CJCE, n° C-110/01, Arrêt de la Cour, Malika Tennah-Durez contre Conseil national de l'ordre des médecins, 19 juin 2003

  • Exigences minimales de formation médicale·
  • Reconnaissance des diplômes et des titres·
  • Formation reçue dans un pays tiers·
  • Libre circulation des travailleurs·
  • Libre circulation des personnes·
  • Libre prestation des services·
  • Liberté d'établissement·
  • Communauté européenne·
  • Directive 93/16·
  • Admissibilité

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 19 juin 2003, Tennah-Durez, C-110/01
Numéro(s) : C-110/01
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 19 juin 2003. # Malika Tennah-Durez contre Conseil national de l'ordre des médecins. # Demande de décision préjudicielle: Conseil d'État - France. # Directive 93/16/CEE - Libre circulation des médecins et reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres - Article 23, paragraphe 2 - Conditions de formation requises - Durée de la formation - Prise en compte des périodes de formation reçues dans un pays tiers - Article 9, paragraphe 5 - Certificat attestant que le diplôme sanctionne une formation répondant aux conditions requises - Réexamen des conditions de formation par l'État membre d'accueil en vue de la reconnaissance du diplôme. # Affaire C-110/01.
Date de dépôt : 9 mars 2001
Précédents jurisprudentiels : 10 février 2000, FTS, C-202/97
14 septembre 2000, Hocsman, C-238/98
Castro Freitas et Escallier, C-193/97 et C-194/97
Commission/Italie, C-40/93
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62001CJ0110
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2003:357
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

62001J0110

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 19 juin 2003. – Malika Tennah-Durez contre Conseil national de l’ordre des médecins. – Demande de décision préjudicielle: Conseil d’État – France. – Directive 93/16/CEE – Libre circulation des médecins et reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres – Article 23, paragraphe 2 – Conditions de formation requises – Durée de la formation – Prise en compte des périodes de formation reçues dans un pays tiers – Article 9, paragraphe 5 – Certificat attestant que le diplôme sanctionne une formation répondant aux conditions requises – Réexamen des conditions de formation par l’État membre d’accueil en vue de la reconnaissance du diplôme. – Affaire C-110/01.


Recueil de jurisprudence 2003 page I-06239


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Libre prestation des services – Médecins – Reconnaissance des diplômes et des titres – Directive 93/16 – Exigences minimales de formation médicale – Formation reçue dans un pays tiers – Admissibilité – Conditions – Certificat accompagnant un diplôme ne répondant pas aux dénominations prévues par la directive – Pouvoir d’appréciation des autorités de l’État membre d’accueil – Exclusion – Possibilité de saisir les autorités de l’État membre de délivrance du diplôme d’une demande de vérification – Conditions

irective du Conseil 93/16, art. 9, § 5, et 23, § 2)

Sommaire


$$La formation médicale exigée par l’article 23, paragraphe 2, de la directive 93/16, visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres, peut être constituée, même de manière prépondérante, d’une formation reçue dans un pays tiers, à condition que l’institution compétente de l’État membre concerné qui délivre le diplôme soit en mesure de valider cette formation et de considérer, de ce fait, qu’elle contribue valablement à remplir les exigences de formation des médecins établies par ladite directive.

Par ailleurs, les autorités de l’État membre d’accueil sont liées par un certificat, émis conformément à l’article 9, paragraphe 5, de la directive 93/16, qui atteste que le diplôme en cause est assimilé à ceux dont les dénominations figurent aux articles 3, 5 ou 7 de cette même directive et sanctionne une formation conforme aux dispositions de son titre III. En cas d’apparition d’éléments nouveaux donnant lieu à des doutes sérieux quant à l’authenticité ou la conformité du diplôme qui leur est présenté avec la réglementation applicable, il leur est loisible de saisir de nouveau d’une demande de vérification les autorités de l’État membre émetteur du diplôme en cause.

( voir points 70, 81, disp. 1-2 )

Parties


Dans l’affaire C-110/01,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 234 CE, par le Conseil d’État (France) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Malika Tennah-Durez

et Conseil national de l’ordre des médecins,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 9, paragraphe 5, et 23, paragraphe 2, de la directive 93/16/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres (JO L 165, p. 1),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. C. W. A. Timmermans, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, D. A. O. Edward (rapporteur), P. Jann, S. von Bahr et A. Rosas, juges,

Avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

— pour Mme Tennah-Durez, par Mes Y. Richard et S. Mandelkern, avocats,

— pour le Conseil national de l’ordre des médecins, par Mes C.-L. Vier et J. Barthelemy, avocats,

— pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme C. Bergeot-Nunes, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement belge, par M. F. van De Craen, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement italien, par M. U. Leanza, en qualité d’agent, assisté de M. G. Aiello, avvocato dello Stato,

— pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

— pour la Commission des Communautés européennes, par Mme M. Patakia, en qualité d’agent,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de Mme Tennah-Durez, représentée par Me S. Mandelkern, du Conseil national de l’ordre des médecins, représenté par Me J. Barthélemy, du gouvernement français, représenté par Mme C. Bergeot-Nunes, du gouvernement belge, représenté par Mme A. Snoecx, en qualité d’agent, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. C. Lewis, barrister, et de la Commission, représentée par Mme M. Patakia, à l’audience du 5 mars 2002,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 juin 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


I. Par décision du 29 janvier 2001, parvenue à la Cour le 9 mars suivant, le Conseil d’État a posé, en application de l’article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l’interprétation des articles 9, paragraphe 5, et 23, paragraphe 2, de la directive 93/16/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres (JO L 165, p. 1).

II. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant Mme Tennah-Durez au Conseil national de l’ordre des médecins de France au sujet de sa demande d’inscription au tableau de l’ordre des médecins de France.

Le cadre juridique

La législation communautaire

III. En vue d’instaurer un système de reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin, la directive 93/16, d’une part, établit les conditions auxquelles la formation médicale doit répondre pour que puisse être délivré par les États membres un diplôme de médecin bénéficiant de la reconnaissance mutuelle dans les États membres et, d’autre part, énumère ces diplômes, certificats et autres titres de médecin.

