Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 14 novembre 2014, n° 12350

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Résumé de la juridiction

Plainte contre un praticien déjà condamné à un mois d’interdiction d’exercice notamment pour avoir fait état de sa qualité de psychiatre, à une date à laquelle cette qualification ne lui avait pas été reconnue, sur un rapport d’expertise établi à la suite d’une réquisition par un officier de police judiciaire pour procéder à un examen psychiatrique. Nouvelle plainte qui repose en réalité sur la même mention figurant sur un même document unique. Dès lors, la décision attaquée ne pouvait, sans méconnaître la règle qui interdit de prononcer deux sanctions pour les mêmes faits, se fonder sur les mentions figurant sur la même expertise pour infliger une nouvelle sanction. Annulation de la décision en tant qu’elle retient l’utilisation abusive de la qualité de psychiatre sur un rapport d’expertise.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 14 nov. 2014, n° 12350
Numéro(s) : 12350
Dispositif : Rejet de la plainte Annulation Annulation partielle

Texte intégral

N° 12350 _______________
Dr Franck M _______________
Audience du 21 octobre 2014
Décision rendue publique par affichage le 14 novembre 2014
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins le 12 mai 2014, la requête présentée pour le Dr Franck M, qualifié spécialiste en psychiatrie, praticien attaché au centre hospitalier de Meaux ; le Dr M demande à la chambre :
1°) l’annulation des articles 1er et 2 de la décision n° C.2013-3359, en date du 11 avril 2014, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, statuant sur la plainte du conseil départemental de l’ordre des médecins de Seine-et-Marne, dont le siège est 11, boulevard de l’Almont à Melun (77000), lui a infligé la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant deux mois ;
2°) le rejet de la plainte du conseil départemental de Seine-et-Marne ;
3°) la condamnation du conseil départemental de Seine-et-Marne à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Le Dr M soutient que la décision ne porte pas la signature du président de la juridiction ; que la décision a été rendue en méconnaissance des droits de la défense ; que le renvoi de l’affaire avait été sollicité dès lors qu’une pièce essentielle, à savoir le rapport du Dr Stéphane S, ne lui avait été adressée que le jour de la clôture de l’instruction ; que les juges de première instance n’ont pas répondu au moyen tiré de la violation du contradictoire ; que la règle « non bis in idem » a été méconnue dès lors qu’il a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits ; que c’est à l’occasion de la plainte de M. V… D… D… qu’il lui a été reproché d’avoir fait usage de la qualité de psychiatre ; que ce fait a été sanctionné d’une interdiction d’exercice d’un mois ; qu’au fond, en répondant aux 10 questions posées par la réquisition judiciaire qui lui avait été remise, il n’a pas excédé sa mission ; qu’il a bénéficié rétroactivement à la date du 15 janvier 2012 de la qualité de psychiatre ; que, dès lors qu’il était requis sur le fondement de l’article 77-1 du code de procédure pénale, il ne pouvait se récuser ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 13 août 2014, le mémoire présenté par M. V… D… D…, qui conclut au rejet de la requête et produit copie de l’arrêt de la cour d’appel de Paris, en date du 16 juin 2014 ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 17 octobre 2014, le mémoire présenté pour le Dr M, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ;

