Conseil national de l'ordre des médecins, 28 décembre 2017, n° 2016-4695

  • Ordre des médecins·
  • Santé publique·
  • Laser·
  • Médecine·
  • Conseil·
  • Publicité·
  • Site internet·
  • Sociétés·
  • Déontologie·
  • Internet

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CNOM, 28 déc. 2017, n° 2016-4695
Numéro(s) : 2016-4695

Sur les parties

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE DE PREMIÈRE INSTANCE D’ÎLE-DE-FRANCE

DE L’ORDRE DES MÉDECINS

[…]

N° C.2016-4695

Dr E X

c/ Dr F Y

CD 78- N° 12762

Audience du 10 octobre 2017

Décision rendue publique par affichage le 28 décembre 2017

LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE DE PREMIERE INSTANCE,

Vu, enregistrés au greffe de la chambre disciplinaire le 3 octobre 2016, sous le n° C.2016-4695, la plainte, en date du 4 juillet 2016, présentée par Me Joly, avocat, pour le Dr E X, exerçant […], […] transmise, sans s’y associer, par le conseil départemental des Yvelines de l’Ordre des médecins et le procès-verbal de la séance du 14 septembre 2016 dudit conseil ; le Dr X demande à la chambre de prononcer une sanction à l’encontre du Dr F Y, qualifiée en médecine générale, domiciliée […], 78860 Saint-Nom-la-Bretèche ;

Le Dr X reproche au Dr Y d’exercer en réalité son activité dans les locaux de la SAS Epilium à Paris sans que cette activité ait été déclarée au conseil départemental de l’Ordre; cette société est une société commerciale qui se livre à de la publicité sur son site internet ou sa page Facebook, publicité qui bénéficie directement au

Dr Y; les actes d’épilation au laser y sont en fait exécutés par des techniciens qui orientent la clientèle vers le Dr Y et les honoraires correspondants sont perçus par la société commerciale; le Dr Y qui a aliéné son indépendance professionnelle s’est ainsi rendue coupable de compérage et de complicité d’exercice illégal de la médecine; ce praticien a donc contrevenu aux règles posées par les articles R. 4127-3, 5, 19, 23, 25, 30 à 32, 83, 85, et 111 du code de la santé publique ;

Vu, enregistré au greffe de la chambre disciplinaire le 5 décembre 2016, le mémoire en défense présenté pour le Dr Y par Me Lacoeuilhe, avocat ; le Dr Y demande le rejet de la plainte aux motifs que si elle a exercé en effet une activité au sein des centres

d’épilation laser gérés par la société Epilium, elle ne l’a fait que deux jours par semaine et en qualité de médecin salariée de cet établissement; qu’elle y a dispensé ses soins en toute indépendance et que les griefs qui lui sont faits par le Dr X sont inexistants et ne concernent que la société Epilium; que le seul reproche qui peut lui être fait est en effet d’avoir négligé de déclarer cette activité secondaire auprès du conseil départemental de la ville de Paris de l’Ordre des médecins et de lui avoir transmis son contrat la liant à la société

Epilium;

Dr X c/ Dr Y-C.2016-4695 1/5



Vu, enregistré au greffe de la chambre disciplinaire le 8 septembre 2017, le nouveau mémoire en défense présenté pour le Dr Y, par Me K-L, avocat, qui expose que contrairement à ce qui avait été dit dans le précédent mémoire le Dr Y exerçait bien deux jours par semaine au centre Epilium mais à titre libéral et en toute indépendance dans le cadre d’un contrat de partenariat conclu avec la société dont les termes ont été avalisés par le conseil départemental de l’Ordre en août 2016 ; que le seul grief qui demeure pouvoir lui être fait est donc d’avoir tardé à régulariser sa situation auprès du conseil départemental de la ville de Paris de l’Ordre des médecins; la requête du Dr X s’inscrivant dans le contexte d’un acharnement de ce praticien envers les structures qui pratiquent les mêmes activités que les siennes, le Dr Y demande en outre la condamnation du plaignant à lui verser une indemnité de 1000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 3000 € en application des dispositions de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991;

