Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 27 mars 2018, n° 13353

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le fait que le Conseil national ait confirmé son appel, formé à titre conservatoire (par le PV de la délibération du 15 décembre 2016 du CNOM) après l’expiration du délai de 30 jours fixé par l’article R. 4126-44 du CSP, est sans influence sur la recevabilité de la requête, dans la mesure ou cet appel formé par le président du conseil national a été enregistré au greffe de la chambre disciplinaire nationale le 19 octobre 2016, donc dans le délai.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 27 mars 2018, n° 13353
Numéro(s) : 13353
Dispositif : Annulation Interdiction temporaire d'exercer

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS cedex 17
N° 13353
Dr Patrick A
Audience du 14 février 2018
Décision rendue publique par affichage le 27 mars 2018
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS,
Vu, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale le 19 octobre 2016, la requête présentée par le conseil national de l’ordre des médecins dont le siège est 4, rue Léon Jost à Paris cedex 17 (75855), représenté par son président en exercice à ce dûment autorisé par une délibération du 15 décembre 2016 et tendant à l’annulation de la décision n° 5430, en date du 23 septembre 2016, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse de l’ordre des médecins a rejeté la plainte de M. Christophe B dirigée contre le Dr Patrick A, transmise par le conseil départemental du Var de l’ordre des médecins qui s’y était associé, et à ce qu’une sanction soit prononcée contre ce médecin ;
Le conseil national soutient que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, les explications du Dr A relatives à l’examen qu’il a pratiqué sur M. B ne sont pas crédibles ; qu’il n’y avait aucune justification médicale aux actes de palpation sans gants des orifices herniaires et des testicules qu’il a pratiqués alors que le patient venait consulter pour une pathologie à l’œil ; qu’en outre, ce médecin a manqué à son devoir d’information du patient sur les actes qu’il s’apprêtait à entreprendre ; que ce comportement est constitutif d’une violation des dispositions des articles R. 4127-2, R. 4127-3, R. 4127-31 et R. 4127-35 du code de la santé publique ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 9 novembre 2016, le mémoire présenté pour M. Christophe B ; il demande que la décision de première instance soit réformée et que le Dr
A soit sanctionné ; M. B soutient que le Dr A a pratiqué sur sa personne un examen relevant de compétences étrangères à celles pour lesquelles il l’avait consulté ; que les informations relatives à cet examen ne lui ont pas été données et que son consentement n’a pas été recueilli ; que cette consultation a eu lieu dans des conditions peu respectueuses de la dignité humaine, notamment en ce que le médecin lui a demandé de se dévêtir entièrement dans sa salle d’attente, où il a pris des photos et palpé ses parties intimes ; que le Dr A a tenu des propos désobligeants à son égard ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 19 décembre 2016, le mémoire présenté pour le Dr Patrick A, qualifié spécialiste en ophtalmologie et titulaire d’une capacité en médecine aérospatiale ; il conclut au rejet de la requête ;
Le Dr A soutient que M. B est venu le consulter le 18 juin 2015 en raison de la présence d’un corps étranger dans l’œil droit ; qu’à cette occasion il a constaté un déficit visuel de ce patient relatif à son œil gauche ; que, grâce à son expérience passée de médecin des armées, il a suspecté que ce déficit pouvait être lié à un problème orthopédique avec trouble de la statique corporelle ; qu’il a proposé à M. B de se déshabiller en vue de CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS cedex 17 mesurer une éventuelle inégalité des membres inférieurs ; qu’il a pris quatre photos qu’il lui a montrées aussitôt afin de bien lui faire comprendre la nature de son anomalie consistant en une différence de 2 centimètres entre ses deux membres inférieurs ; qu’il lui a conseillé de voir un spécialiste pour corriger ce problème ; que, constatant enfin un scrotum très distendu, le Dr A, suspectant une hernie inguinale, a procédé à une palpation des deux orifices herniaires et des testicules sans déceler d’anomalies ; que M. B qui n’a émis aucune protestation au cours de cet examen semblait en avoir compris l’objet ; que M. B ayant engagé une procédure pénale, l’affaire a été classée sans suite après que le Dr A a été placé en garde à vue et subi un long interrogatoire ; que devant un patient qui lui indiquait ne jamais consulter de médecin, le Dr A a estimé de son devoir de l’examiner au-delà du problème ophtalmique pour lequel il avait pris rendez-vous afin de prévenir une aggravation du problème de statique corporelle qui apparaissait de manière manifeste ; que les photos litigieuses ont été prises dans un but exclusivement pédagogique ; que les palpations contestées étaient justifiées par la suspicion de hernie inguinale ; que le fait qu’elles ont été effectuées sans gants ne peut être qualifié de faute médicale ou déontologique dans la mesure où il s’agissait de parties externes et non infectées du corps ; que le Dr A estimait que son patient avait parfaitement compris l’objet de ces actes et qu’il a exprimé à plusieurs reprises son regret qu’un malentendu ait pu naître ; qu’il n’a tenu aucun propos déplacé et n’a eu aucun geste ou attitude contraire à la dignité ; que le Dr A exerce depuis trente ans et n’a connu aucun incident dans ses relations avec ses patients ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 13 mars 2017, le mémoire présenté pour M. B qui reprend les conclusions et les moyens de son mémoire précédent ; M. B soutient, en outre, qu’il était manifeste qu’il ne comprenait pas la tournure prise par la consultation qui était initialement prévue pour un strict problème ophtalmologique et que, dans ces conditions, le Dr A aurait dû donner des explications beaucoup plus claires sur les actes qu’il s’apprêtait à entreprendre ; que le Dr A n’apporte aucune explication crédible du fait qu’il a réalisé des photos de son client dénudé dans la salle d’attente de son cabinet ; que cette situation portait atteinte à la dignité de M. B ; que lors de l’enquête pénale, il a été constaté une hygiène très défaillante des locaux du cabinet du Dr A ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 13 mars 2017, le nouveau mémoire présenté pour le Dr A qui reprend les conclusions et les moyens de son mémoire précédent ;
Le Dr A soutient, en outre, que la délibération du 15 décembre 2016 par laquelle le conseil national de l’ordre des médecins a formé appel de la décision du 23 septembre 2016 de la chambre disciplinaire de première instance ne précise pas le nombre de personnes ayant pris part au vote ni le résultat du vote ; qu’elle est, par suite, illégale ; que cette délibération entérinant l’appel conservatoire formé par le président du conseil national de l’ordre ne pouvait légalement intervenir plus d’un mois après l’appel conservatoire ;
qu’elle est intervenue plus de deux mois après et était par suite tardive ; que l’appel formé le 30 novembre 2016 par M. B est également tardif ; que les actes entrepris par le Dr A étaient tous médicalement justifiés comme le prouve le classement sans suite de la plainte pénale déposée par M. B ; que ce dossier ne traduit qu’un regrettable malentendu entre ce patient et son médecin ; que ne peut être exigée la preuve du recueil du consentement du patient dans le cadre d’un examen en temps réel ; que l’attitude générale du patient et son absence totale de protestation montraient qu’il consentait aux actes entrepris par son médecin ; que l’absence d’urgence n’interdisait pas au Dr A de porter un diagnostic sur un problème de santé manifeste chez son client et de donner à celui-ci le conseil de consulter un spécialiste en vue de prévenir une aggravation de cette affection ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 février 2018, présentée pour le Dr A ;