IV. Ainsi, l’article 2 de la directive 93/16 prévoit:

«Chaque État membre reconnaît les diplômes, certificats et autres titres délivrés aux ressortissants des États membres par les autres États membres conformément à l’article 23 et énumérés à l’article 3, en leur donnant, en ce qui concerne l’accès aux activités du médecin et l’exercice de celles-ci, le même effet sur son territoire qu’aux diplômes, certificats et autres titres qu’il délivre.»

V. L’article 3 de la directive 93/16, qui énumère les diplômes de médecine (formation de base) qui bénéficient de la reconnaissance mutuelle, précise:

«Les diplômes, certificats et autres titres visés à l’article 2 sont:

a) en Belgique:

diplôme légal de docteur en médecine, chirurgie et accouchements/wettelijk diploma van doctor in de genees-, heel- en verloskunde, délivré par les facultés de médecine des universités ou par le jury central ou les jurys d’État de l’enseignement universitaire;

[…]»

VI. L’article 4 de la directive 93/16, qui régit la reconnaissance des titres de médecin spécialiste, dispose:

«Chaque État membre reconnaît les diplômes, certificats et autres titres de médecin spécialiste délivrés aux ressortissants des États membres par les autres États membres conformément aux articles 24, 25, 26 et 29 et énumérés à l’article 5, en leur donnant le même effet sur son territoire qu’aux diplômes, certificats et autres titres qu’il délivre.»

VII. L’article 5 de la directive 93/16 énonce:

«1. Les diplômes, certificats et autres titres visés à l’article 4 sont ceux qui, délivrés par les autorités ou organismes compétents indiqués au paragraphe 2, correspondent, pour la formation spécialisée en cause, aux dénominations en vigueur dans les différents États membres et figurant au paragraphe 3.

2. Les diplômes, certificats et autres titres délivrés par les autorités ou organismes compétents visés au paragraphe 1 sont les suivants:

en Belgique:

le titre d’agrégation en qualité de médecin spécialiste/erkenningstitel van geneesheer specialist, délivré par le ministre qui a la santé publique dans ses attributions;

[…]»

VIII. L’article 7 de la directive 93/16 établit la liste des diplômes, certificats et autres titres de médecin spécialiste propres à deux ou plusieurs États membres.

IX. L’article 9 de la directive 93/16, qui régit la délivrance de certificats attestant de la conformité avec cette directive de la formation sanctionnée par des titres nationaux ne figurant pas dans ladite directive, prévoit, à son paragraphe 5:

«Chaque État membre reconnaît comme preuve suffisante, pour les ressortissants des États membres dont les diplômes, certificats et autres titres de médecin ou de médecin spécialiste ne répondent pas aux dénominations figurant pour cet État membre aux articles 3, 5 ou 7, les diplômes, certificats et autres titres délivrés par ces États membres accompagnés d’un certificat délivré par les autorités ou organismes compétents. Le certificat atteste que ces diplômes, certificats et autres titres de médecin ou de médecin spécialiste sanctionnent une formation conforme aux dispositions du titre III visées, selon le cas, aux articles 2, 4 ou 6 et sont assimilés par l’État membre qui les a délivrés à ceux dont les dénominations figurent, selon le cas, aux articles 3, 5 ou 7.»

X. L’article 22 de la directive 93/16 dispose:

«L’État membre d’accueil peut, en cas de doute justifié, exiger des autorités compétentes d’un État membre une confirmation de l’authenticité des diplômes, certificats et autres titres délivrés dans cet autre État membre et visés aux chapitres I à IV du titre II, ainsi que la confirmation du fait que le bénéficiaire a rempli toutes les conditions de formation prévues au titre III.»

XI. Aux termes de l’article 23, qui figure dans le titre III de la directive 93/16 et énonce les conditions auxquelles doit répondre la formation médicale de base:

«1. Les États membres subordonnent l’accès aux activités de médecin et l’exercice de celles-ci à la possession d’un diplôme, certificat ou autre titre de médecin visé à l’article 3 donnant la garantie que l’intéressé a acquis pendant la durée totale de sa formation:

a) une connaissance adéquate des sciences sur lesquelles se fonde la médecine, ainsi qu’une bonne compréhension des méthodes scientifiques, y compris des principes de la mesure des fonctions biologiques, de l’appréciation de faits établis scientifiquement et de l’analyse des données;

b) une connaissance adéquate de la structure, des fonctions et du comportement des êtres humains, en bonne santé et malades, ainsi que des rapports entre l’état de santé de l’homme et son environnement physique et social;

c) une connaissance adéquate des matières et des pratiques cliniques lui fournissant un aperçu cohérent des maladies mentales et physiques, de la médecine sous ses aspects préventifs, diagnostique et thérapeutique, ainsi que de la reproduction humaine;

d) une expérience clinique adéquate sous surveillance appropriée dans des hôpitaux.

2. Cette formation médicale totale comprend au moins six années d’études ou 5 500 heures d’enseignement théorique et pratique dispensées dans une université ou sous la surveillance d’une université.

3. L’admission à cette formation suppose la possession d’un diplôme ou d’un certificat donnant accès, pour les études en cause, aux établissements universitaires d’un État membre.

[…]

5. La présente directive ne porte pas préjudice à la possibilité pour les États membres d’accorder sur leur territoire, selon leur réglementation, l’accès aux activités de médecin et leur exercice aux titulaires de diplômes, certificats ou autres titres, qui n’ont pas été obtenus dans un État membre.»

XII. Les directives 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans (JO 1989, L 19, p. 16), et 92/51/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48 (JO L 209, p. 25), définissent, aux fins de chacune d’elles, ce qu’il convient d’entendre par «diplôme».

