CJUE, n° C-445/09, Arrêt de la Cour, IMC Securities BV contre Stichting Autoriteit Financiële Markten, 7 juillet 2011

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Me Pierre-alain Mogenier · consultation.avocat.fr · 16 mai 2019

Dans le cadre d'un dossier récemment traité, le Cabinet MOGENIER souhaite revenir sur la notion d'abus de marché et ses sanctions. La notion d'abus de marché recoupe deux facettes différentes. En premier lieu, il peut s'agir d'une opération d'initié. En second lieu, l'abus de marché peut aussi reposer sur une manipulation du marché. 1- OPERATIONS D'INITIES En matière pénale, les opérations d'initiés peuvent recouvrir trois sortes de délits différents : l'utilisation d'une information privilégiée, le délit de recommandation d'utilisation d'informations privilégiées et le délit de …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 7 juill. 2011, C-445/09
Numéro(s) : C-445/09
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 7 juillet 2011.#IMC Securities BV contre Stichting Autoriteit Financiële Markten.#Demande de décision préjudicielle: College van Beroep voor het bedrijfsleven - Pays-Bas.#Directive 2003/6/CE - Manipulations de marché - Fixation du cours à un niveau anormal ou artificiel.#Affaire C-445/09.
Date de dépôt : 16 novembre 2009
Précédents jurisprudentiels : Choque Cabrera, C-261/08 et C-348/08, Rec. p. I-10143, point 54, ainsi que du 28 janvier 2010, Eulitz, C-473/08
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62009CJ0445
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2011:459
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Sur les parties

Texte intégral

Affaire C-445/09

IMC Securities BV

contre

Stichting Autoriteit Financiële Markten

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le College van Beroep voor het bedrijfsleven)

«Directive 2003/6/CE — Manipulations de marché — Fixation du cours à un niveau anormal ou artificiel»

Sommaire de l’arrêt

Rapprochement des législations — Opérations d’initiés et manipulations de marché (abus de marché) — Interdiction — Manipulation de marché — Fixation du cours d’un ou de plusieurs instruments financiers à un niveau anormal ou artificiel — Notion

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2003/6, art. 1er, point 2, a), 2e tiret, et 5)

L’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de la directive 2003/6 sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché) doit être interprété en ce sens qu’il n’exige pas, pour que le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers puisse être considéré comme ayant été fixé à un niveau anormal ou artificiel, que ce cours conserve un niveau anormal ou artificiel au-delà d’une certaine durée.

À cet égard, la directive 2003/6 a pour finalité, ainsi qu’il est rappelé, notamment, aux deuxième et douzième considérants de celle-ci, d’assurer l’intégrité des marchés financiers de l’Union et de renforcer la confiance des investisseurs en ces marchés. Cette confiance repose, notamment, sur le fait qu’ils seront placés sur un pied d’égalité et protégés contre l’utilisation illicite d’informations privilégiées et les manipulations de cours. Les objectifs ainsi poursuivis par ladite directive seraient compromis si des comportements tels que ceux envisagés à l’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de cette directive pouvaient échapper à la prohibition des manipulations de marché énoncée à l’article 5 de celle-ci au seul motif qu’ils ont engendré une unique transaction et, par voie de conséquence, une unique cotation, sans que le cours du ou des instruments financiers concernés conserve un niveau anormal ou artificiel au-delà d’une certaine durée.

(cf. points 27, 29-30 et disp.)

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

7 juillet 2011 (*)

«Directive 2003/6/CE – Manipulations de marché – Fixation du cours à un niveau anormal ou artificiel»

Dans l’affaire C-445/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le College van Beroep voor het bedrijfsleven (Pays-Bas), par décision du 6 novembre 2009, parvenue à la Cour le 16 novembre 2009, dans la procédure

IMC Securities BV

contre

Stichting Autoriteit Financiële Markten,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas, U. Lõhmus et Mme P. Lindh (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