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Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu l’ordonnance de non publicité de l’audience établie par le président de la chambre disciplinaire nationale le 8 janvier 2018 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience non publique du 14 février 2018, les parties ayant été averties du changement intervenu dans la composition de la formation de jugement dont elles avaient été informées :
- le rapport du Dr Fillol ;
- les observations du Dr Faroudja pour le conseil national de l’ordre des médecins ;
- les observations de Me Comte pour le Dr A et celui-ci en ses explications ;
Le Dr A ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;
APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sur les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par le Dr A :
1. Considérant que, dans une note en délibéré, le Dr A excipe de l’inconstitutionnalité de l’article L. 4122-3 du code de la santé publique en tant, d’une part, qu’il permet au conseil national de faire appel devant la Chambre disciplinaire nationale d’une décision d’une chambre disciplinaire de première instance et en tant, d’autre part, qu’il autorise le conseil à régulariser après l’expiration du délai d’appel de 30 jours un appel présenté à titre conservatoire par son président ;
2. Considérant que le Dr A était en mesure de formuler avant la clôture de l’instruction ces questions prioritaires de constitutionnalité qui ne présentent d’ailleurs aucun caractère sérieux au sens de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 justifiant leur transmission au Conseil d’Etat ; qu’il n’y a, dès lors, pas lieu de rouvrir l’instruction pour les soumettre au débat contradictoire ;

