Conseil de prud'hommes de Grenoble, 22 juillet 2019, n° 18/00267

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Chronologie de l’affaire

Commentaires23

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www.invictae-avocat.com · 7 septembre 2023

Les faits Une salariée est engagée en tant qu'employée de réserve par la société Mango France au mois de juillet 2012, avec une reprise d'ancienneté en février 2006. Le 10 janvier 2018, la société lui envoie une convocation à entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception. Présentée en vain au domicile de la salariée le 12 janvier, la convocation n'est retirée que le 22 janvier, pour un entretien à se tenir le 24 janvier : soit moins d'un jour franc avant l'entretien. La salariée se présente à cet entretien, assistée d'une salariée de l'entreprise, et …

 

www.sancy-avocats.com · 11 mai 2022

Les décisions étaient très attendues. Dans deux arrêts du 11 mai 2022 (n° 21-14.490 et n° 21-15.247), la chambre sociale (statuant en formation plénière) de la Cour de cassation valide le barème d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit « barème Macron. » 1/ Le contexte juridique Depuis l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l'indemnité allouée au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est encadrée par des planchers et des plafonds. Le montant de l'indemnité mise à la charge de l'employeur varie entre des montants minimaux et …

 

www.sancy-avocats.com · 11 mai 2022

Les décisions étaient très attendues. Dans deux arrêts du 11 mai 2022 (n° 21-14.490 et n° 21-15.247), la chambre sociale (statuant en formation plénière) de la Cour de cassation valide le barème d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit « barème Macron. » 1/ Le contexte juridique Depuis l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l'indemnité allouée au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est encadrée par des planchers et des plafonds. Le montant de l'indemnité mise à la charge de l'employeur varie entre des montants minimaux et …

 
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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Grenoble, 22 juill. 2019, n° 18/00267
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Grenoble
Numéro(s) : 18/00267

Texte intégral

CONSEIL DE PRUD’HOMMES

DE GRENOBLE

[…]

[…]

[…]

RG N° F 18/00267

N° Portalis 3UNP-X-B7C-BQPG

SECTION Commerce

AFFAIRE

contre

France SARL

MINUTE N°

JUGEMENT DU

22 Juillet 2019

Qualification : Contradictoire premier ressort

Notification le

Date de la réception

par le demandeur :

par le défendeur

*

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DE DÉPARTAGE

Prononcé par mise à disposition au greffe du 22 Juillet 2019
Madame

(Avocat au barreau de GRENOBLE) Assistée de Me

DEMANDEUR

SARL France

Représentée par Me (Avocat au barreau de PARIS)

DEFENDEUR

COMPOSITION DU BUREAU DE DÉPARTAGE SECTION LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Président, Juge départiteur Madame

Assesseur, Conseiller salarié Monsieur

Assesseur, Conseiller salarié Madame

Assesseur, Conseiller employeur Monsieur
Monsieur Assesseur, Conseiller employeur Assistés lors des débats de Madame Greffier

PROCEDURE

Enregistrement de l’affaire : 21 mars 2018 Récépissé au demandeur : 21 mars 2018

Citation du défendeur : 23 mars 2018

Audience de conciliation : 27 avril 2018

Décision prise Renvoi devant le bureau de mise en état du 02 octobre 2018

Audience de plaidoiries :05 février 2019 Date du PV de partage 26 février 2019 Audience de départage : 03 juin 2019 Décision prise Affaire mise en délibéré pour prononcé du jugement le 22 juillet 2019.


2

a été embauchée par la SARLMadame France suivant contrat à durée indéterminée en date du 12 juillet 2012, en qualité d’employée de réserve, catégorie B. Ce contrat reprenait son ancienneté depuis le 6 février 2006, date de son embauche dans un magasin franchisé

Suivant courrier recommandé en date du 10 janvier 2018 Madame a été convoquée à un entretien préalable qui s’est tenu le 24 janvier 2018.

Suivant courrier en date du 15 février 2018 Madame a fait l’objet d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Par requête en date du 21 mars 2018 Madame a saisi le Conseil de Prud’hommes de Grenoble aux fins de :

A titre principal,

- dire et juger que le licenciement de Madame est nul, la somme de 50.000 €

- condamner la SARL France à verser à Madame

à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le licenciement de Madame est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SARL France à verser à Madame la somme de 50.000 €

à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

En tout état de cause, N N

- constater le non-respect de la procédure de licenciement, A

- constater le manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

- constater le retard dans la communication des documents de fin de contrat,

- condamner la SARL France à verser à Madame les sommes de :

.993,92 € à titre d’indemnité légale de licenciement ;

.2.439,90 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi du fait du non-respect de la procédure de licenciement ;

.10.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de l’employeur;

.5.000 € à titre de dommages-intérêts pour communication tardive des documents de fin de contrat;

.2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure de Civile.

