CJUE, n° C-451/08, Arrêt de la Cour, Helmut Müller GmbH contre Bundesanstalt für Immobilienaufgaben, 25 mars 2010

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 25 mars 2010, C-451/08
Numéro(s) : C-451/08
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 25 mars 2010.#Helmut Müller GmbH contre Bundesanstalt für Immobilienaufgaben.#Demande de décision préjudicielle: Oberlandesgericht Düsseldorf - Allemagne.#Procédures de passation des marchés publics de travaux - Marchés publics de travaux - Notion - Vente par un organisme public d’un terrain sur lequel l’acquéreur envisage d’exécuter ultérieurement des travaux - Travaux répondant à des objectifs de développement urbanistique définis par une collectivité territoriale.#Affaire C-451/08.
Date de dépôt : 16 octobre 2008
Précédents jurisprudentiels : 10 septembre 2009, Eurawasser, C-206/08
arrêts du 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti e.a., C-399/98, Rec. p. I-5409, point 77, ainsi que du 18 janvier 2007, Auroux e.a., C-220/05, Rec. p. I-385, point 45
Commission/Autriche, C-29/04, Rec. p. I-9705
Cricket St Thomas, C-372/88
pressetext Nachrichtenagentur, C-454/06
Sabatauskas e.a., C-239/07
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62008CJ0451
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2010:168
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

25 mars 2010 ( *1 )

«Procédures de passation des marchés publics de travaux — Marchés publics de travaux — Notion — Vente par un organisme public d’un terrain sur lequel l’acquéreur envisage d’exécuter ultérieurement des travaux — Travaux répondant à des objectifs de développement urbanistique définis par une collectivité territoriale»

Dans l’affaire C-451/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (Allemagne), par décision du 2 octobre 2008, parvenue à la Cour le 16 octobre 2008, dans la procédure

Helmut Müller GmbH

contre

Bundesanstalt für Immobilienaufgaben,

en présence de:

Gut Spascher Sand Immobilien GmbH,

Ville de Wildeshausen,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, Mme P. Lindh, MM. A. Rosas, A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 septembre 2009,

considérant les observations présentées:

pour Helmut Müller GmbH, par Me O. Grübbel, Rechtsanwalt,

pour la Bundesanstalt für Immobilienaufgaben, par Me S. Hertwig, Rechtsanwalt,

pour la ville de Wildeshausen, par Me J. Lauenroth, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et J. Möller, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et J.-S. Pilczer, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par M. G. Fiengo, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels et M. Y. de Vries, en qualité d’agents,

pour le gouvernement autrichien, par MM. E. Riedl et M. Fruhmann, en qualité d’agents,

pour la Commission des Communautés européennes, par MM. G. Wilms et C. Zadra, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 novembre 2009,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle concerne l’interprétation de la notion de «marché public de travaux» au sens de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Helmut Müller GmbH (ci-après «Helmut Müller») à la Bundesanstalt für Immobilienaufgaben (administration fédérale chargée des affaires immobilières, ci-après la «Bundesanstalt») au sujet de la vente par cette dernière d’un terrain sur lequel l’acquéreur devait exécuter ultérieurement des travaux répondant à des objectifs de développement urbanistique définis par une collectivité territoriale, en l’occurrence la ville de Wildeshausen.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3

Selon le deuxième considérant de la directive 2004/18:

«La passation de marchés conclus dans les États membres pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et d’autres organismes de droit public doit respecter les principes du traité [CE], notamment les principes de la libre circulation des marchandises, de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services, ainsi que les principes qui en découlent, comme l’égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence. Toutefois, en ce qui concerne les marchés publics dépassant un certain montant, il est recommandé d’élaborer des dispositions en matière de coordination communautaire des procédures nationales de passation de ces marchés qui soient fondées sur ces principes de manière à garantir leurs effets ainsi qu’une mise en concurrence effective des marchés publics. Par conséquent, ces dispositions de coordination devraient être interprétées conformément aux règles et principes précités ainsi qu’aux autres règles du traité.»

4

L’article 1er, paragraphes 2 et 3, de ladite directive prévoit:

a)

Les ‘marchés publics’ sont des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services au sens de la présente directive.

b)

Les ‘marchés publics de travaux’ sont des marchés publics ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution de travaux relatifs à une des activités mentionnées à l’annexe I ou d’un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. Un ‘ouvrage’ est le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique.