– pour IMC Securities BV, par Me G. P. Roth, advocaat,

– pour la Stichting Autoriteit Financiële Markten, par Mes H. J. Sachse et P. L. Reeser Cuperus, advocaten,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. M. Wissels et M. Y. de Vries, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement belge, par Mme M. Jacobs et M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement estonien, par Mme M. Linntam, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement italien, par Mme W. Ferrante, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. I. V. Rogalski et W. Roels, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché) (JO L 96, p. 16).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant IMC Securities BV (ci-après «IMC») à la Stichting Autoriteit Financiële Markten, cette dernière lui ayant infligé une amende pour avoir commis une manipulation de marché.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les deuxième, douzième et quinzième considérants de la directive 2003/6 énoncent:

«(2) Un marché financier intégré et efficace exige l’intégrité du marché. Le bon fonctionnement des marchés des valeurs mobilières et la confiance du public en ces marchés sont des préalables indispensables à la croissance économique et à la prospérité.
Les abus de marché nuisent à l’intégrité des marchés financiers et ébranlent la confiance du public dans les valeurs mobilières et les instruments dérivés.

[…]

(12) La notion d’abus de marché recouvre les opérations d’initiés et les manipulations de marché. La législation visant à lutter contre les opérations d’initiés et celle visant les manipulations de marché poursuivent le même objectif: assurer l’intégrité des marchés financiers communautaires et renforcer la confiance des investisseurs en ces marchés. Il est, en conséquence, souhaitable d’adopter un corps de règles communes pour combattre à la fois les opérations d’initiés et les manipulations de marché. Une directive unique garantira, dans l’ensemble de la Communauté, le même cadre pour la répartition des responsabilités, l’application des règles et la coopération.

[…]

(15) Les opérations d’initiés et les manipulations de marché empêchent une transparence intégrale et adéquate du marché, qui est un préalable indispensable aux opérations pour tous les acteurs économiques intervenant sur des marchés financiers intégrés.»

4 L’article 1er, point 2, de la directive 2003/6 prévoit:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

2) ‘manipulations de marché’, les comportements suivants:

a) le fait d’effectuer des opérations ou d’émettre des ordres:

– qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’instruments financiers, ou

– qui fixent, par l’action d’une ou de plusieurs personnes agissant de manière concertée, le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers à un niveau anormal ou artificiel,

à moins que la personne ayant effectué les opérations ou émis les ordres établisse que les raisons qui l’ont poussée à le faire sont légitimes et que ces opérations ou ces ordres sont conformes aux pratiques de marché admises sur le marché réglementé concerné;

b) le fait d’effectuer des opérations ou d’émettre des ordres qui recourent à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice;

c) le fait de diffuser des informations, que ce soit par l’intermédiaire des médias (dont Internet) ou par tout autre moyen, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur des instruments financiers, y compris le fait de répandre des rumeurs et de diffuser des informations fausses ou trompeuses, alors que la personne ayant procédé à une telle diffusion savait ou aurait dû savoir que les informations étaient fausses ou trompeuses. Dans le cas de journalistes agissant dans le cadre de leur profession, cette diffusion d’informations doit être évaluée, sans préjudice de l’article 11, en tenant compte de la réglementation applicable à leur profession, à moins que ces personnes ne retirent, directement ou indirectement, un avantage ou des profits de la diffusion des informations en question.

En particulier, les exemples ci-après découlent de la définition principale figurant aux points a), b) et c) ci-dessus:

– le fait pour une personne ou pour plusieurs personnes agissant de manière concertée de s’assurer une position dominante sur l’offre ou la demande d’un instrument financier, avec pour effet la fixation directe ou indirecte des prix d’achat ou des prix de vente ou la création d’autres conditions de transaction inéquitables,

– le fait d’acheter ou de vendre des instruments financiers au moment de la clôture du marché, avec pour effet d’induire en erreur les investisseurs agissant sur la base des cours de clôture,

– le fait de tirer parti d’un accès occasionnel ou régulier aux médias traditionnels ou électroniques en émettant un avis sur un instrument financier (ou indirectement, sur l’émetteur de celui-ci) après avoir pris des positions sur cet instrument financier et de profiter par la suite de l’impact dudit avis sur le cours de cet instrument sans avoir simultanément rendu public, de manière appropriée et efficace, ce conflit d’intérêts.