XIII. L’article 1er, sous a), de la directive 89/48 exige, à cet égard, entre autres, que «la formation sanctionnée par ce diplôme, certificat ou autre titre [ait] été acquise dans une mesure prépondérante dans la Communauté, ou [¼ ] que son titulaire [ait] une expérience professionnelle de trois ans certifiée par l’État membre qui a reconnu un diplôme, certificat ou autre titre délivré dans un pays tiers».

XIV. L’article 1er, sous a), de la directive 92/51 requiert, à cet égard, que «la formation sanctionnée par ce titre [ait] été acquise dans une mesure prépondérante dans la Communauté, ou en dehors de celle-ci, dans des établissements d’enseignement qui dispensent une formation conforme aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre, ou [¼ ] que son titulaire [ait] une expérience professionnelle de trois ans certifiée par l’État membre qui a reconnu un titre de formation délivré dans un pays tiers».

XV. La directive 2001/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 mai 2001, modifiant les directives 89/48 et 92/51 concernant le système général de reconnaissance des qualifications professionnelles, et les directives 77/452/CEE, 77/453/CEE, 78/686/CEE, 78/687/CEE, 78/1026/CEE, 78/1027/CEE, 80/154/CEE, 80/155/CEE, 85/384/CEE, 85/432/CEE, 85/433/CEE et 93/16/CEE du Conseil concernant les professions d’infirmier responsable des soins généraux, de praticien de l’art dentaire, de vétérinaire, de sage-femme, d’architecte, de pharmacien et de médecin (JO L 206, p. 1), a modifié le système de reconnaissance mutuelle, entre autres pour simplifier la mise à jour des listes des diplômes susceptibles de bénéficier de la reconnaissance automatique.

La législation française

XVI. L’article L. 356 du code de la santé publique, en vigueur au moment des faits au principal, dispose:

«Nul ne peut exercer la profession de médecin […] en France s’il n’est: 1° titulaire d’un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l’article L. 356-2 […], 2° de nationalité française ou ressortissant de l’un des États membres de la Communauté économique européenne […]»

XVII. L’article L. 356-2 du même code énonce:

«Les diplômes, certificats et titres exigés en application du 1° de l’article L. 356 sont: 1° Pour l’exercice de la profession de médecin: soit le diplôme français d’État de docteur en médecine […]; soit, si l’intéressé est ressortissant d’un État membre de la Communauté économique européenne […] un diplôme, certificat ou autre titre de médecin délivré par l’un de ces États et figurant sur une liste établie conformément aux obligations communautaires ou à celles résultant de l’accord sur l’espace économique européen, par arrêté conjoint du ministre de la santé et du ministre chargé des universités […]».

XVIII. L’article 2 de l’arrêté du 18 juin 1981 (JORF du 28 juin 1981, p. 5986), modifié, prévoit que le diplôme ouvrant droit à l’exercice de la profession de médecin en France aux ressortissants belges est le «diplôme légal de docteur en médecine, chirurgie et accouchements […] délivré par les facultés de médecine des universités ou par le jury central ou les jurys d’État de l’enseignement universitaire postérieurement à la date du 20 mai 1929».

XIX. L’article 3-1 de l’arrêté du 18 juin 1981, modifié, qui transpose l’article 9, paragraphe 5, de la directive 93/16, dispose:

«Lorsqu’un médecin présente des diplômes, certificats ou autres titres de médecin délivrés par les États membres des Communautés européennes ne répondant pas aux dénominations figurant pour cet État membre aux articles 2 et 3 du présent arrêté, il doit produire un certificat délivré par les autorités compétentes attestant que ces diplômes, certificats ou autres titres de médecin sanctionnent une formation conforme aux obligations communautaires et sont assimilés par l’État membre qui les a délivrés à ceux dont les dénominations figurent aux articles 2 et 3 du présent arrêté.»

L’affaire au principal et les questions préjudicielles

XX. Mme Tennah-Durez, de nationalité algérienne, a obtenu en 1989 le diplôme de docteur en médecine de la faculté de médecine d’Alger. Après avoir acquis la nationalité belge, elle a repris des études de médecine à l’université de Gand en Belgique. L’université de Gand a reconnu sa formation de six années à la faculté de médecine d’Alger et l’a par conséquent autorisée à s’inscrire en septième et dernière année de médecine, année à l’issue de laquelle le diplôme de base de médecin dénommé grade académique «arts» (ci-après le «diplôme belge de arts'») lui a été délivré le 28 septembre 1995.

XXI. Mme Tennah-Durez a également entrepris une formation spécifique de médecine générale, soit une huitième et une neuvième année de médecine à l’université de Gand au terme desquelles elle a obtenu le diplôme de médecin dénommé grade académique «huisarts» (ci-après le «diplôme belge de huisarts'») le 29 septembre 1997. Le titre de médecin généraliste agréé lui a été délivré par arrêté ministériel belge du 10 février 1998.

XXII. Désirant s’installer en France, Mme Tennah-Durez a présenté au conseil départemental de l’ordre des médecins du Nord (ci-après le «conseil départemental») une demande d’inscription au tableau de l’ordre des médecins de France et a produit ses diplômes belges de arts’ et huisarts'. Considérant que ces titres ne répondaient pas à la dénomination figurant, pour le royaume de Belgique, aux articles 3, 5 ou 7 de la directive 93/16, le Conseil national de l’ordre des médecins (ci-après le «conseil national»), consulté par le conseil départemental, a interrogé les services du ministère des Affaires sociales, de la Santé publique et de l’Environnement belge (ci-après le «ministère belge»).

XXIII. Le ministère belge a, le 23 juillet 1998, délivré une première attestation certifiant que Mme Tennah-Durez, «titulaire du diplôme légal belge de Docteur en Médecine, Chirurgie et Accouchements, délivré le 28 septembre 1995 par l’Université de Gand (UG) et habilitée à exercer la médecine en Belgique à partir de cette date, a été reconnue en tant que médecin généraliste agréé par arrêté ministériel du 10 février 1998 après avoir suivi une formation spécifique en médecine générale de deux ans au moins, conformément aux dispositions de l’article 30 de la directive 93/16/CEE».

