Conseil national de l'ordre des médecins, Section des assurances sociales, 13 décembre 2006, n° 4216

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Résumé de la juridiction

A établi, au nom du mari de la consultante, 11 prescriptions de Di-Antalvic® et d’hypnotiques sans examen préalable du patient qui n’était pas présent. A admis les chevauchements d’ordonnances sans mention «duplicata» laissant le patient disposer de plus de 6 comprimés par jour, tandis que son épouse obtenait pour elle-même des boites de Stilnox® et de Di-Antalvic®. A ainsi favorisé le détournement de prescriptions massives non justifiées établies au nom du mari. Prescriptions non conformes aux données de la science, telles qu’elles sont exprimées par les recommandations de l’ANAES.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, sect. des assurances soc., 13 déc. 2006, n° 4216
Numéro(s) : 4216
Dispositif : Interdiction temporaire d'exercer Réformation Réformation - 3 mois d'interdiction avec sursis

Texte intégral

Dossier n° 4216 Dr Gérard A Séance du 15 novembre 2006 Lecture du 13 décembre 2006
LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au secrétariat de la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins les 6 juin 2006 et le 10 juillet 2006, la requête et le mémoire présentés par et pour le Dr Gérard A, qualifié en médecine générale, tendant à ce que la section réforme une décision, en date du 11 mai 2006, par laquelle la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins de Provence-Côte-d’Azur-Corse, statuant sur les plaintes de la caisse primaire d’assurance maladie de la Drôme, dont le siège est avenue du Président E. Herriot, BP 1000, 26024 VALENCE CEDEX et du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Valence, dont l’adresse postale est avenue du Président E. Herriot, BP 1030, 26010 VALENCE CEDEX a prononcé à son encontre la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant trois mois, dont deux mois avec le bénéfice du sursis et avec publication par les soins de la caisse primaire d’assurance maladie de la Drôme, par affichage dans ses locaux administratifs ouverts au public, et par voie de presse dans le journal « La Provence », par les motifs qu’il n’a pas été préalablement informé ; que, s’agissant des prescriptions sans examen, la première prescription au profit de M. C… a été remise à son épouse Mme C… qui demandait le renouvellement de l’ordonnance qu’elle a présentée ; que le Dr A a reçu à son cabinet M. C… en novembre 2003 et en février 2004 pour des problèmes d’insomnie ancienne et de lombalgies, les ordonnances ayant été ensuite renouvelées, même en son absence ; qu’il a été abusé par le couple C… ; que s’agissant des prescriptions non conformes, la prescription d’hypnotiques et d’anxiolytiques était légitime compte-tenu de l’avis du précédent praticien consulté par le couple C ; que, s’agissant des chevauchements d’ordonnances, la relation de confiance s’est détériorée à partir de décembre 2003, la caisse ayant signalé le nomadisme de la patiente, à la vérité assez tard ; que s’agissant de la facturation d’actes fictifs, l’acte fictif retenu par le conseil régional peut résulter d’une erreur, il n’est qu’un acte isolé ; qu’en définitive, il est faux de dire que le Dr A n’a jamais vu en consultation M. C…, lequel savait que son épouse se livrait à un trafic de médicaments ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 12 septembre 2006, le mémoire en défense présenté par le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Valence, qui conclut au rejet de la requête, par les motifs qu’entre le 10 novembre 2003 et le 10 août 2004, le Dr A a rédigé pour M. C… onze prescriptions comportant notamment Stilnox®, Diantalvic®, Mepronizine®, dont neuf ont été rédigées, reconnaît-il, sans examen clinique ; que l’examen du patient ne ressortirait que de deux feuilles de soins du 26 février 2004 et du 12 mars 2004 et non de novembre 2003 ; que la prescription d’hypnotiques sans réévaluation mensuelle, c’est-à-dire sans examen ni interrogatoire, n’est pas conforme aux données actuelles de la science ; qu’entre le 10 novembre 2003 et le 2 janvier 2004, le Dr A a prescrit à M . C…, sans l’avoir examiné, six fois du Stilnox® pendant un mois, en moins de deux mois ; que la relation de confiance ne peut s’établir au détriment de la qualité des soins ; que le médecin doit veiller à la qualité de ses prescriptions, sa responsabilité découlant de la liberté inscrite à l’article 8 du code de déontologie, sans qu’il ait à la reporter sur l’assurance maladie ; que le Dr A a confirmé ne pas avoir vu le patient en mars 2004 (acte fictif) ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 2 octobre 2006, le mémoire présenté par la caisse primaire d’assurance maladie de Valence, qui conclut au rejet de la requête par les motifs que la caisse a respecté son devoir d’information (notification des anomalies relevées et proposition d’entretien sans suite ; courrier du Dr A indiquant s’être laissé abuser par Mme C…) ; que le témoignage de M. C… sur l’absence d’examen ne peut être remis en cause ; que les prescriptions « à la demande » ont un caractère répétitif ; qu’il y a eu usage détourné de médicaments par Mme C… alors que l’état de santé de M. C… ne justifiait pas les ordonnances établies pour son compte ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de la santé publique, notamment l’article R 4126-1 et le code de déontologie médicale figurant aux articles R 4127-1 et suivants ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L 145-1 à L 145-9 et R 145-4 à R 145-29 ;

Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins ;

Vu la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux fixée par l’arrêté du 27 mars 1972 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – Le Dr PERGET en la lecture de son rapport ;

 – Me LESCUDIER, avocat, en ses observations pour le Dr A et le Dr Gérard A en ses explications orales ;

 – Mme le Dr LEPRINCE, médecin-conseil, en ses observations pour le service médical de l’échelon local de Valence ;

La caisse primaire d’assurance maladie de la Drôme, dûment convoquée, ne s’étant pas fait représenter ;

Le Dr A ayant eu la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que le Dr A, qualifié en médecine générale, a, pendant la période de neuf mois, comprise entre le 10 novembre 2003 et le 10 août 2004, à la demande de Mme C…, établi au nom de M. C…, mari de la consultante, onze prescriptions de Di-Antalvic® et d’hypnotiques tels que le Stilnox® et le Mepronizine®, les ordonnances ayant été rédigées au nom de M. C… puis remises à Mme C…, donc sans examen préalable de M. C… qui n’était pas présent, dans la quasi-totalité des cas ; que le Dr A a, d’autre part, admis les chevauchements d’ordonnances sans mention « duplicata » spécialement entre le 10 novembre 2003 et le 2 janvier 2004, période de cinquante-trois jours au cours de laquelle M. C… a disposé de vingt-quatre boites de Stilnox®, soit plus de six comprimés par jour, tandis que Mme C… obtenait personnellement, donc pour elle-même vingt-quatre boites de Stilnox® et trente-deux boites de Di-Antalvic® ; qu’en agissant ainsi, le Dr A a favorisé le détournement par Mme C… des prescriptions massives qui avaient été établies au nom de M. C… et qui n’étaient d’ailleurs pas justifiées par l’état de santé de celui-ci que le praticien n’avait au demeurant pas examiné, comme l’exige l’article 15 des dispositions générales de la nomenclature générale des actes professionnels ; que ces prescriptions n’étaient pas conformes aux données actuelles de la science au sens de l’article R 4127-32 du code de la santé publique, telles qu’elles sont exprimées par les recommandations de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES), et méconnaissent l’article R 4127-8 du même code obligeant le praticien à limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins ; que le Dr A ne saurait justifier son attitude par le fait qu’il n’aurait pas été préalablement informé par la caisse, qu’il aurait du céder à la pression de sa cliente, qu’il n’a appris son « nomadisme médical » que très tard, que les représentants des laboratoires pharmaceutiques constituaient sa seule source d’information ;

Considérant, en second lieu, que le Dr A précise n’avoir reçu M. C… en consultation qu’à deux reprises, en novembre 2003 et février 2004, bien qu’il ait établi onze prescriptions pharmaceutiques à son nom et signé deux feuilles de soins pour la facturation des consultations le 26 février 2004 et le 12 mars 2004 ; qu’ainsi et en tout état de cause, le praticien doit être regardé comme reconnaissant avoir facturé un acte fictif au moins pour la journée du 12 mars 2004 ; que le grief est ainsi établi ;

Considérant que les faits retenus sont des « fautes, abus et fraudes » justifiant l’application des articles L 145-1 et L 145-2 du code de la sécurité sociale ; qu’il convient, dans les circonstances de l’affaire, d’atténuer la décision des premiers juges, en assortissant la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de trois mois du bénéfice du sursis pendant la même durée et en ne retenant pas la publication par affichage dans les locaux administratifs ouverts au public de la caisse primaire d’assurance maladie de la Drôme et par voie de presse, dans le journal « La Provence » ;

Sur les frais de l’instance Considérant, qu’en application de l’article R 145-28 du code de la sécurité sociale, les frais de l’instance sont mis à la charge du Dr A ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant trois mois est prononcée à l’encontre du Dr A. Il sera sursis pour une durée de trois mois à l’exécution de cette sanction dans les conditions fixées à l’article L 145-2 du code de la sécurité sociale.

Article 2 : La décision de la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins de Provence-Côte-d’Azur-Corse, en date du 11 mai 2006, est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Les frais de la présente instance s’élevant à 170 euros seront supportés par le Dr A et devront être versés dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr Gérard A, à la caisse primaire d’assurance maladie de le Drôme, au médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Valence, à la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins de Provence-Côte-d’Azur-Corse, au conseil départemental de l’Ordre des médecins du Vaucluse, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Provence-Alpes-Côte-d’Azur, au chef du service régional de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricoles de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse, au ministre chargé de la sécurité sociale et au ministre chargé de l’agriculture.

Délibéré dans la même composition qu’à l’audience du 15 novembre 2006, où siégeaient M. ALLUIN, Conseiller d’Etat honoraire, président ; M. le Dr AHR membre titulaire et M. le Dr GAY, membre suppléant, nommés par le Conseil national de l’Ordre des médecins ; M. le Dr ANSART et M. le Dr PERGET, membres suppléants, nommés par le ministre chargé de la sécurité sociale.

Lu en séance publique le 13 décembre 2006.

LE CONSEILLER D’ETAT HONORAIRE PRESIDENT DE LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS G. ALLUIN
LE SECRETAIRE DE LA
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
M-A. PEIFFER

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Conseil national de l'ordre des médecins, Section des assurances sociales, 13 décembre 2006, n° 4216