité, point 43).

47 Une telle entrave existe, par exemple, lorsque des médicaments achetés par l’importateur parallèle ne peuvent être commercialisés dans l’État membre d’importation dans leur conditionnement d’origine en raison de règles ou de pratiques nationales relatives au conditionnement, de règles en matière d’assurance maladie faisant dépendre d’un certain conditionnement le remboursement des frais médicaux ou de pratiques de prescription médicale bien établies se basant, entre autres, sur des normes de dimension recommandées par des groupements professionnels et par les institutions d’assurance maladie. À cet égard, il suffit que l’entrave existe pour un des conditionnements utilisés par le titulaire d’une marque dans l’État membre d’importation (voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, points 53 et 54).

48 En revanche, le titulaire d’une marque peut s’opposer au reconditionnement s’il est exclusivement motivé par la recherche d’un avantage commercial pour l’importateur parallèle (voir, en ce sens, arrêt Upjohn, précité, point 44).

49 Dans ce contexte, il a été également constaté que le titulaire d’une marque peut s’opposer au reconditionnement par remplacement de l’emballage lorsque l’importateur parallèle est à même de réutiliser l’emballage d’origine pour une commercialisation dans l’État membre d’importation en apposant sur cet emballage des étiquettes (voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, point 55).

50 Ainsi, si le titulaire d’une marque peut s’opposer à ce que l’importateur parallèle procède au reconditionnement par le remplacement de l’emballage, c’est à condition que le médicament réétiqueté puisse effectivement accéder au marché concerné.

51 Les réticences à l’égard des médicaments réétiquetés ne constituent pas toujours des entraves à l’accès effectif au marché de nature à rendre nécessaire, au sens de la jurisprudence de la Cour, un reconditionnement par remplacement des emballages.

52 Toutefois, il peut exister sur un marché ou une partie importante de celui-ci une résistance si forte d’une proportion significative de consommateurs à l’égard des médicaments réétiquetés que l’accès effectif au marché doit être considéré comme entravé. Dans ces circonstances, le reconditionnement des médicaments ne s’expliquerait pas exclusivement par la recherche d’un avantage commercial, mais viserait à avoir un accès effectif au marché.

53 Il appartient au juge national d’apprécier si tel est le cas.

54 Il convient donc de répondre à la troisième question qu’un reconditionnement de médicaments par remplacement des emballages est objectivement nécessaire au sens de la jurisprudence de la Cour si, sans celui-ci, l’accès effectif au marché concerné ou à une partie importante dudit marché doit être considéré comme entravé à cause d’une forte résistance d’une proportion significative de consommateurs à l’égard des médicaments réétiquetés.

Sur l’avertissement préalable du titulaire de la marque

55 Par ses cinquième à septième questions, la juridiction de renvoi vise à obtenir des précisions quant à la condition selon laquelle l’importateur parallèle doit avertir préalablement le titulaire de la marque de la mise en vente du produit reconditionné. Elle cherche notamment à savoir si, dès lors qu’un reconditionnement envisagé ne porte pas atteinte dans le cas d’espèce à l’objet spécifique de la marque, un avertissement est néanmoins nécessaire, si l’importateur doit le donner lui-même ou s’il suffit que le titulaire de la marque le reçoive d’une autre source, dans quel délai il doit être donné et quelle est la conséquence d’un défaut d’avertissement.

Observations présentées devant la Cour

56 Boehringer soutient qu’il n’y a pas de raison valable de revenir sur l’exigence d’un avertissement dégagée par la Cour. Cette exigence n’imposerait pas une charge déraisonnable à l’importateur parallèle, n’entraverait pas la libre circulation des marchandises, ne retarderait pas la commercialisation des produits importés et ne rendrait pas cette commercialisation sensiblement plus difficile. Puisque cette exigence ne dépendrait pas d’une utilisation de la marque portant atteinte à l’objet spécifique de celle-ci, le titulaire pourrait s’opposer à toute utilisation de sa marque par un importateur parallèle, à moins que celui-ci ne l’ait averti.

