Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 14 février 2019, n° 13432

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Résumé de la juridiction

La chambre disciplinaire de première instance, qui ne s’est pas prononcée sur le grief invoqué tant dans la plainte que lors des mémoires produits devant les premiers juges, tiré de l’existence d’un manquement déontologique du praticien à son obligation de ne pas s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille et dans la vie privée de ses patients, n’a pas suffisamment motivé sa décision qui doit être annulée.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 14 févr. 2019, n° 13432
Numéro(s) : 13432
Dispositif : Annulation Interdiction temporaire d'exercer

Sur les parties

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS Cedex 17
No 13432 ___________________
Dr A ___________________
Audience du 13 décembre 2018
Décision rendue publique par affichage le 14 février 2019
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS,
Vu, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France de l’ordre des médecins le 5 janvier 2017 et au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins le 6 janvier 2017, la requête présentée par M. B ; M. B demande à la chambre disciplinaire nationale d’annuler la décision n°C.2015-4201, en date du 13 décembre 2016, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France de l’ordre des médecins, saisie de la plainte, transmise par le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’ordre des médecins, sans s’y associer, qu’il avait formée contre le Dr A, a infligé à ce praticien la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant 15 jours assortie du sursis ; M. B soutient que les affirmations du Dr A dans ses mémoires de première instance sont mensongères et que son ex-épouse, qui a choisi un nouveau médecin traitant en janvier 2013, n’était plus suivie par le Dr A lorsque celle-ci lui a, les 18 et 20 juin 2013, délivré les certificats litigieux ; que les relevés de la caisse primaire d’assurance maladie concernant son ex-épouse ne font apparaître aucune consultation du Dr A à cette période ; qu’ils ont donc été établis sans que son exépouse ait été examinée par le Dr A, laquelle a ainsi méconnu l’article R. 4127-76 du code de la santé publique qui impose au médecin de se limiter aux constatations qu’il est en mesure de faire ; que ce faisant, le Dr A s’est immiscée dans des affaires de famille en violation de l’article R. 4127-51 du code de la santé publique et que c’est à tort que les premiers juges ont omis de se prononcer sur ce grief et d’en reconnaître le bien-fondé ; que ces deux certificats, même rectifiés, ont eu de très graves conséquences pour lui ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 1er mars 2017, le mémoire présenté pour le
Dr A, qualifiée en médecine générale, tendant au rejet de la requête et à l’annulation de la décision de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France de l’ordre des médecins ;

