Conseil de l'Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, Chambre Disciplinaire Nationale, 22 décembre 2020, n° 036-2019 , 039-2019

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
ONMK, ch. disciplinaire nationale, 22 déc. 2020, n° 036-2019 , 039-2019
Numéro(s) : 036-2019 , 039-2019
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Sur les parties

Texte intégral

ORDRE NATIONAL DES MASSEURS-KINESITHERAPEUTES
CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
N°036-2019 – ARS Normandie c M. et D.
N°039-2019 – CNOMK c/ M. et D.
Rapporteur : M. François MAIGNIEN
Audience publique du 02 décembre 2020
Décision rendue publique par affichage le 22 décembre 2020
Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
Par deux requêtes enregistrées le 5 février 2019 au greffe de la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l’ordre des masseurs kinésithérapeutes de Normandie, la directrice générale de l’Agence régionale de santé de Normandie a porté plainte d’une part contre M. M., masseur-kinésithérapeute, titulaire d’un cabinet situé à (…) (Seine-Maritime), d’autre part contre Mme D., exerçant en qualité de collaboratrice libérale au sein de ce même cabinet.
Statuant conjointement sur ces deux plaintes, la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Normandie a, par une décision n°01-2019 et n°02-2019 du 12 juillet 2019, rejeté les conclusions de l’Agence régionale de santé de Normandie et l’a condamnée à verser respectivement à M. M. et à Mme D. une somme de 1000 euros, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
Procédures devant la chambre disciplinaire nationale :
I- Sous le n° 036-2019, par requête enregistrée le 14 août 2019 au greffe de la chambre disciplinaire nationale, l’Agence régionale de santé de Normandie, représentée par Me Anne Tugaut demande à la chambre disciplinaire nationale : 1°) d’annuler cette décision ; 2°) de prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de M. M. ;
II- Sous le n°039-2019, par requête enregistrée le 28 août 2019 au greffe de la chambre disciplinaire nationale, le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes demande à la chambre disciplinaire nationale : 1°) de déclarer recevable la requête en appel ; 2°) d’annuler cette décision du 12 juillet 2019 de la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la région Normandie ; 3°) de prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de M. M. et Mme D. pour avoir méconnu les articles R. 4321-53, R. 4321-54, R. 4321-79, R. 4321-80, R. 4321-88 et R. 4321- 114 du code de la santé publique.
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l’arrêté du 7 avril 1981 modifié relatif aux dispositions techniques applicables aux piscines ;
Vu l’ordonnance n°2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre administratif ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience qui s’est tenue le 2 décembre 2020.
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 décembre 2020 :
- M. MAIGNIEN en son rapport ;
- Les observations par visioconférence de Me Arzu Seyrek, suppléant Me Anne Tugaut, pour l’ARS de Normandie et Mme Del Pino, responsable du service juridique de l’ARS, en ses explications ;
- Les observations de M. Dumas, Secrétaire général, pour le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes ;
- Les observations de Me Langeard pour M. M. et Mme D., et ceux-ci en leurs explications ;
- Le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Seine- Maritime dûment averti, n’étant ni présent, ni représenté ; M. M. et Mme D. ayant été invités à reprendre la parole en dernier. Considérant ce qui suit : 1- Il résulte de l’instruction que, alertée par une patiente atteinte de mycoses et de cystite qu’elle attribue à des soins en piscine prodigués au cabinet de M. M., masseur-kinésithérapeute, par Mme D., assistante libérale auprès de ce professionnel, l’Agence régionale de santé (ARS) de Normandie a diligenté une inspection sur le fonctionnement des installations de balnéothérapie du cabinet. Un contrôle a ainsi été effectué le 6 juillet 2018 par deux techniciennes de sécurité sanitaire de l’ARS en présence du responsable du site. Si, compte tenu des anomalies relevées, l’agence n’a pas estimé devoir saisir le préfet d’une demande de fermeture de l’établissement, elle a enjoint par lettre du 26 juillet 2018 à ces professionnels de corriger plusieurs anomalies affectant l’installation ainsi que son utilisation. Toutefois, eu égard à l’absence de suite donnée dans les délais raisonnables à ces préconisations, l’ARS a saisi le juge disciplinaire d’une plainte à l’encontre de M. M. et de Mme D. en invoquant le manquement aux obligations déontologiques relatives à la qualité des soins et des moyens techniques mis en œuvre telles que prévues aux articles R. 4321-54 et R. 4321-114 du code de la santé publique. Par une décision en date du 12 juillet 2019, la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de la région Normandie a rejeté cette plainte. L’ARS de Normandie et le Conseil national de l’ordre des masseurs- kinésithérapeutes ont interjeté appel de cette décision.