[…]

3. La ‘concession de travaux publics’ est un contrat présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché public de travaux, à l’exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix.»

5

Aux termes de l’article 16, sous a), de la directive 2004/18:

«La présente directive ne s’applique pas aux marchés publics de services:

a)

ayant pour objet l’acquisition ou la location, quelles qu’en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d’autres biens immeubles ou qui concernent des droits sur ces biens; […]»

La réglementation nationale

6

L’article 10, paragraphe 1, du code de la construction (Baugesetzbuch) du 23 septembre 2004 (BGBl. 2004 I, p. 2414, ci-après le «BauGB») dispose:

«La commune édicte le plan d’occupation des sols par arrêté.»

7

L’article 12 du BauGB est libellé comme suit:

«1) La commune peut déterminer, au moyen d’un plan d’occupation des sols en rapport avec des travaux, la recevabilité d’un projet lorsque le promoteur, sur la base d’un plan d’exécution de projet convenu avec la commune et de mesures de développement (plan de projet et de développement), est prêt à s’engager et s’engage à le mettre en œuvre dans un certain délai et à en supporter en tout ou en partie les coûts de planification et de développement avant la décision au sens de l’article 10, paragraphe 1 (contrat d’exécution). […]

[…]

a)

Dès lors qu’un plan d’occupation des sols en rapport avec des travaux fixe à travers la détermination d’une zone constructible […] ou d’une autre façon une affectation des ouvrages […], il convient […] de prévoir que, dans le cadre des affectations déterminées, ne sont autorisés que les projets à la réalisation desquels le promoteur s’est engagé dans le contrat d’exécution. […]

[…]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

La Bundesanstalt était propriétaire d’un bien immobilier dénommé «caserne Wittekind», d’une superficie de presque 24 hectares, sis à Wildeshausen (Allemagne).

9

En octobre 2005, le conseil municipal de la ville de Wildeshausen a décidé, dans la perspective d’une réutilisation civile des terrains concernés, qui représentent environ 3% des surfaces bâties et non bâties de cette ville, d’entreprendre des études pour un projet de développement urbain.

10

En octobre 2006, la Bundesanstalt a fait savoir, par l’intermédiaire d’Internet et de la presse quotidienne, qu’elle avait l’intention de vendre la caserne Wittekind.

11

Le 2 novembre 2006, Helmut Müller, une entreprise du secteur immobilier, a présenté une offre d’achat pour un prix de 4 millions d’euros, en la subordonnant, toutefois, à l’établissement d’un plan d’urbanisme fondé sur son projet d’utilisation des terrains.

12

La caserne Wittekind a été désaffectée au début de l’année 2007.

13

En janvier 2007, la Bundesanstalt a lancé un appel d’offres en vue de céder ledit bien immobilier en l’état dans les plus brefs délais.

14

Le 9 janvier 2007, Helmut Müller a soumis une offre de 400000 euros, qu’il a portée à 1 million d’euros le 15 janvier 2007.

15

Une autre entreprise immobilière, Gut Spascher Sand Immobilien GmbH (ci-après «GSSI»), alors en cours de formation, a soumis une offre de 2,5 millions d’euros.

16

Deux autres offres ont été soumises.

17

D’après une expertise produite devant la juridiction de renvoi par la Bundesanstalt, la valeur des terrains concernés s’élevait, au 1er mai 2007, à 2,33 millions d’euros.

18

Selon la décision de renvoi, la ville de Wildeshausen s’est fait présenter les projets des soumissionnaires, en présence de la Bundesanstalt, et en a discuté avec ceux-ci.

19

Entre-temps, la Bundesanstalt aurait évalué les projets de Helmut Müller ainsi que de GSSI et aurait donné la préférence au projet de cette dernière pour des raisons d’urbanisme, en considérant qu’il était porteur d’une croissance d’attractivité pour la ville de Wildeshausen, et elle l’aurait fait savoir à celle-ci.

20

Il aurait alors été convenu de ne céder le bien qu’après que le conseil municipal de la ville de Wildeshausen eut approuvé le projet. La Bundesanstalt aurait affirmé qu’elle s’en remettait à la décision de la ville de Wildeshausen.

21

Toujours selon la décision de renvoi, le conseil municipal de la ville de Wildeshausen s’est prononcé en faveur du projet de GSSI et, le 24 mai 2007, a décidé, notamment, ce qui suit:

«Le Conseil de la ville de Wildeshausen est disposé à examiner le projet présenté par M. R. [le gérant de GSSI] et à entreprendre une procédure en vue de l’établissement d’un plan d’occupation des sols correspondant […]

La loi ne confère aucun droit à obtenir l’établissement d’un plan d’occupation des sols (éventuellement lié à un projet).