Les définitions de la manipulation de marché sont adaptées de manière à pouvoir couvrir les nouveaux comportements qui constituent de fait des manipulations de marché».

5 L’article 5 de la directive 2003/6 est libellé comme suit:

«Les États membres interdisent à toute personne de procéder à des manipulations de marché.»

Le droit national

6 La loi sur les abus de marché (Wet marktmisbruik) transpose la directive 2003/6 dans l’ordre juridique néerlandais. Elle est entrée en vigueur le 1er octobre 2005. Cette loi a notamment modifié l’article 46b de la loi de 1995 sur le contrôle des mouvements de titres (Wet toezicht effectenverkeer 1995, ci-après la «loi de 1995») comme suit:

«1. Il est interdit, dans ou au départ de l’État visé à l’article 46, paragraphe 1, sous a) ou b), en ce qui concerne les titres visés par l’un ou par l’autre point, respectivement:

a) d’effectuer une transaction ou de donner un ordre dont émane ou pourrait émaner un signal incorrect et trompeur concernant l’offre ou la demande de ces titres ou leur cours;

b) d’effectuer une transaction ou de donner un ordre visant à maintenir [‘houden’] le cours de ces titres à un niveau artificiel».

7 Le 1er janvier 2007, la loi sur le contrôle financier (Wet op het financieel toezicht) et la loi d’introduction et d’adaptation de la loi sur le contrôle financier (Invoerings- en aanpassingswet Wet op het financieel toezicht) sont entrées en vigueur.

8 La loi de 1995 a été abrogée. L’interdiction qui était énoncée à l’article 46b, paragraphe 1, sous b), de la loi de 1995 figure désormais à l’article 5:58, paragraphe 1, sous b), de la loi sur le contrôle financier qui dispose:

«1. Il est interdit, dans ou au départ de l’État visé à l’article 5:56, paragraphe 1, sous a), b) ou d), en ce qui concerne les titres visés par l’un ou par l’autre point, respectivement:

[…]

b) d’effectuer une transaction ou de donner un ordre visant à maintenir [‘houden’] le cours de ces instruments financiers à un niveau artificiel, à moins que celui qui a effectué la transaction ou donné l’ordre démontre qu’il avait un motif justifié d’effectuer la transaction ou de donner l’ordre, et que cette transaction ou cet ordre soient conformes à la pratique habituelle sur le marché réglementé concerné ou dans le système multilatéral de négociation concerné pour lequel l’entreprise de placement a obtenu une licence conformément à l’article 2:96».

Le litige au principal et la question préjudicielle

9 IMC est une entreprise néerlandaise qui négocie des valeurs mobilières pour son propre compte.

10 Le 11 octobre 2005, en consultant les données publiées par le marché Euronext Amsterdam, IMC a constaté que la banque ABN AMRO avait placé un ordre de vente à seuil de déclenchement («stop loss order») sur 5 000 actions Wereldhave. En vertu de cet ordre, ces actions devaient automatiquement être vendues au mieux dès que le seuil de déclenchement indiqué par ABN AMRO serait atteint.

11 IMC a cherché à déterminer quel était le seuil de déclenchement fixé par ABN AMRO. Après avoir calculé un seuil hypothétique, IMC a affiné son estimation en testant son hypothèse au moyen du placement et du retrait d’ordres en avant-bourse à différents cours le 12 octobre 2005. IMC a ainsi estimé que l’ordre d’ABN AMRO serait exécuté au cours de 77,75 euros.

12 Le 19 octobre 2005, le cours de l’action Wereldhave oscillait entre 81,30 et 80 euros. Le volume moyen de transactions était de 70 000. IMC a alors procédé en deux phases.

13 IMC a tout d’abord passé un ordre d’achat portant sur l’action Wereldhave au cours de 73 euros, pour une quantité totale de 10 000 actions. Il s’agissait d’un ordre dit «caché», c’est-à-dire dont la quantité totale n’apparaissait pas sur le carnet d’ordres. Le cours de 73 euros se situait environ 10 % au-dessous du cours en vigueur de l’action, mais juste au-dessus du seuil à partir duquel la cotation de celle-ci aurait été automatiquement suspendue, à savoir 72,95 euros.