Sur la recevabilité des appels :
En ce qui concerne l’appel de l’ARS : 2- Il ressort des pièces du dossier que la décision du 12 juillet 2019 a été notifiée à l’ARS de Normandie le 15 juillet 2019 ainsi qu’en atteste l’avis de réception en retour et que l’appel formé par cet établissement devant la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des masseurs- kinésithérapeutes a été enregistré à la date du 14 août 2019 au greffe de la chambre disciplinaire nationale. Ainsi l’appel de l’ARS de Normandie a été formé dans le délai de trente jours fixé par l’article R. 4126-44 du code de la santé publique et il est par suite recevable.
En ce qui concerne l’appel du Conseil national de l’ordre 3- Aux termes du VI de l’article L. 4122-3 du code de la santé publique : « Peuvent faire appel, outre l’auteur de la plainte et le professionnel sanctionné, le ministre chargé de la santé, le directeur général de l’agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil départemental ou territorial et le Conseil national de l’ordre intéressé ». Ces dispositions confèrent au Conseil national de l’ordre la possibilité d’interjeter appel d’une décision rendue par une chambre disciplinaire de première instance alors même qu’il n’était pas partie en première instance. L’exception d’irrecevabilité opposée à ce titre par M. M. et Mme D. doit donc être écartée. 4- Il résulte de l’instruction que l’appel du Conseil national de l’ordre des masseurs- kinésithérapeutes a été présenté par sa présidente en exercice à la suite d’un vote électronique intervenu du 22 au 26 aout 2019 confirmé par une délibération collégiale du conseil national en date du 18 septembre 2019. Ainsi le moyen tiré de ce que l’appel aurait été présenté par une personne incompétente ne peut qu’être rejeté. Sur la régularité de la décision attaquée : 5- Aux termes de l’article R. 4126-14 du code de la santé publique rendu applicable aux masseurs-kinésithérapeutes par l’article R. 4323-3 du même code : « Le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit à la date d’engagement de l’action disciplinaire ou, à défaut, celui au tableau duquel il était inscrit en dernier lieu reçoit communication des mémoires et pièces produites par les parties. Ce conseil peut produire des observations dans les conditions de nombre et de délai requis dans la communication. Celles-ci sont communiquées aux autres parties ». 6- Il ressort des pièces de la procédure suivie en première instance que la chambre disciplinaire de première instance de Normandie lorsqu’elle a rendu la décision attaquée a omis de mettre en cause le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Seine- Maritime au tableau duquel les professionnels étaient inscrits. En statuant ainsi la chambre disciplinaire de première instance a méconnu les dispositions de l’article R 4126-14 du code de la santé publique. Il y a lieu dès lors d’annuler la décision ainsi irrégulièrement rendue. 7- Les requêtes de l’ARS de Normandie et du Conseil national de l’ordre des masseurs- kinésithérapeutes ayant été communiquées par la chambre disciplinaire nationale au conseil départemental de l’ordre, qui ainsi était en mesure de produire à l’instance, l’affaire est en l’état. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la plainte présentée devant la chambre disciplinaire de première instance par l’ARS de Normandie.
