Conseil national de l'ordre des médecins, Section des assurances sociales, 4 septembre 2001, n° 3474

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Dans le but d’obtenir un amaigrissement : prescription d’une hormonothérapie thyroïdienne (Téatrois), prescription de Médiator non conforme à l’AMM et sans justification médicale, prescription de Téatrois et de Triacana sans bilan biologique thyroïdien et sans tenir compte des contre-indications, prescription de Lasilix sans justification médicale et prescription d’une préparation magistrale associant le Phénil Propanolamine à Garnica Cambodgia au delà de la durée normale de 5 jours. Prescriptions abusives, dangereuses et illusoires, ne répondant pas à un état pathologique établi, et quel qu’ait pu être le poids réel des patients demandeurs.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, sect. des assurances soc., 4 sept. 2001, n° 3474
Numéro(s) : 3474
Dispositif : Rejet Interdiction temporaire d'exercer Rejet requête - 4 mois d'interdiction, dont 2 mois avec sursis

Texte intégral

Dossier n° 3474 Dr Gabriel G Séance du 19 juin 2001 Lecture du 4 septembre 2001
LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au secrétariat de la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins le 19 juillet 2000 et le 28 décembre 2000, la requête et le mémoire présentés pour le Dr Gabriel G , qualifié en médecine générale, tendant à ce que la section annule une décision, en date du 21 juin 2000, par laquelle la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins de Rhône-Alpes, statuant sur les plaintes de la caisse primaire d’assurance maladie de l’arrondissement de Vienne et des cantons de l’Isle d’Abeau et de la Verpillière, dont le siège est 1, Place Saint-Pierre, BP 196, 38211 VIENNE CEDEX, du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Vienne dont l’adresse postale est BP 156, 38209 VIENNE CEDEX, de la caisse primaire centrale d’assurance maladie de Lyon dont le siège est 102, rue Masséna, 69471 LYON CEDEX 06, et du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Lyon dont l’adresse postale est 102, rue de Massena, 69471 LYON CEDEX 6, lui a infligé la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de quatre mois dont deux mois avec le bénéfice du sursis, par les motifs que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée ; que la section disciplinaire du Conseil national est seule compétente dans le présent litige ; que la composition des sections des assurances sociales ne répond pas à l’exigence d’impartialité et de rapidité inscrite à l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme ; que la procédure de concertation organisée par l’article L 315-1 du code de la sécurité sociale en cas d’analyse de l’activité, a été méconnue ; que le contrôle n’a sélectionné que les dossiers qui étaient favorables à sa cause (vingt quatre prescriptions en novembre et décembre 1997 pour vingt et un patients) ; que le principe de liberté de prescription reconnu à l’article 8 du code de déontologie conduit à dire que le seul fait de prescrire un médicament hors AMM n’est pas une faute ; que le Dr G a été très prudent dans ses prescriptions médicamenteuses pour surcharge pondérale ou obésité avérée, (hygiène corporelle et alimentaire préalable ; examen biologique) ; qu’il a toujours suivi de près ses patients ; qu’il a cessé le Téatrois et se conforme à l’indication thérapeutique du Médiator ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistrés comme ci-dessus le 20 mars 2001, les mémoires en défense de la caisse primaire d’assurance maladie de Vienne et du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Vienne qui relèvent que la section des assurances sociales du conseil régional était compétente au regard de l’article L 145-1 du code de la sécurité sociale ; que la procédure de l’article L315-1 a été respectée ; que vingt quatre prescriptions présentées au remboursement en décembre 1977 ont été étudiées et révèlent des prescriptions dangereuses (Téatrois ; Médiator ; anti-dépresseurs) ; que la sanction doit être confirmée ;

Vu, enregistrés comme ci-dessus le 28 mai 2001, les mémoires en défense présentés par le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Lyon et par la caisse primaire centrale d’assurance maladie de Lyon, tendant à la confirmation de la décision attaquée par les motifs que la section des assurances sociales est compétente ; que l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme a été respecté ; qu’il n’y a pas eu de détournement de pouvoir ; que l’article R 315 du code de la sécurité sociale a été respecté ; que les quarante cinq prescriptions pour la période allant du 1er octobre 1997 au 30 octobre 1997, soumises à l’avis du Professeur Orgiazzi, sont dangereuses (Téatrois et Médiator pris simultanément, Lasilix, préparations magistrales contenant de la phenylpropanolamine) ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 12 juin 2001, le mémoire présenté pour le Dr G qui produit une décision du Conseil d’Etat relative à l’insuffisance de motivation ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal Officiel par décret du 3 mai 1974 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale et notamment ses articles L 145-1 à L 145-9 et R 145-4 à R 145-29 ;

Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins ;

Vu le code de déontologie médicale ;