Elle expose avoir dénoncé une situation de harcèlement moral à sa Direction depuis septembre 2017, sans réelle réponse ni mesures prises par la société pour tenter de faire la lumière sur les faits dénoncés. Elle évoque à l’appui de ses dires les deux sanctions disciplinaires dont elle a été l’objet en quatre mois en 2017 alors qu’elle n’en avait pas été l’objet en douze années. Elle considère que la société, alors qu’elle dénonçait un harcèlement moral, n’a fait qu’une instruction à charge lors de la gestion des incidents et n’a pas apprécié le contexte. La sanction de licenciement prononcée dans ce contexte doit donc être déclarée nulle.

Si le harcèlement moral n’est pas retenu, le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse dès lors que la société ne s’est fondée que sur les déclarations d’une salariée pour les faits du 16 décembre 2017, sans effectuer une enquête objective, les autres témoins n’ayant pas vu l’incident en direct.

Elle rappelle avoir contesté les deux sanctions disciplinaires qui sont évoquées, l’avertissement d’octobre 2015 faisant suite à un désaccord en caisse au cours duquel on lui a refusé de lui donner le ticket de caisse et le rappel à l’ordre du 6 décembre 2017 ayant eu lieu dans un contexte de tensions professionnelles avec sa hiérarchie. Elle évoque enfin ses bonnes notations et bonnes relations avec ses collègues et la clientèle, les seules tensions existantes l’étant avec sa hiérarchie.


3

En réponse la SARL France conclut en sollicitant du Conseil de :

- dire et juger que la procédure de licenciement engagée à l’encontre de Madame est régulière,

- dire et juger que le licenciement de Madame est licite, fondé et justifié,

- constater l’absence de tout harcèlement moral à l’égard de Madame

- constater l’absence de tout manquement susceptible d’être imputé à la SARL France au titre de son obligation de sécurité,

- débouter en conséquence Madame de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Madame à verser à la SARL France la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure de Civile,

- la condamner également aux dépens.

Elle se fonde sur la réalité des griefs reprochés à Madame X le 16 décembre 2017 Madame s’est violemment emportée contre Mme une autre employée, lui reprochant d’avoir témoigné dans le cadre du rappel à l’ordre dont elle a fait l’objet par courrier du 6 décembre 2017 et devenant agressive et violente verbalement, ce dont attestent également deux autres employées.

Elle met en relation ce comportement agressif et déplacé avec l’avertissement dont Madame

a fait l’objet en 2015, qui trouvait également sa source dans son dénigrement et plainte à l’égard de sa hiérarchie et dans le refus opposé aux personnels de caisse, ce qui a perturbé le bon déroulement du service. Elle le met également en relation avec les faits des 7 août, 15 septembre et 18 septembre 2017 au cours desquels elle a crié sur ses collègues de travail et responsables hiérarchiques en faisant des reproches infondés et ce, en présence de la clientèle, faits qui lui ont valu un rappel à l’ordre.

Elle conteste l’existence de quelconques éléments objectifs produits par Madame pouvant constituer des faits de harcèlement moral, la production de ses seuls courriers et réclamations ne pouvant constituer de tels éléments et Madame n’ayant jamais pris contact avec l’inspection du travail et ne s’étant pas plainte lors de ses précédentes évaluations professionnelles. Elle se reporte également à l’entretien du 18 janvier 2018 au cours duquel la salariée aurait reconnu que son sentiment de harcèlement proviendrait d’un malentendu entre Mme et elle et que depuis cela allait mieux.

Il ne peut donc être prononcé la nullité du licenciement sur ce fondement ou octroyé des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

Le licenciement est par ailleurs régulièrement causé et le barème doit s’appliquer, n’étant pas contraire à la convention de l’OIT ou à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne.