1 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS Cedex 17
Le Dr A soutient que la chambre disciplinaire nationale n’est pas régulièrement saisie car le courrier de M. B a été adressé à la chambre disciplinaire de première instance ; que M. B ne formule aucune conclusion et se borne à reprendre ses écritures de première instance ; que sa plainte était irrecevable car elle avait fait l’objet d’une conciliation constatée par procès-verbal le 17 décembre 2014 ;
que le motif retenu par la chambre disciplinaire de première instance tiré de la gravité des conséquences de l’établissement des certificats litigieux pour M. B est erroné et doit conduire à l’annulation de la décision ; que les difficultés conjugales et familiales auxquelles a dû faire face M. B ne justifient pas son acharnement et ses propos outrageants à son encontre ; que l’ex-épouse de M. B avait évoqué les violences de celui-ci en 2012 et que les consultations de juin 2013 au cours desquelles ont été établis les certificats litigieux se situent dans un contexte de poursuite de ces violences comme en témoignent un certificat médical du 3 juin 2013 et l’ordonnance de protection rendue le 19 juin 2013 par la vice-présidente du tribunal de grande instance de Bobigny ; que c’est à tort que la chambre disciplinaire de première instance a estimé que les mots « déclare être victime » ne s’appliquaient pas à l’ensemble des faits relatés dans le premier certificat et que si le second certificat omet de préciser que le praticien n’a pas été témoin de l’agression, c’est en raison des circonstances particulièrement stressantes de la consultation ; que les conséquences graves qu’auraient eu ces certificats sur sa séparation et sur son état de santé ne sont pas démontrées par M. B, qui a souscrit à un divorce par consentement mutuel et se trouvait dans une situation familiale conflictuelle pouvant être à l’origine de sa dépression et de la perte de son emploi ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 21 avril 2017, le mémoire présenté par M. B, tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; M. B soutient, en outre, que son appel ayant été enregistré est donc recevable ; que le Dr A a, en établissant ces certificats, également méconnu les articles R. 4127-3 et -31 du code de la santé publique ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 24 juillet 2017, le mémoire présenté pour le
Dr A tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 9 octobre 2017, le mémoire présenté par M. B, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et à ce que les deux certificats litigieux soient déclarés nuls et non avenus ; M. B soutient, en outre, que les accusations très graves d’agression sexuelle sur ses enfants portées ultérieurement par son ex-épouse n’ont pu être un moment crédibles qu’en raison de l’existence des certificats litigieux ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 3 novembre 2017, le mémoire présenté par le Dr A, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu les courriers du 30 octobre 2018 de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins informant les parties de ce qu’est susceptible d’être soulevée d’office l’irrecevabilité, d’une part, des conclusions du Dr A tendant à l’annulation de 2 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS Cedex 17 la sanction prononcée contre elle qui ont enregistrées après le délai d’appel et que l’appel incident n’est pas recevable devant les juridictions disciplinaires et, d’autre part, des conclusions de M. B tendant à ce que les certificats litigieux soient déclarés nuls et non avenus ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 16 novembre 2018, le mémoire présenté pour le Dr A, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen que la question de la recevabilité de l’appel incident ne pourra être soulevée d’office ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 décembre 2018 :
- Le rapport du Dr Fillol ;
- Les observations de M. B ;
- Les observations de Me Kierszenbaum pour le Dr A, absente ;
Me Kierszenbaum ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;
APRES EN AVOIR DELIBERE, 1. Considérant que M. B a porté plainte contre le Dr A pour avoir, les 18 et 20 juin 2013, établi à la demande de Mme B, deux certificats médicaux relatifs à des agissements que celle-ci attribuait à son époux et aux conséquences de ceux-ci pour sa santé ; que par une décision du 13 décembre 2016, la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France de l’ordre des médecins, saisie de cette plainte, transmise par le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’ordre des médecins sans s’y associer, a infligé au Dr A la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant 15 jours assortie du sursis ;
Sur la recevabilité de l’appel de M. B :
2. Considérant qu’il résulte des articles R. 4126-44 et -45 du code de la santé publique que l’appel contre une décision rendue par une chambre disciplinaire de première instance doit être déposé ou adressé par voie postale au greffe de la chambre disciplinaire nationale dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision ; que la circonstance que l’appel a été introduit devant la juridiction ordinale dont émane la décision contestée ne le rend pas irrecevable dès lors que 3 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS Cedex 17 son enregistrement est intervenu dans le délai de 30 jours ; qu’il appartient, en pareil cas, au greffe de la chambre disciplinaire de première instance de transmettre l’appel au greffe de la chambre disciplinaire nationale ;
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’appel formé par M. B contre la décision de la chambre disciplinaire de première instance du 13 décembre 2016 a été enregistré au greffe de cette juridiction le 6 janvier 2017 avant d’être transmis à la juridiction de céans ; que cet appel est ainsi recevable ;
Sur la régularité de la décision attaquée et sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l’appel incident du Dr A :
