Juge aux affaires familiales de Montpellier, 14 février 2019, n° 19/00473

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Sur la décision

Référence :
JAF Montpellier, 14 févr. 2019, n° 19/00473
Numéro(s) : 19/00473

Texte intégral

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TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

DE MONTPELLIER

DATE: 14 Février 2019 N° R.G.: 19/00473 – N° Portalis DBYB-W-B7D-LZWL

JAF CABINET 1 Copie exéc M. P. 1 Copie avocat: 2 exéc Part:

Copie conf Avo : 2

Copie conf M. P.: 1

Copie dossier: 1

Copie expert: TOTAL:7

Dactylo :

délivrées le : 14 FEV. 2019

ORDONNANCE

Prononcée par mise à disposition au greffe le 14 Février 2019, après débats à l’audience du 11 Février 2019, par Stéphanie HEBRARD, juge aux affaires familiales, assistée de Corine BOURIANES faisant fonction de greffier.

Dans l’instance en Demande aux fins d’obtenir le retour de l’enfant enlèvement

-

international d’enfant -

ENTRE

DEMANDEUR
Monsieur LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, demeurant Tribunal de Grande Instance -

[…]

comparant en la personne de Monsieur Z A vice-procureur
Monsieur B C domicilié Flat 75 – The Oxygen – 18 Western Gatevay E16 1BL Y (ROYAUME UNI) – intervenant volontaire -

comparant en personne, assisté de maître TAMBURINI-KENDER avocat au barreau D’AIX EN PROVENCE.

ET

DEFENDERESSE
Madame D E née le […] à […], demeurant […]

comparante en personne assistée de Maître Isabelle MOURET, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant maître CARRIE avocat au barreau de BEZIERS.

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De l’union libre de Monsieur B C et de Madame D E est né X E C le […] à […].

Le 22 octobre 2018, l’autorité centrale du Royaume Uni a sollicité l’assistance de la Chancellerie, en sa qualité d’autorité centrale désignée pour la mise en oeuvre de la Convention de La Haye conclue le 20 octobre 1980 portant sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, pour qu’une décision ordonnant le retour du mineur en Angleterre, lieu de sa résidence habituelle, soit rendue.

Par assignation en date du 24 janvier 2019, Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier a fait citer Madame D E devant ce tribunal pour que soit appliquée la Convention sus visée et que soit ordonné avec exécution provisoire le retour de l’enfant X E C, né le […] à […], lieu de sa résidence habituelle, et que Madame D E soit condamnée à payer les frais engagés par Monsieur B C en application de l’article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980.

A l’audience du 11 février 2019, le ministère public fait valoir :

-Que le couple avait sa résidence au Royaume Uni et que l’enfant y a vécu avant un séjour en France avec sa mère que Monsieur B C n’avait accepté que pour une durée limitée.

-Que c’est en violation d’un accord pour un retour de la mère avec l’enfant en Angleterre le 3 mai 2018, que Madame D E se maintient en France avec l’enfant et a fait part au père de son refus de revenir en Angleterre.

-Que les conditions du déplacement illicite telles que prévues par l’article 3 de la Convention de La Haye du 20 octobre 1980 sont réunies en ce sens que Monsieur B C avait un droit de garde effectif sur l’enfant au moment où Madame D E l’a emmené en France.

Monsieur B C, partie intervenante volontaire, a confirmé sa demande d’application de la Convention de La Haye et sollicité qu’il soit ordonné le retour de l’enfant au Royaume Uni indiquant être disposé à procurer à Madame D E et à l’enfant un logement lors du retour et disposer de toutes les conditions morales et matérielles pour assurer l’éducation de l’enfant en collaboration avec la mère en Angleterre.

