CJUE, n° C-579/15, Arrêt de la Cour, Demande de décision préjudicielle, introduite par le rechtbank Amsterdam, 29 juin 2017

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Chronologie de l’affaire

Commentaires10

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 29 juin 2017, C-579/15
Numéro(s) : C-579/15
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 29 juin 2017.#Daniel Adam Popławski.#Demande de décision préjudicielle, introduite par le rechtbank Amsterdam.#Renvoi préjudiciel – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen et procédures de remise entre les États membres – Motifs de non-exécution facultative – Article 4, point 6 – Engagement de l’État membre d’exécution à exécuter la peine conformément à son droit interne – Mise en œuvre – Obligation d’interprétation conforme.#Affaire C-579/15.
Date de dépôt : 6 novembre 2015
Précédents jurisprudentiels : 17 juillet 2014, Leone, C-173/13, EU:C:2014:2090, point 56
Aranyosi et Căldăraru, C-404/15 et C-659/15 PPU, EU:C:2016:198
arrêt du 16 février 2017, Agro Foreign Trade & Agency, C-507/15, EU:C:2017:129
arrêt du 28 juillet 2016, JZ, C-294/16 PPU, EU:C:2016:610
arrêt du 5 septembre 2012, Lopes Da Silva Jorge, C-42/11, EU:C:2012:517
arrêt du 8 décembre 2016, Eurosaneamientos e.a., C-532/15 et C-538/15, EU:C:2016:932
arrêt du 8 juin 2016, Hünnebeck, C-479/14, EU:C:2016:412
arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C-554/14, EU:C:2016:835
Ognyanov, C-554/14, EU:C:2016:835
Pupino, C-105/03, EU:C:2005:386
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62015CJ0579
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2017:503
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

29 juin 2017 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décision-cadre 2002/584/JAI — Mandat d’arrêt européen et procédures de remise entre les États membres — Motifs de non-exécution facultative — Article 4, point 6 — Engagement de l’État membre d’exécution à exécuter la peine conformément à son droit interne — Mise en œuvre — Obligation d’interprétation conforme»

Dans l’affaire C-579/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas), par décision du 30 octobre 2015, parvenue à la Cour le 6 novembre 2015, dans la procédure relative à l’exécution du mandat d’arrêt européen émis à l’encontre de

Daniel Adam Popławski,

en présence de

Openbaar Ministerie,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, M. A. Tizzano, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la cinquième chambre, Mme M. Berger (rapporteur), MM. A. Borg Barthet et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 septembre 2016,

considérant les observations présentées :

pour M. Popławski, par Me P. J. Verbeek, advocaat,

pour l’Openbaar Ministerie, par M. K. van der Schaft et Mme J. Asbroek,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et B. Koopman ainsi que par M. J. Langer, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par M. R. Troosters et Mme S. Grünheid, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 février 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre de l’exécution, aux Pays-Bas, d’un mandat d’arrêt européen (ci-après le « MAE ») émis par le Sąd Rejonowy w Poznaniu (tribunal d’arrondissement de Poznań, Pologne) à l’encontre de M. Daniel Adam Popławski aux fins de l’exécution, en Pologne, d’une peine privative de liberté.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La décision-cadre 2002/584

3

Les considérants 6 et 11 de la décision-cadre 2002/584 sont libellés comme suit :

« (6)

Le [MAE] prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de “pierre angulaire” de la coopération judiciaire.

[…]

(11)

Le [MAE] devrait remplacer, dans les relations entre États membres, tous les instruments antérieurs relatifs à l’extradition, y compris les dispositions du titre III de la convention d’application de l’accord de Schengen[, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 et entrée en vigueur le 26 mars 1995 (JO 2000, L 239, p. 19),] ayant trait à cette matière. »

4

L’article 1er, paragraphe 2, de cette décision-cadre prévoit :

« Les États membres exécutent tout [MAE] sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre. »

5

L’article 4 de ladite décision-cadre, intitulé « Motifs de non-exécution facultative du [MAE] », dispose :

« L’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le [MAE] :

[…]

6)

si le [MAE] a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne ;

[…] »

La décision-cadre 2008/909/JAI

6

L’article 28 de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (JO 2008, L 327, p. 27), intitulé « Disposition transitoire », dispose :

« 1. Les demandes reçues avant le 5 décembre 2011 continuent d’être régies conformément aux instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées. Les demandes reçues après cette date sont régies par les règles adoptées par les États membres en exécution de la présente décision-cadre.