57 Pour Glaxo, l’exigence d’un avertissement n’est pas lourde et elle est raisonnable. Elle devrait être mise en oeuvre conformément aux principes dégagés dans l’arrêt Hoffmann-La Roche, précité, et appliqués de manière constante par la Cour. L’importateur parallèle devrait avertir lui-même le titulaire avant la commercialisation, dans un délai raisonnable qui permette la prise en compte d’objections. L’importateur parallèle devrait être sanctionné en cas de défaut d’avertissement puisque, sans cela, il ne serait pas incité à respecter cette exigence. Un délai de 28 jours serait raisonnable.

58 Swingward et Dowelhurst soutiennent qu’il découle de la jurisprudence de la Cour que l’exigence imposée à l’importateur d’avertir le titulaire est une exigence de procédure destinée à mettre ce dernier en état de sauvegarder ses droits. Lorsqu’il n’y a pas atteinte à l’objet spécifique de la marque, un défaut d’avertissement ne causerait aucun préjudice au titulaire. En conséquence, il ne serait pas conforme au principe de proportionnalité qu’un défaut d’avertissement transforme l’usage légitime de la marque en une atteinte au droit de marque. Swingward et Dowelhurst jugent raisonnable un délai de deux jours avant la mise sur le marché du produit reconditionné. Elles soutiennent encore que l’obligation d’avertissement est respectée dès lors que le titulaire reçoit l’avertissement, que celui-ci lui ait été envoyé par l’importateur ou par un tiers. En effet, puisque les autorités du Royaume-Uni chargées du contrôle des médicaments avertissent le titulaire lorsqu’elles accordent une licence d’importation parallèle, le titulaire serait suffisamment informé des importations parallèles envisagées.

59 Le gouvernement allemand fait valoir que, si le titulaire d’une marque n’a pas reçu des informations suffisantes sur le type de reconditionnement envisagé avant la mise sur le marché des produits reconditionnés, dans un délai lui permettant de vérifier le respect des conditions de reconditionnement dégagées par la Cour, il est justifié d’empêcher l’importateur d’invoquer l’épuisement du droit de marque. L’avertissement devrait émaner de l’importateur parallèle.

60 La Commission soutient qu’il découle de la jurisprudence de la Cour que le titulaire d’une marque peut s’opposer à une commercialisation par un importateur parallèle s’il n’a pas été prévenu préalablement de l’utilisation de sa marque. Le délai d’avertissement devrait permettre au titulaire d’avoir raisonnablement l’occasion de procéder à l’examen nécessaire et de déterminer s’il doit ou non soulever une objection. Il serait plus long si l’importateur parallèle choisit d’adresser un avertissement sans envoyer simultanément un spécimen. Dans ce cas, une période supplémentaire devrait permettre au titulaire d’exiger et de recevoir un spécimen.

Appréciation de la Cour

61 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l’importateur parallèle qui reconditionne un médicament revêtu d’une marque doit avertir préalablement le titulaire de la marque de la mise en vente du médicament reconditionné (voir arrêt Hoffmann-La Roche, précité, point 12). Il doit, en outre, à la demande du titulaire de la marque, fournir un spécimen du produit reconditionné préalablement à la mise en vente. Cette dernière condition permet au titulaire de vérifier que le reconditionnement n’est pas opéré de manière à affecter directement ou indirectement l’état originaire du produit et que la présentation après reconditionnement n’est pas de nature à nuire à la réputation de la marque. Elle permet, en outre, au titulaire de la marque de mieux se préserver des activités des contrefacteurs (voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., précité, point 78).

62 Les conditions rappelées au point précédent visent à sauvegarder les intérêts légitimes des titulaires de marques. Ainsi que relevé par les demanderesses au principal, le respect de ces conditions ne pose guère de problèmes pratiques réels aux importateurs parallèles pourvu que les titulaires réagissent dans des délais raisonnables à l’avertissement. En effet, un fonctionnement adéquat du système d’avertissement présuppose que chacune des parties intéressées s’efforce loyalement de respecter les intérêts légitimes de l’autre.

63 En réponse aux demandes de précisions formulées par la juridiction de renvoi quant à ces conditions, il convient, en premier lieu, de constater qu’il découle de la réponse aux première, deuxième, quatrième et huitième questions que l’importateur parallèle doit, en toute hypothèse, pour être en droit de reconditionner des médicaments revêtus d’une marque, respecter la condition d’avertissement préalable. Si l’importateur parallèle ne respecte pas cette condition, le titulaire de la marque peut s’opposer à la commercialisation du médicament reconditionné.