La loi interdit à [la ville de Wildeshausen] de prendre des engagements contraignants sur la constructibilité ou de lier son pouvoir d’appréciation (qui est d’ailleurs juridiquement encadré) avant la conclusion d’une procédure régulière de plan d’urbanisme.

Les décisions précédentes ne lient donc aucunement le plan d’urbanisme de [la ville de Wildeshausen].

Le promoteur et les autres personnes intéressées au projet assument les risques liés aux dépenses de planification et autres.»

22

Aussitôt après cette décision du 24 mai 2007, le conseil municipal de la ville de Wildeshausen a retiré la décision qu’il avait prise, en octobre 2005, concernant l’engagement d’études préliminaires d’urbanisme.

23

Par contrat notarié du 6 juin 2007, la Bundesanstalt, en accord avec la ville de Wildeshausen, a vendu la caserne Wittekind à GSSI. Elle en a informé Helmut Müller le 7 juin 2007. En janvier 2008, GSSI a été inscrite au registre foncier en tant que propriétaire de ce bien immobilier. Par contrat notarié du 15 mai 2008, la Bundesanstalt et GSSI ont confirmé le contrat de vente du 6 juin 2007.

24

Helmut Müller a formé un recours devant la Vergabekammer (instance compétente en première instance en matière de marchés publics), en soutenant qu’il n’y avait pas eu de procédure de passation dans les règles alors que la vente de ladite caserne était soumise au droit des marchés publics. Helmut Müller a fait valoir que le contrat de vente était nul parce qu’il n’avait pas été tenu informé en temps utile en tant que candidat à l’achat du terrain.

25

La Vergabekammer a rejeté le recours comme irrecevable au motif, en substance, qu’aucun marché de travaux n’avait été attribué à GSSI.

26

Helmut Müller a introduit un appel contre cette décision de rejet devant l’Oberlandesgericht Düsseldorf en faisant valoir que, au vu des circonstances, il convenait de considérer que GSSI allait obtenir un marché de travaux sous la forme d’une concession de travaux. Selon Helmut Müller, les décisions pertinentes avaient été prises de concert par la Bundesanstalt et la ville de Wildeshausen.

27

L’Oberlandesgericht Düsseldorf est enclin à admettre cette argumentation. Cette juridiction considère que, dans un avenir pas trop éloigné, mais qui ne peut encore être précisé, la ville de Wildeshausen exercera son pouvoir d’appréciation en établissant un plan d’occupation des sols en rapport avec des travaux au sens de l’article 12 du BauGB et en passant avec GSSI un contrat d’exécution au sens de ce même article, attribuant ainsi un marché public de travaux à GSSI.

28

Étant donné qu’aucune rémunération ne devra être versée par la ville de Wildeshausen, ladite juridiction considère que ce marché public de travaux devrait être passé sous la forme juridique d’une concession de travaux publics et que GSSI supporterait le risque économique inhérent à cette opération. Pour la même juridiction, il faudrait considérer le transfert de la propriété du terrain et l’attribution d’un marché public de travaux comme un tout du point de vue du droit des marchés publics. Les démarches de la Bundesanstalt et celles de la ville de Wildeshausen seraient seulement décalées dans le temps.

29

L’Oberlandesgericht Düsseldorf ajoute qu’il a pris la même position dans d’autres litiges dont il a été saisi, et notamment dans sa décision du 13 juin 2007 concernant le terrain d’aviation d’Ahlhorn (Allemagne). Son analyse n’aurait cependant pas été unanimement partagée, les conceptions dominantes parmi les juridictions allemandes allant dans un autre sens. En outre, selon la décision de renvoi, le gouvernement fédéral allemand était sur le point de modifier la législation allemande en matière de marchés publics dans un sens contraire à la position préconisée par ladite juridiction.