Elle considère enfin avoir respecté la procédure de licenciement, le courrier de convocation à 9 jours ouvrables l’entretien préalable ayant été présenté au domicile de Madame avant la date de l’entretien préalable. Ses documents de fin de contrat ont enfin été adressés le 22 mai 2018 puis rectifiés et réadressés le 19 juin, suite à une erreur matérielle qu’ils comportaient. De plus elle ne justifie pas en avoir subi un préjudice, des sommes lui ayant été versées entre-temps au titre du solde de tout compte.

Suite à l’échec de la conciliation le 27 avril 2018, le dossier a été renvoyé à la mise en état le 2 octobre 2018. Un partage de voix a été rendu le 26 février 2018 puis le dossier a été audiencé en départition le 3 juin 2019.

Les parties ont comparu le 3 juin 2019 et ont maintenu lcurs demandes. L’affaire a été mise en délibéré au 22 juillet 2019 par mise à disposition au greffe.



SUR QUOI

t

Sur la demande de nullité du licenciement :

En application de l’article L.4121-1 du Code du travail, l’employeur est tenu à l’égard de ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs.

L’article L.1152-1 du Code du travail dispose quant à lui qu’ « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le licenciement prononcé suite à la dénonciation par un salarié de faits constitutifs de harcèlement moral est nul.

La prévention du harcèlement moral pèse sur l’employeur qui a une obligation de protection de la santé de ses salariés, cette obligation correspondant à une obligation de sécurité de résultat. Il appartient au salarié qui se prétend victime de présenter les éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement puis à l’employeur d’apporter la preuve contraire en démontrant les éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement, pouvant expliquer les faits rapportés.

Il a été évoqué la dégradation des relations de Madame avec sa hiérarchie et celle-ci a évoqué l’existence de deux sanctions disciplinaires dont elle aurait été destinataire, liées à cela, outre l’incident du 16 décembre 2017 qui trouve également sa cause dans ce conflit.

Le courrier de licenciement évoque X l’altercation de Mme avec sa collègue Mme le 16 décembre 2017 suite à la réception par la salariée de son courrier de rappel à l’ordre au regard de son comportement agressif, mis en perspective avec l’avertissement du 17 septembre 2015 et le rappel à l’ordre du 6 décembre 2017.

Madame ne fait reposer sa plainte pour harcèlement moral que sur ses propres courriers adressés à son employeur dans les mois précédents, sans que soit produit aucun élément objectif, ni aucune plainte à un autre organisme extérieur.

De plus l’employeur ne s’est pas contenté d’entendre uniquement les parties impliquées puisqu’il a entendu les salariées présentes sur le site le 16 décembre 2017, ce qui constitue un début d’enquête. Il avait également comme devoir de protéger l’ensemble des salariés du site, les déclarations de certaines impliquant que l’attitude et les propos de Madame pouvaient impressionner certaines de ses collègues (attestation de Mme M pièce n°14 du défendeur).

Il n’est donc pas démontré dans la présente espèce une situation de harcèlement moral pouvant justifier de prononcer la nullité du licenciement.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement:

Il est reproché, comme vu ci-dessus, essentiellement à Madame les faits du 16 décembre 2017 consistant en une altercation et prise à partie agressive de l’une de ses collègues, Mme X que de la responsable du magasin Mme

Il ressort cependant des éléments de la cause que la démonstration de la faute de Madame sur cette journée-là repose essentiellement sur l’attestation de Mme qui est l’autre protagoniste de cette altercation, celle-ci s’étant déroulée dans la réserve, sans témoin direct. Les deux autres témoignages proviennent de vendeuses en magasin ayant constaté l’état de stress

et de colère de Madame lors de sa sortie de la réserve, sans pouvoir attester des propos de celle-ci à l’égard de sa collègue.


5

Quant aux propos que l’employeur fait tenir à Madame suite à leur entretien du 15 février 2018 avec sa hiérarchie, lors d’un entretien informel, elle les conteste fermement. Leur simple reproduction dans un courrier de la SARL France à la salariée, alors qu’aucun compte rendu officiel n’a été dressé, ne peut donc valoir reconnaissance des propos agressifs tenus le 17 décembre 2017.

La faute de Madame apparaît donc insuffisamment démontrée et en tout état de cause disproportionnée au regard du contexte, sans qu’il soit besoin d’examiner les sanctions antérieures qui n’ont fait l’objet d’aucune contestation et dont il n’est pas sollicité l’annulation. Le licenciement doit donc être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Sur le montant de l’indemnité due :

Un barème d’indemnisation a été mis en place par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (JO du 23, art. 40-I). Le juge peut accorder une indemnité dont le montant est compris entre les planchers et plafonds fixés dans ce barème en fonction de l’ancienneté du salarié (C. trav., art. L.1235-3).