Vu le décret n° 82-200 du 25 février 1982 portant application de l’article L 626 du code de la santé publique relatif à l’usage des substances vénéneuses ;

Vu la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux fixée par l’arrêté du 27 mars 1972 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – Le Dr NATTAF en la lecture de son rapport ;

 – Mme le Dr OGIER-PERONNET, médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Vienne, en ses observations ;

 – Melle GIROD, en ses observations, pour la caisse primaire d’assurance maladie de Vienne ;

 – M. FROQUET, représentant la caisse primaire centrale d’assurance maladie de Lyon, en ses observations ;

 – Mme le Dr DOMINJON, médecin-conseil, en ses observations pour le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Lyon ;

Le Dr G , dûment convoqué, ne s’étant ni présenté, ni fait représenter ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, Sur la composition de la section des assurances sociales du conseil régional de Rhône-Alpes et de la section des assurances sociales du Conseil national Considérant qu’eu égard à la nature des contestations portées devant les sections des assurances sociales qui concernent des faits intéressant l’exercice de la profession médicale à l’occasion de soins dispensés aux assurés sociaux, aux conditions de désignation des deux catégories d’assesseurs ainsi qu’aux modalités d’exercice dans leurs fonctions qui les soustraient à toute subordination hiérarchique, les membres des juridictions en cause bénéficient de garanties leur permettant de porter, en toute indépendance, une appréciation personnelle sur le comportement professionnel des médecins poursuivis devant les sections des assurances sociales ;

Considérant, en outre, que l’application des règles générales de procédure s’oppose notamment à ce qu’un membre d’une juridiction administrative puisse participer au jugement d’un recours relatif à une décision dont il est l’auteur et à ce que l’auteur d’une plainte puisse participer au jugement rendu à la suite du dépôt de celle-ci ;

Considérant qu’il suit de là, et alors même qu’un organisme de sécurité sociale ou les médecins-conseils ont la faculté de saisir la section des assurances sociales des conseils régionaux, que le Dr G n’est pas fondé à soutenir que la section des assurances sociales du conseil régional de Rhône-Alpes et la section des assurances sociales du Conseil national ne satisfont pas à l’exigence d’indépendance et d’impartialité des juridictions, rappelée par l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qui concerne les juridictions appelées à décider soit de contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre une personne ;

Sur la méconnaissance prétendue de l’article 6-2.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme relative au délai raisonnable pour juger :

Considérant qu’il n’appartient pas à la section des assurances sociales du Conseil national de statuer sur la question de savoir si elle n’a pas jugé dans un délai raisonnable ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant que si le Dr G conteste les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’enquête préalable à la procédure juridictionnelle engagée contre lui, ces conditions sont sans influence sur la procédure suivie devant les sections des assurances sociales qui a respecté le principe du contradictoire ;

Considérant que si le Dr G conteste plus précisément les conditions dans lesquelles s’est déroulée la procédure du contrôle de son activité organisée par l’article L 315-1 IV et R 315-1-2 du code de la sécurité sociale qui entacheraient d’irrégularité la saisine de la section des assurances sociales du conseil régional de Rhône-Alpes, ces conditions sont également sans influence sur la procédure suivie devant la section des assurances sociales qui a respecté le principe du contradictoire ;

Sur la compétence de la section des assurances sociales du Conseil national :

Considérant que les griefs faits au Dr G relèvent de la compétence de la section des assurances sociales du conseil régional et après elle de la section des assurances sociales du Conseil national, et non exclusivement de la compétence de l’instance disciplinaire du conseil régional et après elle, de la section disciplinaire du Conseil national en vertu des dispositions de l’article L 145-1 selon lesquelles elle peut être saisie de « tous faits intéressant l’exercice de la profession relevés à l’encontre des médecins… à l’occasion de soins dispensés aux assurés sociaux » ;

Sur la sélection des dossiers :

Considérant que les plaignants n’ont commis aucun manquement susceptible d’avoir des effets sur la régularité de la saisine de la section des assurances sociales en lui soumettant seulement les dossiers dont ils estiment qu’ils comportent des anomalies au regard des règles qui régissent la profession de médecin ;

Sur l’insuffisance prétendue de motivation :

Considérant que le Dr G produit un arrêt du Conseil d’Etat relatif à l’insuffisance de motivation qui serait, selon lui, applicable à son cas ;

Considérant que les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision en précisant les effets indésirables des médicaments prescrits par le Dr G pour ses patients, qu’ils soient ou non en surcharge pondérale et après avoir examiné, au cas par cas, chacun des dossiers retenus par le service du contrôle médical ;

Sur le bien fondé des plaintes :

En ce qui concerne la plainte du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Vienne et de la caisse primaire d’assurance maladie de Vienne :

