Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 2 novembre 2011, n° 1125

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

QPC portant sur le fait que, selon l’article L. 4132-9 CSP, siège à la chambre disciplinaire de première instance avec voix consultative le médecin inspecteur régional de santé publique ou son représentant, sans que soit prévue une exception dans le cas où la plainte émane d’un médecin-conseil chef de service de l’échelon local du contrôle médical ou d’une CPAM, en méconnaissance des principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions garantis par la Constitution.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 2 nov. 2011, n° 1125
Numéro(s) : 1125
Dispositif : Transmission de la QPC au Conseil d'Etat

Sur les parties

Texte intégral

N° 11253/QPC
Dr Corinne G
Audience du 18 octobre 2011
Décision rendue publique par affichage le 2 novembre 2011
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistré au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins le 26 mai 2011, le mémoire présenté pour le Dr Corinne G, qualifiée spécialiste en ophtalmologie, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le conseil constitutionnnel ; le Dr G, à l’appui de sa requête tendant à l’annulation de la décision n° 1031-1033, en date du 22 février 2011, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de Midi-Pyrénées lui a infligé la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant quatre mois, sur plaintes de la caisse primaire d’assurance maladie (C.P.A.M.) de la Haute-Garonne et du médecin-conseil chef de service de l’échelon local du contrôle médical près cette caisse ainsi que de la CPAM de l’Aude et du médecin-conseil chef de service de l’échelon local du contrôle médical près cette caisse, transmises par le conseil départemental de la Haute-Garonne qui s’y est associé, demande à la chambre de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° de l’article L. 4132-9 du code de la santé publique ;

Le Dr G soutient que ces dispositions selon lesquelles siège à la chambre disciplinaire de première instance avec voix consultative le médecin inspecteur régional de santé publique ou son représentant, sans que soit prévue une exception dans le cas où la plainte émane d’un médecin-conseil chef de service de l’échelon local du contrôle médical, méconnaissent les principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions garantis par la Constitution, dès lors que le médecin inspecteur régional de santé publique n’est pas un magistrat indépendant mais un fonctionnaire de l’Etat relevant du ministre de la santé et que les services du contrôle médical sont chargés de missions de service public qu’ils assument en liaison étroite avec les services du ministère de la santé ; que, pour les mêmes raisons, ces dispositions méconnaissent les stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 22 juillet 2011, le mémoire présenté pour la CPAM de la Haute-Garonne, le médecin-conseil chef de service de l’échelon local du contrôle médical près cette caisse, la CPAM de l’Aude et le médecin-conseil chef de service de l’échelon local du contrôle médical près cette caisse, qui demandent que la question ne soit pas transmise au Conseil d’Etat ;

Ils soutiennent que le moyen tiré des stipulations de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne saurait être utilement invoqué dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité ; que les conditions posées pour que la question prioritaire de constitutionnalité soit transmise au Conseil d’Etat ne sont pas remplies ; que, en particulier, aucun principe constitutionnel ne fait obstacle à ce que le médecin inspecteur régional de santé publique ou son représentant siège lorsque la plainte émane d’une CPAM ou d’un médecin-conseil chef de service de l’échelon local du contrôle médical dès lors que ces plaignants ne sont pas nommés par le ministre de la santé, que les CPAM sont des personnes morales de droit privé, qu’il résulte de l’article L. 217-3-1 du code de la sécurité sociale que leurs directeurs et agents comptables ne sont pas nommés par l’Etat, qu’il résulte de l’article R. 315-3 du même code que le ministre de la santé n’intervient pas dans la nomination des médecins-conseils et qu’il ne dispose à l’égard de ceux-ci ni du pouvoir hiérarchique ni du pouvoir disciplinaire ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 22 juillet 2011, le nouveau mémoire présenté pour le Dr G qui reprend les mêmes conclusions et les mêmes moyens ;