Sur la recevabilité de la plainte :
En ce qui concerne le grief tiré de ce que les faits reprochés aux professionnels poursuivis auraient été relevés dans le cadre d’un contrôle irrégulièrement effectué par l’ARS : 8- Aux termes de l’article L. 1431-2 du code de la santé publique : « Les agences régionales de santé sont chargées, en tenant compte des spécificités de chaque région : (….) 2° De réguler, d’orienter et d’organiser, notamment en concertation avec les professionnels de santé et les acteurs de la promotion de la santé, l’offre de services de santé, de manière à répondre aux besoins en matière de prévention, de promotion de la santé, de soins et de services médico-sociaux, et à garantir l’efficacité du système de santé./ A ce titre : (…) e) Elles veillent à la qualité des interventions en matière de prévention, de promotion de la santé, à la qualité et à la sécurité des actes médicaux, de la dispensation et de l’utilisation des produits de santé ainsi que des prises en charge et accompagnements médico-sociaux et elles procèdent à des contrôles à cette fin (…) ». Aux termes de l’article L. 1435-7-1 du même code « Le directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétente peut prononcer, à l’encontre des personnes physiques ou morales, des sanctions financières qui peuvent être assorties d’astreintes journalières, dans les cas prévus par la loi et, le cas échéant, par décret en Conseil d’Etat/ Il peut, le cas échéant, mettre en demeure ces mêmes personnes de régulariser la situation/ Le directeur général de l’agence met préalablement à même la personne physique ou morale concernée de présenter ses observations, avec l’indication de la possibilité de se faire assister d’un conseil ». Aux termes de l’article R. 1435-10 de ce code : « Lorsqu’il désigne des inspecteurs et des contrôleurs pour exercer les missions de contrôle prévues à l’article L. 1421-1 du présent code et à l’article L. 313-13 du code de l’action sociale et des familles, le directeur général de l’agence régionale de santé précise la nature des missions susceptibles de leur être confiées ». Aux termes de l’article R. 1435-11 de ce code : « Le contrôleur exerce ses missions sous l’autorité d’un inspecteur, d’un pharmacien inspecteur de santé publique, d’un médecin inspecteur de santé publique, d’un inspecteur de l’action sanitaire et sociale, d’un ingénieur du génie sanitaire ou d’un ingénieur d’études sanitaires ». 9- Si les professionnels poursuivis font valoir que les faits qui leur sont reprochés par l’ARS devant la juridiction disciplinaire ont été relevés par cet établissement dans le cadre d’une procédure d’inspection entachée de plusieurs irrégularités, il n’appartient pas au juge disciplinaire de connaitre de la régularité de la procédure suivie par un établissement public dans le cadre de sa mission administrative dont le contrôle relève du juge administratif de droit commun. Il résulte en tout état de cause de l’instruction, que la procédure suivie par l’ARS en application de l’article L. 1431-2 du code de la santé publique n’était pas subordonnée ainsi que le soutiennent les requérants à « l’existence d’un risque avéré ou de fortes présomptions », qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que les techniciens sanitaires qui ont procédé à l’inspection n’auraient pas disposé des habilitations prévues aux articles R 1435-10 et R 1435- 11 du code de la santé publique et que les professionnels contrôlés ont bénéficié de la possibilité de présenter leurs observations et disposé d’un délai de mise en conformité de leurs installations. Ainsi, dès lors que les irrégularités invoquées n’ont pas fait l’objet de la part des professionnels poursuivis de conclusions d’annulation dirigées contre la procédure de contrôle menée par l’ARS de Normandie devant la juridiction de droit commun, il n’y a pas lieu pour le juge disciplinaire d’écarter les constatations du rapport sur l’état des installations et les déficiences du contrôle de la qualité des eaux, lesquelles ne sont d’ailleurs pas matériellement contestées par les professionnels poursuivis. Il suit de là que les conclusions de M. M. et de Mme D. tendant à la nullité de la plainte disciplinaire en raison de l’irrégularité de l’inspection doivent être écartées.
