Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 26 novembre 2010, n° 10562

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Résumé de la juridiction

Si la ministre de l’emploi et de la solidarité et le secrétaire d’Etat à la santé et à l’action sociale ont ouvert une procédure disciplinaire à l’encontre du praticien et pris une mesure conservatoire de suspension d’une durée maximum de six mois, cette circonstance n’était pas de nature à faire obstacle à ce que le conseil national de l’Ordre engage à son encontre une procédure disciplinaire.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 26 nov. 2010, n° 10562
Numéro(s) : 10562
Dispositif : Régularité de la plainte

Texte intégral

N° 10562
Dr Gérard J
Audience du 22 septembre 2010
Décision rendue publique par affichage le 26 novembre 2010
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins les 4 août et 14 septembre 2009, la requête et le mémoire présentés pour le Dr Gérard J, qualifié spécialiste en anesthésie-réanimation ; le Dr J demande à la chambre d’annuler la décision n° C.2007.1722, en date du 5 juin 2009, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, statuant sur la plainte du conseil national de l’Ordre des médecins, lui a infligé la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant un an assortie du sursis ;

Le Dr J soutient que les textes invoqués par la poursuite n’étaient pas applicables à Mayotte ; que la prescription de l’action disciplinaire est acquise ; qu’ayant fait également l’objet, pour les mêmes faits, d’une procédure disciplinaire à l’initiative du ministère de la santé, la règle non bis in idem a été méconnue ; que la procédure devant la chambre a été irrégulière, le conseil de l’ordre de Mayotte, où il exerce, n’ayant pas été appelé à la cause ; que l’instance devant la chambre n’a pas respecté les règles du procès équitable prévues par l’article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales compte tenu de l’absence d’indépendance des juges, de la durée non raisonnable du procès, de la méconnaissance de la présomption d’innocence et de l’absence de tentative de conciliation ; que, dans tous les cas, le bénéfice de l’amnistie est acquis ; que sa bonne foi est établie par deux attestations d’un expert-comptable qui montrent qu’à la date à laquelle ont été tirés les chèques litigieux, le compte du Dr J dans le grand livre comptable des associations ADAMU (Association départementale d’assistance médicale urgente) et IMPACTS (Infirmiers, médecins, pompiers, ambulanciers concourant aux transports sanitaires) était créditeur ; que les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas un manquement à l’honneur et à la probité ; que de nombreux témoignages ont été produits en sa faveur compte tenu de son action à la tête du SAMU de Haute-Corse ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 17 septembre 2010, le courrier par lequel Me Patrimonio, avocat du Dr J, demande le report de l’audience dans la mesure où, compte tenu des déménagements successifs de son cabinet, il n’a reçu la convocation adressée le 7 juillet qu’avec beaucoup de retard et où son client ne peut se rendre à l’audience compte tenu d’une obligation professionnelle ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l’arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Bastia, en date du 7 avril 2004 ;

Vu l’arrêt de la Cour de cassation, en date du 26 janvier 2005 ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre disciplinaire nationale, en date du 14 novembre 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Vu la loi n°2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu l’ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l’organisation de certaines professions de santé et à la répression de l’usurpation de titre et de l’exercice illégal de ces professions ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales publiée par le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 septembre 2010 :

 – le rapport du Dr Brouchet ;

 – les observations de Me Patrimonio pour le Dr J qui n’était pas présent ;

Me Patrimonio ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sur la demande de report de la date d’audience de la chambre disciplinaire nationale :

Considérant que le juge, auquel il incombe de veiller à une bonne administration de la justice, n’a aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l’imposeraient, de faire droit à une demande de report de l’audience formulée par une partie ;

