Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, Section A, Affaire 803 - Vente sur internet de produits de santé, 30 septembre 2015, n° 2300-D

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Résumé de la juridiction

Les juges de première instance ont fait une juste application des sanctions prévues par la loi en prononçant à l’encontre du pharmacien poursuivi la sanction du blâme avec inscription au dossier. Ce dernier a demandé au site internet, commun à plusieurs officines, de suspendre toute référence à sa pharmacie dès qu’il a eu connaissance de la plainte déposée à son encontre par le président du CNOP. Il a en outre plaidé sa bonne foi dès lors que ledit site lui semblait présenter toutes les garanties requises, son dossier ayant été validé par l’agence régionale de santé (ARS). Le plaignant a, lui même, reconnu la complexité de la situation au moment des faits, notamment en raison de l’annulation de l’arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique, à la suite d’un arrêt du Conseil d’Etat en date du 16 mars 2015, mais aussi du fait des réponses divergentes apportées par les ARS dans les dossiers de demande d’autorisation des sites internet de pharmacie.

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Sur la décision

Référence :
ONPH, sect. a, 30 sept. 2015, n° 2300-D
Numéro(s) : 2300-D
Dispositif : Poursuivi : , Décision : Blâme avec inscription au dossier ;

Sur les parties

Texte intégral

Chambre de discipline du conseil régional de l’ordre des pharmaciens
Languedoc – Roussillon
Maison des professions libérales, 285 rue Alfred Nobel, 34000
Montpellier Tél : 04 67 50 45 50. Fax : 04 67 22 01 19
Affaire …
Décision n°2300-D Mme A
Audience du 25 septembre 2015
Décision rendue publique par affichage le 30 septembre 2015
Vu la plainte, reçue et enregistrée le 18 juillet 2014 au greffe de la chambre de discipline du conseil régional de l’ordre des pharmaciens du Languedoc-Roussillon, déposée, pour le conseil national de l’ordre des pharmaciens, dont le siège est 4 avenue Ruysdaël, 75379 Paris cedex 08, par sa présidente, à l’encontre de Mme A, pharmacienne, domiciliée « Pharmacie A », … ;
Le plaignant demande que l’une des sanctions prévues à l’article L. 4234-6 du code de la santé publique soit infligée à Mme A;
Il soutient que l’intéressée a contrevenu aux dispositions des articles L.5225-33, R.5235-12,
R.5235-18, R. 5235-58 et R. 5235-65 du même code ; que Mme A utilise, depuis le mois de mai 2014, un site électronique de vente de médicaments dont la consultation a révélé certaines irrégularités :
-le site est rattaché à un site commun à plusieurs officines, dénommé C, édité par la société B, ce qui constitue un cas de sous-traitance à un tiers d’une partie de l’activité ;
-la présentation des médicaments, associée à une rubrique « les internautes ont également acheté», est source de confusion dans la mesure où elle peut inciter le consommateur à considérer que tous les produits présentés sont des médicaments ; chaque page de présentation d’un médicament contient un tableau simplifié comportant les indications, mode d’emploi, contre-indications et composition du produit, au détriment du RCP ou de la notice, qui sont obligatoires ; le logo de la marque apparaît à côté de la spécialité proposée, et permet de connaître les autres spécialités offertes par l’entreprise ; les médicaments peuvent être choisis selon leur nature générique ou le profil du patient ;
-la confidentialité et la sécurité des données personnelles des patients ne sont pas garanties par les conditions générales de vente du site C ;
-l’information sur le régime de prix des médicaments fait défaut ;
Vu la notification de cette plainte à Mme A, le 24 juillet 2014, par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Ordre national des pharmaciens N°
Vu la désignation de Mme R, membre du conseil régional de l’ordre des pharmaciens, en qualité de rapporteur ;
Vu la décision du conseil régional de l’ordre des pharmaciens du Languedoc-Roussillon de traduire Mme A devant la chambre de discipline ;
Vu, reçu et enregistré le 11 août 2014, le mémoire en défense présenté par Mme A qui conclut au rejet de la plainte ; Mme A expose que dès réception de la plainte, elle a suspendu le fonctionnement du site internet incriminé ; que de mai à août 2014, il a été mis en œuvre avec la même rigueur que celle avec laquelle elle exerce sa profession au comptoir ; que le service ainsi rendu aux patients à mobilité réduite est indiscutable, et indissociable de l’exercice en officine ; que les clients retrouvent sur le site internet les mêmes produits et la même relation de conseil et de contrôle que dans la pharmacie ; que son dossier de création a reçu l’autorisation de l’agence régionale de santé ;
qu’elle s’est appuyée sur l’expertise informatique de C qui paraissait offrir toutes les garanties nécessaires ;
-que la dispensation des médicaments s’est toujours effectuée sous la seule responsabilité du pharmacien, à partir de la consultation d’un catalogue partagé, dont l’existence était connue de l’ARS ; que C dispose d’un mandat pour encaisser en son nom et pour son compte ; que l’opération comptable correspondante est totalement distincte de la dispensation ;
-que le client qui clique sur la rubrique « les internautes ont également acheté » est dirigé vers un nouvel onglet « parapharmacie », ce qui ne peut l’induire en erreur ; qu’au demeurant les pharmaciens ont toujours pratiqué le conseil portant sur des produits non médicamenteux, exposés en vitrine ou devant les comptoirs ; que la présence du logo de la marque est de nature à rassurer le patient sur l’authenticité du produit ; que le client peut ouvrir un onglet proposant le RCP et la notice en plus du tableau simplifié ; que l’utilisation du module de tri du médicament selon différents filtres n’est pas imposée au patient et a été validée par l’ARS;
-que la transmission éventuelle des données personnelles des patients à des tiers a seulement pour objet de permettre la bonne exécution des prestations et non leur diffusion à des fins commerciales ;
Vu, reçus et enregistrés les 13 mars, 18 mai et 7 juillet 2015, les mémoires en réplique présentés par le conseil national de l’ordre des pharmaciens, qui conclut aux mêmes fins que sa plainte par les mêmes moyens ;
Le plaignant expose en outre que l’arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique ayant été annulé par le Conseil d’Etat le 16 mars 2015, il abandonne certains griefs dont ce texte était le fondement : la présentation des médicaments sous forme de tableaux simplifiés, la sélection possible des produits par profil de patients, le défaut d’information sur le régime de prix des médicaments ; qu’il maintient les griefs fondés sur la méconnaissance de certains articles du code de la santé publique, soit le rattachement du site internet de Mme A à une plate-forme commune (L.5125-33, L.5125-25 et
L.5125-26), la présence de la rubrique « les internautes ont également acheté » (R.4235-58), la possibilité de transmission à des tiers des données personnelles communiquées par les patients en contradiction avec l’obligation d’indépendance du pharmacien (R.4235-18) ; que la circonstance que Mme A a suspendu le fonctionnement du site internet incriminé démontre la pertinence de l’action disciplinaire engagée ;
Vu, reçus et enregistrés les 17 juin et 11 septembre 2015 les nouveaux mémoires en défense, présentés pour Mme A par Me François-Régis Vernhet, avocat, qui persiste dans ses écritures ;