14 Environ deux minutes plus tard, alors que l’action Wereldhave cotait environ 80,40 euros, IMC a placé un ordre de vente de 10 000 actions avec une limite de 76,50 euros. L’exécution partielle de cet ordre a eu pour effet de faire chuter le cours de l’action à 76,50 euros. Par ricochet, cette baisse a déclenché l’ordre de vente d’ABN AMRO et provoqué une chute supplémentaire, de 76,50 euros à 73 euros, niveau correspondant à l’ordre d’achat d’IMC. Celle-ci a ainsi pu acquérir auprès d’ABN AMRO 4 350 actions Wereldhave à 73 euros. Cette dernière phase n’a pas excédé une seconde.

15 Peu de temps après, une nouvelle transaction sur l’action en cause a permis d’établir son cours à 80,15 euros. L’opération a permis à IMC de réaliser en quelques minutes un gain de près de 10 %.

16 Le 24 août 2006, la Stichting Autoriteit Financiële Markten a décidé que ces faits étaient constitutifs d’une manipulation de marché prohibée et a imposé une amende de 87 000 euros environ à IMC pour violation de l’article 46b, paragraphe 1, sous b), de la loi de 1995.

17 Par jugement du 20 décembre 2007, le Rechtbank Rotterdam a réduit le montant de l’amende à 20 000 euros.

18 IMC a interjeté appel de ce jugement devant le College van Beroep voor het bedrijfsleven.

19 Celui-ci s’interroge sur la question de savoir si une fluctuation soudaine du cours d’une action telle que celle en cause au principal peut tomber sous le coup de l’article 46b, paragraphe 1, sous b), de la loi de 1995 dans la mesure où cette disposition interdit «d’effectuer une transaction ou de donner un ordre visant à maintenir [‘houden’] le cours de ces titres à un niveau artificiel». Il s’agit, notamment, de savoir si cette disposition vise uniquement une stabilisation anormale ou artificielle de cours ou si elle inclut également une modification anormale ou artificielle de cours.

20 La juridiction de renvoi fait observer que, en raison des nuances entre les différentes versions linguistiques de la directive 2003/6, elle n’est pas en mesure de tirer de conclusion univoque de l’utilisation du verbe «houden» dans la version néerlandaise de l’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de cette directive.

21 C’est dans ces conditions que le College van Beroep voor het bedrijfsleven a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 1er, [point] 2, sous a), second tiret, de la directive [2003/6] doit-il être interprété en ce sens que le fait de provoquer des modifications de cours dans un laps de temps tel que celui qui est en cause en l’espèce en effectuant un ensemble d’opérations concernant un instrument financier, à savoir des transactions et des ordres tels que [ceux en cause au principal], doit être considéré comme ‘houden’ (littéralement ‘maintenir’) [le cours de] cet instrument à un niveau anormal ou artificiel?»

Sur la question préjudicielle

22 La juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de la directive 2003/6 doit être interprété en ce sens qu’il exige, pour que le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers puisse être considéré comme ayant été fixé à un niveau anormal ou artificiel, que ce cours conserve un niveau anormal ou artificiel au-delà d’une certaine durée.

23 Il y a lieu d’observer que la version néerlandaise de l’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de la directive 2003/6 fait usage du verbe «houden» (maintenir). La version néerlandaise se lit comme suit, à savoir «‘Marktmanipulatie’: a) transacties of handelsorders […] waarbij een of meer personen samenwerken om de koers van een financieel instrument op een abnormaal of een kunstmatig niveau te houden». Cette formulation, qui se traduit littéralement par «‘manipulations de marché’: […] le fait d’effectuer des opérations ou d’émettre des ordres […] qui maintiennent, par l’action d’une ou de plusieurs personnes agissant de manière concertée, le cours d’un instrument financier à un niveau anormal ou artificiel», pourrait suggérer que seuls les comportements par lesquels les cours ont conservé pendant un certain laps de temps un niveau anormal ou artificiel relèvent de la notion de manipulations de marché.