2. Cependant, tout État membre peut faire, lors de l’adoption de la présente décision-cadre, une déclaration indiquant que, dans les cas où le jugement définitif a été prononcé avant la date qu’il indique, il continuera, en tant qu’État d’émission et d’exécution, à appliquer les instruments juridiques existants en matière de transfèrement des personnes condamnées applicables avant le 5 décembre 2011. Si une telle déclaration est faite, ces instruments s’appliquent dans de tels cas à tous les autres États membres, que ceux-ci aient fait ou non la même déclaration. La date indiquée ne peut être postérieure au 5 décembre 2011. Ladite déclaration est publiée au Journal officiel de l’Union européenne. Elle peut être retirée à tout moment. »

Le droit néerlandais

7

L’article 6 de l’Overleveringswet (loi relative à la remise), du 29 avril 2004 (Stb. 2004, no 195), qui transpose en droit néerlandais la décision-cadre 2002/584, dans sa version applicable jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions néerlandaises portant mise en œuvre de la décision-cadre 2008/909 (ci-après l’« OLW »), prévoyait :

« 1. La remise d’un ressortissant néerlandais peut être autorisée pour autant qu’elle est demandée aux fins d’une enquête pénale dirigée contre lui et que, selon l’autorité judiciaire d’exécution, il est garanti que, s’il est condamné à une peine privative de liberté inconditionnelle dans l’État membre d’émission en raison des faits pour lesquels la remise peut être autorisée, il pourra purger cette condamnation aux Pays-Bas.

2. La remise d’un citoyen néerlandais n’est pas autorisée si celle-ci est réclamée aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté infligée à ce dernier par une décision de justice définitive.

3. En cas de refus de remise exclusivement fondé sur les dispositions de l’article 6, paragraphe 2 […], le ministère public fait savoir à l’autorité judiciaire d’émission qu’il est disposé à prendre en charge l’exécution du jugement, en conformité avec la procédure prévue à l’article 11 de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées[, signée à Strasbourg le 21 mars 1983,] ou sur la base d’une autre convention applicable.

4. Le ministère public informe immédiatement notre ministre de […] tout refus de remise communiqué avec la déclaration, visée au paragraphe 3, selon laquelle les Pays-Bas sont disposés à reprendre l’exécution du jugement étranger.

5. Les paragraphes 1 à 4 sont également applicables à un ressortissant étranger qui dispose d’un permis de séjour à durée indéterminée, dans la mesure où il peut être poursuivi aux Pays-Bas pour les faits qui sont à la base du MAE et dans la mesure où l’on s’attend à ce qu’il ne perde pas son droit de séjour aux Pays-Bas en conséquence d’une peine ou d’une mesure prononcée contre lui à la suite de sa remise. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

Par jugement du 5 février 2007, devenu définitif le 13 juillet 2007, le Sąd Rejonowy w Poznaniu (tribunal d’arrondissement de Poznań) a prononcé contre M. Popławski, ressortissant polonais, une peine privative de liberté d’un an avec sursis. Par une décision du 15 avril 2010, ce tribunal a ordonné la mise à exécution de la peine.

9

Le 7 octobre 2013, ledit tribunal a émis un MAE à l’encontre de M. Popławski aux fins de l’exécution de cette peine.

10

Dans le cadre de la procédure au principal, relative à l’exécution de ce MAE, le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas) se demande s’il doit appliquer l’article 6, paragraphes 2 et 5, de l’OLW, qui prévoit un motif de non-exécution d’un MAE au profit, notamment, des personnes qui résident aux Pays-Bas, ce qui est le cas de M. Popławski.