XXIV. Toutefois, dans un deuxième courrier du 6 octobre 1998, le ministère belge a indiqué:

«En complément à l’attestation que vous avez déjà reçue […] laquelle est tout à fait correcte en confirmant la conformité de [la] formation [du Docteur Malika Tennah-Durez] en médecine générale aux conditions minimales de formation prévues par les articles 31 et 32 de la Directive 93/16/CEE, je dois vous informer que sa formation en médecine (formation de base conduisant à l’obtention du diplôme de médecin arts'), n’est pas conforme aux conditions minimales de formation visées à l’article 23 de cette même directive. En effet, l’Université de Gand a validé la formation qu’elle a eue à l’étranger pour un total de 6 ans de la formation complète qui dure 7 ans en Belgique. Elle n’a dû refaire que la septième et dernière année des études en médecine, ce qui fait qu’elle n’a pas suivi une partie prépondérante des études en médecine en Belgique, ni dans un autre État membre de l’Union européenne.»

XXV. Dans une troisième lettre, datée du 14 octobre 1998, le ministère belge a confirmé que «le grade académique de Arts’ (Médecin) délivré le 28/09/1995 […] est bien le diplôme délivré actuellement par les universités flamandes conformément à l’article 3 de la Directive 93/16/CEE […]».

XXVI. Entre-temps, se fondant sur le courrier du 6 octobre 1998 du ministère belge, le conseil départemental a, le 8 octobre 1998, retiré l’inscription de Mme Tennah-Durez au tableau de l’ordre des médecins de France. Saisi par cette dernière, le conseil régional de l’ordre des médecins du Nord-Pas-de-Calais (ci-après le «conseil régional») a estimé que le conseil départemental n’était pas compétent pour procéder au retrait de sa propre décision d’inscription. En outre, se fondant sur un certificat du ministère belge du 26 octobre 1998 attestant l’accomplissement par Mme Tennah-Durez d'«au moins 5 600 heures (théoriques et pratiques) de formation médicale, ce qui est plus que les 5 500 heures visées par l’article 23, paragraphe 2, de la directive 93/16», le conseil régional a considéré que Mme Tennah-Durez était habilitée à être inscrite au tableau de l’ordre des médecins de France. Il a donc infirmé la décision du conseil départemental et confirmé l’inscription de Mme Tennah-Durez.

XXVII. Le conseil national a formé un recours contre la décision du conseil régional devant la section disciplinaire du conseil national, laquelle a de nouveau procédé au retrait de l’inscription de Mme Tennah-Durez au tableau de l’ordre des médecins de France. Cette dernière a alors saisi le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir.

XXVIII. Éprouvant des doutes sur l’interprétation correcte du droit communautaire applicable en la matière, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les dispositions de l’article 23, paragraphe 2, de la directive 93/16/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, relatives à la formation médicale totale que doit avoir acquise un médecin, ressortissant d’un État membre, comprenant au moins six années d’études ou 5 500 heures d’enseignement théorique et pratique dispensées dans une université ou sous la surveillance d’une université, s’entendent-elles comme des formations suivies, pour leur totalité, dans une université ou sous la surveillance d’une université des seuls États membres ou permettent-elles de prendre en considération tout ou partie de la formation reçue dans un État tiers?

2) Les autorités nationales sont-elles tenues par le certificat produit par les autorités compétentes de l’État membre dans lequel a été délivré le diplôme produit par l’intéressé, en application de l’article 9, paragraphe 5, de la même directive et attestant que ce diplôme est assimilé à ceux dont les dénominations figurent aux articles 3, 5 ou 7 de la directive et sanctionne une formation conforme aux dispositions de son titre III ou peuvent-elles faire porter leur appréciation sur ledit certificat au regard, notamment, des exigences minimales de formation prévues par la directive et requises par la législation nationale pour, le cas échéant, considérer, malgré les termes du certificat ainsi délivré, que la formation reçue par la personne concernée répond aux exigences de la directive?»

Observations liminaires

XXIX. L’article 2 de la directive 93/16 prévoit l’obligation pour chaque État membre de reconnaître les diplômes, certificats et autres titres délivrés aux ressortissants des États membres par les autres États membres conformément à l’article 23 et énumérés à l’article 3 de cette directive, en leur donnant, en ce qui concerne l’accès aux activités du médecin et l’exercice de celles-ci, le même effet sur son territoire qu’aux diplômes, certificats et autres titres qu’il délivre.

XXX. Cette reconnaissance est automatique et inconditionnelle en ce sens qu’elle oblige les États membres à admettre l’équivalence de certains diplômes, sans qu’ils puissent exiger des intéressés le respect d’autres conditions que celles édictées par les directives applicables en la matière (voir arrêt du 14 septembre 2000, Hocsman, C-238/98, Rec. p. I-6623, point 33). Elle repose sur la confiance mutuelle des États membres dans le caractère suffisant des diplômes de médecin délivrés par les autres États membres, cette confiance étant fondée sur un système de formation dont le niveau a été fixé d’un commun accord.

XXXI. C’est ainsi que le droit communautaire soumet à certaines exigences précises la possibilité pour les États membres de délivrer des diplômes de médecin, de sorte que ces diplômes sont susceptibles d’être reconnus de manière automatique et inconditionnelle dans tous les États membres. Ces exigences consistent dans une certaine harmonisation et coordination au niveau communautaire, d’une part, de la formation médicale tant de base que de spécialiste (aspect harmonisation) et, d’autre part, des règles pour l’accès aux activités de médecin dans les États membres et l’exercice de celles-ci (aspect coordination).

XXXII. Le système de reconnaissance des diplômes de médecin, tel qu’instauré par la directive 93/16, se présente ainsi comme un système de reconnaissance sectoriel qui s’applique à une profession dont la formation a été harmonisée au niveau communautaire.