30

Le projet de loi évoqué par la juridiction de renvoi prévoyait d’apporter des précisions à la définition de la notion de «marchés publics de travaux» figurant à l’article 99, paragraphe 3, de la loi sur les restrictions à la concurrence (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen) du 15 juillet 2005 (BGBl. 2005 I, p. 2114) dans les termes suivants, les modifications envisagées étant en italique:

«Les marchés de travaux sont des contrats portant soit sur l’exécution, soit sur la conception et l’exécution conjointes, pour le pouvoir adjudicateur, de travaux ou d’un ouvrage qui soit le résultat de travaux de bâtiment ou de génie civil et soit destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique, ou d’un ouvrage qui présente un intérêt économique direct pour le pouvoir adjudicateur et soit exécuté par des tiers conformément aux besoins qu’il a précisés.»

31

Il aurait également été prévu de compléter l’article 99 de ladite loi par un nouveau paragraphe 6 comportant la définition suivante de la concession de travaux publics:

«Une concession de travaux est un contrat portant sur l’exécution d’un marché de travaux dans lequel la contrepartie des travaux consiste non en une rémunération, mais dans le droit d’exploiter l’installation pendant une durée déterminée ou, éventuellement, dans ce droit assorti du paiement d’un prix.»

32

Peu de temps après l’introduction de la présente demande de décision préjudicielle, de telles modifications ont été adoptées dans le cadre de la loi sur la modernisation du droit des marchés publics (Gesetz zur Modernisierung des Vergaberechts) du 20 avril 2009 (BGBl. 2009 I, p. 790).

33

Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Convient-il de comprendre la notion de marché public de travaux prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive [2004/18] en ce sens que les travaux sont exécutés matériellement ou physiquement pour le pouvoir adjudicateur et dans l’intérêt économique direct de celui-ci?

2)

Dans la mesure où la notion de marché public de travaux au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive [2004/18] ne permet pas de faire abstraction de l’élément d’obtention: peut-on admettre en vertu de la deuxième hypothèse visée dans cette disposition qu’il y a une telle obtention lorsque les travaux doivent satisfaire un objectif public défini pour le pouvoir adjudicateur (servir, par exemple, le développement urbanistique d’une partie de la commune) et que le contrat confère au pouvoir adjudicateur la compétence de s’assurer que l’objectif public sera atteint et que l’ouvrage sera réalisé à cet effet?

3)

La notion de marché public de travaux exige-t-elle, dans la première ou la deuxième hypothèse visée à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive [2004/18], que l’entrepreneur soit tenu directement ou indirectement de réaliser les travaux? Faut-il que l’exécution d’une telle obligation puisse être réclamée en justice?

4)

La notion de marché public de travaux suppose-t-elle en application de la troisième hypothèse visée à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive [2004/18] que l’entrepreneur soit tenu d’exécuter les travaux ou que ces travaux forment l’objet du marché?

5)

Des marchés par lesquels, à travers les besoins précisés par le pouvoir adjudicateur, l’affectation de l’ouvrage à construire à la satisfaction d’un objectif public défini doit être garantie et par lesquels le pouvoir adjudicateur (en vertu de l’accord contractuel) est investi en même temps (dans son intérêt indirect propre) de la compétence de s’assurer que l’ouvrage pourra bien être affecté à la satisfaction de l’objectif public défini relèvent-ils de la notion de marché public de travaux au sens de la troisième hypothèse visée à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive [2004/18]?

6)

Est-il légitime de parler de ‘besoins précisés par le pouvoir adjudicateur’ au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive [2004/18] lorsque les ouvrages doivent être réalisés d’après des plans vérifiés et approuvés par le pouvoir adjudicateur?

7)

La concession de travaux publics est-elle à exclure, en application de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive [2004/18], lorsque le concessionnaire est ou devient propriétaire du terrain sur lequel l’ouvrage doit être édifié ou lorsque la concession a été attribuée sans limitation de durée?

8)

La directive [2004/18] s’applique-t-elle (ce qui entraîne l’obligation pour le pouvoir adjudicateur de lancer une procédure de marché) lorsque la vente du terrain par un tiers et l’attribution d’un marché public de travaux sont décalés dans le temps, que, au moment de la conclusion de la transaction portant sur le terrain, le marché public de travaux n’a pas encore été attribué, mais que, à ce même moment, le pouvoir adjudicateur a l’intention de passer un tel marché?

9)

Les opérations distinctes mais reliées de cession du terrain et [d’attribution] d’un marché public de travaux sont-elles à considérer comme un tout lorsque cette attribution était envisagée au moment de la conclusion de la vente du terrain et que les intéressés ont établi sciemment un lien étroit d’un point de vue matériel et aussi, le cas échéant, chronologique entre les divers contrats (voir arrêt du 10 novembre 2005, Commission/Autriche, C-29/04, Rec. p. I-9705)?»