24 Toutefois, aux fins de son interprétation, l’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de la directive 2003/6 ne saurait être examiné dans la seule version en langue néerlandaise.

25 Conformément à une jurisprudence constante, la nécessité d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniforme d’un acte de l’Union exclut que celui-ci soit considéré isolément dans une de ses versions, mais exige qu’il soit interprété en fonction tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce dernier, à la lumière, notamment, des versions établies dans toutes les langues (voir, notamment, arrêts du 12 novembre 1969, Stauder, 29/69, Rec. p. 419, point 3; du 22 octobre 2009, Zurita García et Choque Cabrera, C-261/08 et C-348/08, Rec. p. I-10143, point 54, ainsi que du 28 janvier 2010, Eulitz, C-473/08, non encore publié au Recueil, point 22).

26 Or, des versions linguistiques de l’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de la directive 2003/6 autres que celle en langue néerlandaise ne contiennent pas d’indications permettant de considérer que seuls les comportements ayant pour effet de garder le cours d’un ou des instruments financiers concernés à un niveau anormal ou artificiel pendant une certaine durée peuvent être qualifiés de «manipulations de marché» au sens de cette disposition. Au contraire, il ressort notamment des versions espagnole («aseguren» […] el precio»), allemande («den Kurs […] in der Weise beeinflussen, dass ein […] Kursniveau erzielt wird»), anglaise («secure […] the price»), française («fixent […] le cours»), italienne («fissare […] il prezzo»), portugaise («assegurem […] o preço»), finnoise («varmistaa […] hinnan») et suédoise («låser fast priset») qu’il suffit que les comportements en cause aient conduit à établir le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers à un niveau anormal ou artificiel pour relever de la notion de manipulations de marché.
L’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de la directive 2003/6 n’exige pas, parmi les éléments constitutifs d’une manipulation de marché, que le cours du ou des instruments financiers en cause conserve pendant une certaine durée un niveau anormal ou artificiel.

27 À cet égard, il convient de rappeler que la directive 2003/6 a pour finalité, ainsi qu’il est rappelé, notamment, aux deuxième et douzième considérants de celle-ci, d’assurer l’intégrité des marchés financiers de l’Union européenne et de renforcer la confiance des investisseurs en ces marchés. Cette confiance repose, notamment, sur le fait qu’ils seront placés sur un pied d’égalité et protégés contre l’utilisation illicite d’informations privilégiées et les manipulations de cours (voir, en ce sens, arrêt du 23 décembre 2009, Spector Photo Group et Van Raemdonck, C-45/08, non encore publié au Recueil, point 47).

28 Le législateur de l’Union a en effet estimé, ainsi qu’il est mentionné au quinzième considérant de la directive 2003/6, que les opérations d’initiés et les manipulations de marché empêchent une transparence intégrale et adéquate du marché, qui est un préalable indispensable aux opérations pour tous les acteurs économiques intervenant sur des marchés financiers intégrés.

29 Les objectifs ainsi poursuivis par la directive 2003/6 seraient compromis si des comportements tels que ceux envisagés à l’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de cette directive pouvaient échapper à la prohibition des manipulations de marché énoncée à l’article 5 de celle-ci au seul motif qu’ils ont engendré une unique transaction et, par voie de conséquence, une unique cotation, sans que le cours du ou des instruments financiers concernés ne conserve un niveau anormal ou artificiel au-delà d’une certaine durée.

30 Il convient donc de répondre à la question posée que l’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de la directive 2003/6 doit être interprété en ce sens qu’il n’exige pas, pour que le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers puisse être considéré comme ayant été fixé à un niveau anormal ou artificiel, que ce cours conserve un niveau anormal ou artificiel au-delà d’une certaine durée.

Sur les dépens

31 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

L’article 1er, point 2, sous a), second tiret, de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché), doit être interprété en ce sens qu’il n’exige pas, pour que le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers puisse être considéré comme ayant été fixé à un niveau anormal ou artificiel, que ce cours conserve un niveau anormal ou artificiel au-delà d’une certaine durée.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.

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