Considérant qu’en l’espèce, l’avocat du Dr J, dont l’affaire a été enregistrée le 4 août 2009, a été informé le 7 juillet 2010 que la date de l’audience était fixée au 22 septembre 2010 ; que si celui-ci a demandé le report de la date de l’audience par une lettre en date du 17 septembre 2010 dans la mesure où, compte tenu des déménagements successifs de son cabinet, il n’aurait reçu la convocation qu’avec beaucoup de retard et où son client serait indisponible le 22 septembre compte tenu d’une obligation professionnelle au centre hospitalier de Mayotte, ces circonstances ne constituent pas un motif exceptionnel tiré des exigences du débat contradictoire imposant le report de l’audience ; qu’il y a lieu, dès lors, de rejeter la demande présentée par l’avocat du Dr J ;

Sur la régularité de la plainte du Conseil national :

Considérant, en premier lieu, que le Dr J n’est pas fondé à soutenir que les faits qui lui sont reprochés seraient prescrits dès lors qu’aucun texte régissant la procédure devant la juridiction disciplinaire n’impartit un délai de forclusion pour le dépôt d’une plainte devant le conseil départemental compétent ;

Considérant, en deuxième lieu, que si, par une décision en date du 1er avril 1999, la ministre de l’emploi et de la solidarité et le secrétaire d’Etat à la santé et à l’action sociale ont ouvert une procédure disciplinaire à l’encontre du Dr J et pris une mesure conservatoire de suspension d’une durée maximum de six mois, cette circonstance n’était pas de nature à faire obstacle à ce que le conseil national de l’Ordre, faisant usage des pouvoirs qu’il tient de l’article R 4126-1 du code de la santé publique, engage à son encontre une procédure disciplinaire ;

Considérant, enfin, que l’absence de procédure de conciliation en cas de poursuites disciplinaires engagées directement par le conseil national de l’Ordre n’est pas contraire aux principes du procès équitable, tels qu’ils résultent de l’article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales susvisée ;
Sur la régularité de la décision de la chambre disciplinaire de première instance :

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R 4126-14 du code de la santé publique : « Le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit reçoit communication des mémoires et pièces produites par les parties. Ce conseil peut produire des observations dans les conditions de nombre et de délai requis dans la notification. Celles-ci sont communiquées aux parties. » ;

Considérant que si le Dr J soutient que la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France aurait transmis à tort, par une lettre en date du 10 décembre 2007, la plainte du conseil national au conseil interrégional de l’Ordre des médecins de la Réunion-Mayotte à Saint-Denis-de-la-Réunion, il ressort des pièces du dossier que cette erreur de transmission a été réparée par une lettre en date du 6 mars 2008 adressée au conseil départemental de Mayotte ; que l’ensemble des mémoires et des pièces produites par les parties ont été transmis au conseil départemental de Mayotte, qui a d’ailleurs produit deux mémoires, enregistrés les 14 avril 2008 et 20 février 2009, au soutien du Dr J ; qu’ainsi le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l’article R 4126-14 du code de la santé publique manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales susvisée : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement(…) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations à caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle(…) » ; que les membres des chambres disciplinaires de première instance du conseil de l’Ordre sont irrévocables pour toute la durée de leur mandat, donc indépendants de leurs pairs -qui les ont élus- et ne sont aucunement sous leur dépendance hiérarchique ; que les chambres sont présidées par un membre du corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, juge professionnel, indépendant du conseil de l’Ordre et d’ailleurs non élu par celui-ci ; que le Dr J n’est pas, dès lors, fondé à contester l’indépendance et l’impartialité des membres de la chambre disciplinaire d’Ile-de-France qui l’ont jugé ; que les principes du procès équitable relatifs à la durée raisonnable de la procédure et au respect de la présomption d’innocence ont été respectés ; que, dès lors, les moyens tirés de la violation de l’article 6 § 1 de la convention doivent être écartés ;

Considérant, enfin, que le président de la chambre disciplinaire de la Réunion-Mayotte ayant, par une ordonnance du 12 octobre 2007, décliné la compétence de sa juridiction et transmis le dossier au président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre qui en a attribué le jugement, par une ordonnance en date du 14 novembre 2007, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, le moyen tiré de l’inapplicabilité à Mayotte des dispositions législatives du code de la santé publique relatives à la procédure disciplinaire est, en tout état de cause, inopérant ;