Le Dr M soutient, en outre, qu’il est titulaire depuis 2007 du diplôme interuniversitaire (DIU) de « psychiatrie pour les assistants généralistes en psychiatrie » et, depuis 2011, de la capacité de « pratiques médico-judiciaires » ; que, fort de 11 ans d’expérience en psychiatrie, notamment au centre hospitalier de Meaux, il a demandé la reconnaissance de sa spécialisation en psychiatrie, avec l’appui de son chef de service, le Dr Vincent A ; que le conseil départemental de Seine-et-Marne a rejeté cette demande le 15 janvier 2012 mais que, par une décision du 22 juin 2012, le conseil national a annulé la décision de rejet du conseil départemental et l’a autorisé à faire état de la qualité de « médecin qualifié spécialiste en psychiatrie » ; que, le 22 février 2012, il a été requis par un officier de police judicaire de la gendarmerie de La Ferté-sous-Jouarre afin de procéder à l’examen psychiatrique de M. V… D… D…, placé en garde à vue pour des faits d’agression sexuelle sur mineure ; que ne pouvant se récuser, il a réalisé l’examen psychiatrique ; que M. V… D… D… a déposé une plainte contre lui en faisant état de ce qu’il se prévaudrait indûment de la qualification de psychiatre ; que le conseil départemental de Seine-et-Marne s’est joint à cette plainte ; que c’est le jour même de la clôture de l’instruction devant la chambre disciplinaire de première instance que son conseil a reçu copie du rapport de l’expertise psychiatrique de M. V… D… D… réalisée par le Dr S ; que sa demande de renvoi a été rejetée ; que la décision attaquée a été rendue en violation de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors qu’elle se fonde en partie sur une pièce qui n’a pas été communiquée et n’a pas été débattue contradictoirement ; que, subsidiairement, la décision méconnaît la règle « non bis in idem » ; que le même fait, à savoir pour lui de s’être prévalu de la qualification de « psychiatre » a été sanctionné par une autre décision de la chambre disciplinaire de première instance ; qu’il n’a été produit qu’un seul « rapport » portant cette mention, celui qui concerne M. V… D… D… ; qu’il n’a pas violé l’article R. 4127-79 du code de la santé publique qui ne concerne que les « feuilles d’ordonnance » ; que, s’il est d’usage d’assimiler aux « feuilles d’ordonnance » tous les documents professionnels, cet usage n’a pas été codifié de sorte qu’il n’existe aucune règle précise à laquelle se référer ; qu’eu égard au caractère rétroactif de la décision du conseil national du 22 juin 2012, il possédait effectivement la qualification de psychiatre lorsqu’il a déposé son rapport concernant M. V… D… D… ; qu’il n’a commis aucune violation des articles R. 4127-106 et -108 du code de la santé publique lors de l’examen de M. V… D… D… ; que, requis en application de l’article 77-1 du code de procédure pénale, il était tenu de déférer à cette réquisition ; qu’il n’a pas excédé les limites de sa mission en répondant aux questions qui lui étaient posées et auxquelles il ne pouvait se borner à répondre par oui ou par non ; qu’il s’est borné à faire état dans son rapport des actes que M. V… D… D… avait avoués aux enquêteurs et n’a évoqué des pulsions que dans le but d’apporter aux faits un éclairage clinique ; que l’arrêt de la cour d’appel ne relaxe M. V… D… D… qu’au bénéfice du doute ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, notamment le I de son article 75 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 octobre 2014 :

 – Le rapport du Dr Faroudja ;

 – Les observations de Me Beaufils pour le Dr M et celui-ci en ses explications ;

 – Les observations du Dr Garat pour le conseil départemental de Seine-et-Marne ;

Le Dr M ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, 1. Considérant que, pour infliger au Dr M, par les articles 1er et 2 de la décision attaquée, la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant deux mois, la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, faisant droit à la plainte du conseil départemental de Seine-et-Marne, s’est fondée, d’une part, sur ce que ce médecin s’était prévalu, dans le rapport d’expertise qu’il avait rédigé au sujet de M. V… D… D…, de la qualification de psychiatre qu’il ne possédait pas, d’autre part, sur ce qu’il avait, dans la rédaction même de ce rapport, excédé les limites de sa mission et porté des appréciations non conformes aux données acquises de la science ;

Sur la régularité de la procédure suivie devant la chambre disciplinaire de première instance :

2. Considérant que, si le greffe de la chambre disciplinaire de première instance n’a communiqué au conseil du Dr M que le 7 février 2014 une pièce produite par la partie adverse, le refus du président de la chambre de renvoyer à une date ultérieure l’audience prévue le 10 février n’a pas entaché la régularité de la procédure suivie dès lors que la chambre n’a pas tenu compte de cette pièce tardivement produite pour prendre sa décision ;