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

34

Dans la plupart des versions linguistiques de la directive 2004/18, la notion de «marchés publics de travaux», prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de celle-ci, comprend trois hypothèses. La première consiste dans l’exécution, éventuellement accompagnée de la conception, de travaux de construction relevant de l’une des catégories énumérées à l’annexe I de cette directive. La deuxième concerne l’exécution, éventuellement accompagnée de la conception, d’un ouvrage. La troisième hypothèse est la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur.

35

Un «ouvrage», au sens de la même disposition, est défini comme étant le «résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique».

36

Alors que la plupart des versions linguistiques emploient le terme «ouvrage» tant pour la deuxième que pour la troisième hypothèse, la version allemande utilise deux termes distincts, à savoir «Bauwerk» (ouvrage) pour la deuxième hypothèse et «Bauleistung» (prestation de construction) pour la troisième.

37

En outre, la version allemande dudit article 1er, paragraphe 2, sous b), est la seule qui prévoit que l’activité visée par la troisième hypothèse doit être réalisée non seulement «par quelque moyen que ce soit», mais aussi «par des tiers» («durch Dritte»).

38

Selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Une telle approche serait incompatible avec l’exigence d’uniformité d’application du droit de l’Union. En cas de divergence entre les versions linguistiques, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir arrêts du 27 mars 1990, Cricket St Thomas, C-372/88, Rec. p. I-1345, points 18 et 19; du 12 novembre 1998, Institute of the Motor Industry, C-149/97, Rec. p. I-7053, point 16, ainsi que du 9 octobre 2008, Sabatauskas e.a., C-239/07, Rec. p. I-7523, points 38 et 39).

39

C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi.

Sur les première et deuxième questions

40

Par ses deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de «marchés publics de travaux», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, exige que les travaux faisant l’objet du marché soient exécutés matériellement ou physiquement pour le pouvoir adjudicateur et dans l’intérêt économique direct de celui-ci ou s’il suffit que ces travaux satisfassent un objectif public, tel que le développement urbanistique d’une partie d’une commune.

41

Il y a lieu de préciser d’emblée que la vente à une entreprise, par une autorité publique, d’un terrain nu ou comprenant des bâtiments déjà construits ne constitue pas un marché public de travaux au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18. En effet, d’une part, dans le cadre d’un tel marché, l’autorité publique doit assumer la position d’acquéreur et non de vendeur. D’autre part, l’objet d’un tel marché doit consister dans l’exécution de travaux.

42

Les termes de l’article 16, sous a), de ladite directive corroborent cette analyse.

43

Partant, il est exclu qu’une vente, telle que, dans l’affaire au principal, la vente de la caserne Wittekind par la Bundesanstalt à GSSI, puisse constituer, en soi, un marché public de travaux, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18.

44

Ces questions posées par la juridiction de renvoi ne visent toutefois pas cette relation de vendeur à acquéreur, mais visent plutôt les relations entre la ville de Wildeshausen et GSSI, à savoir entre l’autorité publique compétente en matière d’urbanisme et l’acheteur de la caserne Wittekind. Ladite juridiction souhaite savoir si ces relations sont susceptibles de constituer un marché public de travaux au sens de ladite disposition.

45

À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18, les marchés publics sont des contrats à titre onéreux conclus par écrit.

46

La notion de contrat est essentielle dans le cadre de la définition du champ d’application de la directive 2004/18. Ainsi qu’il est énoncé au deuxième considérant de cette directive, celle-ci a pour objet l’application des règles du droit de l’Union à la passation de marchés conclus pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et d’autres organismes de droit public. D’autres catégories d’activités incombant aux autorités publiques ne sont pas envisagées dans ladite directive.

47

En outre, seul un contrat conclu à titre onéreux peut constituer un marché public relevant de la directive 2004/18.

48

Le caractère onéreux du contrat implique que le pouvoir adjudicateur ayant conclu un marché public de travaux reçoive en vertu de celui-ci une prestation moyennant une contrepartie. Cette prestation consiste dans la réalisation des travaux que le pouvoir adjudicateur vise à obtenir (voir arrêts du 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti e.a., C-399/98, Rec. p. I-5409, point 77, ainsi que du 18 janvier 2007, Auroux e.a., C-220/05, Rec. p. I-385, point 45).