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que les griefs de la plainte ne pouvaient être portés devant la juridiction disciplinaire de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes : 10- Aux termes de l’article R. 4321-54 : « Le masseur-kinésithérapeute respecte, en toutes circonstances, les principes de moralité, de probité et de responsabilité indispensables à l’exercice de la masso-kinésithérapie ». Aux termes de l’article R. 4321-80 du code de la santé publique : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le masseur- kinésithérapeute s’engage personnellement à assurer au patient des soins consciencieux, attentifs et fondés sur les données actuelles de la science ». 11- Aux termes de l’article R. 4126-1 du code de la santé publique rendu applicable aux masseurs-kinésithérapeutes par l’article R. 4323-3 du même code : « L’action disciplinaire contre un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme ne peut être introduite devant la chambre disciplinaire de première instance que par l’une des personnes ou autorités suivantes : (….) 2° Le ministre chargé de la santé, le préfet de département dans le ressort duquel le praticien intéressé est inscrit au tableau, le directeur général de l’agence régionale de santé dans le ressort de laquelle le praticien intéressé est inscrit au tableau, le procureur de la
République du tribunal judiciaire dans le ressort duquel le praticien est inscrit au tableau ». Il résulte de ces dispositions que la directrice générale de l’Agence régionale de santé de Normandie pouvait à la suite de l’inspection relative à la qualité et à la sécurité des actes paramédicaux accomplis par un masseur-kinésithérapeute indépendamment des suites administratives données à ce contrôle saisir le juge disciplinaire s’il estime que les constats effectués à cette occasion font apparaitre des manquements aux obligations déontologiques s’imposant à un professionnel dans le cadre de son exercice. Il est constant que l’ARS faisait valoir en l’espèce qu’en recevant des patients dans des installations non conformes et mal contrôlées, M. M. et Mme D. avaient méconnu leurs obligations en matière de qualité des soins ainsi que les dispositions de l’article R. 4321-114 du code de la santé publique. Ces professionnels ne sont ainsi pas fondés à soutenir que l’irrespect d’obligations de nature réglementaire n’étaient pas susceptibles de donner lieu à des sanctions disciplinaires.
Sur la réglementation applicable : 12- Aux termes de l’article L. 1332-1 du code de la santé publique issu de l’article 42 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques: « Toute personne qui procède à l’installation d’une piscine, d’une baignade artificielle ou à l’aménagement d’une baignade, publique ou privée à usage collectif, doit en faire, avant l’ouverture, la déclaration à la mairie du lieu de son implantation/ Cette déclaration, accompagnée d’un dossier justificatif, comporte l’engagement que l’installation de la piscine ou l’aménagement de la baignade satisfait aux normes d’hygiène et de sécurité fixées par les décrets mentionnés aux articles L. 1332-7 et L. 1332-8 (…) ». Aux termes de l’article L. 1332- 8 de ce code issu de la même loi : « La personne responsable d’une piscine ou d’une baignade artificielle est tenue de surveiller la qualité de l’eau et d’informer le public sur les résultats de cette surveillance, de se soumettre à un contrôle sanitaire, de respecter les règles et les limites de qualité fixées par décret, et de n’employer que des produits et procédés de traitement de l’eau, de nettoyage et de désinfection efficaces et qui ne constituent pas un danger pour la santé des baigneurs et du personnel chargé de l’entretien et du fonctionnement de la piscine ou de la baignade artificielle ». Aux termes de l’article D. 1332-1 du même code issu du décret n° 2006- 676 du 8 juin 2006 pris pour l’application des dispositions précédentes : « Les normes définies dans la présente section s’appliquent aux piscines et aux baignades aménagées autres que celles réservées à l’usage personnel d’une famille/ Une piscine est un établissement ou une partie d’établissement qui comporte un ou plusieurs bassins artificiels utilisés pour les activités de bain ou de natation. Les piscines thermales et les piscines des centres de réadaptation fonctionnelle, d’usage exclusivement médical, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente section (…) ». 13- Il ressort des pièces du dossier que M. M. exploite en qualité de titulaire un cabinet de masso-kinésithérapie équipé d’un bassin spécialement aménagé pour recevoir des patients en vue de la réalisation de soins paramédicaux. Cet équipement doit être regardé comme une piscine au sens des articles L. 1332-1 et suivants du code de la santé publique, ces dispositions ayant vocation à définir le régime juridique de l’ensemble des bassins utilisés pour les activités de bain ou de natation à l’exception prévue à l’article D 1332-1 des piscines thermales et des établissements de santé autorisés à dispenser des soins de suite et de réadaptation qui font l’objet d’une réglementation propre. Contrairement à ce que soutiennent M. M. et Mme D. les piscines aménagées par les masseurs-kinésithérapeutes au sein de leur cabinet en vue de la réalisation de soins de balnéothérapie ne sauraient entrer dans le champ de ces exceptions qui ne concernent pas toutes les piscines d’usage médical. Si ces professionnels soutiennent en outre que la réglementation prise en application de l’article L 1332-1 du code de la santé publique serait, en raison des exigences de publicité de la qualité des eaux prévues aux articles D 1332- 23 et D 1332-24 du même code, inapplicable aux bassins à usage médical, il résulte des termes mêmes de ces dispositions que celles-ci sont exclusivement consacrées aux « eaux de baignade » et excluent expressément « les bassins de natation et de cure ». Dans ces conditions, M. M. et Mme D. ne sauraient se prévaloir de ce que l’ARS de Normandie aurait commis une erreur de droit en exigeant d’eux la conformité de leurs installations aux obligations prévues par la réglementation prise en application de l’article L 1132-1 du même code et fixant les règles sanitaires applicables aux piscines.