Madame D E conclut au rejet de la demande. Elle soutient qu’elle n’a jamais eu le projet de s’installer définitivement en Angleterre. Qu’elle a connu Monsieur B C alors qu’elle était à Y pour parfaire son anglais et qu’elle avait un projet professionnel en France. Qu’étant tombée enceinte, elle a différé ce projet, mais le couple n’a jamais eu une réelle vie commune. À quelques mois de grossesse, en raison des conflits conjugaux, elle a dû être hébergée dans un centre d’hébergement d’urgence à Y. Le couple a repris des relations d’entente lorsque l’enfant est né, et elle l’indique avoir effectué des allers retours entre la France et l’Angleterre pour maintenir le lien avec le père mais soutient que le couple n’a eu aucun projet de vie ensemble, et qu’elle n’a jamais eu l’intention d’établir sa résidence avec l’enfant au Royaume-Uni alors qu’elle a acheté un appartement à Béziers et qu’elle faisait régulièrement les trajets entre Béziers et Y. Elle souligne que les critères de la résidence habituelle de l’enfant au sens de la Convention de La Haye ne sont pas réunis, alors qu’il n’avait que cinq mois lorsqu’elle est retournée définitivement en France, de sorte qu’il ne peut être caractérisé une intégration de l’enfant dans un milieu social et familial en

Angleterre. Elle soutient en outre que Monsieur B C a acquiescé à ce déplacement auquel il ne s’est opposé que tardivement. Elle met en avant un risque de danger pour l’enfant en cas de retour en Angleterre alors que l’enfant est actuellement parfaitement intégré à Béziers. Elle met en avant qu’elle a toujours favorisé les relations régulières de X avec son père ayant choisi la ville de Béziers en raison d’une ligne directe entre Béziers et Y pratique et à moindre coût, ayant reçu régulièrement Monsieur B C à Béziers, de sorte que X connaît parfaitement son père aujourd’hui

L’enfant, âgé de 16 mois, n’est pas doué du discernement suffisant. Il n’a pu être procédé à son audition.

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A l’issue des débats les parties ont été avisées que le délibéré serait rendu le 14 février 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon les dispositions de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, le déplacement ou le non retour d’un enfant est considéré comme illicite lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde attribué à une personne, seule ou conjointement, par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour et que ce droit était exercé de façon effective, seul ou conjointement au moment du déplacement ou du non retour, ou l’eût été si de tels événements n’étaient pas survenus.

En vertu de l’article 12 de ladite Convention, lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l’article 3 et qu’une période de moins d’un an s’est écoulée à partir du déplacement ou du non retour au moment de l’introduction de la demande devant l’autorité judiciaire ou administrative de l’État contractant où se trouve l’enfant, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat. L’autorité judiciaire ou administrative, même saisie après l’expiration de la période d’un an prévu à l’alinéa précédent, doit aussi ordonner le retour de l’enfant, à moins qu’il ne soit établi que l’enfant s’est intégré dans son nouveau milieu.

En vertu de l’article 13 de la-dite Convention, nonobstant les dispositions de l’article 12 l’autorité judiciaire ou administrative de l’Etat requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant, lorsque la personne qui s’oppose à son retour établit que la personne qui avait le soin de la personne de l’enfant n’exerçait pas effectivement le droit de garde à l’époque du déplacement ou du non retour ou avait consenti ou acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non retour, ou qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

L’autorité judiciaire ou administrative peut aussi refuser d’ordonner le retour de l’enfant si elle constate que celui-ci s’oppose à son retour et qu’il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion.

- Sur la résidence habituelle de l’enfant:

La résidence habituelle de l’enfant doit être déterminée en considération de l’ensemble des circonstances de fait particulières, dont la commune intention des parents de transférer cette résidence ainsi que les décisions prises en vue de l’intégration de l’enfant.

Pour la CJCE « la notion de résidence habituelle au titre de l’article 8 §1 du règlement doit être interprétéen ce sens ce que cette résidence correspond au lieu qui traduit une certaine intégration de l’enfant dans un environnement social et familial à cette fin, doivent être notamment pris en considération la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire d’un État membre et du déménagement de la famille dans cet, la nationalité de l’enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par les l’enfants dans ledit Etat. Il appartient la juridiction nationale d’établir la résidence habituelle de

l’enfant en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait particulières à chaque cas d’espèce» (arrêt C-523/07 du 2 avril 2009).