49

Une telle prestation, en raison de sa nature ainsi que du système et des objectifs de la directive 2004/18, doit comporter un intérêt économique direct pour le pouvoir adjudicateur.

50

Cet intérêt économique est clairement établi lorsqu’il est prévu que le pouvoir adjudicateur deviendra propriétaire des travaux ou de l’ouvrage faisant l’objet du marché.

51

Un tel intérêt économique peut être également constaté s’il est prévu que le pouvoir adjudicateur disposera d’un titre juridique qui lui assurera la disponibilité des ouvrages faisant l’objet du marché, en vue de leur affectation publique (voir, en ce sens, arrêt Ordine degli Architetti e.a., précité, points 67, 71 et 77).

52

L’intérêt économique peut encore résider dans les avantages économiques que le pouvoir adjudicateur pourra tirer de l’utilisation ou de la cession futures de l’ouvrage, dans le fait qu’il a participé financièrement à la réalisation de l’ouvrage ou dans les risques qu’il assume en cas d’échec économique de l’ouvrage (voir, en ce sens, arrêt Auroux e.a., précité, points 13, 17, 18 et 45).

53

La Cour a déjà jugé qu’une convention par laquelle un premier pouvoir adjudicateur confie à un second pouvoir adjudicateur la réalisation d’un ouvrage peut constituer un marché public de travaux, indépendamment du fait qu’il est prévu ou non que le premier pouvoir adjudicateur soit ou devienne propriétaire de tout ou partie de cet ouvrage (arrêt Auroux e.a., précité, point 47).

54

Il résulte de ce qui précède que la notion de «marchés publics de travaux», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, impose que les travaux faisant l’objet du marché soient exécutés dans l’intérêt économique direct du pouvoir adjudicateur, sans que, toutefois, il soit nécessaire que la prestation prenne la forme de l’acquisition d’un objet matériel ou physique.

55

La question se pose de savoir si ces conditions sont remplies lorsque les travaux envisagés visent à satisfaire un objectif public d’intérêt général dont il incombe au pouvoir adjudicateur d’assurer le respect, tel que le développement ou la cohérence urbanistique d’une partie d’une commune.

56

Dans les États membres de l’Union européenne, l’exécution de travaux de construction, à tout le moins lorsque ceux-ci ont une certaine envergure, doit normalement faire l’objet d’une autorisation préalable de l’autorité publique compétente en matière d’urbanisme. Cette autorité est appelée à apprécier, dans l’exercice de ses compétences de régulation, si l’exécution des travaux est conforme à l’intérêt public.

57

Or, le simple exercice de compétences de régulation en matière d’urbanisme, visant à la réalisation de l’intérêt général, n’a pas pour objet la réception d’une prestation contractuelle ni la satisfaction de l’intérêt économique direct du pouvoir adjudicateur, ainsi que l’exige l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18.

58

Par conséquent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que la notion de «marchés publics de travaux», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, n’exige pas que les travaux faisant l’objet du marché soient exécutés matériellement ou physiquement pour le pouvoir adjudicateur, dès lors que ces travaux sont exécutés dans l’intérêt économique direct de ce pouvoir. L’exercice par ce dernier de compétences de régulation en matière d’urbanisme ne suffit pas pour remplir cette dernière condition.

Sur les troisième et quatrième questions

59

Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de «marchés publics de travaux», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, exige que l’adjudicataire assume directement ou indirectement l’obligation de réaliser les travaux faisant l’objet du marché et que l’exécution de cette obligation puisse être réclamée en justice.

60

Ainsi qu’il a été rappelé aux points 45 et 47 du présent arrêt, l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18 définit le marché public de travaux comme un contrat à titre onéreux. Cette notion repose sur l’idée que l’adjudicataire s’engage à réaliser la prestation faisant l’objet du contrat en échange d’une contrepartie. En concluant un marché public de travaux, l’adjudicataire s’oblige donc à exécuter, ou à faire exécuter, les travaux qui en font l’objet.

61

Il est indifférent que l’adjudicataire exécute les travaux par ses propres moyens ou en ayant recours à des sous-traitants (voir, en ce sens, arrêts précités Ordine degli Architetti e.a., point 90, ainsi que Auroux e.a., point 44).

62

Les obligations découlant du marché étant juridiquement contraignantes, leur exécution doit pouvoir être réclamée en justice. En l’absence d’une réglementation prévue par le droit de l’Union, et en conformité avec le principe d’autonomie procédurale, les modalités d’exécution de telles obligations sont laissées au droit national.