XXXIII. Ce système doit être distingué du système général de reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles instauré, notamment, par la directive 89/48, laquelle a été évoquée par plusieurs intervenants. Le système mis en place par cette directive met en oeuvre une autre méthode de reconnaissance mutuelle des diplômes et des qualifications professionnelles, qui consiste, ainsi qu’il ressort du troisième considérant de la directive 89/48, à faciliter aux citoyens de l’Union l’exercice de toutes les activités professionnelles qui sont subordonnées dans un État membre d’accueil à la possession d’une formation postsecondaire, pour autant qu’ils possèdent de tels diplômes qui les préparent à ces activités, sanctionnent un cycle d’études d’au moins trois ans et aient été délivrés dans un autre État membre.

XXXIV. Cette méthode n’aboutit pas à une reconnaissance automatique et inconditionnelle des diplômes et des qualifications professionnelles concernés. Elle est fondée sur l’idée de l’équivalence dans leurs grandes lignes des conditions auxquelles est soumis l’exercice des professions qu’elle vise et elle permet aux États membres d’imposer à l’intéressé, sous certaines conditions, de remplir des exigences supplémentaires, y compris celle d’accomplir un stage d’adaptation.

XXXV. C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles.

Sur la première question

XXXVI. Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir dans quelle mesure la formation médicale exigée par l’article 23, paragraphe 2, de la directive 93/16 peut être constituée d’une formation reçue dans un pays tiers.

Observations soumises à la Cour

XXXVII. Mme Tennah-Durez estime que la formation médicale visée par la directive 93/16 devrait pouvoir inclure, en tout ou en partie, la formation reçue dans un pays tiers, pour autant que cette dernière est sanctionnée par le diplôme d’un État membre.

XXXVIII. En effet, ce serait en raison de l’absence de pouvoir de contrôle d’un État membre sur la formation acquise dans un pays tiers que la reconnaissance par un État membre d’un diplôme délivré par un pays tiers ne pourrait avoir effet dans un autre État membre. Or, dans son cas, les autorités belges auraient disposé d’un pouvoir de contrôle sur sa formation puisqu’elle a passé avec succès les épreuves de septième année du diplôme de docteur en médecine, épreuves ayant pour objet de sanctionner une formation conforme aux exigences minimales prévues à l’article 23 de la directive 93/16.

XXXIX. Le conseil national soutient que la situation de Mme Tennah-Durez est tout à fait comparable à celle examinée dans l’arrêt Hocsman, précité, et que, par conséquent, l’homologation d’un diplôme communautaire sanctionnant une formation reçue en partie dans un pays tiers n’est pas davantage régie par le principe de reconnaissance mutuelle que l’homologation d’un diplôme non communautaire subséquemment reconnu par un État membre.

XL. Dès lors que la directive 93/16 ne régirait pas l’homologation d’un diplôme communautaire sanctionnant une formation reçue en partie dans un pays tiers, il en résulterait que l’évaluation de la conformité de cette formation avec les exigences de ladite directive ne lierait que l’État membre l’ayant effectuée et ne constituerait qu’un des éléments à prendre en compte par les autres États membres, en application de l’article 43 CE. Le conseil national reconnaît toutefois que, en vertu de cet article, ce n’est que dans le cas où un second État membre estime insuffisant le niveau de formation et d’expérience acquis par la personne concernée, en dehors comme à l’intérieur de la Communauté, qu’il peut, par une décision motivée, refuser à cette personne l’autorisation d’exercer la médecine sur son territoire.

XLI. Si les gouvernements qui ont soumis des observations à la Cour s’accordent, de manière générale, pour dire que le fait qu’une partie de la formation a été acquise dans un pays tiers n’empêche pas les États membres de délivrer des diplômes qui bénéficient de la reconnaissance mutuelle en vertu de la directive 93/16, certains d’entre eux soulignent cependant qu’il est nécessaire qu’une partie prépondérante de cette formation, soit plus de la moitié, ait été acquise à l’intérieur de la Communauté.

XLII. Les gouvernements français et autrichien rappellent qu’une telle condition a été intégrée dans la directive 89/48. L’observation de cette condition permettrait d’entourer de garanties appropriées et nécessaires la reconnaissance mutuelle des diplômes de médecin.

XLIII. La Commission ajoute que doit figurer dans la partie prépondérante suivie à l’intérieur de la Communauté la fin du cursus, faute de quoi la reconnaissance automatique serait impossible.

XLIV. Elle précise qu’elle n’estime pas nécessaire de créer un type de diplôme complètement nouveau. Il suffirait de mentionner sur le diplôme concerné qu’il sanctionne une formation acquise de façon prépondérante en dehors de la Communauté et que, dès lors, son titulaire ne peut pas bénéficier du système de reconnaissance automatique instauré par la directive 93/16.

XLV. La Commission estime en outre que les diplômes délivrés par un État membre qui sanctionnent une formation acquise de façon prépondérante dans un pays tiers doivent être assimilés, aux fins de l’application de la directive 93/16, aux diplômes obtenus dans un pays tiers. Dans ces conditions, il serait logique d’appliquer à de tels diplômes le raisonnement développé dans l’arrêt Hocsman, précité, concernant les diplômes obtenus dans un pays tiers. Il s’ensuivrait que, dans l’affaire au principal, les autres États membres seraient tenus de comparer, d’une part, les compétences attestées par les diplômes, certificats et autres titres de Mme Tennah-Durez ainsi que son expérience avec, d’autre part, les connaissances et qualifications exigées par leur législation nationale.

XLVI. À l’audience, la Commission a fait observer qu’elle avait développé, de concert avec les représentants des États membres au sein du comité de la santé publique, la condition de la formation prépondérante dans des réponses à des questions parlementaires concernant diverses directives sectorielles de reconnaissance des diplômes.

XLVII. Le gouvernement belge partage en substance l’argumentation avancée par la Commission. À l’audience, il a en outre précisé que, lorsqu’un État membre délivre un diplôme sanctionnant une formation acquise de manière prépondérante dans un pays tiers, il devrait exister une présomption que ce diplôme est équivalent au diplôme correspondant sanctionnant une formation acquise de manière prépondérante dans cet État membre. S’agissant d’une présomption d’équivalence, et non d’une reconnaissance automatique, cette présomption serait susceptible d’être renversée en cas de doutes.