4. Considérant que M. B, tant dans la plainte adressée au conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’ordre des médecins que devant la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France de l’ordre des médecins, a fait état des répercussions, dans sa vie personnelle, professionnelle et familiale, de la production par son épouse des certificats litigieux dans le cadre de leur séparation et de la procédure de divorce qui a été engagée ; que, eu égard à l’argumentation ainsi développée, il y avait lieu, pour les premiers juges, comme le fait valoir M. B dans sa requête d’appel, de se prononcer sur l’existence d’un manquement du Dr A à l’obligation faite au médecin par l’article R. 4127-51 du code de la santé publique de ne pas s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients ; que la chambre disciplinaire de première instance, qui s’est limitée à apprécier les certificats rédigés par le Dr A au regard des articles R.
4127-28 et -76 du code de la santé publique, n’a pas suffisamment motivé sa décision qui doit être annulée ;
5. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer sur la plainte de M. B ;
Sur la recevabilité de la plainte :
6. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, après qu’une première plainte ait été déposée par M. B le 7 novembre 2014, une conciliation a été organisée en application de l’article L. 4123-2 du code de la santé publique par le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’ordre des médecins, qui a eu lieu le 17 décembre suivant ; que le Dr A ayant établi deux « attestations explicatives » revenant sur les mentions des certificats litigieux, M. B a signé le procès-verbal de conciliation établi le même jour à l’issue de cette réunion de conciliation ; que cette circonstance ne faisait cependant pas obstacle à ce que M. B revienne sur sa décision et, comme il l’a fait le 30 janvier 2015, saisisse d’une nouvelle plainte pour les mêmes faits le conseil départemental, qui, M. B ne s’étant pas rendu à la conciliation qu’il avait déclaré refuser, l’a transmise à la chambre disciplinaire de première instance le 13 avril suivant, qui l’a, à bon droit, déclarée recevable ;
Sur la plainte :
7. Considérant qu’aux termes de l’article R. 4127-28 du code de la santé publique : « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite » ; qu’aux termes de l’article R. 4127-51 du même code :
4 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS Cedex 17 « Le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients » et qu’aux termes de l’article R. 4127-76 dudit code : « L’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires » ;
8. Considérant que le certificat établi le 18 juin 2013 indiquant « que Mme B présente une dépression sévère et déclare être victime de harcèlement physique et psychique de son époux -notamment elle a subi un viol caractérisé et une agression cervicale au couteau dans les 6 derniers mois. Elle se sent en danger avec conséquences psychologiques importantes » tend à présenter pour acquis un viol et une agression qui n’ont été que rapportés par la patiente au Dr A, dont celle-ci n’a pas pu être le témoin et dont elle ne soutient pas avoir constaté médicalement les atteintes qui en auraient résulté ; que, si dans le certificat du 20 juin suivant, le Dr A constate que « Mme B présente une lésion cutanée du flanc G », elle ne pouvait l’imputer comme elle l’a fait « à l’agression le 19/6/13 par son mari à l’aide d’un couteau » sans préciser qu’il ne s’agissait que des dires de sa patiente ; que, dans ces conditions et eu égard aux relations conflictuelles qu’elle savait exister entre les époux, le Dr A a agi en méconnaissance des obligations faites par les trois articles précités du code de la santé publique ;
9. Considérant en revanche que ces faits, contrairement à ce qu’estime M. B, ne sont pas, dans les circonstances de l’espèce, eu égard notamment à l’état de détresse exprimée par la patiente, constitutifs de manquements par le Dr A aux principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine dont l’article R.4127-3 du code de la santé publique impose le respect au médecin en toutes circonstances et ne peuvent davantage être considérés comme des actes de nature à déconsidérer la profession de médecin au sens de l’article R.
4127-31 du même code ;
10. Considérant que si le Dr A a reconnu avoir manqué à ses obligations déontologiques et a présenté des excuses à M. B, la gravité des faits indûment énoncés dans les certificats et les conséquences qu’a eu, pour M. B, leur production dans les instances engagées par son épouse justifient qu’il soit prononcé à l’encontre du Dr A la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant 15 jours dont huit jours avec sursis ;
Sur les autres conclusions de M. B :
11. Considérant que la juridiction disciplinaire n’est pas compétente pour déclarer « nuls et non avenus » les certificats litigieux ; que les conclusions présentées à cette fin par M. B ne peuvent donc être accueillies ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE :

5 CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS 4 rue Léon Jost – 75855 PARIS Cedex 17
Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-deFrance de l’ordre des médecins, en date du 13 décembre 2016, est annulée.
Article 2 : La sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant 15 jours dont huit jours assortis du sursis est infligée au Dr A.
Article 3 : Le Dr A exécutera la partie ferme de la sanction mentionnée à l’article 2 à compter du 1er juin 2019 jusqu’au 7 juin 2019 à minuit.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Dr A, à M. B, au conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’ordre des médecins, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, au préfet des Hauts-de-Seine, au directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé.
Ainsi fait et délibéré par Mme Vestur, conseiller d’Etat, président ; Mmes les
Drs Bohl et Gros, MM. les Drs Bouvard, Ducrohet, Emmery, Fillol, membres.
Le conseiller d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins
Hélène Vestur
Le greffier en chef
François-Patrice Battais
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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