63

Par conséquent, il y a lieu de répondre aux troisième et quatrième questions que la notion de «marchés publics de travaux», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, exige que l’adjudicataire assume directement ou indirectement l’obligation de réaliser les travaux faisant l’objet du marché et que l’exécution de cette obligation puisse être réclamée en justice selon les modalités établies par le droit national.

Sur les cinquième et sixième questions

64

Par ses cinquième et sixième questions, qu’il convient de traiter conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les «besoins précisés par le pouvoir adjudicateur», au sens de la troisième hypothèse énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, peuvent consister soit dans le fait que le pouvoir adjudicateur exerce la compétence de s’assurer que l’ouvrage à réaliser répond à un intérêt public, soit dans l’exercice de la compétence reconnue au pouvoir adjudicateur de vérifier et d’approuver des plans de construction.

65

Ces questions trouvent leur origine dans le fait que, dans l’affaire au principal, le pouvoir adjudicateur présumé, à savoir la ville de Wildeshausen, n’a pas établi un cahier de besoins visant un ouvrage à réaliser sur les terrains de la caserne Wittekind. Aux termes de la décision de renvoi, ladite ville s’est limitée à décider qu’elle était disposée à examiner le projet présenté par GSSI et à entreprendre une procédure en vue de l’établissement d’un plan d’occupation des sols correspondant.

66

Or, dans le cadre de la troisième hypothèse énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, il est prévu que les marchés publics de travaux ont pour objet la réalisation d’un «ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur».

67

Pour qu’il puisse être admis qu’un pouvoir adjudicateur a précisé ses besoins au sens de ladite disposition, il faut que ce dernier ait pris des mesures afin de définir les caractéristiques de l’ouvrage ou, à tout le moins, d’exercer une influence déterminante sur la conception de celui-ci.

68

Le simple fait qu’une autorité publique, dans l’exercice de ses compétences en matière de régulation urbanistique, examine certains plans de construction qui lui sont soumis ou prenne une décision en application de compétences dans cette matière ne répond pas à l’exigence relative aux «besoins précisés par le pouvoir adjudicateur», au sens de ladite disposition.

69

Partant, il convient de répondre aux cinquième et sixième questions que les «besoins précisés par le pouvoir adjudicateur», au sens de la troisième hypothèse énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, ne peuvent pas consister dans le simple fait qu’une autorité publique examine certains plans de construction qui lui sont soumis ou prend une décision dans l’exercice de ses compétences en matière de régulation urbanistique.

Sur la septième question

70

Par sa septième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une concession de travaux publics au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2004/18 est exclue lorsque le seul opérateur auquel la concession peut être attribuée est déjà propriétaire du terrain sur lequel l’ouvrage doit être édifié ou lorsque la concession a été attribuée sans limitation de durée.

71

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2004/18, la concession de travaux publics «est un contrat présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché public de travaux, à l’exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix».

72

Pour qu’un pouvoir adjudicateur puisse transférer à son cocontractant le droit d’exploiter un ouvrage au sens de cette disposition, il faut que ce pouvoir adjudicateur puisse disposer de l’exploitation de cet ouvrage.

73

Ce n’est pas normalement le cas lorsque le droit d’exploitation prend sa seule source dans le droit de propriété de l’opérateur concerné.

74

En effet, le propriétaire d’un terrain a le droit d’exploiter celui-ci dans le respect des prescriptions légales applicables. Aussi longtemps qu’un opérateur jouit du droit d’exploiter le terrain dont il est le propriétaire, la possibilité qu’une autorité publique attribue une concession portant sur cette exploitation est, en principe, exclue.

75

Il importe, en outre, de relever que l’essence de la concession réside dans le fait que le concessionnaire supporte lui-même le risque économique principal ou, en tout cas, substantiel, lié à l’exploitation (voir en ce sens, concernant les concessions de services publics, arrêt du 10 septembre 2009, Eurawasser, C-206/08, Rec. p. I-8377, points 59 et 77).

76

La Commission des Communautés européennes soutient que ce risque peut résider dans l’incertitude de l’entrepreneur quant à la question de savoir si le service d’urbanisme de la collectivité concernée approuvera ou non ses plans.

77

Cet argument ne saurait être accueilli.

78

Dans une situation telle que celle évoquée par la Commission, le risque serait lié aux compétences de régulation du pouvoir adjudicateur en matière d’urbanisme et non à la relation contractuelle découlant de la concession. Par conséquent, le risque ne serait pas lié à l’exploitation.