Réponse de la Cour

XLVIII. L’article 23, paragraphe 2, de la directive 93/16 prévoit que la formation médicale décrite au paragraphe 1 du même article comprend au moins six années d’études ou 5 500 heures d’enseignement théorique et pratique et qu’elle est dispensée dans une université ou sous la surveillance d’une université.

XLIX. Cette disposition, telle qu’elle est libellée, ne requiert pas que ladite formation soit dispensée exclusivement ou dans une proportion quelconque dans une université d’un État membre ou sous la surveillance d’une telle université.

L. S’agissant des autres dispositions de la directive 93/16, il est vrai que plusieurs d’entre elles présupposent l’existence d’éléments rattachant la situation de l’intéressé à un État membre. Ainsi, la directive 93/16 prévoit, à son article 2, que seuls les diplômes, certificats et autres titres délivrés aux ressortissants des États membres par l’un des États membres sont susceptibles de faire l’objet de la reconnaissance automatique qu’elle instaure. Elle prévoit en outre, à son article 23, paragraphe 3, que l’admission à la formation conduisant à l’obtention d’un tel diplôme, certificat ou autre titre de médecin suppose la possession d’un diplôme ou d’un certificat donnant accès, pour les études en cause, aux établissements universitaires d’un État membre. En revanche, aucune de ces dispositions ne traite la question de savoir dans quelle mesure la formation médicale exigée par l’article 23, paragraphe 2, de la directive 93/16 doit être reçue dans une université d’un État membre ou sous la surveillance d’une telle université.

LI. L’économie de la directive 93/16 ne s’oppose pas non plus à ce qu’une partie de la formation médicale conduisant à l’obtention d’un diplôme, certificat ou autre titre de médecin bénéficiant de la reconnaissance automatique ait été reçue en dehors de la Communauté, par exemple dans le cadre d’un programme d’échange avec une université située dans un pays tiers. Au demeurant, l’objectif de promotion des échanges d’étudiants appelle une telle ouverture.

LII. La directive 93/16 ne spécifie donc ni expressément ni implicitement dans quelle mesure la formation médicale exigée par son article 23, paragraphe 2, peut comporter une formation reçue dans un pays tiers.

LIII. Cela s’explique par le fait que, dans le système de reconnaissance des diplômes établi par la directive 93/16, ce qui importe, lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a lieu ou non de délivrer un diplôme de médecin, n’est pas de savoir où cette formation a été dispensée mais si elle répond aux exigences de formation tant qualitatives que quantitatives établies par la directive 93/16.

LIV. À cet égard, il y a lieu de souligner que le système communautaire de reconnaissance des diplômes, certificats et autres titres de médecin, tel qu’instauré par la directive 93/16, empêche les États membres de délivrer des diplômes de médecin qui ne répondent pas aux exigences de la directive 93/16. Il résulte de l’harmonisation de la formation des médecins opérée par cette directive qu’il n’appartient pas aux États membres de créer une catégorie de diplômes de médecin ne correspondant à aucune catégorie prévue par la directive 93/16 et ne bénéficiant donc pas de la reconnaissance mutuelle dans les autres États membres (voir, en ce sens, en ce qui concerne les diplômes de dentiste, arrêt du 1er juin 1995, Commission/Italie, C-40/93, Rec. p. I-1319, point 24).

LV. Contrairement à ce que laissent entendre certaines observations soumises à la Cour, notamment de la part de Commission (voir point 44 du présent arrêt), il est donc exclu qu’une institution d’un État membre assortisse un diplôme de médecin qu’elle délivre d’une mention selon laquelle ce diplôme ne permet pas à son titulaire de bénéficier du système de reconnaissance automatique instauré par la directive 93/16, au motif qu’il sanctionne une formation médicale reçue principalement en dehors de la Communauté et que, selon l’institution émettrice, cette formation ne répond donc pas aux exigences de la directive 93/16.

LVI. Dans ces conditions, la responsabilité de veiller à ce que les exigences de formation, tant qualitatives que quantitatives, établies par la directive 93/16 soient pleinement respectées pèse intégralement sur l’autorité compétente de l’État membre qui délivre le diplôme. Celle-ci doit exercer ses compétences en tenant compte du fait que les diplômes de médecin vont permettre à leurs titulaires de circuler et de pratiquer dans tous les États membres de l’Union européenne, en vertu de leur reconnaissance automatique et inconditionnelle.

LVII. En effet, le diplôme ainsi délivré constitue pour son titulaire un «passeport de médecin» lui permettant de circuler en tant que médecin au sein de l’Union européenne sans que la qualification professionnelle attestée par le diplôme puisse être remise en question dans l’État membre d’accueil, sauf dans des circonstances spécifiques prévues par le droit communautaire.

LVIII. Certes, plus la partie de la formation médicale reçue ou surveillée par une institution autre que celle qui délivre le diplôme de médecin est grande, plus il est difficile de veiller à ce que les exigences de formation médicale établies par la directive 93/16 soient remplies. Toutefois, les difficultés pratiques qui peuvent exister à cet égard sont susceptibles de se rencontrer non seulement dans le cadre de formations reçues en dehors de la Communauté, mais également dans le cadre de formations reçues dans un autre État membre que celui où est délivré le diplôme de médecin ou dans une autre institution du même État membre que celle qui délivre ledit diplôme.

LIX. En effet, si la directive 93/16 prévoit une certaine harmonisation tant sur le plan qualitatif que quantitatif de la formation médicale dans l’ensemble des institutions des États membres qui dispensent une telle formation, elle ne vise pas pour autant à une harmonisation si complète qu’aucune vérification de la formation reçue ne serait nécessaire en cas de passage d’une institution à une autre au cours de la formation.