Ordre national des pharmaciens N°.

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Elle expose en outre qu’elle dispose de son propre site internet, dont les modalités concrètes de fonctionnement attestent qu’elle ne sous-traite pas la vente de médicaments et que ses commandes ne passent par l’intermédiaire d’aucun courtier ; qu’elle questionne directement par mail ou téléphone chaque patient et expédie les médicaments directement depuis son stock physique ; que l’encaissement du prix par C n’est qu’une facilité comptable non déontologiquement critiquable ;
que la présentation des médicaments sur le site n’est pas de nature à induire une publicité trompeuse ou une confusion quant au type de produit ; que le RCP et la notice sont mis en ligne dans leur intégralité ; que l’ordre opère une confusion entre marketing et commerce en ce qui concerne l’objectif supposé de la transmission des données personnelles ;
Vu la convocation à l’audience du 25 septembre 2015, adressée à l’intéressée par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 avril 2015;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique (quatrième partie, livre deuxième);
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 septembre 2015:
− Mme R, en son rapport ;
−Mme A, en ses réponses aux questions posées par les membres de la chambre de discipline par l’intermédiaire du président ;
- M. Alain Delgutte, représentant la présidente du conseil national de l’ordre des pharmaciens, en ses observations ;
- Mme A, en ses explications, ayant eu la parole en dernier ;