Sur les griefs de la plainte : 14- Aux termes de l’article D 1332-2 du code de la santé publique : « L’eau des bassins des piscines doit répondre aux normes physiques, chimiques et microbiologiques » dont il définit les caractéristiques minimales. Aux termes de l’article D 1332-10 du même code : « La capacité d’accueil de l’établissement doit être affichée à l’entrée (…). ». Aux termes de l’article D 1332-12 de ce code : « Les revêtements de sols rapportés, semi-fixes ou mobiles, notamment les caillebotis, sont interdits exception faite des couvertures de goulotte ». L’arrêté du 7 avril 1981 modifié définit les dispositions techniques applicables aux piscines. Aux termes de l’article 2 de ce texte l’alimentation en eau ne s’effectue pas en amont de l’installation de l’établissement. L’article 3 exige un renouvellement quotidien de l’eau du bassin en fonction du nombre de baigneurs l’ayant fréquenté L’article 4 prévoit que les piscines doivent être munies de filtre permettant un contrôle de l’encrassement. L’article 5 définit notamment les teneurs en produits chlorés. L’article 6 prévoit que l’injection des produits chimiques ne doit pas se faire directement dans le bassin. L’article 11 impose la tenue d’un carnet sanitaire. 15- Il ressort du rapport établi le 6 juillet 2018 par la mission d’inspection missionnée par l’ARS de Normandie que la piscine exploitée par M. M. ne satisfaisait pas sur de nombreux points aux dispositions précitées. C’est ainsi que les mesures réalisées par la mission ont fait apparaitre la quasi absence de chlore disponible dans le bassin, une teneur en stabilisant supérieure au seuil réglementaire et une teneur en chlore combiné inférieure au seuil. Cette qualité de l’eau ne répondant pas aux exigences de l’article D 1332-2 du code de la santé publique et de l’article 5 de l’arrêté du 7 avril 1981 modifié a été permise par l’absence de contrôle sanitaire et de prélèvements réguliers prescrits deux fois par jour par l’article 11 de ce texte. Elle tient aussi, selon le même rapport, à des installations techniques ne répondant pas aux exigences réglementaires notamment une alimentation en eau s’effectuant directement dans le bassin en violation de l’article 2 de l’arrêté du 7 avril 1981 modifié et à une absence d’enregistrement des renouvellements d’eau journaliers tel que prévue à l’article 3 du même arrêté. Enfin le rapport relève un ensemble d’anomalies dues au mauvais entretien à l’entrée de la piscine (grilles de ventilation rouillées, peintures écaillées, paillasson sale, stockages inadaptés) et à la défaillance de mesures de prévention contre la légionellose au niveau des douches par absence de relevé de température. Ces anomalies ont conduit l’ARS à formuler 15 prescriptions relatives à des écarts de réglementation et 9 recommandations. 16- Il résulte de l’article R 4321-114 précité du code de la santé publique qu’un professionnel est tenu de disposer au lieu de son exercice professionnel d’une installation convenable obéissant aux normes exigées par la réglementation. Aussi, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges le fonctionnement d’une installation gravement défaillante antérieurement à l’inspection suffit à soi seul à constituer une faute déontologique susceptible de valoir au professionnel concerné une sanction disciplinaire. Il est constant, en outre, que les carences relevées notamment l’absence d’analyses régulières de la teneur en chlore disponible de nature à éviter la prolifération de germes pathogènes ainsi que l’absence de carnet sanitaire étaient de nature à compromettre la qualité et la sécurité des soins telles qu’exigées par les articles R. 4321-54 et R 4321-80 du code de la santé publique. S’il y a lieu de tenir compte de ce que le premier énoncé des griefs par lettre du 26 juillet 2018 ne comportait pas de délai de mise en conformité mais formulait seulement une date limite pour répondre, les échanges postérieurs de l’ARS avec les professionnels auraient dû conduire ceux-ci soit à suspendre le fonctionnement de leur installation soit à la mettre en conformité. Il est constant qu’à la date du dépôt de la plainte devant la juridiction disciplinaire celle-ci n’avait pas été effectuée, la production de simples devis de travaux ne pouvant en tenir lieu. Dans ces conditions et à supposer que les installations répondent désormais à la réglementation ainsi que le soutiennent les professionnels poursuivis, cette circonstance n’est pas de nature à effacer leur responsabilité pour la période pendant laquelle le cabinet a irrégulièrement fonctionné. 17- Il résulte de ce qui précède que l’ARS de Normandie est fondée à soutenir que les professionnels en cause ont commis une faute susceptible de leur valoir une des sanctions prévues à l’article L 4124-6 du code de la santé publique.