Le Dr G soutient, en outre, qu’il résulte des dispositions du code de la santé publique que le médecin inspecteur régional de santé publique est habilité à former une plainte ou à provoquer une plainte de l’agence régionale de santé, qu’il est amené à se prononcer sur des questions d’éthique médicale et qu’il est l’allié objectif des plaignants ; que sa qualité de haut fonctionnaire dans le domaine de la santé publique le disqualifie, au regard des principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions, pour siéger au sein de la juridiction disciplinaire lorsque le plaignant est une CPAM ou un médecin-conseil chef de service de l’échelon local du contrôle médical ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 23 septembre 2011, le mémoire présenté pour le conseil départemental de la Haute-Garonne qui demande que la question ne soit pas transmise au Conseil d’Etat ;

Le conseil départemental soutient que la compatibilité d’une loi avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’entre pas dans le champ des compétences du Conseil constitutionnel ; que les dispositions du 1° de l’article L. 4132-9 du code de la santé publique ne sont contraires à aucun principe constitutionnel dès lors que les caisses primaires d’assurance maladie, si elles assument une mission de service public, sont des personnes morales de droit privé qui ne sont pas placées sous l’autorité du ministère de la santé, dont relève le médecin inspecteur régional de santé publique, et que les médecins-conseils chefs de service de l’échelon local du contrôle médical sont indépendants des caisses et des services du ministère de la santé ;

Vu, enregistrés comme ci-dessus les 26 et 27 septembre 2011, les nouveaux mémoires présentés pour le Dr G qui reprend les mêmes conclusions et les mêmes moyens ;

Le Dr G soutient, en outre, que le conseil départemental de la Haute-Garonne n’apporte pas d’autres éléments, en ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité, que ceux apportés par les autres plaignants ; que le débat sur l’application de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est sans intérêt pratique dès lors que les stipulations de cette convention sont appliquées à travers la Constitution ; que le médecin inspecteur régional de santé publique est placé sous l’autorité du ministre de la santé, lequel a un pouvoir de tutelle sur la caisse nationale de l’assurance maladie ; que la question prioritaire de constitutionnalité doit être appréciée par référence à la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme, de laquelle il résulte que le médecin inspecteur régional de santé publique ne remplit pas, du fait de son statut, la condition d’impartialité objective exigée par cette jurisprudence ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, notamment son article 2 ;

Vu le code de la santé publique, notamment son article L. 4132-9 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2011-940 du 10 août 2011 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 octobre 2011 :

 – le rapport du Dr Kennel ;

 – les observations de Me Durande pour le Dr G qui n’était pas présente ;

 – les observations de Me Sagalovitsch pour les CPAM et les médecins-conseils de la Haute-Garonne et de l’Aude ;

Me Durande ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat … , le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution … peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel … » ; qu’il résulte des dispositions de l’article 23-2 que la juridiction transmet la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que le Dr G soutient que la disposition du 1° de l’article L. 4132-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 21 juillet 2009, antérieure à celle issue de la loi du 10 août 2011, selon laquelle siège à la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins avec voix consultative le médecin inspecteur régional de santé publique ou son représentant, sans que soit prévue une exception dans le cas où la plainte émane d’un médecin-conseil chef de service de l’échelon local du contrôle médical ou d’une caisse primaire d’assurance maladie, méconnaît les principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions garantis par la Constitution ; que cette disposition est applicable au litige ; qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen énoncé ci-dessus soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1 : La question de la conformité à la Constitution du 1° de l’article L. 4132-9 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de la loi du 21 juillet 2009, antérieure à celle résultant de la loi du 10 août 2011, est transmise au Conseil d’Etat.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête du Dr G jusqu’à réception de la décision du Conseil d’Etat ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr Corinne G, au conseil départemental de la Haute-Garonne, à la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne, au médecin-conseil chef de l’échelon local du service médical de la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne, à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aude, au médecin-conseil chef de l’échelon local du service médical de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aude, à la chambre disciplinaire de première instance de Midi-Pyrénées, au ministre chargé de la santé, au premier ministre, au Conseil d’Etat.

Ainsi fait et délibéré par : Mme Roul, conseiller d’Etat, président ; MM. les Drs Cerruti, Deseur, Ducrohet, Kennel, Marchi, membres.

Le conseiller d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale

Anne-Françoise Roul
Le greffier en chef


Isabelle Levard

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Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 2 novembre 2011, n° 1125