11

La juridiction de renvoi fait observer que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, les Pays-Bas, lorsqu’ils refusent l’exécution d’un MAE, doivent faire savoir qu’ils sont « disposé[s] » à prendre en charge l’exécution de la peine sur le fondement d’une convention les liant à l’État membre d’émission. Elle précise qu’une telle prise en charge dépend, dans l’affaire au principal, d’une demande formulée en ce sens par la Pologne. Or, la législation polonaise s’opposerait à une telle demande dans l’hypothèse où la personne concernée est un ressortissant polonais.

12

La juridiction de renvoi souligne que, dans une telle situation, un refus de remise pourrait aboutir à l’impunité de la personne visée par le MAE. En effet, après le prononcé du jugement refusant la remise, la prise en charge de l’exécution de la peine pourrait s’avérer impossible, notamment en raison de l’absence de demande en ce sens émanant de l’État membre d’émission, et cette impossibilité n’aurait aucune incidence sur le jugement refusant la remise de la personne recherchée.

13

Nourrissant, dans ces conditions, des doutes relatifs à la conformité de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de l’OLW avec l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, qui ne permet de refuser la remise que si l’État membre d’exécution « s’engage » à exécuter la peine conformément à son droit interne, le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Un État membre d’exécution peut-il mettre en œuvre l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 dans son droit interne de telle manière que :

son autorité judiciaire d’exécution a une obligation pure et simple de refuser la remise d’un ressortissant ou résident de cet État membre à des fins d’exécution,

ce refus a, de plein droit, pour effet que ledit État membre est disposé à prendre en charge l’exécution de la peine privative de liberté prononcée contre ce ressortissant ou résident,

mais que la décision de prendre en charge l’exécution n’est prise qu’après le refus et qu’une décision positive dépend 1) de l’existence d’une base juridique dans une convention liant l’État membre d’émission et l’État membre d’exécution, 2) des conditions posées par ces conventions et 3) de la collaboration de l’État membre d’émission, sous la forme, par exemple, d’une demande à cet effet,

de sorte qu’il existe un risque que l’État membre d’exécution ne puisse pas, après un refus de remise, prendre en charge l’exécution de la peine, étant entendu qu’un tel risque ne remet pas en cause l’obligation de refuser la remise aux fins d’exécution ?

2)

Si la première question appelle une réponse négative :

a)

la juridiction nationale peut-elle appliquer directement les dispositions de la décision-cadre 2002/584 même si, en vertu de l’article 9 du protocole (no 36) sur les dispositions transitoires [(JO 2012, C 326, p. 322)], les effets juridiques de cette décision-cadre doivent, après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, être préservés tant que ladite décision-cadre n’est pas abrogée, annulée ou modifiée et,

b)

dans l’affirmative, l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 est-il suffisamment précis et inconditionnel pour être appliqué par la juridiction nationale ?

3)

Si la première question et la deuxième question, sous b), appellent des réponses négatives, un État membre dont le droit interne soumet la prise en charge de l’exécution d’une peine privative de liberté prononcée à l’étranger à l’existence d’une base juridique dans une convention internationale régissant cette question peut-il mettre en œuvre l’article 4, point 6, de cette décision-cadre dans son droit interne, en interprétant cette disposition en ce sens qu’elle fournit elle-même la base juridique conventionnelle requise, et ce afin de prévenir le risque d’impunité lié à ladite exigence d’une base juridique conventionnelle, telle que prévue par le droit interne ?