Sur les sanctions : 18- Il appartient au juge disciplinaire d’apprécier le respect des obligations déontologiques en tenant compte des conditions dans lesquelles le professionnel exerce son art ainsi que des missions et prérogatives qui sont les leurs dans le cadre de cet exercice. 19- Eu égard à sa qualité de titulaire du cabinet de masso-kinésithérapie exploitant l’équipement de balnéothérapie ici en cause il appartenait à M. M. de s’assurer de sa compatibilité avec les prescriptions réglementaires et de son bon fonctionnement. Il sera ainsi fait une juste appréciation de la gravité des fautes commises en lui infligeant la sanction de l’interdiction d’exercer la profession de masseur-kinésithérapeute pendant trois mois dont deux mois assortis du bénéfice du sursis. 20- La qualité de collaboratrice libérale de Mme D. ne saurait la soustraire aux règles de déontologie applicables à ce mode d’exercice tant en ce qui concerne les modalités de son activité que les installations qu’elle utilise. Elle était donc tenue à ce titre d’exiger la communication d’analyses régulières afin de s’assurer de la qualité des eaux de la piscine, qui devaient être désinfectées et désinfectantes, pour respecter les règles d’hygiène et de propreté et ne pas compromettre la sécurité des patients. Toutefois eu égard au fait que l’installation était mise à sa disposition moyennant redevance et qu’elle n’a pas été avertie de la mise en demeure de l’ARS, il y a lieu de limiter la sanction au blâme.
Sur les frais liés au litige : 21- Les dispositions du I de l’article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’ARS de Normandie et du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. D E C I D E :
Article 1er : La décision n° 01-2019 et 02-2019 en date du 1er juillet 2019 de la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l’ordre des masseurs kinésithérapeutes de Normandie est annulée.
Article 2 : La peine de l’interdiction d’exercer la masso-kinésithérapie pendant une durée de trois mois dont deux mois avec sursis est prononcée à l’encontre de M. M. Article 3 : L’exécution de cette sanction pour la partie non assortie du sursis prendra effet à compter du 1er avril 2021 à 0h00 et cessera de porter effet le 1er mai 2021 à minuit.
Article 4 : La sanction du blâme est prononcée à l’encontre de Mme D.
Article 5 : Les dispositions du I de l’article 75-1 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 font obstacles à ce qu’une somme soit mise à ce titre, tant en ce qui concerne la première instance que l’appel, à la charge de l’ARS et du Conseil national de l’ordre des masseurs- kinésithérapeutes.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. M., Mme D., au conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Seine-Maritime, au conseil national de l’ordre des masseurs- kinésithérapeutes, à l’Agence régionale de santé de Normandie, à la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Normandie, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dieppe, au procureur de la République près le tribunal judiciaire du Havre, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen et au ministre des Solidarités et de la Santé.
Copie pour information en sera délivrée à Maître Langeard et Maître Tugaut.
Ainsi fait et délibéré par M. BARDOU, Conseiller d’Etat honoraire, Président, MM. MAIGNIEN, DUCROS, DEBIARD, POIRIER, membres assesseurs de la chambre disciplinaire nationale.
Gilles BARDOU Pauline DEHAIL Conseiller d’Etat honoraire Greffière Président
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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