Sur la plainte :
1. Considérant que Mme A, qui exploite une officine de pharmacie à …, a développé, à compter du mois de mai 2014, une activité de commerce électronique de médicaments à partir d’un « hébergeur» dénommé C qui propose un catalogue commun de produits et procède à l’encaissement du prix acquitté par les clients dont le compte est créé auprès de lui ; que la page de présentation des spécialités pharmaceutiques permet l’accès à d’autres produits, via une rubrique intitulée « les internautes ont également acheté»; que les conditions générales de vente propres au site C ménagent la possibilité de transmission à des tiers des données personnelles des clients ; que la présidente du conseil national de l’ordre des pharmaciens soutient que ces éléments traduisent, de la part de Mme A, dans l’exercice de son activité de commerce électronique de médicaments telle que définie à l’article L.5125-33 du code de la santé publique, une violation des articles L.5125-25, L.5125-26,
R.4235-58 et R.4235-18 du même code;

Ordre national des pharmaciens N° .4 2. Considérant qu’aux termes de l’article L.5125-33 du code de la santé publique : « On entend par commerce électronique de médicaments l’activité économique par laquelle le pharmacien propose ou assure à distance et par voie électronique la vente au détail et la dispensation au public de médicaments à usage humain et, à cet effet, fournit des informations de santé en ligne. L’activité de commerce électronique est réalisée à partir du site internet d’une officine de pharmacie. (…) Le pharmacien titulaire de l’officine (…) est responsable du contenu du site internet qu’il édite et des conditions dans lesquelles l’activité de commerce électronique de médicaments s’exerce. (..) » ; qu’en application de ces dispositions, le pharmacien qui se livre au commerce électronique de médicaments demeure responsable du contenu, des modalités de mise en œuvre et de fonctionnement du site de vente en ligne correspondant, même lorsqu’il en a confié la réalisation et la maintenance à une société spécialisée à cet effet ;
3. Considérant que l’article L.5125-25 du même code dispose : « Il est interdit aux pharmaciens ou à leurs préposés de solliciter des commandes auprès du public. Il est interdit aux pharmaciens de recevoir des commandes de médicaments et autres produits (…) par l’entremise habituelle de courtiers et de se livrer au trafic et à la distribution à domicile de médicaments (…) dont la commande leur serait ainsi parvenue (…) »; qu’aux termes de l’article L.5125-26 du code : « Est interdite la vente au public de tous médicaments (…) par l’intermédiaire de maisons de commission, de groupements d’achats ou d’établissements possédés ou administrés par personnes non titulaires de l’un des diplômes (…)» ; qu’il résulte de l’instruction que l’adresse électronique de la « Pharmacie A » exploitée par Mme A renvoie, en ce qui concerne l’achat en ligne de médicaments, au site internet C, https://www.c.com , commun à plusieurs officines ; que c’est auprès de ce site qu’est créé le compte personnel et encaissé le paiement de chaque client de Mme A ; que les modalités de fonctionnement ainsi décrites du site de commerce électronique utilisé par Mme A, à partir d’un catalogue commun, révèlent une infraction aux dispositions des articles L.5125-25 et L.5125-26 précités du code de la santé publique ;
4. Considérant qu’aux termes de l’article R.4235-58 : « La publicité pour les produits ou articles dont la vente n’est pas réservée aux pharmaciens est admise à condition de (…) 4° ne pas être trompeuse pour le consommateur » ; qu’il n’est pas contesté que, à chaque médicament présenté sur le site incriminé, est associée une rubrique « Les internautes ont également acheté», qui s’ouvre sur la présentation de produits de parapharmacie ; qu’en incitant le client à penser que ces produits seraient complémentaires de la spécialité qu’il se propose de commander, voire que leur consommation lui serait bénéfique, un tel procédé, qui s’appuie sur des données statistiques d’achats associés et ne peut être assimilé au conseil personnalisé auquel les pharmaciens sont autorisés lorsqu’ils recommandent certains produits en complément du médicament qu’ils délivrent, procède d’une méconnaissance des dispositions du 4° de l’article R. 4235-58 du code de la santé publique ;
5. Considérant qu’aux termes de l’article R.4235-18 du code de la santé publique : « Le pharmacien ne doit se soumettre à aucune contrainte financière, commerciale, technique ou morale, de quelque nature que ce soit, qui serait susceptible de porter atteinte à son indépendance dans l’exercice de sa profession, notamment à l’occasion de la conclusion de contrats, conventions ou avenants à objet professionnel » ; qu’il résulte de l’article 7.2 des conditions générales de vente (CGV) du site de commerce électronique mis en œuvre par Mme A que les données personnelles de ses clients pourront être transmises à des prestataires de C aux fins de gestion marketing et de relation client, étant précisé que certains de ces prestataires peuvent se trouver hors de l’Union européenne ; qu’en n’exigeant pas la suppression de cette condition particulière des CGV, et en laissant ainsi à C la possibilité de diffuser ces données à des tiers à des fins commerciales, Mme A a renoncé à conserver la maîtrise des données personnelles que lui
Ordre national des pharmaciens 5 confient ses clients, et a méconnu l’obligation d’indépendance que lui imposent les dispositions précitées de l’article R.4235-18 du code ;
6.