4)

Si la première question et la deuxième question, sous b), appellent des réponses négatives, un État membre d’exécution peut-il mettre en œuvre l’article 4, point 6, de ladite décision-cadre dans son droit interne de manière telle qu’il pose comme conditions du refus de la remise d’un résident qui est ressortissant d’un autre État membre qu’il soit compétent pour juger des infractions mentionnées dans le MAE et qu’il n’y ait pas d’obstacle pratique, tel que le refus de l’État membre d’émission de lui transmettre le dossier pénal, à poursuivre ce résident sur son territoire du chef desdites infractions, alors qu’il n’impose pas une telle condition lorsque le refus de remise aux fins d’exécution concerne un de ses ressortissants ? »

Sur les questions préjudicielles

Observation liminaire

14

Les questions préjudicielles portent sur la conformité, avec la décision-cadre 2002/584, d’une législation nationale qui n’est plus en vigueur en raison de son abrogation et de son remplacement par les mesures nationales visant à mettre en œuvre la décision-cadre 2008/909.

15

La juridiction de renvoi considère que ladite législation nationale demeure applicable au principal compte tenu, notamment, du fait que le Royaume des Pays-Bas, sur le fondement de l’article 28 de la décision-cadre 2008/909, a fait une déclaration indiquant, en substance, qu’il continuerait à appliquer aux jugements devenus définitifs avant le 5 décembre 2011, tel que celui prononcé contre M. Popławski, les instruments juridiques antérieurs à cette décision-cadre en matière de transfèrement des personnes condamnées. Toutefois, la Commission européenne conteste la validité de cette déclaration ainsi que de la déclaration analogue faite par la République de Pologne, et estime que la situation en cause au principal, contrairement à ce que considère la juridiction de renvoi, est régie par les dispositions nationales mettant en œuvre la décision-cadre 2008/909.

16

À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’elle doit en principe limiter son examen aux éléments d’appréciation que la juridiction de renvoi a décidé de lui soumettre dans sa demande de décision préjudicielle. Ainsi, s’agissant de l’application de la réglementation nationale pertinente, la Cour doit s’en tenir à la situation que ladite juridiction considère comme établie (arrêt du 8 juin 2016, Hünnebeck, C-479/14, EU:C:2016:412, point 36 et jurisprudence citée). En outre, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence (arrêt du 8 décembre 2016, Eurosaneamientos e.a., C-532/15 et C-538/15, EU:C:2016:932, point 28 ainsi que jurisprudence citée).

17

Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi sur la base du cadre réglementaire et factuel défini par celle-ci.

Sur la première question

18

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la législation d’un État membre mettant en œuvre cette disposition, qui, dans le cas où la remise d’un ressortissant étranger disposant d’un permis de séjour à durée indéterminée sur le territoire de cet État membre est réclamée par un autre État membre aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté infligée à ce ressortissant par une décision de justice devenue définitive, d’une part, n’autorise pas une telle remise et, d’autre part, se borne à prévoir l’obligation pour les autorités judiciaires du premier État membre de faire savoir aux autorités judiciaires du second État membre qu’elles sont disposées à prendre en charge l’exécution de ce jugement, sans que, à la date du refus de la remise, la prise en charge effective de l’exécution soit assurée et sans que, de surcroît, dans l’hypothèse où cette prise en charge s’avérerait par la suite impossible, un tel refus puisse être remis en cause.

19

À cet égard, il ressort, tout d’abord, de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584 que celle-ci consacre le principe selon lequel les États membres exécutent tout MAE sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de cette même décision-cadre. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, les autorités judiciaires d’exécution ne peuvent, comme la Cour l’a déjà jugé, refuser d’exécuter un tel mandat que dans les cas, exhaustivement énumérés, de non-exécution prévus par cette décision-cadre, et l’exécution du MAE ne saurait être subordonnée qu’à l’une des conditions limitativement prévues par ladite décision-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru, C-404/15 et C-659/15 PPU, EU:C:2016:198, points 80 et 82 ainsi que jurisprudence citée). Par conséquent, alors que l’exécution du MAE constitue le principe, le refus d’exécution est conçu comme une exception qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte.

20

Ensuite, il y a lieu de rappeler que l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 énonce un motif de non-exécution facultative du MAE, en vertu duquel l’autorité judiciaire d’exécution « peut » refuser d’exécuter un MAE délivré aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté lorsque, notamment, la personne recherchée réside dans l’État membre d’exécution, comme c’est le cas au principal, et que cet État « s’engage » à faire exécuter cette peine conformément à son droit interne.