Vu, enregistré au greffe de la chambre disciplinaire le 13 septembre 2017, le mémoire en réplique présenté pour le Dr X, par Me Joly, avocat, qui confirme ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et demande en outre la condamnation du Dr Y à lui verser la somme de 4000 € en application des dispositions de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991;

Vu, enregistré au greffe de la chambre disciplinaire le 27 septembre 2017, le mémoire en duplique présenté pour le Dr Y, par Me K-L, qui confirme ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et en outre que les pièces fournies à l’appui de ses affirmations par le Dr X ne sont pas probantes ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la clôture de l’instruction fixée au 27 septembre 2017 à midi ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, notamment son article 75;

Les membres de la chambre disciplinaire appelés à siéger avec voix consultative ayant été dûment convoqués ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 10 octobre 2017 :

- Le rapport du Dr G H;

- Les observations de Me Joly pour le Dr X et celui-ci en ses explications ;

- Les observations de Me Boudet pour le Dr Y et celle-ci en ses explications;

Le Dr Y ayant été invitée à reprendre la parole en dernier ;

Dr X c/ Dr Y-C.2016-4695 2/5



Vu, enregistré au greffe de la chambre disciplinaire le 12 décembre 2017, la note en délibéré présentée par Me Joly pour le Dr E X;

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ,

Sur la plainte :

1- Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article R. 4127-19 du code de la santé publique : « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité… » ; qu’aux termes des dispositions de l’article R. 4127-25 du même code : « Il est interdit aux médecins de dispenser des consultations, prescriptions ou avis médicaux dans des locaux commerciaux… » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et n’est au demeurant pas sérieusement contesté que le Dr Y exerçait deux jours par semaine dans le centre d’épilation géré par la société Epilium sis […] à Paris (8ème); que la société Epilium est une société commerciale qui gère également un autre centre de même nature rue I J dans le 1er arrondissement de Paris; qu’elle publie sur ses sites internet et « Facebook » de nombreux encarts publicitaires vantant ses procédés d’épilation au laser; que, de son propre aveu, les patientes que recevait le Dr Y n’étaient pas ses propres patientes mais les clientes qui s’étaient présentées au centre de la rue Lincoln, souvent après avoir consulté les sites internet sur lesquels Epilium faisait sa publicité ; qu’il est ainsi constant que le Dr Y exerçait son art dans le local commercial de la société Epilium au bénéfice des clientes de cette société et profitait dès lors des effets de la publicité effectuée par cette dernière ; qu’il suit de là qu’elle n’a pas respecté les prescriptions sus-rappelées des articles R. 4127-19 et 25 du code de la santé publique ;

2- Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article R. 4127-30 du code de la santé publique : « Est interdite toute facilité accordée à quiconque se livre à l’exercice illégal de la médecine. » ; qu’aux termes des dispositions de l’article R. 4127-20 dudit code : « Le médecin doit veiller à l’usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations… »;

Considérant qu’il est établi et pas davantage sérieusement contesté que dans les centres gérés par la société Epilium, des séances d’épilation au laser étaient pratiquées par des personnes qui n’avaient pas la qualité de médecins alors que la réalisation de tels actes est réservée par la règlementation en vigueur aux seuls médecins ; que si le Dr Y soutient qu’elle pratiquait elle-même les actes d’épilation sur les patientes qui lui étaient adressées et ignorait ce qui se pratiquait par ailleurs, il ressort des énonciations figurant sur le site internet

d’Epilium que les actes d’épilation au laser étaient supervisés par des médecins; que d’ailleurs des devis préétablis à son nom mentionnaient que les actes d’épilation ne seraient pas réalisés par un médecin ; que le Dr Y ne saurait utilement invoquer le fait que ces devis auraient en fait été utilisés à son insu par un autre praticien ou par des assistantes présents ces jours- là pour s’exonérer de toute responsabilité ; qu’ainsi elle ne pouvait ignorer les agissements qui avaient cours dans le centre Lincoln et a, au moins tacitement, couvert les actes d’épilation au laser pratiqués par des esthéticiennes non habilitées à le faire ; que le Dr Y a dès lors effectivement contrevenu aux dispositions précitées de l’article R. 4127-30 du code de la santé publique ;

3- Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article R. 4127-83 du code de la santé publique : « Conformément à l’article L. 4113-9, l’exercice de la médecine, sous quelque forme que ce soit, au sein d’une entreprise, d’une collectivité ou d’une institution

Dr X c/ Dr Y-C.2016-4695 3/5


ressortissant au droit privé doit, dans tous les cas, faire l’objet d’un contrat écrit… Toute convention avec un des organismes prévu au premier alinéa, en vue de l’exercice de la médecine, doit être communiqué au conseil départemental intéressé… celui-ci vérifie sa conformité avec les prescriptions du présent code de déontologie… » ; qu’aux termes des dispositions de l’article R. 4127-85 de ce code : « Le lieu habituel d’exercice d’un médecin est celui de la résidence professionnelle au titre de laquelle il est inscrit sur le tableau du conseil départemental… un médecin peut exercer son activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle… la demande d’ouverture d’un lieu d’exercice distinct est adressée au conseil départemental dans le ressort duquel se situe l’activité envisagée… le conseil départemental au tableau duquel le médecin est inscrit est informé de la demande lorsque celle-ci concerne un site situé dans un autre département… » ; qu’enfin aux termes des dispositions de l’article R. 4127-111 du code de la santé publique : « Tout médecin qui modifie ses conditions d’exercice ou cesse d’exercer est tenu d’en avertir le conseil départemental. » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le Dr Y est inscrite depuis 1978 au tableau des praticiens du conseil départemental des Yvelines de l’Ordre des médecins ; que lorsqu’elle a commencé, vraisemblablement en 2010, sa collaboration avec le centre Epilium à Paris, elle n’en a informé ni le conseil départemental des Yvelines ni celui de la ville de Paris ; que le premier document attestant de cette collaboration est le contrat de partenariat du 1er septembre 2013 qui n’a été transmis au conseil départemental de l’Ordre qu’en août 2016; qu’ainsi le Dr Y n’a pas respecté les règles posées par les articles R. 4127-83, 85 et 111 du code de la santé publique ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le Dr Y a fait preuve d’un comportement systématiquement contraire à la déontologie médicale et de nature à déconsidérer la profession ce qui est prohibé par l’article R. 4127-31 du code de la santé publique ;

Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des fautes commises par le

Dr Y en prononçant à son encontre la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant une durée de un an dont six mois avec sursis ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique :

Considérant qu’aux termes de cet article: «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du Dr Y le versement au Dr X de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens;

Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge du Dr X, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le Dr Y demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens;

Dr X c/ Dr Y-C.2016-4695 4/5


[…]

Sur la demande de versement d’une indemnité pour procédure abusive :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le Dr X à verser au Dr Y une indemnité pour procédure abusive;

PAR CES MOTIFS,

DECIDE

Article 1er : La sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pour une durée de un an dont six mois avec sursis est prononcée à l’encontre du Dr F Y.

Article 2 : La sanction objet du précédent article, pour la part non assortie du sursis, prendra effet à compter du 3 avril 2018 à 0 heure, si à cette date la présente décision est devenue définitive, et cessera de produire effet le 2 octobre 2018 à minuit.

Article 3: Les conclusions des parties tendant à l’application des dispositions de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique sont rejetées.

Article 4 Les conclusions du Dr Y tendant à la condamnation du Dr X à lui verser une indemnité pour procédure abusive sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au Dr X, à Me Joly, au Dr Y, à

Me K-L, au conseil départemental de l’Ordre des médecins des Yvelines, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles, au préfet des Yvelines, au conseil national de l’Ordre des médecins, au directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France et à la ministre des solidarités et de la santé.

Ainsi fait et délibéré par : M. P-Q, président; MM. les docteurs Boillot, B, G-H, C, D et Mme le docteur M-N, membres titulaires.

Le président suppléant de la chambre disciplinaire

O P-Q

Le greffier en chef Copie certifiée conforme collationnée par nos soins le greffier en chef Marion FARGE de la chambre disciplinaire

Dr X c/ Dr Y-C.2016-4695 5/5

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil national de l'ordre des médecins, 28 décembre 2017, n° 2016-4695