LX. En conséquence, pour autant que l’autorité compétente de l’État membre qui délivre le diplôme est en mesure de valider une formation médicale reçue dans un pays tiers et de considérer que, de ce fait, cette formation répond valablement aux exigences de formation établies par la directive 93/16, ladite formation peut être prise en compte lors de l’appréciation de la question de savoir s’il y a lieu de délivrer un diplôme de médecin.

LXI. Cela implique qu’il n’est pas exclu a priori que la partie de la formation médicale reçue dans un pays tiers puisse atteindre, comme dans l’affaire au principal, environ 85 % de la durée totale de la formation requise si la condition mentionnée au point précédent est remplie.

LXII. Plusieurs gouvernements ainsi que la Commission soutiennent cependant que la reconnaissance mutuelle en vertu de la directive 93/16 présuppose qu’une partie prépondérante de la formation ait été reçue dans une université d’un État membre ou sous la surveillance d’une telle université.

LXIII. Cette argumentation ne saurait être retenue.

LXIV. En effet, d’abord, la directive 93/16, qui prévoit des dispositions détaillées sur le régime de reconnaissance des diplômes qu’elle instaure, ne contient aucune référence, ni même aucune allusion, à une condition de prépondérance telle que celle avancée par ces intervenants.

LXV. Ensuite, quant aux arguments tirés de la présence d’une telle condition dans les directives 89/48 et 92/51, il convient de constater que les régimes de reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles prévus par, d’une part, lesdites directives, qui sont relatives au système général de reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles, et, d’autre part, la directive 93/16 reposent, ainsi qu’il a été expliqué aux points 30 à 34 du présent arrêt, sur des principes différents. Le seul fait que les directives 89/48 et 92/51 font référence à une telle condition ne saurait suffire pour la transposer et l’appliquer par analogie dans le cadre de la reconnaissance des diplômes de médecins régie par une directive sectorielle telle que la directive 93/16.

LXVI. En outre, s’il est vrai que la condition de prépondérance est utilisée dans le cadre des directives 89/48 et 92/51 pour établir quels sont les diplômes qui entrent dans le champ d’application de ces directives, celles-ci n’excluent pas que des diplômes qui ne répondent pas à cette condition soient considérés comme des diplômes aux fins de leur application. En effet, conformément à son article 1er, sous a), la notion de diplôme au sens de la directive 89/48 comprend des diplômes délivrés dans un pays tiers, à condition que le titulaire du diplôme justifie d’une expérience professionnelle de trois ans certifiée par l’État membre qui a reconnu ce diplôme. La directive 92/51 va encore plus loin et englobe, conformément à son article 1er, sous a), dans la notion de diplôme, les diplômes sanctionnant une formation acquise dans une mesure prépondérante en dehors de la Communauté, pour autant que cette formation a été acquise dans un établissement d’enseignement qui dispense une formation conforme aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre.

LXVII. Enfin, dans le cadre d’une directive, telle la directive 93/16, dont l’objet est précisément d’assurer la reconnaissance automatique et inconditionnelle de diplômes, l’exigence d’une formation acquise de façon prépondérante à l’intérieur de la Communauté ne contribuerait aucunement à la sécurité juridique, étant donné qu’une telle notion est susceptible de recevoir plusieurs interprétations très différentes, comme l’ont d’ailleurs démontré les débats devant la Cour. Ainsi, le caractère prépondérant ou non de la formation acquise à l’intérieur de la Communauté pourrait être apprécié uniquement au regard du temps de formation passé respectivement dans et en dehors de la Communauté. Il est également envisageable de prendre en compte l’importance respective des matières enseignées dans la Communauté et celles enseignées en dehors de celle-ci. Il est encore possible d’exiger que figurent parmi les périodes de formation accomplies dans un État membre des périodes qui sont plus ou moins proches de la fin de la formation. Le fait que l’interprétation de la notion de formation acquise de façon prépondérante à l’intérieur de la Communauté puisse varier selon la perspective adoptée par les autorités compétentes des États membres souligne l’importance de ne pas appliquer par analogie une telle exigence dans le cadre de la directive 93/16.

LXVIII. La situation de la requérante au principal se distingue de la situation visée à l’article 23, paragraphe 5, de la directive 93/16, qui prévoit que cette directive ne porte pas préjudice à la possibilité pour les États membres d’accorder, sur leur territoire et selon leur réglementation, l’équivalence d’un diplôme obtenu dans un pays tiers.

LXIX. En effet, le diplôme en cause dans l’affaire au principal n’est pas un diplôme obtenu dans un pays tiers, mais un diplôme délivré par une université d’un État membre selon les réglementations qu’elle applique. Le fait que ce diplôme est d’origine communautaire autorise les autres États membres à conclure que l’autorité compétente de l’État membre qui l’a délivré a respecté les obligations de contrôle prévues dans la directive 93/16 de sorte que la confiance mutuelle qui sous-tend le système de reconnaissance mutuelle instauré par la directive 93/16 ne soit pas compromise.

LXX. Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que la formation médicale exigée par l’article 23, paragraphe 2, de la directive 93/16 peut être constituée, même de manière prépondérante, d’une formation reçue dans un pays tiers, à condition que l’autorité compétente de l’État membre qui délivre le diplôme soit en mesure de valider cette formation et de considérer, de ce fait, qu’elle contribue valablement à remplir les exigences de formation des médecins établies par ladite directive.

Sur la seconde question

LXXI. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche à savoir dans quelle mesure les autorités de l’État membre d’accueil sont tenues par un certificat, émis conformément à l’article 9, paragraphe 5, de la directive 93/16, qui atteste que le diplôme en cause est assimilé à ceux dont les dénominations figurent aux articles 3, 5 ou 7 de cette même directive et sanctionne une formation conforme aux dispositions de son titre III.

Observations soumises à la Cour

LXXII. Selon Mme Tennah-Durez, lorsque les autorités d’un État membre attestent, par un certificat, de l’équivalence de la formation reçue dans un pays tiers avec celle dispensée sur leur territoire, ce certificat sanctionne une formation conforme aux exigences du titre III de la directive 93/16.