21

Il ressort donc du libellé même de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 30 de ses conclusions, que, lorsqu’un État membre a choisi de transposer cette disposition en droit interne, l’autorité judiciaire d’exécution doit néanmoins jouir d’une marge d’appréciation concernant la question de savoir s’il y a lieu ou non de refuser d’exécuter le MAE. À cet égard, cette autorité doit pouvoir tenir compte de l’objectif poursuivi par le motif de non-exécution facultative énoncé à cette disposition, qui consiste, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, à permettre à l’autorité judiciaire d’exécution d’accorder une importance particulière à la possibilité d’accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l’expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2012, Lopes Da Silva Jorge, C-42/11, EU:C:2012:517, point 32 et jurisprudence citée).

22

Il découle également du libellé de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 45 de ses conclusions, que tout refus d’exécuter le MAE présuppose un véritable engagement de l’État membre d’exécution à exécuter la peine privative de liberté prononcée contre la personne recherchée, si bien que, en tout état de cause, la seule circonstance que cet État se déclare « disposé » à faire exécuter cette peine ne saurait être considérée comme étant de nature à justifier un tel refus. Il en ressort que tout refus d’exécuter un MAE doit être précédé de la vérification, par l’autorité judiciaire d’exécution, de la possibilité d’exécuter réellement la peine conformément à son droit interne. Dans le cas où l’État membre d’exécution se trouve dans l’impossibilité de s’engager à exécuter effectivement la peine, il incombe à l’autorité judiciaire d’exécution d’exécuter le MAE et, partant, de remettre la personne recherchée à l’État membre d’émission.

23

Par conséquent, une réglementation d’un État membre qui met en œuvre l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 en prévoyant que ses autorités judiciaires sont en tout état de cause tenues de refuser l’exécution d’un MAE dans l’hypothèse où la personne recherchée réside dans cet État membre, sans que ces autorités jouissent d’une quelconque marge d’appréciation et sans que ledit État membre s’engage à faire exécuter effectivement la peine privative de liberté prononcée contre cette personne recherchée, créant ainsi un risque d’impunité de ladite personne recherchée, ne saurait être considérée comme étant conforme à ladite décision-cadre.

24

Il y a donc lieu de répondre à la première question que l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la législation d’un État membre mettant en œuvre cette disposition, qui, dans le cas où la remise d’un ressortissant étranger disposant d’un permis de séjour à durée indéterminée sur le territoire de cet État membre est réclamée par un autre État membre aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté infligée à ce ressortissant par une décision de justice devenue définitive, d’une part, n’autorise pas une telle remise et, d’autre part, se borne à prévoir l’obligation pour les autorités judiciaires du premier État membre de faire savoir aux autorités judiciaires du second État membre qu’elles sont disposées à prendre en charge l’exécution de ce jugement, sans que, à la date du refus de la remise, la prise en charge effective de l’exécution soit assurée et sans que, de surcroît, dans l’hypothèse où cette prise en charge s’avérerait par la suite impossible, un tel refus puisse être remis en cause.

Sur les deuxième et troisième questions

25

Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions de la décision-cadre 2002/584 sont dotées d’un effet direct et si, dans la négative, le droit néerlandais peut faire l’objet d’une interprétation conforme au droit de l’Union en ce sens que, lorsqu’un État membre soumet la prise en charge de l’exécution de la peine privative de liberté à l’existence d’une base juridique dans une convention internationale, l’article 4, point 6, de cette décision-cadre constitue lui-même la base conventionnelle requise par le droit interne.

26

À cet égard, il convient de relever que la décision-cadre 2002/584 est dépourvue d’effet direct. En effet, cette décision-cadre a été adoptée sur le fondement de l’ancien troisième pilier de l’Union européenne, notamment, en application de l’article 34, paragraphe 2, sous b), UE (dans sa version antérieure au traité de Lisbonne). Or, cette disposition prévoyait que les décisions-cadres ne peuvent entraîner d’effet direct (voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C-554/14, EU:C:2016:835, point 56).