La salariée a soulevé l’absence de conformité de ce barème fixé par l’article L. 1235-3 du Code du travail au droit européen.

L’article L. 1235-3 du Code du travail dispose dans sa rédaction issue des ordonnances du 22 septembre 2017 que « si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous. », dit « barème MACRON ».

Il sera noté que l’article 24 de la Charte Sociale européenne révisée n’a pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L’article L. 1235-3 du Code du travail peut en revanche s’opposer à l’application de l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail sur le licenciement ratifiée par le France le 16 mars 1989, dont le Conseil d’Etat a confirmé l’effet direct, qui dispose que « si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

L’avis rendu par la Cour de Cassation le 17 juillet 2019 a conclu à la compatibilité des stipulations de l’article L.1235-3 du Code du travail et de l’article 10 de la convention de l’OIT, mais ne constitue pas une décision au fond. Cependant en l’espèce, l’application du barème annexé à l’article L. 1235-3 du Code du travail permet de fixer une indemnité allant de 3 à 11 mois de salaire. En retenant un salaire moyen de 2.098,77 € qui est la moyenne des salaires sur les douze derniers mois, cela aboutit à un maximum de 23.086,47 €.

Au regard de l’ancienneté de Mme au sein de l’entreprise soit 11 ans et 11 mois, de son âge (55 ans au jour de son licenciement), de sa rémunération, de sa qualification et de son souhait affiché de monter dans la hiérarchie, projet totalement interrompu par ce licenciement, X que de la perte pour la salariée de pouvoir bénéficier de l’allocation de fin de carrière, outre les circons tances même de la rupture, le préjudice réel subi par le salarié licencié est supérieur à cette fourchette.

La véritable adéquation des indemnités serait de retenir une somme de 35 000 € net.

Cette somme apparaissant supérieure à ce que permet l’application du barème annexé à l’article L.1235-3 du Code du travail dans la présente espèce, ce barème devra être écarté afin de permettre


une réparation adéquate du préjudice de la salariée, conformément aux dispositions de l’article 10 de la convention n°158 de l’OÏT.

Il ne sera en revanche pas fait droit à la demande de rappel au titre de l’indemnité de licenciement, le salaire de référence à prendre en compte étant bien celui de 2.098,77 € retenu par la société et non celui de 2.439,90 € évoqué par la salariée.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

En application de l’article L.4121-1 du Code du travail l’employeur est tenu à l’égard de ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs.

L’employeur peut démontrer avoir rempli son obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail.

Il ressort des éléments de la cause que l’employeur, malgré les signaux d’alerte de la salariée et ses signalements par différents courriers, n’a pas réellement diligenté d’enquête ou effectué de démarches afin d’obtenir des éléments objectifs de situation concernant le fonctionnement du magasin.

Il est évoqué par la société le rendez-vous entre Mme M et Monsieur qualité de coordonnateur, et le superviseur de Mme Mme en sa

le18 janvier 2018. Cependant la raison et le contenu de ce rendez-vous sont totalement contestés par la salariée. X, alors que par courrier du 15 février 2018, la Direction évoque le fait que ce rendez-vous aurait eu pour objet de recueillir ses explications sur les accusations de « harcèlement moral » quotidien dont elle ferait l’objet, et constate qu’au terme de l’entretien elle aurait admis ne pas être victime de harcèlement moral et qu’il s’agirait d’un malentendu, ces propos ne sont pas reconnus par Mme qui a dès réception de ce courrier adressé un courrier le 22 février 2018 contestant avoir tenu de tels propos.

Faute de compte rendu écrit validé par les parties de cet entretien, il ne peut être donné foi aux propos rapportés et contestés. Cet acte ne peut donc être validé comme un acte d’enquête objectif.

Enfin, lors de l’incident du 16 décembre 2017, l’employeur a auditionné certaines salariées, présentes dans le magasin, mais sans diligenter une enquête précise et objective permettant une confrontation des versions.