Sur le grief tiré de l’utilisation par le Dr M de la qualité de psychiatre :

3. Considérant que, par une décision du 2 avril 2013, la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France a prononcé contre le Dr M la sanction d’un mois d’interdiction d’exercice notamment pour avoir fait état de sa qualité de psychiatre à une date à laquelle cette qualification ne lui avait pas été reconnue ; que cette sanction, bien que se référant à « des documents » rédigés par le Dr M reposait en réalité sur une mention d’un unique document, le rapport d’expertise établi le 22 février 2012 par le Dr M à la suite de sa réquisition par un officier de police judiciaire pour procéder à l’examen psychiatrique de M. V… D… D… ; que la décision attaquée ne pouvait, dès lors, sans méconnaître la règle qui interdit de prononcer deux sanctions pour les mêmes faits, se fonder sur les mentions de ce même document pour infliger une nouvelle sanction au Dr M ; que l’annulation par une décision de ce jour de la décision du 2 avril 2013 de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France ne fait pas disparaître le vice qui entache sur ce point la décision présentement contestée ; qu’il n’y a pas lieu pour la chambre disciplinaire nationale qui s’est elle-même prononcée sur ce grief par la décision susmentionnée de l’examiner à nouveau ;


Sur les griefs relatifs au contenu du rapport d’expertise du Dr M :

4. Considérant que, le 22 février 2012, le Dr M a été requis par un officier de police judiciaire en résidence à La Ferté-sous-Jouarre, en application de l’article 77-1 du code de procédure pénale, afin de procéder à l’examen psychiatrique de M. V… D… D…, placé en garde à vue pour des faits d’agression sexuelle sur mineure ; que cette réquisition, à laquelle le Dr M était tenu de déférer sous peine d’amende, comportait 10 questions auxquelles était ajoutée la possibilité de « faire toutes remarques utiles » ; que la réquisition précisait qu’un « rapport détaillé » devait être remis par le médecin à l’officier de police judiciaire à l’issue de son examen ;

5. Considérant que ni le fait pour le Dr M d’avoir fait référence dans son rapport à des dires de la personne qu’il était chargé d’examiner sur le plan psychique, ni celui d’avoir répondu en 14 points aux questions figurant dans la réquisition et auxquelles il ne pouvait se borner à répondre de façon brève, positive ou négative, ne suffisent à établir qu’il aurait excédé les limites de sa mission, en violation des prescriptions de l’article R. 4127-108 du code de la santé publique  ; que, dans le cadre d’un examen psychiatrique, la référence à une « déviance non fixée » et à une « dangerosité moyenne » et l’appréciation de la gravité de certaines « transgressions » ne sont pas constitutives d’une méconnaissance des données acquises de la science ; qu’ainsi, le contenu du rapport d’expertise établi par le Dr M ne révèle de sa part aucun manquement aux règles déontologiques ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le Dr M est fondé à demander l’annulation de la sanction prononcée à son encontre ;

7. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y lieu de mettre à la charge du conseil départemental de Seine-et-Marne le versement au Dr M de la somme de 2.500 euros au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 de la décision du 11 avril 2014 de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France sont annulés.

Article 2 : La plainte du conseil départemental de Seine-et-Marne contre le Dr M est rejetée.

Article 3 : Le conseil départemental de Seine-et-Marne versera au Dr M la somme de 2.500 euros au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr Franck M, au conseil départemental de l’ordre des médecins de Seine-et-Marne, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, au préfet de Seine-et-Marne, au directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Meaux, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé.

Article 5 : M. Frédéric V… D… D… recevra copie, pour information, de la présente décision.

Ainsi fait et délibéré par : Mme Aubin, président de section honoraire au Conseil d’Etat, président ; Mme le Dr Parrenin, MM. les Drs Blanc, Cerruti, Faroudja, Kennel membres.

Le président de section honoraire au Conseil d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins Marie-Eve Aubin
Le greffier en chef
François-Patrice Battais

La République mande et ordonne au ministre de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 14 novembre 2014, n° 12350