En l’espèce, il résulte des débats et des pièces de la procédure que le couple s’est rencontré à Y en Angleterre. Apès avoir rencontré des difficultés relationnelles qui ont entraîné une séparation pendant quelques mois lors de la grossesse de Madame D E et une thérapie de couple au mois de juin et juillet 2017, ils ont établi une résidence commune à Y au domicile de Monsieur B C après la naissance de l’enfant le […] à Paris.

Le 30 octobre 2017, le couple a fait procéder à une livraison Euro Luggage d’effets personnels de Madame D E entre une adresse à Clichy et l’adresse de Monsieur B C.

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Monsieur B C produit aux débats de multiples attestations provenant d’amis et de membres de la famille témoignant de cette vie commune, et des certificats attestant d’un suivi médical de l’enfant à Y et de son inscription à un jardin d’enfants aux mois de mars et avril 2018.

Les photos produites aux débats montrent l’enfant à Y entouré d’amis ou de membres de la famille. Le couple a fait un voyage à Venise avec l’enfant le 31 janvier 2018.

Madame D E qui est de nationalité française s’est rendue régulièrement en France, à raison d’une dizaine de jours au mois de décembre 2017, huit jours au mois de janvier 2018, six jours au mois de février 2018 et deux jours au mois de mars 2018.

La copie d’écran des messages WhatsApp échangés par le couple au mois de février 2018 fait état d’une discussion au cours de laquelle Monsieur B C émet des réserves sur ces absences« c’est beaucoup trop long pour X d’être éloigné de la maison », Madame D E lui répond qu’elle se rend en France pour des raisons médicales et pour permettre de présenter son fils au reste de sa famille qui se trouve « partout dans le monde ».

Ces mêmes échanges WhatsApp démontrent qu’au mois de mai 2018, Madame D E se trouvait à Béziers en France où elle a acquis un appartement, et devait retourner à Y le 3 mai 2018 par avion.

Le 2 mai 2018 Monsieur B C envoie un message à Madame D E « j’ai le lit d’X, il me manque tellement j’ai hâte de vous voir tous les deux ». Le 3 mai 2018 Madame D E lui demande s’il a « fait de la place dans le salon » et lui dit qu’elle pense qu’il faudra « un tapis peau de vache au sol ».

Une discussion s’est engagée par la suite concernant l’impossibilité pour Madame D E de prendre son avion Paris Y en raison d’une grève SNCF, au cours de laquelle Monsieur B C prie instamment Madame D E de faire ce qu’il faut pour retourner à Y et exprime sa crainte d’être séparé trop longtemps de son fils, ce à quoi Madame D E lui répond en fin de soirée qu’elle prend la décision de rester à Béziers avec l’enfant et lui dit qu’il peut venir les voir à Béziers où il est le bienvenu pour venir aussi souvent qu’il veut.

Il résulte clairement de l’ensemble de ces éléments qu’au mois de mai 2018, date à laquelle Madame D E décide de ne pas retourner à Y avec l’enfant, la résidence habituelle de l’enfant était bien à Y avec ses deux parents, et que ce n’est que sur décision unilatérale et soudaine, alors qu’elle était sur le point de retourner à Y pour rejoindre Monsieur B C à leur domicile commun, que Madame D E a pris la décision de rester à Beziers avec l’enfant.

- Sur la violation du droit de garde:

En vertu de la section 111 du Adoption and Children Act 2002 et de la section 4.1 (a) du Children Act 1989, Monsieur B C qui a reconnu l’enfant, a bien un droit de garde comprenant le droit de décider de la résidence principale de l’enfant.