64 Il convient, en deuxième lieu, de constater qu’il appartient à l’importateur parallèle d’avertir lui-même le titulaire de la marque du reconditionnement envisagé. Il ne suffit pas que le titulaire soit averti par d’autres sources, telle que l’autorité qui accorde une autorisation d’importation parallèle à l’importateur.

65 En troisième lieu, il convient de rappeler que, dans sa jurisprudence, la Cour ne s’est pas prononcée sur le délai qui doit être accordé au titulaire pour réagir au projet de reconditionnement du médicament revêtu de sa marque.

66 À cet égard, il va de soi que, si, compte tenu de l’objectif d’avertissement du titulaire de la marque, il convient d’accorder à celui-ci un délai raisonnable pour réagir au projet de reconditionnement, il y a lieu également de prendre en considération l’intérêt de l’importateur parallèle à ce qu’il puisse procéder le plus rapidement possible à la commercialisation du médicament après avoir obtenu de l’autorité compétente l’autorisation nécessaire à cette fin.

67 En cas de contestation, il appartient au juge national d’apprécier, en prenant en considération toutes les circonstances pertinentes, si le titulaire de la marque a disposé d’un délai raisonnable pour réagir au projet de reconditionnement. Compte tenu des éléments fournis dans le dossier, une période de quinze jours ouvrables s’avère susceptible de constituer un tel délai raisonnable lorsque l’importateur parallèle a choisi d’avertir le titulaire de la marque en lui fournissant simultanément un spécimen du médicament reconditionné. Ce délai ayant un caractère indicatif, il reste loisible à l’importateur parallèle d’accorder un délai plus bref et au titulaire de demander à bénéficier d’un délai de réaction plus long que celui accordé par l’importateur parallèle.

68 Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre aux cinquième à septième questions que l’importateur parallèle doit, en toute hypothèse, pour être en droit de reconditionner des médicaments revêtus d’une marque, respecter la condition d’avertissement préalable. Si l’importateur parallèle ne respecte pas cette condition, le titulaire de la marque peut s’opposer à la commercialisation du médicament reconditionné. Il appartient à l’importateur parallèle d’avertir lui-même le titulaire de la marque du reconditionnement envisagé. En cas de contestation, il appartient au juge national d’apprécier, en prenant en considération toutes les circonstances pertinentes, si le titulaire a disposé d’un délai raisonnable pour réagir au projet de reconditionnement.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

69 Les frais exposés par les gouvernements allemand et norvégien, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, par ordonnance du 7 mars 2000, dit pour droit:

1) L’article 7, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque peut invoquer son droit de marque afin d’empêcher un importateur parallèle de procéder à des reconditionnements de médicaments, à moins que l’exercice de ce droit ne contribue à cloisonner artificiellement les marchés entre les États membres.

2) Un reconditionnement de médicaments par remplacement des emballages est objectivement nécessaire au sens de la jurisprudence de la Cour si, sans celui-ci, l’accès effectif au marché concerné ou à une partie importante dudit marché doit être considéré comme entravé à cause d’une forte résistance d’une proportion significative de consommateurs à l’égard des médicaments réétiquetés.

3) L’importateur parallèle doit, en toute hypothèse, pour être en droit de reconditionner des médicaments revêtus d’une marque, respecter la condition d’avertissement préalable. Si l’importateur parallèle ne respecte pas cette condition, le titulaire de la marque peut s’opposer à la commercialisation du médicament reconditionné. Il appartient à l’importateur parallèle d’avertir lui-même le titulaire de la marque du reconditionnement envisagé. En cas de contestation, il appartient au juge national d’apprécier, en prenant en considération toutes les circonstances pertinentes, si le titulaire a disposé d’un délai raisonnable pour réagir au projet de reconditionnement.

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CJCE, n° C-143/00, Arrêt de la Cour, Boehringer Ingelheim KG, Boehringer Ingelheim Pharma KG, Glaxo Group Ltd, The Wellcome Foundation Ltd, SmithKline Beecham plc, Beecham Group plc, SmithKline & French Laboratories Ltd et Eli Lilly and Co. contre Swingward Ltd et Dowelhurst Ltd, 23 avril 2002