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Sur la recevabilité de l’appel du conseil national de l’ordre des médecins :
3. Considérant que le moyen tiré de ce que le procès-verbal de la délibération du 15 décembre 2016 du conseil national de l’ordre des médecins confirmant l’appel formé à titre conservatoire par son président de la décision de la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse, rejetant la plainte de M. B contre le Dr A, ne mentionnerait pas le nombre des membres ayant pris part au vote manque en fait ; que l’appel formé à titre conservatoire par le président du conseil national a été enregistré au greffe de la chambre disciplinaire nationale le 19 octobre 2016 soit dans le délai d’appel de 30 jours fixé par l’article R. 4126-44 du code de la santé publique ; que la circonstance que la délibération du 15 décembre 2016 a été prise après l’expiration de ce délai est sans influence sur la recevabilité de la requête ;
Sur la recevabilité des conclusions de M. B :
4. Considérant que la décision du 23 septembre 2016 de la chambre disciplinaire de première instance a été notifiée à M. B le 24 septembre 2016 ; que son mémoire a été enregistré au greffe de la chambre disciplinaire nationale le 9 novembre 2016 soit après l’expiration du délai d’appel ; que ses conclusions tendant à l’annulation de la décision de la chambre disciplinaire de première instance sont, par suite, irrecevables ;
Sur les faits reprochés au Dr A :
5. Considérant que le Dr A, ophtalmologiste, a reçu en urgence à son cabinet, le 18 juin 2015, M. Christophe B qui souffrait de la présence d’un corps étranger dans l’oeil droit ; qu’il a retiré ce corps étranger, instillé un collyre et appliqué une pommade cicatrisante ; qu’à l’issue de la consultation, M. B qui ne disposait pas de moyens de paiement pour la régler, a quitté le cabinet pour se procurer des espèces à un distributeur ; qu’à son retour, le
Dr A, suspectant que le déficit visuel à gauche qu’il avait constaté chez ce patient pouvait provenir d’un problème de statique corporelle défectueuse, a pris l’initiative de poursuivre son examen ; qu’au lieu de se borner à conseiller à M. B de consulter un spécialiste, il a entrepris d’effectuer lui-même certaines investigations ; qu’il a demandé au patient de se dévêtir complétement afin de mesurer ses membres inférieurs, puis, prétextant l’exiguïté de son cabinet, s’est rendu avec lui dans sa salle d’attente pour prendre des photos ; qu’enfin il lui a palpé les bourses et a exploré ses orifices inguinaux ;
6. Considérant que, quelles que soient les compétences du Dr A en ce qui concerne les troubles visuels en lien avec des problèmes de statique corporelle en sa qualité d’ancien médecin militaire chargé en particulier de vérifier l’aptitude du personnel navigant, son comportement à l’égard de M. B, même non inspiré par des mobiles malsains et non punissable pénalement, a été inconvenant et contraire au principe de respect de la dignité humaine qui s’impose au médecin en toute circonstance ; qu’en ne prévenant pas M. B de la nature des investigations qu’il allait entreprendre et en ne sollicitant pas son accord sur des explorations manifestement étrangères au motif de la consultation, il a également méconnu les dispositions de l’article R. 4127-35 du code de la santé publique ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le conseil national de l’ordre des médecins est fondé à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée, la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse a rejeté la plainte de M. B ; qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en infligeant au
Dr A une interdiction d’exercer la médecine pendant un mois ;

4 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS cedex 17
PAR CES MOTIFS,
DECIDE:
Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire de première instance de ProvenceAlpes-Côte-d’Azur-Corse, en date du 23 septembre 2016, est annulée.
Article 2 : Une interdiction d’exercer la médecine pendant un mois est infligée au Dr Patrick
A. Cette interdiction prendra effet le 1er septembre 2018 et cessera d’avoir effet le 30 septembre 2018 à minuit.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr Patrick A, à M. Christophe B, au conseil départemental du Var de l’ordre des médecins, à la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d’Azur-Corse, au préfet du Var, au directeur général de l’agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d’Azur, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulon, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé et à tous les conseils départementaux.

Ainsi fait et délibéré par : Mme Aubin, président de section honoraire au Conseil d’Etat, président ; Mme le Dr Kahn-Bensaude, MM. les Drs Ducrohet, Emmery, Fillol, membres.

Le président de section honoraire au Conseil d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins
Marie-Eve Aubin
Le greffier en chef
François-Patrice Battais
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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  1. Code de la santé publique
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