27

Il y a lieu d’ajouter que, aux termes de l’article 9 du protocole (no 36) sur les dispositions transitoires, les effets juridiques des actes des institutions, des organes et des organismes de l’Union adoptés sur la base du traité UE avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne ne sont préservés qu’aussi longtemps que ces actes n’auront pas été abrogés, annulés ou modifiés en application des traités. Or, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 67 de ses conclusions, la décision-cadre 2002/584 n’a pas fait l’objet d’une telle abrogation, annulation ou modification postérieurement à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

28

Si les dispositions de la décision-cadre 2002/584 ne peuvent donc entraîner d’effet direct, il n’en reste pas moins que, conformément à l’article 34, paragraphe 2, sous b), UE, celle-ci lie les États membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens (voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C-554/14, EU:C:2016:835, point 56).

29

En l’occurrence, ainsi qu’il résulte des points 19 à 24 du présent arrêt, lorsque les conditions prévues à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 ne sont pas remplies, l’article 1er, paragraphe 2, de cette décision-cadre oblige les États membres à exécuter tout MAE sur la base du principe de reconnaissance mutuelle.

30

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, les États membres doivent prendre toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de leurs obligations au titre d’une décision-cadre (voir, en ce sens, par analogie, arrêt du 16 juin 2005, Pupino, C-105/03, EU:C:2005:386, point 42).

31

En particulier, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le caractère contraignant d’une décision-cadre entraîne dans le chef des autorités nationales, en ce compris les juridictions nationales, une obligation d’interprétation conforme du droit national. En appliquant le droit national, ces juridictions, appelées à interpréter celui-ci, sont donc tenues de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la décision-cadre afin d’atteindre le résultat visé par celle-ci. Cette obligation d’interprétation conforme du droit national est inhérente au système du traité FUE en ce qu’elle permet aux juridictions nationales d’assurer, dans le cadre de leur compétence, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elles tranchent les litiges dont elles sont saisies (arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C-554/14, EU:C:2016:835, points 58 et 59 ainsi que jurisprudence citée).

32

Certes, le principe d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites. Ainsi, l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une décision-cadre lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes de son droit national est limitée par les principes généraux du droit, en particulier, par ceux de sécurité juridique et de non-rétroactivité. Ces principes s’opposent, notamment, à ce que ladite obligation puisse conduire à déterminer ou à aggraver, sur le fondement d’une décision-cadre et indépendamment d’une loi prise pour la mise en œuvre de celle-ci, la responsabilité pénale de ceux qui agissent en infraction à ses dispositions (arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C-554/14, EU:C:2016:835, points 62 à 64 ainsi que jurisprudence citée).

33

De surcroît, le principe d’interprétation conforme ne peut servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (arrêt du 28 juillet 2016, JZ, C-294/16 PPU, EU:C:2016:610, point 33 et jurisprudence citée).

34

Toutefois, il demeure que le principe d’interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de la décision-cadre en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (arrêt du 5 septembre 2012, Lopes Da Silva Jorge, C-42/11, EU:C:2012:517, point 56 et jurisprudence citée).

35

Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé que l’obligation d’interprétation conforme impose aux juridictions nationales de modifier, le cas échéant, une jurisprudence établie si celle-ci repose sur une interprétation du droit interne incompatible avec les objectifs d’une décision-cadre (arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C-554/14, EU:C:2016:835, point 67 et jurisprudence citée).

36

La Cour a aussi dit pour droit que, dans le cas où une juridiction nationale considère qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’interpréter une disposition du droit interne en conformité avec une décision-cadre, en raison du fait qu’elle est liée par l’interprétation donnée à cette disposition nationale par la Cour suprême nationale dans un arrêt interprétatif, il lui appartient d’assurer le plein effet de la décision-cadre en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, l’interprétation retenue par la Cour suprême nationale, dès lors que cette interprétation n’est pas compatible avec le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C-554/14, EU:C:2016:835, points 69 et 70).

