Conseil national de l'ordre des médecins, Section des assurances sociales, 27 juin 2001, n° 3422

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Représentant des CPAM : Indépendance des assesseurs qui sont soustraits à toute subordination hiérarchique et qui bénéficient de garanties leur permettant de porter une appréciation professionnelle sur le comportement d’un praticien. Les SAS des conseils régionaux et du conseil national satisfont à l’exigence de l’article 6-1 de la CEDH.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, sect. des assurances soc., 27 juin 2001, n° 3422
Numéro(s) : 3422
Dispositif : Rejet du moyen

Texte intégral

Dossier n° 3422 Dr Jean-Pierre W Séance du 15 mai 2001 Lecture du 27 juin 2001

LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, 1°), enregistrés au secrétariat de la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins le 11 février et le 11 mai 2000, la requête et le mémoire présentés par le Dr Jean-Marie W, qualifié en médecine générale, tendant à ce que la section annule une décision, en date du 8 décembre 1999, par laquelle la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins d’Aquitaine, statuant sur la plainte du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Bordeaux, dont l’adresse postale est place de l’Europe, Cité du grand parc 33085 BORDEAUX CEDEX, lui a infligé la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de un mois, avec publication pendant un mois, par les motifs que la composition de la section des assurances sociales du Conseil national est irrégulière au regard de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme ; que le quantum de son exercice est difficile, compte tenu des nombreuses agressions ; que la plainte de la caisse est déloyale ; que les griefs du médecin-conseil sont réfutés point par point, notamment sur la dangerosité des prescriptions et les falsifications d’ordonnances ; que la décision du conseil régional doit donc être annulée ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, 2°), enregistrés comme ci-dessus le 14 février et le 15 mai 2000, la requête et le mémoire présentés par le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Bordeaux, tendant à l’aggravation de la sanction par les motifs que la dangerosité des prescriptions est établie ; que la consommation de Subutex est attestée dans les PIRES ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 16 août 2000, le mémoire en réplique présenté pour le Dr W qui soutient qu’il ignorait que son patient était sous Subutex (dossier N° 9), et que dans le dossier n° 12 le projet thérapeutique n’a pas été établi par lui, le nomadisme et la surconsommation n’ayant jamais été mentionnés ; que faute de Subutex, les malades devaient se diriger vers les structures spécifiques ;

Vu, enregistrés comme ci-dessus le 8 février 2001, le 2 mai et le 3 mai 2001, les mémoires de récusation d’au moins deux juges, présentés pour le Dr W ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 26 février 2001, le mémoire du médecin-conseil relevant que le Dr W n’apporte pas d’élément nouveau au fond ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal Officiel par décret du 3 mai 1974 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale et notamment ses articles L 145-1 à L 145-9 et R 145-4 à R 145-29 ;

Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;

Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins ;

Vu le code de déontologie médicale ;

Vu la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux fixée par l’arrêté du 27 mars 1972 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – Le Dr HECQUARD en la lecture de son rapport ;

 – Me CHAUVET, avocat, en ses observations pour le Dr W et le
Dr Jean-Pierre W en ses explications orales ;

 – Mme le Dr PAILLEY, médecin-conseil pour le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Bordeaux, en ses observations ;


APRES EN AVOIR DELIBERE, Considérant que la requête d’appel du Dr W, d’une part, et la requête d’appel du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Bordeaux, d’autre part, sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables, il convient de les joindre pour qu’il y soit statué par une seule décision ;

Sur la demande de récusation des Drs HECQUARD et GUERY Considérant que la demande de récusation présentée à l’encontre des représentants des organismes d’assurance maladie, membres de la section, à savoir le représentant du régime général et le représentant de la mutualité sociale agricole, n’est que la conséquence de la contestation de la composition de la section prévue par le code de la sécurité sociale ;

Considérant qu’eu égard à la nature des contestations portées devant les sections des assurances sociales qui concernent des faits intéressant l’exercice de la profession médicale à l’occasion de soins dispensés aux assurés sociaux, aux conditions de désignation des deux catégories d’assesseurs ainsi qu’aux modalités d’exercice dans leurs fonctions qui les soustraient à toute subordination hiérarchique, les membres des juridictions en cause bénéficient de garanties leur permettant de porter en toute indépendance, une appréciation personnelle sur le comportement professionnel des médecins poursuivis devant les sections des assurances sociales ;

Considérant, en outre, que l’application des règles générales de procédure s’oppose notamment à ce qu’un membre d’une juridiction administrative puisse participer au jugement d’un recours relatif à une décision dont il est l’auteur et à ce que l’auteur d’une plainte puisse participer au jugement rendu à la suite du dépôt de celle-ci ;

Considérant qu’il suit de là, et alors même qu’un organisme de sécurité sociale ou les médecins-conseils ont la faculté de saisir la section des assurances sociales des conseils régionaux, que le Dr W n’est pas fondé à soutenir que la section des assurances sociales d’Aquitaine et la section des assurances sociales du Conseil national ne satisfont pas à l’exigence d’indépendance et d’impartialité des juridictions, rappelée par l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qui concerne les juridictions appelées à décider soit de contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre une personne ;