LXXIII. Le gouvernement italien fait valoir que chacun des États membres conserve un pouvoir de contrôle du respect effectif des conditions minimales de formation prévues par la directive 93/16. Néanmoins, en vertu du point 21 de l’arrêt Hocsman, précité, il incomberait à un État membre saisi d’une demande d’autorisation d’accès à une profession réglementée de procéder à une comparaison entre, d’une part, les compétences attestées, y compris la formation reçue dans un pays tiers, et, d’autre part, les qualifications exigées par le droit national.

LXXIV. Le gouvernement français et la Commission considèrent que les autorités belges n’ont pas émis de certificat de conformité, au sens de l’article 9, paragraphe 5, de la directive 93/16. La Commission ajoute que, si les autorités d’un État membre émettent un tel certificat, les autorités des autres États membres sont en principe tenues d’accepter les affirmations contenues dans ledit certificat, sans examen complémentaire.

Réponse de la Cour

LXXV. L’objet du système communautaire de reconnaissance des diplômes, certificats et autres titres de médecin, tel que décrit aux points 30 à 34 du présent arrêt, étant la reconnaissance automatique et inconditionnelle des diplômes, ce système serait gravement compromis s’il était loisible aux États membres de remettre en question, à leur discrétion, le bien-fondé de la décision de l’institution compétente d’un autre État membre de délivrer le diplôme.

LXXVI. Toutefois, considérant qu’il peut exister des situations où des doutes sérieux apparaissent quant à la conformité d’un diplôme de médecin avec la réglementation communautaire applicable ou quant à l’authenticité de ce diplôme, la directive 93/16 a mis en place deux moyens pour permettre à l’État membre d’accueil de s’assurer que le diplôme qui lui est présenté est en droit de bénéficier de la reconnaissance automatique et inconditionnelle.

LXXVII. D’une part, si le diplôme en cause ne répond pas aux dénominations figurant, pour l’État membre d’origine, aux articles 3, 5 ou 7 de la directive 93/16, cet État peut délivrer un certificat attestant que le diplôme en question sanctionne néanmoins une formation conforme aux exigences de la directive 93/16. En vertu de l’article 9, paragraphe 5, de la directive 93/16, l’État membre d’accueil reconnaît un tel certificat comme preuve suffisante du fait que le diplôme qui lui est présenté est assimilé par l’État membre d’origine à l’un de ceux dont les dénominations figurent, pour ce dernier État, selon le cas, aux articles 3, 5 ou 7 de la directive 93/16.

LXXVIII. D’autre part, l’article 22 de la directive 93/16 permet à l’État membre d’accueil, en cas de doute justifié, d’exiger de l’institution compétente de l’État membre qui a délivré le diplôme une confirmation de l’authenticité du diplôme, ainsi que la confirmation du fait que le bénéficiaire a rempli toutes les conditions de formation requises.

LXXIX. Dans ces deux cas, les autorités de l’État membre d’accueil sont en principe liées par un tel certificat ou une telle confirmation.

LXXX. Ces deux moyens ne sont d’ailleurs que l’expression spécifique d’un principe plus général qui a été retenu également dans d’autres matières de droit communautaire. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsque l’autorité compétente d’un État membre éprouve des doutes sérieux, allant au-delà de simples suspicions, quant à l’authenticité ou la véracité d’un document, l’autorité ou l’institution émettrice est tenue, sur demande de la première autorité, de réexaminer le bien-fondé du document concerné et, le cas échéant, de le retirer (voir, en ce qui concerne les certificats attestant l’exercice de certaines activités professionnelles par le travailleur migrant dans l’État membre de provenance, arrêt du 29 octobre 1998, De Castro Freitas et Escallier, C-193/97 et C-194/97, Rec. p. I-6747, points 29 à 31, et, en ce qui concerne les certificats de sécurité sociale, arrêt du 10 février 2000, FTS, C-202/97, Rec. p. I-883, point 59).

LXXXI. Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que les autorités de l’État membre d’accueil sont liées par un certificat, émis conformément à l’article 9, paragraphe 5, de la directive 93/16, qui atteste que le diplôme en cause est assimilé à ceux dont les dénominations figurent aux articles 3, 5 ou 7 de cette même directive et sanctionne une formation conforme aux dispositions de son titre III. En cas d’apparition d’éléments nouveaux donnant lieu à des doutes sérieux quant à l’authenticité du diplôme qui leur est présenté ou à sa conformité avec la réglementation applicable, il leur est loisible de saisir de nouveau d’une demande de vérification les autorités de l’État membre émetteur du diplôme en cause.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens LXXXII. Les frais exposés par les gouvernements français, belge, italien, autrichien et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Conseil d’État, par décision du 29 janvier 2001, dit pour droit:

1) La formation médicale exigée par l’article 23, paragraphe 2, de la directive 93/16/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres, peut être constituée, même de manière prépondérante, d’une formation reçue dans un pays tiers, à condition que l’autorité compétente de l’État membre qui délivre le diplôme soit en mesure de valider cette formation et de considérer, de ce fait, qu’elle contribue valablement à remplir les exigences de formation des médecins établies par ladite directive.

2) Les autorités de l’État membre d’accueil sont liées par un certificat, émis conformément à l’article 9, paragraphe 5, de la directive 93/16, qui atteste que le diplôme en cause est assimilé à ceux dont les dénominations figurent aux articles 3, 5 ou 7 de cette même directive et sanctionne une formation conforme aux dispositions de son titre III. En cas d’apparition d’éléments nouveaux donnant lieu à des doutes sérieux quant à l’authenticité du diplôme qui leur est présenté ou à sa conformité avec la réglementation applicable, il leur est loisible de saisir de nouveau d’une demande de vérification les autorités de l’État membre émetteur du diplôme en cause.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CJCE, n° C-110/01, Arrêt de la Cour, Malika Tennah-Durez contre Conseil national de l'ordre des médecins, 19 juin 2003