79

En tout état de cause, en ce qui concerne la durée des concessions, des motifs sérieux, au nombre desquels figure notamment le maintien de la concurrence, incitent à considérer que l’attribution de concessions sans limitation de durée serait contraire à l’ordre juridique de l’Union, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 96 et 97 de ses conclusions (voir, dans le même sens, arrêt du 19 juin 2008, pressetext Nachrichtenagentur, C-454/06, Rec. p. I-4401, point 73).

80

Dès lors, il convient de répondre à la septième question que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, une concession de travaux publics, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2004/18, est exclue.

Sur les huitième et neuvième questions

81

Il convient de traiter ensemble les huitième et neuvième questions posées par la juridiction de renvoi. Cette dernière, par sa huitième question, demande en substance si les dispositions de la directive 2004/18 s’appliquent à une situation dans laquelle une autorité publique vend un terrain à une entreprise alors qu’une autre autorité publique a l’intention de passer un marché de travaux sur ce terrain bien que celle-ci n’ait pas encore formellement décidé de procéder à l’attribution de ce marché. La neuvième question concerne la possibilité de considérer comme un tout, d’un point de vue juridique, la vente du terrain et l’attribution ultérieure d’un marché de travaux portant sur ce terrain.

82

À cet égard, il est judicieux de ne pas exclure d’emblée l’application de la directive 2004/18 à une procédure d’attribution en deux phases, caractérisée par la vente d’un terrain qui fera ultérieurement l’objet d’un marché de travaux, en considérant ces opérations comme un tout.

83

Toutefois, les circonstances de l’affaire au principal ne confirment pas l’existence des présupposés d’une telle application de ladite directive.

84

Ainsi que le gouvernement français l’a relevé dans ses observations écrites, les parties au principal n’ont pas contracté d’obligations juridiquement contraignantes.

85

Tout d’abord, la ville de Wildeshausen et GSSI n’ont pas souscrit à des obligations ayant une telle nature.

86

Ensuite, GSSI n’a pris aucun engagement de réaliser le projet de valorisation du terrain acquis.

87

Enfin, les contrats notariés de vente ne portent aucun indice de la passation prochaine d’un marché public de travaux.

88

Les intentions dont le dossier fait état ne constituent pas des obligations contraignantes et ne peuvent nullement satisfaire à la condition de contrat écrit exigée par la notion même de marché public prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18.

89

Il convient, dès lors, de répondre aux huitième et neuvième questions que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, les dispositions de la directive 2004/18 ne s’appliquent pas à une situation dans laquelle une autorité publique vend un terrain à une entreprise alors qu’une autre autorité publique a l’intention de passer un marché de travaux portant sur ce terrain bien que celle-ci n’ait pas encore formellement décidé de procéder à l’attribution de ce marché.

Sur les dépens

90

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)

La notion de «marchés publics de travaux», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, n’exige pas que les travaux faisant l’objet du marché soient exécutés matériellement ou physiquement pour le pouvoir adjudicateur, dès lors que ces travaux sont exécutés dans l’intérêt économique direct de ce pouvoir. L’exercice par ce dernier de compétences de régulation en matière d’urbanisme ne suffit pas pour remplir cette dernière condition.

2)

La notion de «marchés publics de travaux», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, exige que l’adjudicataire assume directement ou indirectement l’obligation de réaliser les travaux faisant l’objet du marché et que l’exécution de cette obligation puisse être réclamée en justice selon les modalités établies par le droit national.

3)

Les «besoins précisés par le pouvoir adjudicateur», au sens de la troisième hypothèse énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, ne peuvent pas consister dans le simple fait qu’une autorité publique examine certains plans de construction qui lui sont soumis ou prend une décision dans l’exercice de ses compétences en matière de régulation urbanistique.

4)

Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, une concession de travaux publics, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2004/18, est exclue.

5)

Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, les dispositions de la directive 2004/18 ne s’appliquent pas à une situation dans laquelle une autorité publique vend un terrain à une entreprise alors qu’une autre autorité publique a l’intention de passer un marché de travaux portant sur ce terrain bien que celle-ci n’ait pas encore formellement décidé de procéder à l’attribution de ce marché.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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CJUE, n° C-451/08, Arrêt de la Cour, Helmut Müller GmbH contre Bundesanstalt für Immobilienaufgaben, 25 mars 2010