Il résulte des protestations immédiates de Monsieur B C contenues dans les échanges

WhatsApp du 3 mai 2018, du courrier électronique qu’il a envoyé le 4 mai 2018 à Madame D E pour exprimer son opposition avec son argumentation, et de la saisine de l’autorité centrale du Royaume-Uni aux fins de retour de l’enfant dès le 5 mai 2018, que le père n’a pas acquiescé au maintien de l’enfant en France au mois de mai 2018.

Cette absence de consentement du père à l’installation de Madame D E en France avec

l’enfant résulte également d’un courrier électronique en date du 5 mai 2018, dans lequel Madame D E indique qu’elle a acheté l’appartement de Béziers « pour nous, pour nos vacances et pour passer du temps France pour recevoir de la famille mais aussi en cas de séparation car notre relation n’a jamais été forte… », ce qui confirme que l’achat d’un appartement à Béziers par Madame D E ne correspondait pas à une décision commune de séparation et un consentement

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implicite de Monsieur B C à ce que Madame D E y établisse la résidence principale de l’enfant.

Par conséquent, en décidant unilatéralement de rester en France avec l’enfant au mois de mai 2018,
Madame D E a bien commis une violation du droit de garde de Monsieur B C.

Sur l’application de l’article 13 de la Convention de la Convention de La Haye :

Aux termes de l’article 13 de la convention « (…) l’autorité judiciaire de l’État requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant lorsque la personne qui s’oppose à son retour établit (…) qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de tout autre manière ne le place dans une situation intolérable »

En vertu de l’article 11.4 du règlement communautaire n° 2201/2003, le juge ne peut refuser le retour sur le fondement de l’article 13b s’il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l’enfant après son retour.

En l’espèce, il n’est justifié d’aucun risque pour l’enfant à être exposé à un danger physique ou psychique en cas de retour sur le sol britannique.

Les éléments produits aux débats ne permettent pas de caractériser l’existence d’aucun acte de violence de la part de Monsieur B C ni envers Madame D E, ni envers l’enfant.

En outre, s’il est vrai que le jeune âge de l’enfant nécessite la présence de la mère, rien ne s’oppose à ce que Madame D E retourne à Y avec l’enfant où elle pourra solliciter une décision de justice statuant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale en considération de sa situation sociale et administrative en Angleterre.

Par conséquent, il ne sera pas fait droit à la demande de Madame D E quant à l’application de l’article 13 de la Convention de La Haye.

Sur l’exécution provisoire:

En vertu de l’article 1210-6 du code de procédure civile, la demande aux fins d’obtenir le retour de l’enfant en application de la convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants est formée, instruite et jugée en la forme des référés.

Suivant les dispositions de l’article 492-1,3° du code de procédure civile, à moins qu’il en soit disposé autrement, lorsqu’il est prévu que le juge statue comme en matière de référés ou en la forme des référés, l’ordonnance est exécutoire à titre provisoire, à moins que le juge en décide autrement.

Il n’est justifié d’aucun motif de nature à fonder une exception à l’exécution provisoire de la présente décision.

Sur les dépens :

Madame D E qui succombe sera condamnée aux dépens et au paiement à Monsieur B C des frais engagés par lui sur le fondement de l’article 26 de la convention de La Haye;

PAR CES MOTIFS

Le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montpellier,

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire, susceptible d’appel,

ORDONNE le retour immédiat de l’enfant X E C, né le […] à […]

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au lieu de sa résidence habituelle à Y au ROYAUME UNI.

RAPPELLE l’exécution provisoire de droit de la présente décision.

CONDAMNE Madame D E aux dépens, et à payer à Monsieur B C les frais engagés pour le voyage aller-retour, visés par l’article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980.

LE JUGÉ AUX AFFAIRES FAMILIALES,NOT AWNWART GIRES F LE GREFFIER, hehe Stéphanie HEBRARD Corine BOURIANES

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Juge aux affaires familiales de Montpellier, 14 février 2019, n° 19/00473