Considérant qu’il résulte de l’instruction notamment de la plainte, que le Dr G a, dans douze dossiers, prescrit du Téatrois pour obtenir une réduction pondérale, une telle hormonothérapie thyroïdienne ayant des effets indésirables au détriment de la masse musculaire et s’avérant, par conséquent, dangereuse ; qu’il a d’autre part, dans onze dossiers, dont certains sont ci-dessus retenus, prescrit du Médiator à des patients dont l’indice de masse corporelle était compris entre vingt cinq et trente de même que pour huit dossiers, dont certains sont ci-dessus retenus, où l’indice corporel des patients était inférieur à vingt cinq ; que dans le dossier n°11, l’indice de masse corporelle était seulement supérieur à trente, révélant une obésité franche, alors que selon l’AMM, cette spécialité est réservée aux cas d’hyper triglycémie documentée ou de diabète avéré ; qu’ainsi l’AMM a été détournée sans justification médicale ;

En ce qui concerne la plainte du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Lyon, et de la caisse primaire centrale d’assurance maladie de Lyon :

Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment de la plainte, que le Dr G a prescrit du Teatrois ou du Triacana, dans vingt quatre dossiers, dans le seul but d’obtenir un amaigrissement de ces patients, alors qu’aucun bilan biologique thyroïdien n’a été retrouvé dans huit de ces dossiers, ou pour lesquels il existe seulement un bilan thyroïdien antérieur de dix huit mois à la prescription, dans huit de ces dossiers, et que, dans deux de ces dossiers, la contre-indication tenant à l’hyper-anxiété a été délibérément transgressée ; que, pour l’ensemble des dossiers, la prescription de Médiator a été détournée de son objet thérapeutique ; que, dans un dossier, du Lasilix a été prescrit sans justification médicale établie ; qu’enfin, dans onze dossiers, dont certains sont ci-dessus retenus, il a prescrit une préparation magistrale associant le Phenil Propanolamine à Garnica Cambodgia au delà de la durée de prescription normale limitée à cinq jours ;

Considérant que, comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, les prescriptions du Dr G sont abusives, parce qu’elles ne répondent pas à un état pathologique établi ; qu’elles sont dangereuses, quant à leurs effets notamment de cardiothyréose et illusoires dans la mesure où elles ont été massivement effectuées en dehors de tout contexte biologique ou clinique prenant en compte les contre-indications et quel qu’ait pu être le poids réel des patients demandeurs ; qu’ainsi, les explications du Dr G ne pouvant être admises, ses agissements sont des fautes et abus au sens de l’article L 145-1 du code de la sécurité sociale susceptibles de justifier l’application de l’une des sanctions énumérées à l’article L 145-2 du même code ;

Sur la sanction :

Considérant qu’en infligeant au Dr G la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de quatre mois dont deux mois avec sursis, les premiers juges n’ont pas fait une évaluation exagérée de la gravité des manquements commis par le Dr G  ; qu’il convient donc de confirmer leur décision et de rejeter la requête d’appel du Dr G , les frais étant mis à sa charge ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La requête d’appel du Dr G est rejetée.

Article 2 : La sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant quatre mois dont deux mois avec le bénéfice du sursis, prononcée par la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins de Rhône-Alpes, par la décision en date du 21 juin 2000, prendra effet, pour la partie non assortie du sursis, le 1er janvier 2002 à 0 h et cessera de porter effet le 28 février 2002 à minuit.

Article 3 : Les frais de la présente instance s’élevant à 196,96 Euros (1 292 F) seront supportés par le Dr G et devront être versés dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr G , à la caisse primaire d’assurance maladie de l’arrondissement de Vienne et des cantons de l’Isle d’Abeau et de la Verpillière, à la caisse primaire centrale d’assurance maladie de Lyon, au médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Vienne, au médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Lyon, à la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins de Rhône-Alpes, au conseil départemental de l’Ordre des médecins du Rhône, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Rhône-Alpes, au chef du service régional de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricoles de Rhône-Alpes, au ministre chargé de la sécurité sociale et au ministre chargé de l’agriculture.

Délibéré à l’issue de l’audience du 19 juin 2001, où siégeaient M. ALLUIN, Conseiller d’Etat honoraire, président ; M. le Dr NATTAF et M. le Dr COLSON, membres titulaires, nommés par le Conseil national de l’Ordre des médecins ; M. le Dr HECQUARD, membre titulaire et M. le Dr GASTAUD, membre suppléant, nommés par le ministre chargé de la sécurité sociale.

Lu en séance publique le 4 septembre 2001.

LE CONSEILLER D’ETAT HONORAIRE PRESIDENT DE LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS

G. ALLUIN
LE SECRETAIRE DE LA
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
M-A. PEIFFER

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