37

Ces précisions ayant été apportées, il y a lieu de souligner que, en l’occurrence, si l’obligation pour le juge national d’assurer la pleine effectivité de la décision-cadre 2002/584 entraîne pour l’État néerlandais l’obligation d’exécuter le MAE en cause ou, en cas de refus, celle de garantir l’exécution effective de la peine prononcée en Pologne, elle n’a aucune incidence sur la détermination de la responsabilité pénale de M. Popławski, qui découle du jugement prononcé le 5 février 2007 à son encontre par le Sąd Rejonowy w Poznaniu (tribunal d’arrondissement de Poznań), et ne saurait a fortiori être considérée comme entraînant une aggravation de cette responsabilité.

38

Il convient encore de relever que la juridiction de renvoi considère que, contrairement à ce qu’a suggéré l’Openbaar Ministerie (ministère public, Pays-Bas) lors de l’audience, la déclaration par laquelle ce dernier fait savoir à l’autorité judiciaire d’émission qu’il est disposé, en application de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, à prendre en charge l’exécution de la peine à la base du MAE concerné ne saurait être interprétée comme constituant un véritable engagement de l’État néerlandais à exécuter cette peine, à moins que l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 constitue un fondement juridique conventionnel au sens de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW pour l’exécution effective d’une telle peine aux Pays-Bas.

39

À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante de la Cour que celle-ci n’est pas compétente pour interpréter le droit interne d’un État membre (arrêt du 16 février 2017, Agro Foreign Trade & Agency, C-507/15, EU:C:2017:129, point 23 ainsi que jurisprudence citée). Il appartient donc à la seule juridiction de renvoi d’apprécier si le droit néerlandais peut être interprété en ce sens qu’il assimile la décision-cadre 2002/584 à un tel fondement juridique conventionnel au sens de l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW.

40

Toutefois, la Cour, appelée à fournir au juge national des réponses utiles dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, est compétente pour donner des indications, tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites et orales qui lui ont été soumises, de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2014, Leone, C-173/13, EU:C:2014:2090, point 56).

41

Dans cette perspective, il convient de relever, d’une part, que, conformément au considérant 11 de la décision-cadre 2002/584, le MAE doit remplacer, dans les relations entre États membres, tous les instruments antérieurs relatifs à l’extradition, y compris les dispositions du titre III de la convention d’application de l’accord de Schengen, mentionnée au point 3 du présent arrêt, ayant trait à cette matière. Dans la mesure où ladite décision-cadre a donc remplacé toutes les conventions ayant existé à cet égard entre les différents États membres et qu’elle coexiste, tout en ayant un régime juridique propre défini par le droit de l’Union, avec les conventions d’extradition liant les différents États membres aux États tiers, une assimilation de ladite décision-cadre à une telle convention ne paraît d’emblée pas exclue.

42

D’autre part, la décision-cadre 2002/584 ne contient aucune disposition permettant de conclure qu’elle s’opposerait à ce que les termes « une autre convention applicable », figurant à l’article 6, paragraphe 3, de l’OLW, soient interprétés en ce sens qu’ils couvrent également l’article 4, point 6, de cette décision-cadre, dès lors qu’une telle interprétation permettrait de garantir que la faculté de l’autorité judiciaire d’exécution de refuser d’exécuter le MAE ne soit exercée qu’à condition d’assurer l’exécution effective aux Pays-Bas de la peine prononcée contre M. Popławski et d’aboutir ainsi à une solution conforme à la finalité poursuivie par ladite décision-cadre.

43

Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que les dispositions de la décision-cadre 2002/584 ne sont pas dotées d’effet direct. Toutefois, la juridiction nationale compétente est tenue, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, d’interpréter les dispositions nationales en cause au principal, dans toute la mesure possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette décision-cadre, ce qui implique, en l’espèce, que, en cas de refus d’exécuter un MAE émis en vue de la remise d’une personne ayant fait l’objet, dans l’État membre d’émission, d’un jugement définitif la condamnant à une peine privative de liberté, les autorités judiciaires de l’État membre d’exécution ont l’obligation de garantir elles-mêmes l’exécution effective de la peine prononcée contre cette personne.