Sur la demande de récusation du rapporteur Considérant que les dispositions du décret du 26 octobre 1948 précisant les attributions données au rapporteur, désigné par le président de la section, n’ont pas pour effet de lui confier des fonctions qui, au regard du principe d’impartialité comme des autres stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, feraient obstacle à sa participation au délibéré de la section ; que le rapporteur désigné pour l’affaire du Dr W ne saurait donc être récusé ;

Sur la régularité de la procédure Considérant que si le Dr W conteste les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’enquête préalable à la procédure juridictionnelle engagée contre lui, notamment s’agissant de l’étude de son activité, ces conditions sont sans influence sur la procédure suivie devant la section des assurances sociales qui a respecté le principe du contradictoire ; que d’ailleurs, le plaignant a diligenté ses investigations en respectant les dispositions de l’article L 315-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les griefs Considérant que le contrôle de l’activité du Dr W a porté sur les mois de novembre et décembre 1997 ainsi que sur les mois de janvier et février 1998 s’agissant de vingt-quatre patients (23 dossiers plus la plainte d’une patiente n° 21) ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que le nombre d’actes réalisés au cours de la période contrôlée est manifestement excessif (676 actes pour 23 patients, soit une moyenne de sept actes par mois et par patient), les actes du dimanche et de nuit représentant une part importante de l’activité ; que, plus précisément, comme l’ont relevé les premiers juges, si pour un patient (n°11) on ne relève pour cette période de quatre mois que huit actes, le nombre passe à soixante et un dans le cas n° 3 ; que, pour six patients, ont été effectués pour chacun d’entre eux plus de quarante actes ; que, dans deux cas, (n°1 en décembre 1977 et n° 3 en janvier 1998), vingt actes ont été effectués pour chacun d’eux ; qu’une telle accumulation d’actes n’est pas justifiée ; que le grief tiré de l’abus de soins est établi ;

Considérant, en second lieu, que les chevauchements de traitements et les posologies excessives en dehors des indications de l’autorisation de mise sur le marché, révèlent que le Dr W a délivré une quantité anormale de médicaments, le grief tiré de l’abus de prescriptions étant donc établi ;

Considérant, en troisième lieu, que de nombreuses prescriptions ont été faites de médicaments en association reconnue comme éminemment dangereuse, tels que le Rohypnol chez des patients sous traitement de substitution par buprémorphine, le Survector et la codéine ordonnés chez des patients reconnus comme toxicomanes qui peuvent aggraver le comportement et les troubles addictifs aux drogues ; que de nombreux patients utilisent des quantités extrêmes de produits approchant, voire dépassant les doses toxiques (codéine et destropropoxyfène) ; que les patients encourent donc un risque toxicologique soit par surdosage d’un seul produit, soit par association de deux ou plusieurs substances ; que s’il n’apparaît pas que le Dr W ait personnellement prescrit du Subutex, la dangerosité des prescriptions par assimilation incontrôlée des substances à dose maximales ou supramaximales est établie ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les falsifications d’ordonnances par l’apposition de surcharges seraient imputables au
Dr W ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les trois griefs qui sont établis révèlent des fautes au sens de l’article L 145-1 du code de la sécurité sociale justifiant l’application de l’une des sanctions énumérées à l’article L 145-2 du même code ;

Considérant que les premiers juges, par leur décision, en date du 8 décembre 1999, infligeant au Dr W la sanction d’un mois d’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux avec publication pendant un mois, ont fait une appréciation insuffisante de la gravité des manquements reprochés au Dr W ; qu’il convient, dans les circonstances de l’affaire, quelles que soient, par ailleurs, les conditions particulières de son exercice professionnel, de prononcer à son encontre la sanction, plus sévère, de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de quatre mois dont deux mois avec le bénéfice du sursis, les frais de l’instance étant mis à sa charge ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La requête d’appel du Dr Jean-Pierre W est rejetée.

Article 2 : Il est infligé au Dr W la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de quatre mois dont deux mois avec le bénéfice du sursis.

Article 3 : La sanction, pour la partie non assortie du sursis prendra effet le 1er octobre 2001 et cessera de porter effet le 30 novembre 2001 à minuit.

Article 4 : La décision, de la section des assurances sociales du conseil régional d’Aquitaine, en date du 8 décembre 1999, est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Les frais de la présente instance s’élevant à 131,23 Euros (860,80 Francs) seront supportés par le Dr W et devront être versés dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au Dr W, au médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Bordeaux, à la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins d’Aquitaine, au conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Gironde, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales de d’Aquitaine, au chef du service régional de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricoles d’Aquitaine, au ministre chargé de la sécurité sociale et au ministre chargé de l’agriculture.

Délibéré à l’issue de l’audience du 15 mai 2001, où siégeaient M. ALLUIN, Conseiller d’Etat honoraire, président ; M. le Dr NATTAF, membre titulaire, et M. le
Dr LEBATARD-SARTRE, membre suppléant, nommés par le Conseil national de l’Ordre des médecins ; M. le Dr HECQUARD, membre titulaire et Mme Le Dr GUERY, membre suppléant, nommés par le ministre chargé de la sécurité sociale.

Lu en séance publique le 27 juin 2001.

LE CONSEILLER D’ETAT HONORAIRE PRESIDENT DE LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS G. ALLUIN
LE SECRETAIRE DE LA
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES M. A. PEIFFER

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Conseil national de l'ordre des médecins, Section des assurances sociales, 27 juin 2001, n° 3422