Considérant que Mme A n’est pas fondée à soutenir que la plainte serait désormais sans objet au motif qu’elle aurait suspendu le fonctionnement du site de commerce électronique de médicaments incriminé en août 2014, dès lors qu’à la supposer établie, cette suspension n’est intervenue qu’en raison du dépôt de la plainte du conseil national de l’ordre, et qu’au surplus, elle ne s’est traduite que par une interruption momentanée de la fonction « achats », sans qu’ait été dénoncé le contrat liant Mme A à C, qui a été tacitement reconduit ;

Sur la peine :

7. Considérant qu’aux termes de l’article L.4234-6 du code de la santé publique : « La chambre de discipline prononce, s’il y a lieu, l’une des peines suivantes : 1° l’avertissement; 2° le blâme avec inscription au dossier; 3° l’interdiction temporaire ou définitive de servir une ou la totalité des fournitures faites, à quelque titre que ce soit, aux établissements publics ou reconnus d’utilité publique, aux communes, aux départements ou à l’Etat ; 4° l’interdiction, pour une durée maximum de cinq ans, avec ou sans sursis, d’exercer la pharmacie ; 5° l’interdiction définitive d’exercer la pharmacie (…). Si, pour des faits commis dans un délai de cinq ans à compter de la notification d’une sanction assortie d’un sursis, dès lors que cette sanction est devenue définitive, la juridiction prononce la sanction prévue au 4°, elle peut décider que la sanction, pour la partie assortie du sursis, devient exécutoire sans préjudice de l’application de la nouvelle sanction (…)»;
que, eu égard à ce qui a été qualifié aux points 3, 4, 5 et 6, il y a lieu d’infliger à Mme A un blâme pour méconnaissance des articles L. 5125-33, L.5125-26, R.4235-58 et R.423518 du même code ;

DECIDE :

Article1er : En application du 2° de l’article L.4234-6 du code de la santé publique, il est prononcé, à l’égard de Mme A, un blâme pour méconnaissance des articles L. 5125-33, L.5125-26, R.4235-58 et R.4235-18 du même code.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à :
- Mme A,
La présidente du conseil national de l’ordre des pharmaciens, le directeur général de l’Agence régionale de santé du LanguedocRoussillon, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, le président du conseil central des pharmaciens titulaires d’officines.

Ordre national des pharmaciens N°
Délibéré après l’audience du 25 septembre 2015, à laquelle siégeaient : Mme Marie-Christine Bertinchant, président honoraire de tribunal administratif, président, Mmes C. Laguerre, H. Miele, S. Seminel et MM. A. Barillon, P. Benefice, M. Devaux, B.
Galon, A. Gourou, R. Garcia, J-M. Raynier et G. Roger, membres du conseil de l’ordre,
Assistés de Mme Carole Laporte, secrétaire-greffière,
La secrétaire-greffière,
Le président de la Chambre de discipline
Signé
Signé
Marie Christine Bertinchant
Carole Laporte
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,
Montpellier, le 30 septembre 2015
Pour le président du conseil régional de l’ordre
La secrétaire-greffière signé
Carole Laporte
DÉLAI D’APPEL :
En application de l’article L. 4234-7 du code de la santé publique, la présente décision est susceptible de faire l’objet d’un appel devant le conseil national, dans un délai d’un mois à date de sa notification.

Ordre national des pharmaciens

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Textes cités dans la décision

  1. Code de la santé publique
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Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, Section A, Affaire 803 - Vente sur internet de produits de santé, 30 septembre 2015, n° 2300-D