Sur la quatrième question

44

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens qu’il autorise un État membre à refuser d’exécuter un MAE émis en vue de la remise d’une personne, ressortissant d’un autre État membre, ayant fait l’objet d’un jugement définitif la condamnant à une peine privative de liberté, au seul motif que le premier État membre envisage d’engager contre cette personne des poursuites concernant les mêmes faits que ceux pour lesquels ce jugement a été prononcé, alors que cet État membre refuse systématiquement la remise de ses propres ressortissants aux fins de l’exécution de jugements leur infligeant des condamnations à des peines privatives de liberté.

45

À cet égard, il y a lieu de constater que l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 ne contient aucun élément permettant d’interpréter cette disposition comme autorisant l’autorité judiciaire d’un État membre à refuser d’exécuter un MAE dans l’hypothèse où de nouvelles poursuites pénales, pour les mêmes faits que ceux qui forment l’objet du jugement pénal définitif prononcé contre la personne recherchée, pourraient être engagées contre cette dernière sur son propre territoire.

46

En effet, outre le fait que l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 n’évoque aucunement cette possibilité, force est de constater qu’une telle interprétation entrerait en conflit avec l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui prévoit, notamment, que nul ne peut être poursuivi pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.

47

Dans ces conditions, cette interprétation n’étant, en tout état de cause, pas conforme au droit de l’Union, il n’est pas nécessaire de prendre position sur la question de savoir si elle conduirait à une possible discrimination entre les ressortissants des Pays-Bas et les ressortissants des autres États membres, également non conforme au droit de l’Union.

48

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise pas un État membre à refuser d’exécuter un MAE émis en vue de la remise d’une personne ayant fait l’objet d’un jugement définitif la condamnant à une peine privative de liberté, au seul motif que cet État membre envisage d’engager contre cette personne des poursuites concernant les mêmes faits que ceux pour lesquels ce jugement a été prononcé.

Sur les dépens

49

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

1)

L’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la législation d’un État membre mettant en œuvre cette disposition, qui, dans le cas où la remise d’un ressortissant étranger disposant d’un permis de séjour à durée indéterminée sur le territoire de cet État membre est réclamée par un autre État membre aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté infligée à ce ressortissant par une décision de justice devenue définitive, d’une part, n’autorise pas une telle remise et, d’autre part, se borne à prévoir l’obligation pour les autorités judiciaires du premier État membre de faire savoir aux autorités judiciaires du second État membre qu’elles sont disposées à prendre en charge l’exécution de ce jugement, sans que, à la date du refus de la remise, la prise en charge effective de l’exécution soit assurée et sans que, de surcroît, dans l’hypothèse où cette prise en charge s’avérerait par la suite impossible, un tel refus puisse être remis en cause.

2)

Les dispositions de la décision-cadre 2002/584 ne sont pas dotées d’un effet direct. Toutefois, la juridiction nationale compétente est tenue, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, d’interpréter les dispositions nationales en cause au principal, dans toute la mesure possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette décision-cadre, ce qui implique, en l’espèce, que, en cas de refus d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis en vue de la remise d’une personne ayant fait l’objet, dans l’État membre d’émission, d’un jugement définitif la condamnant à une peine privative de liberté, les autorités judiciaires de l’État membre d’exécution ont l’obligation de garantir elles-mêmes l’exécution effective de la peine prononcée contre cette personne.

3)

L’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise pas un État membre à refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis en vue de la remise d’une personne ayant fait l’objet d’un jugement définitif la condamnant à une peine privative de liberté, au seul motif que cet État membre envisage d’engager contre cette personne des poursuites concernant les mêmes faits que ceux pour lesquels ce jugement a été prononcé.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.

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CJUE, n° C-579/15, Arrêt de la Cour, Demande de décision préjudicielle, introduite par le rechtbank Amsterdam, 29 juin 2017