Il sera donc considéré que par sa carence, l’employeur n’a pas assuré la sécurité de sa salariée, et lui a causé un préjudice puisqu’elle est actuellement suivie et prend des anxiolytiques et des antidépresseurs, qui sera réparé par l’octroi d’une somme de 8.000 € de dommages-intérêts.

- Sur le manquement aux règles de procédure : sur la non-régularité de la procédure de licenciement:

L’article L. 1232-2 du Code du travail énonce que l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Il est constant en l’espèce que Mme a été convoquée par courrier du 10 janvier 2018, présenté à son domicile le 12 janvier 2018.

Elle n’a cependant réceptionné ce courrier effectivement que le 22 janvier 2018 pour un entretien fixé le 24 janvier, ce qui laissait un jour plein pour préparer sa défense et s’organiser.



Ce formalisme est imposé pour permettre au salarié d’être informé loyalement de l’objet de l’entretien et de lui permettre de préparer utilement sa défense, en faisant éventuellement appel à un délégué du personnel ou à un salarié de l’entreprise pour l’assister.

La date à prendre en considération est donc bien celle où le salarié a réellement eu en main la convocation, l’autre alternative étant la remise en main propre qui assure la connaissance directe du salarié.

La date à retenir est donc le 22 janvier 2018 en l’espèce. Le délai de cinq jours n’est donc pas respecté.

Mmel indique de ce fait, au vu du délai très court, ne pas avoir été en capacité de se faire assister par un délégué du personnel, ce qui a préjudicié à ses droits.

Il sera accordé de ce chef la somme de 2.098,77 €.

*sur la communication tardive des documents de fin de contrat :

Les articles R. 1234-9 et 10 imposent à l’employeur de remettre au moment de la rupture du contrat de travail avec un salarié les documents lui permettant de faire valoir ses droits auprès de l’assurance chômage.

La remise tardive de ces documents peut ouvrir droit à l’octroi de dommages-intérêts en cas de préjudice établi.

En l’espèce le contrat de Mme a pris fin au 16 avril 2018, à l’issue de son préavis.

Ces documents, établis le 14 mai, ont été envoyés le 22 mai en courrier recommandé avec accusé de réception. Il n’est pas fourni le justificatif de l’accusé de réception.

Il est par ailleurs constant qu’une erreur existait sur ces documents quant à l’ancienneté de la salariée, ce qu’elle a signalé le 1er juillet. Les documents rectifiés sont parvenus à Mme le 19 juin 2018.

La salariée indique donc n’avoir pu faire valoir ses droits auprès de Pôle Emploi que le 19 juin

2018.

Ce retard dans la fourniture des documents de fin de contrat ne peut raisonnablement se justifier par la société par les délais de traitement, dès lors qu’un préavis de trois mois était applicable et qu’elle avait le temps d’anticiper ces éléments. Par ailleurs Mme établit en avoir subi un préjudice direct par la perte pendant plusieurs mois de sa mutuelle, la portabilité des droits étant liée à l’indemnisation par Pôle Emploi qui a pris du retard et certaines interventions reportées de ce fait.

Il lui sera donc accordé une somme de 5.000 €.

- Sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge du demandeur les frais engagés pour assurer sa défense.

La SARL France sera donc condamnée à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure de civile.

Enfin la SARL France, partie perdante, sera condamnée aux dépens.


8

PAR CES MOTIFS

Le Conseil de Prud’hommes de Grenoble, section Commerce, statuant en formation de départage, publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

Déboute Madame de sa demande en nullité du licenciement;

Dit que le licenciement survenu le 15 février 2018 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL France à verser à Madame

la somme de 35.000 € netà titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi;

France à verser à MadameCondamne la SARL les sommes suivantes :

- indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

- dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité 2.098,77 €

- indemnité pour communication tardive des documents fin de contrat 8.000,00 €

5.000,00 €

- indemnité article 700 du Code de procédure de civile 2.000,00 €

Rejette les autres demandes ;

Ordonne à la SARL France, en application de l’article L. 1235-4 du Code du travail, de rembourser aux organismes concernés les indemnités chômage versées à Madame dans la limite de six mois.

Dit qu’une expédition certifiée conforme du présent jugement sera adressée par le greffe du Conseil à l’UNEDIC.

Condamne la SARL France aux dépens.

X FAIT ET PRONONCE PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE LES JOUR, MOIS ET AN SUSDITS ET AVONS SIGNE LA PRESENTE MINUTE AVEC LE

GREFFIER APRES LECTURE.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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