Au fond :

Considérant qu’il résulte d’un arrêt de la cour d’appel de Bastia, en date du 7 avril 2004, devenu définitif à la suite du rejet, par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 26 janvier 2005, du pourvoi en cassation formé contre lui, que, pour régler une partie du prix d’un bateau à usage personnel, le Dr J, président des associations Adamu et Impacts, a établi trois chèques tirés sur ces associations ; qu’il a été reconnu coupable, pour ces faits, du délit d’abus de confiance et condamné à 15.000 euros d’amende et à cinq ans d’interdiction d’exercer une responsabilité dans une association ; que le Dr J a été déféré, pour les mêmes faits, par le conseil national de l’Ordre des médecins devant la chambre disciplinaire d’Ile-de-France qui, par une décision en date du 5 juin 2009, a prononcé à son encontre la peine d’interdiction d’exercer la médecine pour une durée d’un an, assortie du sursis ; que le Dr J fait appel de cette décision ;

Considérant, qu’aux termes de l’article R 4127-3 du code de la santé publique : « Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine » et qu’aux termes de l’article R 4127-31 du même code : « Tout médecin doit s’abstenir, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci » ; Considérant que les faits dont s’est rendu coupable le Dr J sont contraires à la probité et de nature à déconsidérer gravement la profession médicale ; que si le Dr J soulève une « exception de compensation » en se fondant sur deux attestations d’un expert-comptable en date du 11 septembre 2006, la cour d’appel de Bastia a, par son jugement en date du 7 avril 2004 devenu définitif, rejeté cette exception en relevant, d’une part, qu’à la date des faits, les associations Adamu et Impacts n’avaient pas de comptabilité et que celle reconstituée n’avait pas de valeur probante et, d’autre part, que le caractère certain, liquide et exigible des créances invoquées par le Dr J n’était pas démontré ; qu’eu égard à la gravité de ces faits et alors même que le Dr J présenterait des qualités professionnelles qui ne sont pas en cause, la chambre disciplinaire de première instance a fait une juste appréciation des fautes commises par le Dr J en lui infligeant la peine d’interdiction d’exercice de la médecine pendant un an, assortie du sursis ;

Considérant que les faits reprochés au Dr J, étant contraires à la probité et à l’honneur, ne sont pas susceptibles de bénéficier de la loi d’amnistie susvisée du 6 août 2002 ; qu’en raison de la gravité des faits commis par le Dr J, membre du conseil départemental de l’Ordre de Mayotte, du conseil interrégional de la Réunion-Mayotte et de la chambre disciplinaire de première instance de la Réunion-Mayotte, il y a lieu d’ordonner que la peine d’interdiction d’exercer la médecine pendant un an assortie du sursis sera exécutoire à compter de la date de notification de la présente décision, nonobstant tout recours ou toute demande que pourrait présenter le Dr J, notamment devant le Conseil d’Etat ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La requête du Dr J est rejetée.

Article 2 : La peine d’interdiction d’exercer la médecine pendant un an assortie du sursis prononcée à l’encontre du Dr J sera exécutoire à compter de la date de notification de la présente décision au Dr J, nonobstant tout recours ou toute demande qui pourrait être présentée, notamment devant le Conseil d’Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr J, au conseil départemental de Mayotte, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, au préfet de Mayotte, au directeur général de l’agence régionale de santé de l’Océan Indien, au procureur de la République près le tribunal de première instance de Mamoudzou, au conseil national de l’Ordre des médecins, au ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré par : M. Dutheillet de Lamothe, conseiller d’Etat, président ; MM. les Drs Brouchet, Colson, Faroudja, Wolff, membres.

Le conseiller d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale

Olivier Dutheillet de Lamothe
Le greffier en chef


Isabelle Levard

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Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 26 novembre 2010, n° 10562